(pepper) .bang bang bangity bang.

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(I.) ▶ L'herbe du terrain de football a fini par jaunir. Il n'a plus rien du terrain verdoyant que toutes les grandes équipes s'arrachent. Désormais, il n'est plus qu'un terrain saccagé que les familles occupent les week-ends. C'est là, comme chaque premier dimanche du mois, que la famille Fitz se retrouve. Aucun membre de la famille ne raterait ce match. Parce que le match des Fitz, c'est la tradition depuis des générations. Il y a, sur le terrain, ce banc un peu bancal, un peu vieillot, auquel il manque une planche et un morceau de dossier. Il doit être là depuis un siècle. A prendre la poussière et à grincer dès qu'on le déplace. Arrivée avec du retard, Pepper se laisse tomber dessus. Le banc grince par habitude. Pepper a parié un mois de salaire sur la chute du banc avant la fin de l'année. Son père est persuadé qu'il va s'écrouler avant la fin du match et l'une de ses sœurs pense qu'il tiendra encore une année. Tout le monde a rigolé, mais tout le monde a parié. Parce que parier, chez les Fitz, c'est la base. Se lancer des défis et parier pour tout et n'importe quoi. L'un de ses frères, Patrick, surgit à ses côtés sur le banc, avant de passer son bras autour de ses épaules. Il est grand, blond et semble sortir tout droit d'une publicité pour du shampoing ou pour vanter les qualités du surf. Ils aiment dire partout qu'ils sont jumeaux, alors qu'ils n'ont aucune ressemblance. « Papa te veut dans son équipe. Il n'a pas encore compris que tu allais choisir la mienne. » Pepper lance un regard dans son dos pour observer son père. Papa Fitz, l'agent immobilier du quartier, en plein dans la force de l'âge. Il réclame à chaque match la présence de Pepper dans son équipe. Et à chaque match, elle s'amuse à rejoindre l'équipe de Patrick. Elle le voit, plus loin sur le terrain, tenter de faire des pompes. Aussitôt, elle rigole, surtout lorsqu'elle aperçoit son meilleur ami qui essaie de l'aider. « Peut-être que, pour une fois, je pourrais jouer avec lui. » Elle échange un regard complice avec Patrick. Son fou rire continue un moment alors qu'elle adresse un signe de la main à Rhys. Le seul qui n'est pas un membre de la famille Fitz, c'est lui, c'est Rhys. Mais Pepper l'invite à chaque match. Ils se connaissent depuis l'époque du bac à sable et il participe régulièrement aux matchs organisés par les Fitz. « Non, pas question. La dernière fois il s'est vanté pendant un mois parce que vous aviez gagné. » Un nouveau rire et elle se lève pour s'étirer. Son entrainement, elle y tient, peu importe le sport qu'elle compte faire ou essayer. Elle se souvient très bien du dernier match qu'elle a joué avec son père. Ils avaient passé plus de temps à rire qu'à réellement jouer. Et l'une de ses sœurs avait fini avec le nez cassé. Mais Pepper, elle court plus vite que n'importe qui et lui mettre un ballon entre les pieds, c'est comme le lui greffer. Sûrement pour ça que Patrick et papa Fitz s'arrachent son rôle dans l'équipe. Le sport, c'est sa vie. Pepper, elle passe plus de temps sur les terrains et dans les salles de gym que dans les boutiques ou son appartement. Si elle avait voulu, elle aurait pu faire carrière dans le sport. Championne en patinage artistique ou au 100 mètres, une connerie de ce genre. Alors qu'elle tient sur une jambe, elle tire sur l'autre dans son dos pour l'étirer. Elle reproduit rapidement la même chose avec l'autre et s'arrête quand elle remarque la présence de Rhys à ses côtés. Patrick est reparti depuis longtemps sur le terrain. Il se bat avec leur frère ainé. Un sourire étire ses lèvres aussitôt qu'elle croise le regard de son meilleur ami. Il sourit aussi, Pepper adore le voir ainsi. Encore plus quand elle est la raison pour laquelle il est heureux. Mais à son regard, elle devine facilement qu'il ne participera pas au match de la journée. Ils se connaissent depuis longtemps, Pepper, elle sait tout de lui. Il suffit d'un regard pour qu'ils se comprennent. « M'en veux pas, je ne reste pas pour le match aujourd'hui. » Il glisse entre ses mains le ballon et elle se contente de le faire rouler d'une main à l'autre. « Laisse la porte ouverte ce soir, j'apporte les boissons. » Il s'éloigne, elle lui fait un signe de la tête et l'instant d'après, le match commence. Impressionnant. Les douze enfants Fitz se dispersent rapidement sur le terrain, chacun à son poste, et très vite monsieur et madame rejoignent leur équipe respective. Pepper adresse un clin d'œil complice à Patrick. Elle a suivi son instinct et c'est aux côtés de son père qu'elle jouera ce match. Premier coup de sifflet, la brune reçoit le ballon et s'élance à travers le terrain. Elle éclate de rire, sa sœur ainée sur ses talons. Distancée d'au moins cinquante mètre, elle ne semble pas suivre le rythme. Ça suffit à distraire Pepper et à Patrick pour se jeter sur elle. Elle s'écroule dans la terre, en reçoit dans la bouche et bat des jambes pour s'échapper de la poigne de son frère. « Regarde. » Ses petites mains tentent de le repousser et l'une de ses sœurs (celle au nez cassé) commence à s'écrier que le match doit reprendre. « Pepper, regarde. » Son étreinte autour du ballon se fait soudainement plus légère. Et, tout naturellement, la concernée pose ses yeux sur la main de son frère. Un claquement de doigt et apparaît devant ses yeux, une fleur magnifique. Patrick a toujours été doué pour la magie. Il ne dévoile jamais ses tours et Pepper ne demande pas non plus. Là est tout l'intérêt de la magie. Ne pas comprendre, s'émerveiller et regarder. Alors, Pepper, elle observe. Naïve, elle ne réagit pas lorsque son frère lui dérobe le ballon, se lève et part en direction des buts. Son équipe marque. Tricheur, pense-t-elle avant de courir vers lui. Elle intercepte la balle et distance rapidement la fratrie. Son père l'encourage à aller plus vite, alors Pepper, elle accélère. Dans son dos, elle entend sa sœur qui se jette sur Patrick pour l'empêcher d'avancer. Ils râlent, ils rient et Pepper se laisse tomber dans les buts. Premier point pour l'équipe. Le match continue pendant un moment. Chacun y allant de ses coups foireux pour tromper l'adversaire. A trois reprises Pepper a mangé de la terre avant de se jeter sur le dos d'un de ses frères et d'attraper, plus tard, les jambes de sa sœur cadette. A la pause, c'est l'équipe de Patrick qui gagne d'un point et il se vante tellement que papa Fitz lui déverse une bouteille d'eau sur la tête par pure vengeance. A nouveau la brune éclate de rire et observe la scène sans intervenir. Il y a ses deux petits frères qui sautent du banc et attrapent les jambes de Patrick pour le faire tomber. Sa sœur (toujours celle au nez cassé) pose sa main sur la hanche de Pepper pour attirer son attention. A son oreille, elle lui murmure de regarder discrètement vers les grilles du stade. De l'autre côté du terrain, la silhouette de Naël se dessine sous ses yeux. Sa mère lui fait rapidement signe de le rejoindre. Et après des secondes à hésiter, elle accepte d'aller lui parler. Elle sort du jeu, secoue la tête, agacée face à la conversation qui l'attend. Elle n'aime pas parler, Pepper. Essoufflée, elle trottine jusqu'au bord du terrain. Elle aurait aimé ne pas le voir aujourd'hui. Pas un jour de match, il n'a aucun droit. Leurs regards se croisent et si lui semble heureux d'être là, Pepper est furieuse contre lui. Pourtant, ils sont amis, elle devrait sourire, l'inviter à rejoindre le match. Mais ça lui paraît déplacé, malvenu. Au point où elle en arrive à être soulagée que Rhys ne soit pas là pour voir ça. Dire qu'il est son ami, elle ne sait même pas si le terme convient encore. Il passe son temps à la séduire, c'est tout ce qu'elle voit de leur relation. « C'est un match en famille. Pourquoi est-ce que tu es là ? » Ses deux mains se posent sur son torse et elle le pousse derrière les gradins. Il sourit. De son sourire de voyou. « Ta famille m'adore. » C'est vrai, il a raison. Mais la jeune femme ne répond rien. Elle se contente de fixer la terre sur ses baskets. Il prend sa main dans la sienne. « Toujours fiancée. » Elle soupire. Un soupir long, lasse et épuisé. Son regard se pose sur la bague à son doigt et elle grimace. Encore un pari avec l'un de ses frères qui a dégénéré. Elle devait juste séduire Ben et le quitter. Mais la demande en mariage, c'est le bonus. Alors, Pepper, elle lui a dit oui, pour le jeu, pour s'amuser. Ça l'étonne encore que son fiancé ne remarque pas son jeu d'actrice, qu'elle fait semblant, qu'elle est incapable de lui rendre son amour. Parce que c'est son problème à Pepper, si elle aime plaire, redonner aux hommes ce qui lui donnent lui est impossible. Le souvenir de Milan lui revient en mémoire. Il avait eu, lui aussi, toujours un regard amoureux pour elle. Elle avait trouvé ça comique de le voir si amoureux alors qu'elle ne ressentait pour lui que de la sympathie. Peut-être de la peine aussi finalement. « Quitte-le. » Son regard sincèrement agacé s'égare sur Naël et elle retire sa main. « Tu es venu seulement pour ça ? » Sa voix n'exprime qu'une profonde lassitude. Elle espère secrètement qu'il ne demandera pas à voir sa mère. Madame Fitz risquerait de l'inviter pour la fin du match et le repas qui suit. Il prend une de ses mèches de cheveux entre les doigts, avoue qu'il cherchait Rhys et dépose un baiser au coin de ses lèvres avant de s'éloigner. Il fait toujours ça, venir et repartir aussi vite. « N'oublie pas de gagner. » qu'il lui dit avant de lui adresser son habituel sourire en coin. Saoulée, Pepper revient dans le match. Sa mère s'étonne que Naël ne soit pas resté mais la brune ne relève pas la remarque. La partie reprend, les fous rires aussi et à quelques secondes de la fin, Pepper lance le ballon à son père. Personne ne s'y attendait et c'est bien là tout l'intérêt de sa tactique. Amusée, l'équipe adverse rebrousse chemin pour intercepter le patriarche. Mais c'est trop tard, et de loin Pepper regarde son père mettre le point de la victoire.

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(II.) ▶ « Tu n'as rien à dire ? On s'aime pourtant Pepper. » Dans ses souvenirs, rompre avec Milan lui avait semblé plus amusant. Sûrement parce que, à l'époque, il s'agissait de son premier copain. Ou parce qu'il avait été plus soumis, plus naïf, plus amoureux. Avec Ben, ce n'est pas aussi drôle. Il pose trop de questions et ça l'agace. Pourtant, selon Pepper, il n'y a rien de plus grisant que de briser le cœur d'un homme. « Non. » qu'elle dit simplement. Non, elle n'a rien à dire. Pepper n'a jamais rien à dire. Ça la saoule de parler, ça l'épuise, l'agace et l'ennuie. Et non, non elle ne l'aime pas. La seule chose qu'elle aime à cet instant, c'est le regard de l'homme qui lui fait face. C'est une image qu'elle n'oublie pas. A la fois brisé et déçu. Impossible de s'en lasser. Aucun regret dans les yeux, et de son annulaire, elle retire la bague qu'elle pose délicatement sur la table qui les sépare. Elle ne voit aucun intérêt de la garder. Elle n'est pas sentimentale et elle ne l'a même pas aimé cet homme. « Tu... » Mais il s'interrompt dans sa phrase, Pepper le fixe, intriguée. Il n'y a rien qu'il puisse dire ou faire pour qu'elle change d'avis. Le mariage, c'est juste des conneries. Valise à la main, elle s'éloigne vers la porte. Et doigts sur la poignée, elle adresse un dernier regard, un dernier sourire à son ex-fiancé. Elle voudrait lui dire que, au moins, ils se sont bien amusés. Mais dans l'histoire, seule Pepper y gagne quelque chose. Son pari est gagné. Rapidement elle descend les marches de l'immeuble et rejoint l'extérieur. Sa voiture est stationnée au bout de la rue. C'est bientôt le printemps, sa saison favorite. Il fait déjà un peu chaud, c'est rare qu'elle se dit. D'humeur joyeuse, elle sort son portable pour consulter ses messages et son sourire s'élargit lorsqu'elle y voit un message de Naël. Il raconte encore des conneries qui réussissent à la faire rire. Il y a aussi un message de sa mère et de sa sœur cadette. Repas de famille prévu le week-end prochain. Elle aura sûrement le droit aux reproches de sa mère pour avoir annulé le mariage mais Pepper s'en fout. Au moins, elle a gagné son pari. Sa main libre ouvre la portière de la voiture et elle s'engouffre rapidement dans l'habitacle. A la radio, la voix de son collègue intervient, il donne la liste des futures chansons qu'il va faire écouter aux auditeurs. Pepper ne rejoint la station de radio que plus tard dans la journée. Parfois, elle se dit qu'elle devrait trouver un autre travail. Mais finalement, travailler dans la musique, ça lui plait. Sa guitare repose sur le siège passager. C'est un cadeau de Rhys et elle ne comprend toujours pas d'où lui vient cette soudaine envie de jouer d'un instrument. Elle démarre la voiture au même moment que la chanson à la radio commence. Trois minutes et dix secondes, le temps de la chanson qui passe. Quinze secondes pour remarquer qu'elle n'a pas attaché sa ceinture. Elle le sait mais ne l'accroche pas. Une minute pour ouvrir sa vitre, passer le bras dehors et appuyer sur l'accélérateur. Trente secondes pour reprendre son portable, deux secondes pour se décider entre appeler ou laisser un sms à Naël. Finalement, elle opte pour le sms. Vingt secondes à chanter le refrain de la chanson et lâcher la route du regard pour écrire le message. Aucun moment pour remarquer la voiture qui arrive sur le côté. Une voiture rouge qui klaxonne, freine mais finit encastrée dans le véhicule de Pepper. Elle sent le choc seulement quand il arrive et décolle à travers le pare-brise. Deux minutes pour que sa voiture s'immobilise enfin. L'air frais lui fouette le visage, ses yeux se ferment et une seconde pour que tout s'arrête. (III.) ▶ Le réveil se déclenche et sonne pendant une minute. Une minute qui lui semble durer une éternité. Elle ouvre ses yeux, cligne une fois des paupières, deux fois, mais Pepper, elle ne voit plus rien. Comme chaque matin depuis l'accident. Ses doigts caressent les draps avant qu'elle ne finisse par s'assoir dans le lit. Elle frotte rapidement ses yeux qui basculent à droite, puis à gauche. Parfois, Pepper s'imagine que c'est temporaire, qu'elle va finir par recouvrer la vue, comme par magie. Il lui faut toujours quelques minutes pour revenir à la réalité. Et à chaque fois, ça fait mal. « Toc toc, t'es enfin réveillée. » Patrick. Elle sent enfin sa présence à l'entrée de sa chambre. Il passe souvent la nuit ici, parce que, comme tous les autres, il pense que Pepper a besoin d'aide. Mais elle n'en a pas besoin. Elle déteste ça, elle déteste sentir la pitié dans sa voix. Ils se sentent obligés, c'est évident. Elle ne prend même plus la peine de tourner le visage dans sa direction. Ça ne sert à rien. Il n'y a plus que du noir partout désormais. Du noir et un regard figé dans le vide. « Toc toc, ça se voit, non ? » Un sourire mauvais glisse sur ses lèvres. Elle l'entend soupirer mais ne s'excuse même pas. L'humour noir et les mauvaises blagues sur les aveugles, ça lui vient presque naturellement depuis l'accident. « C'est bientôt Noël, alors aujourd'hui, on opte pour du vert. » Elle le sent marcher dans la chambre, il ouvre son placard et en tire sûrement une perruque. C'est la marque de fabrique de Pepper Fitz, se coiffer, chaque jour, d'une perruque différente. Elle n'ose pas avouer qu'elle a depuis quelques mois, oublier à quoi pouvait ressembler le vert. Elle a d'abord oublié le bleu, puis le rouge et toutes les autres couleurs. Le souvenir a disparu si simplement, un battement de cils et puis, plus rien. Plus de couleur, que du noir. Son frère lui glisse la perruque sur la tête, et ensemble ils cachent le reste de ses cheveux dessous. Elle rigole, un peu. « J'imagine que tu mettras ta robe plus tard. » Un simple hochement de tête pour confirmer. Alors Pepper finit par se lever et les pieds sur le sol, elle bascule avant de retrouver son équilibre maladroit. Ça suffit pour que Patrick intervienne et l'entoure de ses bras rassurants. « Je n'ai pas besoin d'aide, arrête. » s'écrit-elle et elle se dégage de son étreinte, tend ses mains devant elle et s'avance avec difficulté jusqu'au bout du lit. La porte de la chambre se trouve sur la droite, qu'elle se répète chaque matin. « Prends ça au moins. » Son frère lui glisse entre les doigts sa canne. Et ça l'énerve encore plus, ça la fait sentir tellement faible qu'elle se retient de le taper avec. « J'ai une surprise pour toi, elle est dans le salon. » Leurs mains se frôlent mais Pepper retire aussitôt ses doigts. Sans un mot, elle pose sa canne au sol et s'avance lentement. La porte était bien sur la droite et ça la fait sourire lorsqu'elle touche, du bout des doigts, le mur du couloir. Sa canne cogne dans un meuble et elle dévie rapidement jusqu'au canapé. Elle manque de s'assoir sur la table basse mais Patrick l'encourage à se tourner. « Dis-moi quand je peux ouvrir les yeux pour regarder. » Elle rigole toute seule et son frère soupire à nouveau. « Arrête avec tes blagues, elles ne sont même pas drôles. » Le silence retombe aussitôt. Pepper laisse tomber sa canne sur le sol et sursaute quand elle sent un animal sauter sur ses jambes. Si au début, elle n'ose pas le toucher, très vite ses mains viennent caresser le chiot. Il aboie, à deux reprises et un sourire nait sur les lèvres de la brune. « La surprise ? » qu'elle demande. Patrick s'installe à ses côtés. « La surprise, oui. »