Je suis née à Birmingham, il y a vingt-sept ans déjà. Je suis l’ainée de la famille. J’ai donc suivi des études de stylisme à l’université. Passionnée par la mode et le mannequinat, je dessinais mes collections.
J’ai quitté le cocon familial à mes dix-huit ans lorsque je me suis mariée pour la première fois. Hélas, ce mariage a été un fiasco. Nous sommes restés un an ensemble. A cette époque-là, je me cherchais énormément. Mes parents me mettaient beaucoup de « barrières » afin que je sois la fille parfaite. Je devais être une sainte et respecter tout ce qu’ils disaient. J’en avais assez d’être coincée. Je ne m’épanouissais pas. Je les écoutais me parler de la messe les dimanches, de les attendre me dire que je devais rester vierge jusqu’au mariage, de ne pas toucher à toutes addictions malsaines... J’ai rencontré
Luca un avant notre mariage et j’étais éperdument amoureuse et terriblement naïve de son charme Italien. Il me promettait de faire le tour du monde, de quitter Birmingham pour vivre l’aventure ensemble. Très vite, nous nous sommes donc mariés en secret. Parents et amis n’étaient pas invités. Un inconnu qu’on avait rencontré la veille dans un bar était notre témoin. Fous et inconscients, on était amoureux. Je suis redescendue aussi vite que j’étais montée de mon petit nuage. La cohabitation était nulle. On ne s’entendait pas, on se disputait régulièrement… J’avais des doutes sur sa fidélité. Il était jaloux et possessif. Ses défauts, je ne les acceptais plus. Nous étions invivables et on était bien au courant qu’on allait droit dans le mur. C’est grâce à mon frère,
Jaden que j’ai mis un terme au mariage avec
Luca.
Jaden avait trouvé les mots pour me faire réagir de l’erreur que je venais de commettre. J’étais divorcée et j’inspirais à autre chose de plus enrichissant. Je me suis rapprochée de mon frère et nous sommes devenus inséparables. Depuis cette histoire, on s’est promis de ne plus rien nous cacher. Nous avions seulement un an de différences d’âges.
Le 6 mai 2007, je n’avais pas invité
Adam à mon dix-neuvième anniversaire. Mais cela a suffi pour y naitre une attirance et un coup de foudre réciproque. Puis nous nous sommes surpris à nous aimer. La rencontre, la vie de couple, les projets : le mariage puis plus rien.
Adam, c’est comme-ci je le connaissais depuis des lustres. Je le déteste comme je l'aime. Le temps n'existe plus avec lui. Nous sommes restés ensemble sept ans pour finalement nous quitter tragiquement. Sept années à partager, des souvenirs désordonnés, et cette sensation au creux du ventre quand je les évoque... Un entrelacs de rires, de jambes, de fumée... une phrase de piano pleine de langueur... L'hiver puis le printemps... Mes mains crispées sur sa peau... Sa voix qui me rend folle... L'obscurité radieuse qui règne dans ma chambre quand je dors dans ses bras... Moi qui fuyais l'amour, qui le fustigeait à l'envie. Nous sommes la même âme dans deux corps et, quand ceux-ci s'unissent, nous ne formons plus qu'un. Je me surprenais à me sentir heureuse. Au bout d'un an, nous étions presque devenus « ordinaires ». Mais le bonheur nous aurait ennuyés. On crèvera chacun de notre côté.
Je suis bien chez moi, à Paris. Je traîne en peignoir toute la journée, dans l'atmosphère viciée par les montagnes de clopes que je fume, je n'ouvre jamais la fenêtre. Je préfère crever asphyxiée que crever de froid. Je ne bouffe rien, je n'ai pas faim. Pour me soutenir, je prends un mélange explosif de médicaments, plus de gueule de bois, plus de courbatures, plus de migraine. Pour me réveiller, je prends de la coke, plus de fatigue, plus de déprime. Les jours passent ainsi depuis le 23 novembre 2014. J’aime mon visage en ce moment; mes joues sont creuses, mes yeux ne brillent plus et sont dévorés par les cernes, mes lèvres sont incolores et ne savent plus sourire. Seuls mes cheveux sont restés les mêmes, longs, bruns et magnifiques, comme s'ils avaient absorbé toute la vie qui était en moi. L'homme que j'aimais est mort il y a deux mois
Adam. Je n’oublierai pas ton visage, je n'oublierai jamais ta voix. Je me morfonds dans ma douleur. Pauvre con, tu ne pouvais pas rouler moins vite.
Heureusement que je peux compter sur les membres de ma famille qui m’épaulent. Je déménage donc et retourne à Londres là où une vie nouvelle commence. Je préfère donc être moins proche de toi, à Paris les souvenirs sont trop forts et chaque lieux, chaque odeurs, chaque photos me rappellent à toi.
Adam est mort et plus rien n'a de sens pour moi. J'envisage l'avenir comme une éternité de souffrances et d'ennui. Ma lâcheté m’empêche de mettre fin à mes jours. L'humanité souffre. Et je souffre avec elle.