(✰) message posté Dim 28 Déc 2014 - 20:59 par Invité
it's where my demons hide + Thomas&Bradley
Écrire. L'un des loisirs préférés de Brad, sans aucun doute. Peut-être même une passion. Se laisser guider par une pensée, l'ancrer sur une feuille blanche pour finalement la voir s’épandre... Cela procurait un sentiment de bien être au jeune homme que rien ne pouvait égaler. Il associait souvent l'écriture à la magie. Tous deux sont fascinant, nous transporte, sans pour autant révéler cette part de mystère qui leur est propre. Brad ne pouvait s'empêcher de tapoter son stylo sur le bureau où il était installé, produisant un bruit qui n'était apaisant que pour lui. Si Tamara, sa meilleure amie, était présente, elle aurait déjà débarqué dans la chambre tel un fauve dont la tranquillité fut dérangé. Le moindre bruit l’agaçait, même si elle n'était pas dans la même pièce. A moins que ce soit Brad qui l'irritait, ce qui ne serait finalement pas si surprenant. Par chance, celle-ci n'était pas présente. Tamara était comme l'été, on se demandait toujours si elle allait être au rendez-vous, éblouissant ses fréquentations par sa bonne humeur, mais bien souvent, on la rencontrait lorsqu'on ne l'attendait pas ce qui était toujours surprenant, bien qu'agréable. Elle se laissait porter par les événements, encaissant les coups bas avec le sourire et se réjouissant des bonne nouvelles plus qu'il ne le fallait. La vie semblait plus simple lorsqu'elle était vécu à sa manière et cela avait toujours intrigué Brad. Sa façon d'être détaché sans pour autant perdre ses valeurs le fascinait. Il espérait atteindre ce niveau de sérénité, un jour. Mais pour l'instant, les sourcils froncés devant la page blanche qui le narguait, il se demandait si un jour il pourrait redevenir celui qu'il était. Non pas qu'il n'aimait pas l'idée qu'un être puisse changer ou évoluer, en réalité, il adorait la façon dont on pouvait s'améliorer au fil des jours. Brad ne supportait simplement pas la sensation de changer pour le pire.
Assis sur un fauteuil bien trop bas, il releva le regard pour observer ce qui se passait de l'autre côté de la rue. Étant au deuxième étage, il ne voyait pas grand chose mis à part l'immeuble qui lui faisait face mais c'était suffisant pour lui faire réaliser que les changements ne dépendaient que de lui. De toute évidence, la femme dans l'appartement de l'autre côté avait décidé de repeindre sa chambre d'un rose de mauvais goût. Personne ne la forçait. Il pouvait le ressentir en observant les mouvements ample et maladroit que celle-ci faisait. Elle était le maître de ce changement. Brad se demandait pourquoi il n'initiait pas son propre changement. Rien ne l'obligeait à rester chez lui. Le jeune homme savait qu'il pouvait sortir, juste pour prendre l'air, même sans aucun but, comme il avait l'habitude de le faire dans le passé. Mais non. Une force invisible, apparemment plus puissante que son caractère de cochon, lui imposait la vie d'ermite qu'il connaissait depuis pas mal de temps maintenant. Cette force invisible, il la connaît bien. C'était la même qui pesait sur lui juste après l'accident, l'empêchant de parler. Une force constitué de honte et d'une certaine dose de peur, sans aucun doute. Alors, il passait ses journées là. Dans le salon, s'abrutissant devant une émission qu'il n'aimait même pas ou s'entêtant à réparer une lampe qui ne marchait plus depuis longtemps et bon sang, ce que Tamara avait pu lui dire que ça ne servait à rien. Puis, parfois, comme aujourd'hui, il choisissait de se mettre au bureau pour tenter d'écrire. Souvent, il restait plongé dans ses pensées, sans rien écrire. La nuit tombait et il abandonnait l'idée d'utiliser l'encre ce jour-là.
Brad soupira bruyamment, obtenant en retour un reniflement dédaigneux de la part de ses deux chiens paisiblement endormi sur son lit. Il était près de 18h et la nuit était tombé depuis longtemps. Ce n'était pas encore aujourd'hui qu'il utiliserait son encre. De toute façon, il ne savait même pas quoi écrire. Dans le passé, il se trouvait souvent à rédiger de court écrits, en français ou en anglais, sur ses pensées ou simplement en laissant agir son imagination. Brad savait que le jour où il parviendrait à poser quelques mots sur cette feuille, peut-être que la vie reprendrait son cours. S'il écrivait quelque chose, ne serait-ce qu'une phrase anodine, il prendrait conscience de sa capacité à redevenir un homme et non plus le déchet qu'il représentait ces derniers temps. Parce qu'écrire, c'était plus qu'un loisir, qu'une passion. C'était son identité. Sa vie. Écrire sur un ordinateur n'était pas un problème. Voir les lettres noirs prendre forme nettement ne lui apportait aucune émotion. Mais le jeune adulte savait que voir son écriture cursive, sur un bout de papier, le détruirait. Il l'a vu son écriture quelques mois plus tôt, maladroite, hésitante, enfantine même. Et Brad préférait ne plus jamais écrire, vivre, que de revoir cela. Rien ne l'avait autant dégoûté. Cependant, il se demandait si un jour, lorsqu'il poserait cette putain de mine sur le papier, il aurait une surprise. Que tout était redevenu comme avant. Comme il espérait un jour se lever sans ressentir les conséquences d'un débile accident.
Inspirant grandement, Brad s'apprêtait à affronter la sensation désormais inconnue d'écrire lorsqu'un coup à la porte se fit entendre. Aussitôt, son berger allemand et petit chiot labrador se précipitèrent à l'entrée. Brad attendit quelques secondes avant de daigner à se lever pour aller voir qui venait déranger sa solitude. Si la personne toquait à la porte, celle-ci connaissait personnellement Brad ou Tamara, car les inconnus se contentaient habituellement de sonner. A peine eut-il quitté sa chambre et ouvert la porte, qu'il regretta son geste. Devant lui se trouvait Thomas, qui visiblement le scrutait de haut en bas. Brad prit le temps d'analyser son apparence et il devait avouer que s'il avait été à la place du prof de littérature française, il se serait scruter aussi. Les cheveux en bataille, la barbe un peu trop longue, un short de pyjama noir à carreaux gris et un t-shirt blanc à la propreté douteuse ; Voilà ce à quoi il ressemblait. Il avait presque honte de se présenter devant lui ainsi, parce qu'il savait que celui-ci ne laisserait rien passer. « Oh... » finit-il par lâcher, « Je savais pas que t'allais passer, si j'avais su j'aurais rangé un peu... Et puis je me serais habillé aussi, enfin, ouais. J'aurais fais un truc. » Brad se racla la gorge, poussant ses chiens de devant la porte pour libérer le chemin avant de faire un geste vague vers le salon, « Je t'en prie, entre ! Qu'est-ce qui t'amènes ? »
J’ai soupiré avec lassitude. Un choix monstrueusement compliqué osait ternir mon esprit. Je pouvais me lever et marcher jusqu’à Brick Lane, laissant l’Est londonien s’éveiller et briller des feux nocturnes et électriques qui l’habillaient lorsque la nuit tombait, puis revenir vers Shoreditch et somnoler sur mon matelas jusqu’à l’épuisement réel qui venait m’habiter à la fin de la nuit. Ou bien, je pouvais rester assis sur ce banc, le cou frissonnant au contact du froid hivernal – mais moi qui avais toujours chaud, je trouvais ça agréable. J’ai laissé ma cigarette pendre au bout de mes lèvres et j’ai fouillé dans mes poches, machinalement. Je ne cherchais pas grand-chose en particulier, et d’ailleurs je n’y trouvai rien d’intéressant. C’était vraiment une belle soirée à perdre son temps, à penser à des choses auxquelles vous ne pensiez plus depuis des années, à rire au souvenir d’une vieille blague qu’on vous avait faite il y a si longtemps, et alors vous riiez doucement, sans vraiment pouvoir vous en empêcher, et les passants vous regardaient d’un air étrange. Les gens normaux ne rient pas seuls, pour aucune raison apparente. J’étais probablement quelqu’un de très perturbé alors, dites-donc. Je me redressai sur le banc : il était très inconfortable, ce qui me fit pencher vers la balade à Brick Lane, mais la simple idée de rentrer chez moi ensuite pour me retrouver, seul avec mon ombre, me faisait presque horreur. Observer le plafond durant les heures démoniaques qui me séparaient de l’aube nouvelle. Cette sensation, lorsque l’on savait que l’on gaspillait son temps à ne rien faire, je la haïssais. C’était probablement pour ça que je dormais peu, d’ailleurs. Et voilà que je traînais sur ce banc froid et terne, à pleurer le temps que je laissais fuir en ce moment-même.
La cendre de ma cigarette s’écrasa sur mon manteau et je la chassai d’un coup sec de la main, presque agacé – pourtant, j’aurais dû m’en douter, non ? Comme quoi, quand on s’ennuie, on prêtait attention à tous les détails. A cette pensée, j’ai fermé les yeux et j’ai laissé les bruits urbains ramper jusqu’à mes oreilles, l’odeur sauvage de Shoreditch se frayer un chemin jusqu’à mes narines, puis j’ai senti mes poils se hérisser un à un suite à une brise glaciale et mesquine. Quel intense instant d’immersion totale dans l’ennui, voyez par vous-mêmes. Je ne m’étais toujours pas décidé sur ma destination. J’allais finir par fumer le filtre de ma cigarette, et j’ai imaginé mes lèvres devenir cendres à leur tour, puis mes joues et mes paupières, mon visage entier, mon cou et le reste de mon corps, jusqu’au bout de mes ongles, jusqu’à mes os les plus fins, jusqu’à l’entière consumation de ma silhouette svelte et féline. Quelle pensée noire et pessimiste. J’ai attrapé ce qui restait de ma cigarette entre mon index et mon pouce, puis je l’ai laissé tomber en-dessous du banc, sans même prendre la peine d’écraser le mégot au passage. Quelle désinvolture, vraiment. Je me suis levé et j’ai remis une cigarette au coin de ma bouche, l’allumant avec lassitude. Je me lançai un défi : je devais avoir trouvé quelque chose à faire avant de finir cette cigarette. Sinon, j’étais condamné à retrouver le chemin de mon appartement. J’ai tourné la tête des deux côtés de la rue : il ne s’agissait pas d’un lieu très animé. Même lorsque l’on était en plein milieu de la nuit, c’était plutôt l'endroit où glissaient les fantômes et les âmes en peine après être sortis des boîtes. Les clubs n’étaient donc pas loin – je disais ça comme ça, je n’avais pas envie d’aller traîner dans le cœur épuisant et artificiel de Shoreditch. J’étais plutôt du genre à rester dans l’ombre, à observer ce cœur battre à une vitesse démentielle, pompant l’alcool et la sueur de la jeunesse pédante de Londres, brillant d’une lumière de néons, comme un feu ardent dans une cage en plastique. C’était ça que je voyais dans ce quartier : à la fois l’ascension fulgurante de l’art et de la vie, mais aussi la décadence d’une jeunesse désabusée, qui profite donc de l’instant présent et de sa spontanéité plutôt que de penser à l’avenir. Surtout qu’à notre époque, penser à l’avenir, c’était être optimiste, c’était croire en un monde meilleur, c’était résister à l’abandon total et à la débauche, au prosaïsme et à la vulgarité. Quel pseudo-nihilisme à la con, franchement. J’ai laissé ma tête vagabonder vers l’une des rues que je croisai et un sourire sarcastique se peignit sur mon visage blafard. Je bifurquai dans l’allée adjacente. Ma cigarette était bientôt terminée, mais ce n’était plus un problème. Quelque chose me disait que j’avais trouvé le lieu où j’avais vraiment envie d’aller. Prendre des nouvelles de Bradley. Quelle merveilleuse idée, si soudaine, si spontanée, si inattendue mais si riche. Qui sait, peut-être que j’allais réussir à le faire sortir de chez lui.
Arrivé devant la porte de son immeuble, je passai une main sur ma nuque, fouillant dans ma mémoire pour retrouver son code. Après quelques tentatives, je finis par m’en rappeler et pénétrai à l’intérieur. Une chaleur agréable habillait l’atmosphère. Je grimpai les quelques marches me séparant de son palier et de sa porte d’entrée, puis, après avoir repris mon souffle – je fumais trop, probablement – je laissai tomber le dos de ma main sur la porte et toquai. J’entendis les halètements de ses chiens ainsi que leurs pattes qui raclaient le sol avec dynamisme. Des pas lourds et traînant tardèrent à se faire entendre, mais finalement la porte s’ouvrit sur mon ancien élève – et quelle ne fut pas ma surprise lorsque je le vis. Mon regard sombre s’éclaira d’une étrange lueur en se posant sur lui, et il le remarqua, évidemment. La lueur qui indiquait mon amusement, mais aussi le fait que je le jugeais, un peu, et puis ma surprise face à l’allure qu’il avait, quelques touches de sarcasme aussi, bref, un Tom qu’il connaissait bien et qu’il trouvait agaçant – évidemment, j’arrivais à l’improviste au meilleur moment possible. « Oh … » Mon regard pétillant ne lâcha pas le sien. « Je savais pas que t’allais passer, si j’avais su j’aurais rangé un peu … Et puis je me serais habillé aussi, enfin, ouais. J’aurais fait un truc. » Je souris, amusé. Il libéra l’espace pour me laisser entrer, m’indiquant son salon d’un mouvement las : « Je t’en prie, entre ! Qu’est-ce qui t’amènes ? » J’ignorais s’il se forçait à être poli, mais je tendais à le croire. Il avait bien changé depuis son accident. « Bah je sais pas, je me suis dit que t’étais seul et que t’avais besoin de compagnie. » Celui-là, je craignais qu’il se fasse bouffer par ses chiens un jour, à force de rester chez lui à ne rien faire. Je me dirigeai vers son salon et me plantai au milieu de la pièce, mes yeux la parcourant de fond en comble : il était correct. Enfin c’était toujours plus accueillant que chez moi, il fallait se rendre à l’évidence. « Je suis passé dans ta rue et je me suis dit, ça fait longtemps, allons-y. » Quel emmerdeur j’étais, vraiment. Je me suis finalement tourné vers lui et le scrutai dans la semi-obscurité de son appartement. « Tu devrais pas t’enfermer jour et nuit ici, tu vas finir par crever sur ton canapé. Habille-toi, on va faire un tour. » Je savais que c’était dit de manière cinglante. Et je savais aussi que c’était peine perdue, qu’il allait refuser et que ça allait m’énerver. Mais je n’avais rien de mieux à faire que de laisser sa déprime embrumer mon esprit.
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(✰) message posté Mar 30 Déc 2014 - 16:10 par Invité
it's where my demons hide + Thomas&Bradley
Mon dieu. Tout cela n’annonçait rien de bon. Non pas que Brad soit tellement occupé qu'il ne puisse pas recevoir un ami, parce que c'était loin d'être la vérité, mais il aimait bien le calme de sa solitude habituelle. C'était un sentiment étrange, bien qu'il soit évidemment heureux d'avoir des nouvelles de Thomas. « Bah je sais pas, je me suis dit que t’étais seul et que t’avais besoin de compagnie. » Brad se retint de toutes ses forces pour ne pas rouler des yeux. Thomas savait aussi bien que lui qu'il ne voulait pas de compagnie. Tout le monde pensait qu'il avait besoin de compagnie. Tellement, qu'au final il avait plus de compagnie maintenant qu'il voulait être seul, qu'avant l'accident. « Qui te dit que je suis tout seul ? », demanda Brad, levant les sourcils pour souligner la surprise. « Buddy et Floyd sont bien vivant et ça me blesse, profondément, que tu les réduises à des meubles... Si je leur demande, ils pourraient t'arracher la tête, t'sais. » Il fallait avouer que le jeune homme était doué pour tourner n'importe quel échange en scène mélodramatique. En particulier lorsqu'il désirait changer de sujet, comme maintenant. Il commençait à en avoir marre que des dizaines de personnes viennent le voir sous prétexte qu'il était seul. Souvent, des gens qu'il ne considérait même pas comme étant des amis. Ce n'était pas le cas de Thomas, bien sûr. Ce dernier était un ami sans l'ombre d'un doute, une valeur sûr, comme Brad aimait le qualifier. Ce qui est énervant avec les valeurs sûrs, c'est qu'elles ont tendance à bien connaître leurs amis et Brad ne pouvait s'empêcher de regarder la façon dont Thomas analysait tout ce qui l'entourait. Heureusement, Tamara était une maniaque de première et ne supportait même pas quand les livres posés sur la table basse n'étaient pas parfaitement aligné. Selon Brad, c'était une maladie sérieuse et elle ferait mieux d'aller consulter parce qu'au bout d'un temps, ça finit par gâcher la vie. Mais son amie ne cessait de lui répondre que non, c'était tout à fait normal et qu'elle n'aurait pas à passer son temps à nettoyer chaque pièce s'il n'était pas aussi bordélique. L'appartement était donc parfaitement propre. Particulièrement le salon où Thomas se trouvait. Le canapé de cuir noir était presque aussi brillant que la télévision qui se trouvait en face. Les étagères de livres soigneusement trié par ordre alphabétique faisaient presque parti des murs maintenant. La porte de la cuisine, qui se trouvait derrière le canapé, était fermé comme à son habitude et le petit couloir à l'opposé du salon, sur la gauche de la porte d'entrée, sentait encore le produit citronné dont Tamara se servait pour laver. Brad était certain que tout cela, la décoration en particulier, faisait trop moderne pour Thomas, même s'ils en avaient jamais vraiment parlé. Après tout, ce n'était pas comme s'il vivait ici, contrairement à Brad. Au début, ce dernier avait eut du mal à s'habituer à la décoration que l'on reconnaissait féminine, mais voilà qu'un an plus tard, il commençait à l'apprécier. C'était épuré, beaucoup de noir, gris et blanc. Exactement la façon dont il meublerait son appartement, s'il venait à déménager.
Le regard de Brad se concentra à nouveau sur son invité, avec un sourire sincère cette fois-ci. « Je suis passé dans ta rue et je me suis dit, ça fait longtemps, allons-y. » Brad eut un discret rire, presque inaudible. Il ne savait pas si Thomas était sérieux ou non. Il est vrai qu'ils vivent dans le même quartier, donc cela pouvait être tout à fait possible. Seulement... Tout ça sonnait comme le baratin que ses autres connaissances sortaient, lorsqu'ils débarquaient ici, pour le faire sortir. « Tu devrais pas t’enfermer jour et nuit ici, tu vas finir par crever sur ton canapé. Habille-toi, on va faire un tour. » Bingo. Peut-être qu'il était comme les autres, finalement. Brad le regarda un instant, sérieusement. La seule lumière présente dans la pièce provenait des fenêtres, juste derrière Thomas. Cet effet d'ombres donnait un air sombre au professeur, ce qui amusa Brad. Il se rappelait la première fois qu'il l'avait vu à l'université. Son côté mystérieux l'avait intrigué, comme la plupart des élèves. Brad finit par se laisser tomber sur le canapé, après avoir contourné Thomas. « Eh bien... Techniquement, je suis pas enfermé. Et j-j'suis pas très motivé à sortir. Je suis un peu fatigué, si j'dois être honnête avec toi. » tenta-t-il de convaincre l'homme plus âgé, bien qu'il ne soit que peu convaincu lui-même de son jeu d'acteur. « Il fait froid dehors, j'ai pas envie d'attraper la mort. Ca va vite ces trucs, tu rigoles un peu trop et boum, tu te retrouves cloué au lit pendant deux semaines. Ca serait bête que je ne puisse plus sortir après... » Si Brad était lui-même spectateur de cette scène, il n'aurait pas tenu deux secondes avant de s'énerver contre lui-même. Jouer l'idiot, il savait le faire. Ca l'amusait. Mais ça énervait les autres. Ce qui était compréhensible. « Je compte pas sortir aujourd'hui, désolé. Mais je peux t'offrir un verre, si tu veux ? »
Brad attendit patiemment sa réponse, en espérant que sa réaction ne serait pas trop démesurée. Il savait pourquoi le brun faisait ça. Certainement qu'il voulait forcer Brad à prendre l'air, voir de nouvelles choses, lui montrer que la vie continuait. Brad pourrait lui dire qu'effectivement, il était sorti cette semaine. On l'avait forcé, comme toujours. Mais il était sorti. Pepper, son amie aveugle, ne cessait de le prendre par la pitié, pour qu'il l'accompagne. Il avait beau ne pas vouloir, il finissait par craquer. De toute façon, il craque toujours. Parfois, il arrivait même à s'amuser, dehors. Mais ça, il ne le dirait pas à Thomas. Ca lui donnerait de l'espoir. Il l'encouragerait à continuer. C'était la dernière chose que Brad désirait. Brad, il est comme le garçon timide qu'on connaît tous. Celui qui en classe, ne parle jamais. Qui lorsqu'il va à une soirée, ne boit pas, ne danse pas. Et puis lorsque tout d'un coup, il lève la main lors d'un cours qui le passionne ou qu'il commence à danser sans gêne, on lui fera remarquer. On lui dira que c'est bon à voir. On le félicitera. On lui dira qu'on le préfère ainsi. Normal. Brad, il est comme le garçon timide. Sans même y penser, il savait que tout le monde focaliserait sur le fait qu'il recommençait à sortir. Et ça, ça lui donnait encore moins envie de changer.
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(✰) message posté Mer 31 Déc 2014 - 0:15 par Invité
« Qui te dit que je suis tout seul ? » Je penchai la tête d’un air faussement interloqué. Oui c’est vrai ça, qui me dit qu’il ne se contentait pas des ténèbres de son salon et de son t-shirt sale pour seule compagnie ? « Buddy et Floyd sont bien vivant et ça me blesse, profondément, que tu les réduises à des meubles … Si je leur demande, ils pourraient t’arracher la tête, t’sais. » Mon regard sombre se posa sur les deux chiens, assis, la langue pendante et la queue battante, nous observant d’un air sceptique – le scepticisme des chiens, vous savez. Brad était bien le genre de type à avoir des chiens. Pas pour le côté rêve américain, mais plus parce qu’il était un gars chaleureux, dynamique, spontané. Pardon, avait été. C’était probablement une de nos grandes différences, d’ailleurs. Moi, j’étais un chat. J’avais tout d’un chat. La démarche fine et élégante, l’air critique et détaché, les cheveux noirs sauvagement bouclés et soyeux, l’allure mystérieuse et immobile qui masquait l’ennui profond de mon existence, les habits sombres et nocturnes, la lueur dans le regard qui ne s’éteignait jamais, la solitude qu’on n’osait trop me dérober, la voix sensuelle, mais aussi cassante parfois, l’attirance profonde et salissante pour la nuit, le sourire félin. Lorsque je me roulais dans les draps de mon lit, imperturbable, j’étais un chat. Lorsque je m’immobilisais sur l’estrade devant mes étudiants pour réfléchir et que le moindre bruit pouvait me faire sursauter et fusiller du regard, j’étais un chat. Lorsque quelqu’un me caressait avec tendresse et désir, j’étais un chat. Et là, entre Brad et ses chiens, un sourire narquois sous le museau, j’étais aussi un chat. J’ai toisé les deux bêtes avec amusement, presque comme une sorte de moquerie, peut-être pour ennuyer Brad, ou simplement parce que c’était ce qu’un chat ferait dans une telle situation. « J’attends de voir ça, alors. » miaulai-je d’une voix sulfureuse.
Je l’observai se glisser jusqu’à son canapé et s’y assoir. « Eh bien … Techniquement, je suis pas enfermé. Et j-j’suis pas très motivé à sortir. Je suis un peu fatigué, si j’dois être honnête avec toi. » Mon regard s’assombrit. Oui, c’est ça, sois honnête avec moi Brad, c’est ça, fous-toi de ma gueule surtout. Mais je ne lui en voulais pas. Je savais que ce n’était pas personnel. Qu’il ne jouait pas le type crevé pour le plaisir. Au fond, j’étais planté, là, ombre lugubre, baignant dans la lumière blafarde de la ville, mes joues et mon nez ressortant des ténèbres et luisant d’un éclat ocre, mes iris éclairés par deux demi-lunes malicieuses recouvrant la gravité de mon regard, et je doutai un instant de la véritable raison de ma venue. Je m’improvisais en messie venu sauver des âmes alors que la mienne était vouée à griller en Enfer. J’appréciai la politesse de mon cadet et lui adressai un mince sourire silencieux tandis qu’il poursuivait ses explications bancales : « Il fait froid, dehors, j’ai pas envie d’attraper la mort. Ça va vite ces trucs, tu rigoles un peu trop et boum, tu te retrouves cloué au lit pendant deux semaines. Ce serait bête que je ne puisse plus sortir après. » L’espace d’un instant, les mots franchement, t’as survécu à pire, toi me traversèrent l’esprit et me firent saliver, mais je serrai les dents pour m’empêcher de les prononcer. Il les méritait, pourtant, ces mots. Il me débitait de telles conneries et osait se prétendre honnête, j’aurais pu être ce connard-là, ce connard qui lui rappelait l’événement traumatisant de sa vie par excellence, juste parce que je pouvais le faire. Parfois je me disais que je faisais beaucoup d’efforts chaque jour, pour ne pas devenir un connard. Mais peut-être que je ne me rendais pas compte que j’en étais déjà un. Un chat, ça a toujours ce côté vile, détestable, méchant, et je n’y coupais pas. T’es fier de toi, en plus, hein ? Putain, Brad, putain.
« Je compte pas sortir aujourd’hui, désolé. Mais je peux t’offrir un verre si tu veux ? » Je soupirai, résigné. Eh, quoi, je baissai déjà les bras ? Le pire, c’était que je le savais, comme il avait su ce que j’allais lui dire à la minute où il avait constaté ma présence dans l’encadrement de sa porte d’entrée. Je fronçai des sourcils. Je ne pouvais que le juger. C’était comme un appel de phare qu’il m’envoyait, son regard d’ange déchu parcourant ma silhouette d’un air penaud. J’étais bien silencieux, dites-donc. Je ne voulais pas devenir ce Tom-là. L’ombre de moi-même, je l’avais déjà devant les yeux, sous les traits du jeune homme vautré dans son canapé au beau milieu d’un salon minutieusement nettoyé – il était comme l’intrus, l’anomalie à retrouver sur les jeux derrière les paquets de céréales. Sauf que, là, moi je l’avais trouvé, mais je n’en éprouvais aucune satisfaction. « Ouais, un verre, c’est bien aussi. Merci. » A mon tour, je me suis laissé tomber sur un fauteuil en face du canapé pour ne pas le quitter du regard. Quel homme insistant j’étais, même lorsque je ne disais rien, on ne pouvait se défaire de l’emprise magnétique de mes pupilles acérées. J’eus la nerveuse envie de fumer une cigarette et je me penchai en avant, mes doigts caressant mes lèvres presque inconsciemment, parce que déjà, je ressentais le manque – mon agacement n’avait fait que l’accentuer, évidemment. Je haïssais le manque de nicotine, plus que la chaleur étouffante de l’été, plus que les publicités à la télévision, plus que l’odeur des chewing-gums à la chlorophylle. Mais, encore une fois, mon regard se plongea dans le bleu attirant de ses yeux et je fus incapable de lui demander la permission de fumer. Comme si le fait qu’il ait arrêté me dérangeait et me faisait me sentir coupable. Je frottai machinalement mes paumes contre mes cuisses pour penser à autre chose. Il ne tarderait pas à s’en rendre compte, de toute façon, si ce n’était pas déjà fait. C’était fou, à quel point d’un coup, toute ma personnalité se consumait en un seul désir idiot et noirci de goudron. Je me décidai à parler : « Bon, sinon, à part parler à tes chiens et hanter ta propre maison, tu deviens quoi ? Tu bosses un peu ? » Détends-toi, Tom, c’était la meilleure solution afin de ne pas paraître pathétique. Je me redressai et retrouvai ainsi un peu de contenance. Laissant un sourire glisser sur mes lèvres délaissées et vides, je lui lâchai même une remarque en français. Histoire de m’amuser. « Ton français rouille pas trop non plus, j’espère ? Parce que sinon je vais vraiment me faire du souci pour toi. » Bordel, j’avais besoin d’une clope.