I know if I'm haunting you, you must be haunting me - Austin

Le regard pensif, la main crispée sur son portable, elle regardait vaguement le paysage tandis que son chauffeur la conduisait sur le lieu de réception, en dehors de Londres. Où exactement ? Elle n’en avait aucune idée et ne s’était même pas posée la question, d’autres choses la préoccupaient depuis cette après-midi. Un message vocal de Julian qui lui disait simplement qu’il lui avait menti, il ne s’était pas rendu au travail ce matin mais était parti au pays de Galles voir une amie avec qui il avait eu des échanges mouvementés, et finalement à l’annonce de la mort d’un ami, s’était rendu en Ecosse. Rien que ça ! Au début, elle n’avait pas eu le coeur à lui en vouloir, il lui avait dit qu’il l’aimait pour la première fois dans ce message vocal mais plus elle y repensait et plus elle y voyait seulement un prétexte pour effacer ses cachotteries. Et à tous les coups, il parlait d’Eugenia. Qui pouvait le mettre dans cet état sinon elle ? Un soupire lui échappa. Ce temps glacial n’améliorait rien à son humeur et pourtant, elle ne laissait rien paraître, c’était un jeu d’enfant de faire croire à Julian qu’elle ne lui en voulait pas, que tout se passait dans le meilleur des mondes parce qu’elle ne lui faisait jamais de reproche. Elle n’avait aucune envie de le mettre sur le compte de l’amour ce soir, son éducation stricte lui avait appris comment devenir une compagne parfaite, rien de plus, rien de moins.

Avant de descendre de la voiture, elle éteignit son portable et le lâcha sur la banquette arrière. Elle refusait de passer cette soirée à guetter l’un de ses sms ou à réfléchir à ce qu’il pouvait faire. Tendant la main au majordome pour qu’il l’aide à sortir de la voiture, elle inspira une bouffée d’air. Les marches de la grande bâtisse étaient éclairées d’une lueur réconfortante et chaleureuse, c’était son univers, un monde de luxure et raffinement qu’elle retrouvait enfin. Elle allait passer une agréable soirée, elle tentait de s’en convaincre.

A l’intérieur, les invités riaient, discutaient, une coupe de champagne à la main. Les traits de son visage se détendirent, elle se sentait à l’aise et chez elle. On ne tarda pas à l’aborder et lui raconter les derniers ragots sur les grands noms car depuis qu’elle s’était enfuie à Paris avec Julian, elle peinait à se tenir informée n’apparaissant plus aux événements. Les nouvelles étaient tellement intéressantes que son attention ne se porta sur rien d’autre que ses deux interlocutrices, il lui arriva même de rire à leurs paroles venimeuses. Au moment où on lui proposa des apéritifs, son regard se posa soudainement sur un visage familier. Il la regardait. Surprise, elle se détourna immédiatement avant de se congédier poliment et fuir vers la salle voisine, d’un pas qui se voulait naturel. Non, elle n’avait aucune envie de le voir. A chaque fois, leur entretien qui pouvait incroyablement bien commencer, tournait au désastre, chose qu’elle parvenait à maîtriser mais qu’elle ne désirait pas faire ce soir. Julian lui donnait déjà assez le tourni alors inutile d’en rajouter une couche.

Rejointe par l’organisatrice de la soirée, elle reçu un papier sur lequel on lui avait attribué le nombre dix-huit, celui qu’elle préférait. Un jeu se tramait dans le plus grand des secrets, et enfin, les invités allaient en être informés. S’éclaircissant la gorge, elle présenta le concept d’une voix excitée. Chaque équipe était une paire choisie sur le hasard - ou pas - et se devait de la retrouver au centre du labyrinthe, la suite de la soirée allait s’y dérouler et pour couronner le tout, les premiers arrivés se voyaient réserver une surprise. Évidemment, ils pouvaient prendre leur temps, le but était de découvrir une personne autour d’un jeu, des bancs et des tables garnies les attendaient à l’intérieur du parcours. L’idée aurait pu être géniale si ce n’avait été déjà fait par ses parents en France et qu’il faisait autant froid mais le challenge lui plaisait, peu importe son partenaire, le dix-huit allait gagner.

En même temps que les autres invités, elle se dirigea vers les vestiaires récupérer son manteau et suivit le chemin conduisant au jardin. Malgré l’obscurité de la nuit, il était parfaitement éclairé de lanternes orangées, l’ambiance se retrouvait échauffée et presque romantique. Devant l’entrée du labyrinthe, chacun s’attelait à trouver son partenaire créant une atmosphère conviviale, ce qui était plutôt inédit pour une soirée mondaine. Une main se posa sur son épaule, lorsqu’elle se tourna, ce qu’elle vit d’abord fut le papier avec le nombre dix-huit puis enfin, le visage de son détenteur.

Un sourire en coin se dessina sur ses lèvres. “Évidemment que ce n’était pas basé sur le hasard sinon j’aurai tendance à dire que le sort s’acharne sur moi." Elle marqua une pause. "Ou c'est toi qui veut t'acharner sur moi, Austin.”

Encore une soirée à faire semblant, une nuit de plus à jouer les mecs heureux de vivre alors que je n’avais plus goût à rien. Depuis que Mila et moi avions rompu brutalement suite à son départ pour les Etats-Unis, j’étais comme un fantôme qui ne marchait plus mais errait, sans but, sans présent et sans avenir. Je n’aurais jamais pensé être le genre de personne à tomber en déprime à cause d’une fille, et pourtant elle m’avait touché, touché là où personne n’avait réussi auparavant. Mon cœur était à l’amende et seule la brune au tempérament de feu était capable de le soigner. Cela dit je n’avais pas vraiment le choix, la soirée qui s’annonçait était la bonne occasion d’étendre mon réseau en dehors du cadre de Londres, il s’agissait d’un évènement des plus luxueux où tout le gratin prévoyait de se retrouver, autant dire que c’était une aubaine pour mon patron qui ne tarda pas à m’envoyer un texto avec l’adresse. J’étais un habitué de ce genre de réception, je ne disais jamais non à du champagne et des petits fours gratuits, mais sachant que la seule compagnie que j’aurais ce soir était l’alcool, cela n’avait rien de réjouissant.

Je pris ma voiture assez tôt, drapé dans un costume trois pièces de chez Armani. Je ne voulais pas être en retard et pris dans les bouchons, et le taxi n’était clairement pas une option pour ce genre de soirée où chacun juge l’autre sur les plus petits des détails. Tout en voyant les lumières des lampadaires défiler à toute vitesse, je me surpris à laisser vagabonder mon esprit. Je revoyais le visage de Mila me sourire, ses lèvres contre les miennes et nos corps enlacés. Des images qui me faisaient autant de bien que de mal tant la nostalgie était forte. Un sourire en coin sur les lèvres, je me garais enfin sur le parking dédié aux hôtes, laissant mes clés au voiturier qui se trouvait non loin de là. Je montais les marches une par une, laissant glisser ma main sur la rambarde du grand escalier de pierre qui menait à la salle principale. Je pris une profonde inspiration et planta ce qui se rapportait de près ou de loin à un sourire avant de pénétrer à l’intérieur. Je serrai des mains, en baisai d’autres, avec toute la classe et la prestance due à mon rang social. Lorsque l’instigatrice de ce cirque vint à prendre la parole, enfin tout devint clair, ce soir était un espèce de jeu de piste où j’allais devoir me coltiner l’une de ces dames qui me raconterait surement la façon horrible dont sa femme de ménage faisait grincer les vitres en les nettoyant. Un spectacle navrant que néanmoins je connaissais sur le bout des doigts. Ainsi, à la manière d’un chef d’orchestre, je n’aurais aucun mal à manipuler la marionnette qu’elle était entre mes mains, afin qu’elle me transmette le nom et les coordonnées d’une connaissance, en recherche de bonne publicité. Cela dit lorsque vint le moment de former les couples, c’est avec surprise que je vis Athénaïs se poser devant moi. N’essaye pas de mettre le fait que tu sois attiré par ma perfection sur mon dos s’il te plaît. Je lui tendis mon bras pour qu’elle puisse venir y passer le sien afin que nous nous mettions en route. Je ne voulais pas paraître cavalier, et je n’avais peut être pas la fameuse pigeonne espérée à mon bras, mais au moins je pouvais passer une soirée des plus intéressantes. Alors qu’est-ce que tu fais ici dis-moi ? Si tu cherchais simplement un coup d’un soir tu aurais pu appeler un de ces mecs qui te vénère, ou même ce pauvre journaliste de bas étage… Julian, oui c’est ça. Toujours une coupe de champagne à la main que je sifflais à vitesse grand V, je me disais qu’avec une partenaire comme elle, je ne pouvais que m’amuser. Elle m’aiderait surement à oublier à quel point je voulais disparaître de la surface de la Terre depuis la débâcle de ma première véritable relation amoureuse. Quelle ironie, moi qui pensait être celui qui ne pouvait pas s’engager et qui briserait le cœur de Mila à la moindre occasion, c’était l’inverse qui s’était produit. Par contre je te préviens tout de suite, si tu essaies de me saouler pour faire des folies de mon corps, il suffit de demander inutile de te donner cette peine. Un clin d’œil ponctuant ma remarque plus que suggestive, j’attendais de voir ce qu’elle avait à répondre à mes avances.