Et si ça n'avait jamais été ainsi entre nous.
Et si nous étions de vrais frères et sœurs.
La paume de ma main vient appuyer les os de mes doigts. Le craquement meurt dans le brouhaha du véhicule scolaire, sous ses éclats de rires et de voix. Ma nervosité augmente d'un cran. Mes yeux parcourent les groupes d'élève déjà formés, les plissant dès que certains regards se tournent vers moi. Vers nous.
Mon visage a encore quelques traits enfantins, à peine cassés par le début léger de barbe que j'évite de raser ces derniers temps – je trouve que ça permet de séparer l'enfance que je quitte encore plus et la vie de jeune que j'ai vraiment commencé – même si Blake me dit que je suis mieux sans. Mes cheveux courts et clairs retombent en de fines mèches sur le coin de mon front, mes vêtements se résument à un jean et un t-shirt de marque. Le sac déposé à mes pieds est rempli de cahiers et de feuilles de cours encore vierges. En pleine adolescence, je suis sur la route de l'école qui reprend ce matin-même. Les vacances se sont achevées il y a peu, habitées de devoirs, de quelques sorties, mais surtout de ces moments passés avec elle. De ces moments avec Blake, ma jumelle qui essuie une mauvaise période à cause de sa non confiance en elle. A cause de son poids. C'est une chose que je n'ai jamais compris, une chose qui me dépasse. Comment peut-elle s'arrêter sur ce reflet qui ne lui plaît pas – pour une raison qui m'échappe encore – sur les regards en coin qu'elle peut se recevoir ? Je ne sais combien de fois je lui ai dit qu'elle était belle, maintenant. Je ne sais combien de fois je l'ai réconforté, la prenant dans mes bras pour lui assurer que l'avis des autres ne comptait pas. Que l'avis des autres serait toujours négatif à un moment ou à un autre, quoique l'on fasse. Mais surtout, que les autres n'avaient qu'à se regarder avant d'ouvrir leur bouche pleine de venin. Que elle, Blake Marshall, n'est pas ma jumelle pour rien : Personne ne l'égale, quelques kilos en trop ou non. Lorsque je l'ai vu quitter l'établissement scolaire à cause tout ça, je n'ai eu que de la rage au ventre. J'ai commencé à me venger un peu plus profondément sur mes camarades, à leur offrir ce regard hautain et rempli d'arrogance et de pitié que je pourrais avoir pour eux si seulement j'en faisais l'effort. Ils ont rabaissé ma jumelle et l'ont traîné dans la boue, ils ne méritent rien de mieux de toute manière. Et ce, même si Blake me dit que je suis paranoïaque à accuser tout le monde. Je me fiche de qui a fait quoi, de qui a dit quoi, pour moi, ils sont tous coupables du moment que leur regard sali s'est posé sur elle. Depuis que j'ai faillit me faire étrangler, je n'ai que de la méfiance envers tous ceux de mon établissement scolaire. Heureusement, Blake est entrée dans la pièce avant que je ne commence à manquer d'air. Je n'ai jamais réussit à lui dire combien je lui en suis reconnaissant, par peur d'être pathétique. Après tout, je n'ai rien eu, à part la peur de voir l'air quitter mes poumons.
La sensation gênante et presque douloureuse parcourant mes doigts me fait les craquer de nouveau. J'appuie sur mes jointures à m'en faire mal, jusqu'à ce qu'une main vienne doucement se poser sur la mienne. Me détachant de mes souvenirs, je tourne la tête vers la blonde à côté de moi, aux mêmes traits et au même regard. Un sourire me vient et je sépare mes mains. Blake est la seule à être au courant pour mes TOCs, la seule à m'aider avec ça. A la place, l'une de mes mains remonte jusqu'à son visage et caresse quelques mèches de ses cheveux. Dans l'espoir de la rassurer au moins un peu. Elle a accepté de revenir à l'école et d'y continuer ses cours, alors il est de mon devoir de la soutenir. De l'épauler. D'être là pour elle. Je soupire doucement, m'enfonçant dans mon siège. « Comment tu te sens ? » Lui murmuré-je, faisant voyager mon regard sur elle, puis sur les gens alentour. Comment peuvent-ils se penser mieux qu'elle ? Que nous ? Lorsque l'on s'en prend à Blake, on s'en prend à moi.
« N'oublie pas ce que tu es, Blake Marshall. Belle, intelligente, et incomparable. Ma jumelle, quoi. » Rajouté-je, un sourire au coin des lèvres.
Et si nous nous étions toujours aimé.