In Mayonnaise, we trust o/ [Nate]

In Mayonnaise we trust o/

Eh oui, des choses comme les miennes arrivaient. Pas que j'en avais spécialement "honte" mais c'était tout de même gênant. Nate lui, il avait pas ce genre de problème. Je n'étais pas bien au courant sur sa vie sexuelle pas plus qu'il ne l'était de la mienne mais je sentais bien qu'il était beaucoup plus expérimenté que je ne l'étais. Sauf que lui, il s'est intéressé au sexe bien plus tôt que moi, qui y avait songé qu'au moment où j'avais retrouvé Ivana. Auparavant, avoir une copine ne m'avait jamais intéressé. Trop de responsabilité, je n'étais pas encore prêt. Les relations sans lendemain n'étaient pas non plus ma tasse de thé et ne le sera jamais. Je n'avais pour autant guère à faire de ceux pour qui c'était le cas, chacun faisait comme il l'entendait. Et visiblement, c'était le cas de mon avis qui ne tarda pas à me le faire savoir.

« Ben... Je suis vraiment pas un exemple à suivre, parce que mes relations... Bah c'est pas vraiment des relations amoureuses en fait. Je veux dire... J'ai été avec des gens que pour passer la nuit avec eux. Avoir une petite copine en fait, je sais pas trop bien ce que c'est. Mais je suis vraiment pas sûr que je pourrais attendre très longtemps avant de passer aux choses sérieuses... »

Je le regardais avec de grands yeux ronds en essayant de me mettre dans son état d'esprit sans pour autant y parvenir.

« Enfin je dis ça, j'en sais rien, j'ai jamais été confronté à la situation. Je forcerai évidemment pas la personne, c'est pas la question, mais je sais pas si je pourrais être avec quelqu'un sans coucher avec cette personne. » poursuivit-il.
- Oh. Je vois.
Moment de silence. Puis :
"En même temps on est pas dans la même situation étant donné que je ne l'ai fait qu'une fois dans ma vie et que... du coup.. j'ai plus de patience."
Un peu trop même. D'ailleurs je commencer à m'impatienter fortement. Sauf que bin, fallait juste que je sache comment me débrouiller. Hors, c'était toujours un handicap chez moi. Moi qui était de nature direct, à ce niveau là, j'étais parfaitement coincé. Pourtant, ça finira bien par sortir.

"Et bien... Apparemment, vous êtes un peu nerveux tous les deux sur ce sujet... Toi, quand tu stresses, qu'est-ce que tu fais en général ? Y a des filles qui passent sans cesse leurs mains dans leurs cheveux, d'autres qui font craquer leurs phalanges, y en a qui ont des tics de langage et répètent le même mot dans toutes leurs phrases... Si elle stresse, c'est qu'elle y pense certainement. Et puis y a des regards plus insistants qui peuvent trahir l'envie, d'autres tics aussi... Genre y a pas mal de personne qui vont se mordre la lèvre, se passer la langue dessus ou... retenir leur souffle sans trop s'en rendre compte. "

Je me mis à cligner des yeux à l'entendre dire. J'avais vraiment le sentiment d'être un gros nul. D'ailleurs, c'est ce que j'exprimai juste ensuite :

"... je suis vraiment un gros nul."
Je lui adressai des yeux de cocker triste. Plus j'y pensais, plus je me demandais pourquoi Ivana restait avec un type comme moi alors qu'il y en avait tellement des plus doués et des plus... meilleurs. Je me demandais même comment elle faisait pour ne pas en avoir marre de moi.
Je lui avais demandé comment il faisait lui. J'aurais peut être du m'abstenir.
- Ben tu sais, moi, le plus souvent, je suis le barman qui fait son show derrière son comptoir et quand je repars de là-bas avec quelqu'un qui a passé la soirée à me draguer ou inversement, on sait déjà comment ça va finir une fois qu'on sera dans un lieu plus intime vu que c'est justement le but de partir ensemble...
- ...
Je regardais mon dessert d'un air inconsolable, dépité. J'avais l'impression d'avoir des oreilles de chien invisibles qui s'abaissaient. J'aurais p'tet du demander à quelqu'un d'autre en fait. Je me sentais tellement ridicule, c'en était affligeant. Face à Nate, je perdais toute confiance en moi.

"C'est un tort. Je dis pas que c'est facile, et c'est sûr que se lancer pour mettre ce sujet sur le tapis, ça va demander un peu d'efforts, mais... Les questions que tu te poses, je serais prêt à parier qu'elle se les pose aussi. On a tendance à faire tout un flan genre les garçons ils pensent qu'à ça, les filles réagissent pas pareil, mais... c'est des conneries. Mec ou nana, on a tous des envies. Et on se pose tous des questions. Vous êtes en couple, la communication, c'est essentiel, non ? Et puis vous vous faites confiance, n'est-ce pas ?"
- Oui je sais... c'est juste qu'on sait pas comment s'y prendre... on est tous les deux méga inexpérimentés alors bon... moi encore plus qu'elle étant donné que... enfin... bref...
« Je pense qu'elle te connaît suffisamment pour ne pas se méprendre et voir dans cette conversation le signe que tu serais obsédé par ça. T'es pas moi, va... »
Je relevais les yeux à l'entendre dire. Je savais pas comment le prendre. Ma part de tarte glacée était en train de fondre sous mes yeux et je m'étais mis à faire une fixette dessus une fois de plus.
« Et je pense que même si ça risque de vous sembler un peu embarrassant au début, ça vous fera le plus grand bien de crever l'abcès. Dans l'absolu, garder ce genre de frustration, c'est jamais bon. Que ce soit dans ce domaine ou dans n'importe quel autre, d'ailleurs... »
- Mouais....
Soupir. Il allait falloir que j'entre en conversation avec moi même et réfléchir sérieusement. Peut être voir quelques films romantiques pour essayer de m'inspirer sur la manière dont les personnages principaux s'y prenaient pour parvenir à conclure. Peut être engager un coach en la matière afin de me mettre en situation ou je ne savais pas.
Soudainement, une idée m'éclaira.
"Oh je sais, on va faire un jeu de rôle si tu veux bien : tu es Ivana et je vais essayer de te convaincre de coucher avec moi!"
Et le pire, c'était que j'étais fier de mon idée à tel point que je le regardais avec un grand sourire, aussi sérieux que je ne l'avais jamais été. Après tout, c'était comme une simulation d'entretien d'embauche. Bon ok, un peu louche sur les bords, certes. Une conversation normale dans un Burger King.

In Mayonnaise we trust o/

Je ne savais pas pourquoi je me sentais si petit face à Nate. Tout pouvait arriver, après tout. Mais j'avais le sentiment de perdre mon temps, de passer à côté de quelque chose. Oh bien entendu, je ne comptais pas du tout plaquer Ivana pour aller papillonner à droite à gauche, mais tout ce que je vivais me semblait ridicule. Cette manière de se priver bêtement, par crainte. Pourtant, Ivana s'était montré démonstrative la seule fois où ça s'était passé. C'était à mon tour de l'être, de lui prouver que j'étais capable moi aussi.

"Ca, ça a jamais vraiment été mon point fort."

Entendis-je Nate me dire quand je lui expliquais notre.. différence. Sauf qu'en disant cela, il ne m'aidait pas vraiment. C'était peut être bête, mais j'avais l'impression de ne pas être... normal. Oh, évidement, ça n'était pas contre le fait que je ne décidais pas d'avoir une multitude de conquête, mais par le fait que je ne savais pas comment m'y prendre pour me lâcher, rien qu'avec ma copine. Quelque part, j'étais aussi certain qu'elle en avait tout autant envie que moi. Mais quelque chose nous empêchait de sauter le pas, que ce soit chez l'un ou l'autre. Il devait y avoir un truc qui bloquait, mais je n'arrivais pas du tout à mettre le doigt dessus.
- Mais absolument pas ! tenta de me rassurer tout de même Nate, et j'appréciais son geste. «  Ca n'a rien à voir, tu manques simplement d'expérience, c'est tout. Si ça peut te rassurer, mes premières fois, ça a été assez catastrophique. Je pense que je me reverrai faire maintenant, je me ficherais des baffes. C'est comme tout, ça s'apprend, petit à petit. Et je pense pas trop me planter en affirmant qu'au fur et à mesure, on apprend à connaître l'autre, aussi... »

Je me forçais un sourire. Il était gentil.
- Bin.. en fait, une fois que je suis dedans.. si je peux me permettre, bin tout se passe bien. Je veux dire, quand on l'a fait, ça s'est pas si mal passé que ça.
Mon petit côté super héros, sans doute. Je n'irais pas jusqu'à dire que c'était le pied total et que j'avais assuré comme un dieu, mais ça n'avait pas été désagréable, autant pour l'un que pour l'autre. Puis après Ivana m'avait quitté, à cause de sa maladie et depuis, nous n'avions pas repris notre activité sexuelle. Je ne saurais pas trop dire ce qui a provoqué cela. La traumatisme de la rupture ? La distance que je ressentais entre elle et moi ? Y avait-il réellement une raison à donner ? On avait juste un balais enfoncé dans le derrière et il fallait que l'un de nous parvienne à le retirer pour aider à retirer celui de l'autre. Assez bizarre, je l'admettais, et j'allais faire un effort d'initiative. Il allait falloir qu'on discute sérieusement, que ce soit à propos de ça ou... de choses et d'autres.

J'avais encore la moue jusqu'à ce que l'idée brillante de me mettre en scène avec Nate me vienne à la tête. Naturellement, mon ami éclata de rire, mais semblait se prendre au jeu. J'étais tellement déterminé que j'en avais oublié où nous étions exactement et il me le fit rappeler :
« Tu veux faire ça ici ? Ou tu préfères qu'on rentre à l'appart' ? Moi je m'en fous mais bon.... »

Je clignais des yeux en regardant un peu partout autour de nous. Ah oui, il était vrai que nous n'étions pas seuls. Je ne savais pas quelle décision prendre réellement jusqu'à ce qu'il ajoute ceci :

« Et tu devrais finir ta tarte glacée avant qu'elle soit complètement fondue aussi... Quoi que ça peut faire partie du jeu... »

Un petit moment d'hésitation avant que je me détende. Il était fort dommage de ne pas avoir une perruque rousse sous la main, mais j'allais devoir faire preuve d'imagination. Malheureusement, j'avais du mal à garder mon sérieux. Me penchant vers la table, je le regardais avec une expression invitante. Passant le doigt sur la glace de ma tarte, je l'étalais sur une joue de Nate d'une façon qui se voulait sensuelle, mais surtout très parodique.
« Chaton, je ne t'ai jamais dit que la glace te rendait encore plus sexy ? »

Je haussais deux fois les sourcils en réfléchissant à la suite de mes actes. Replongeant mon doigt dans la boule de glace à moitié fondue, je léchais le bout sous un regard qui se voulait loin d'être lubrique, mais qui faisait toujours parti du jeu. Jusqu'à que ce soudainement, je vire d'un coup sec tout ce qu'il y a sur la table en renversant tout d'un coup sous un bruit sourd avant de frapper mes mains dessus et de crier un bruyant : « PREND MOI SUR LA TABLE, DE SUITE ! »

Je n'osais même pas imaginer la tête de la véritable Ivana si j'avais été réellement en situation. Il était évident qu'elle ne se serait jamais laissé aller sur la table d'un restaurant, mais il fallait imaginer que nous étions dans la salle à manger de son appartement et à l'abri de tous les regards qui s'étaient braqués d'un coup sur nous.
A cet instant, je redressai la tête et sourit, l'air gêné.
« Non mais c'est pas ce que vous imaginez, on fait une simulation ! » justifiai-je aussitôt pour expliquer notre comportement. « C'est pour... une pièce de théâtre qu'on répète. Autant pour nous ! »
Quand je me baissai pour ramasser ce que j'avais fait étaler par terre, j'interrogeais Nate du regard. « Alors, j'assure ? » avais-je demandé d'une toute petite voix. Le plus bizarre dans l'histoire était sans doute de continuer de l'imaginer avec de longs cheveux roux.

In Mayonnaise we trust o/

Faire une carrière de comédien aurait pu être une perspective. J'étais à peu près sure que j'aurais pu être bon. Peut être qu'un de ces quatre, je m'inscrirais à des cours de théâtre, quand j'aurais plus de temps et surtout plus de budget pour cela.
Je venais de montrer une petite démonstration à Nate, et ce devant l'intégralité du restaurant, de ce à quoi j'étais capable. N'ayant peur de rien - enfin, presque -, je ne m'étais pas interrogé sur la réaction des autres personnes. J'avais fait mon improvisation en m’extériorisant de tout ce qui m'entourait, sauf de Nate. Et puis, si le ridicule tuait, je serais mort depuis bien longtemps après tout!

Quand je virais tout ce qu'il y avait sur la table d'un seul coup, imitant une passion soudaine et une pulsion à assouvir au plus vite, tout les yeux s'étaient braqué sur nous. Encore plus lorsque je criais à ma fausse rousse de me prendre sur la table dès maintenant et pour le coup, j'étais curieux de savoir si les gens m'avaient réellement pris au sérieux ou s'ils avaient deviné que nous bluffions. Évidement, ce ne sera jamais le genre de chose que je dirais à Ivana, à moins d'être familier à la chose, mais j'avais eu envie de m'amuser pour le coup. Ça n'était pas très sérieux, alors qu'il aurait fallu que je m'entraine, mais au moins, je l'aurais fait une fois dans ma vie.
Nate avait éclaté de rire à ma réaction sous l’œil intrigué des gens. Gêné, je m'étais justifié comme quoi nous répétions seulement une pièce de théâtre et les gens reprirent petit à petit le cours de leurs activités.
- Et j'arrive toujours pas à rester sérieux jusqu'au bout de cette scène, c'est con hein..., avait dit Nate peu après.
"Oh bin, à force de la faire, on va finir par y arriver!" plaisantai-je en m'abaissant pour ramasser mes conneries. A ce moment là, je profitais pour lui demander si j'avais assuré. Je ne m'attendais pas à une réponse sérieuse, parce que je ne l'avais pas été. Mais c'était toujours cool de le savoir après tout!
"Oh pour détendre l'atmosphère, c'est parfait... On va juste essayer de pas la faire mourir de rire, hein ! Déjà que t'as failli faire mourir de rire ton ex-coloc..." me répondit alors Nate encore sous l'effet de l'hilarité, ce qui provoqua un rire de ma part.
"Je me demande si Ivana serait du genre à rire de la situation ou si elle ne serait pas incroyablement gênée. Mais si on est seuls, peut être que ça la fera rire effectivement!"
Oui enfin, si derrière ça pouvait se "conclure", ça serait encore mieux. C'était ça après tout le but. Et bien qu'on dise "femme qui rit à moitié dans son lit", il fallait encore tirer l'autre moitié!
« Mais si t’arrive à en rire avec elle, sincèrement, c'est plus que bénéfique. Dédramatiser la chose, je crois que ça va être la première étape. Histoire d'arrêter de vous mettre tous les deux la pression inutilement... » me dit ensuite Nate, chose qui me fit sourire. Je ne savais pas encore comment cela se passera la prochaine soirée où je verrais Ivana. Peut être ferais-je attention à la leçon dont je tirais de ce moment, ou bien peut être me laisserai-je aller sans trop y penser. Une chose était certaine, j'avais envie d'aller plus loin avec elle et j'essaierais de trouver le moyen le plus parfait pour le lui faire comprendre et nous laisser aller.

"Désolé pour ta glace" m'excusai-je. "Si tu veux, je t'en repaie une, c'est la moindre des choses."
Sans attendre de réponse, je me dirige vers les caisses avec, à cette heure ci, plus autant de monde que lorsque nous étions rentrés. Je revins à la table avec deux crème glacée toute neuve.
Je levais ma coupe comme si c'était un verre de champagne, puis : "A ma prochaine... ouais enfin, souhaite moi bonne chance quoi."
Certes, on y était pas encore, mais c'était toujours ça.