Dakota + Mayday, Mayday ! We have an emergency

Mon regard droit dans la glace, j’ajustais mon nœud de cravate. Le regard à moitié dans le vide, je me concentrais sur mon sentiment de fierté. J’avais toujours cette sensation lorsque je portais mon uniforme de pilote. La bataille n’avait pas été facile pour devenir pilote dans ce monde d’homme. J’ai du prouver que j’étais la meilleure. J’ai du prouver que je n’avais pas à être traiter autrement que comme un homme. J’étais leur égal et j’avais appris à me faire respecter. J’avais remisé la jupe de mon uniforme dans un placard pour préférer le port du pantalon. Cette compétition m’avait forcé à me surpasser et je ne regrettais rien. A l’âge de 30 ans, la compagnie m’avait offert le plus beau des postes. Je n’étais plus un co-pilote, mais j’étais un commandant de bord. Et cela n’avait fait que renforcer mon désir de rendre honneur à ce poste. Je savais parfaitement que certains membres de la compagnie n’aimaient pas ce côté trop le fait que j’étais souvent intransigeante, mais je m’en fichais. Notre métier nous demandait de l’exactitude et je considérais importante de marquer le coup lorsque des erreurs étaient commises. Nous avons la responsabilité de passager, d’être vivant. Pour rien au monde je ne cesserais de dire ce que je pense lorsque quelque chose me dérange même si je dois m’attirer les foudres de certains collègues. Cependant, j’ai la sensation qu’ils ne m’en veulent pas tant que cela, après tout, nous sommes tous des passionnés. La preuve en est, je prends vraiment plaisir de travailler avec tout le monde. Chacun à ses défauts et c’est d’être adulte de savoir faire avec.

Attrapant une brosse à cheveux, je brossais mes cheveux indisciplinés afin de former doucement mais surement un chignon bas, réprimant une grimace en sentant la douleur provoquer par mes cheveux tirés. Certaines personnes peuvent dire que ma vie est triste. Je n’ai pas de compagnon, je n’ai pas d’enfant, je n’ai que mon travail. Mais je me fiche encore une fois de cela. Je n’ai pas besoin de correspondre à un modèle pour être ce que je veux. Je suis heureuse dans ce que je fais. Je suis extrêmement fière d’avoir accompli mon rêve et je ne regrette aucun de mes choix, aucun de mes sacrifices. Et vous pouvez en être certain, j’en ai fait. Le plus gros est sans aucun doute l’abandon de mon enfant. J’avais 15 ans à l’époque et malgré des précautions, nous avions été le cas rare de la capote qui craque. Avec mon petit ami de l’époque, nous avions pris la décision de mettre fin à la vie de cet être en moi. Je n’ai jamais été contre l’avortement, au contraire. Je respecte ce choix et je pensais être capable de pouvoir y faire face. Mais une fois devant ce choix à faire, je m’en sentis incapable. Je ne m’étais pas sentie capable d’avorter. Pour autant, je ne me sentais pas capable d’être mère. Je ne me suis jamais sentie capable d’être mère. Avec l’aide de mes parents, on avait décidé de mener à terme ma grossesse et le jour de l’accouchement, donner l’enfant à l’adoption. Ce fut un moment de ma vie particulièrement difficile mais mon esprit rationnel me disait que ni moi ni cet enfant ne seraient heureux si nous restions ensemble. Cette petite fille fut donc donnée à l’adoption. J’ai mis beaucoup de temps à me remettre de mon traumatisme. C’est à cette époque que je me suis plongée dans l’aéronautique, pour occuper mon esprit et cela en est devenu ma vie. Il m’arrive souvent de me demander ce que cet enfant est devenu, cependant, je ne regrette pas ce que j’ai fais.

Aujourd’hui, j’en ai la certitude, je ne suis pas faite pour être une mère, ni une épouse. Je suis faite pour être pilote, je suis une pilote. Mon chignon terminé, je me mettais du mascara et un léger baume sur les lèvres. Finissant de ranger mes affaires, je me mettais ma casquette sur ma tête avec un léger sourire. Attrapant le tout, je quittais la chambre d’hôtel dans lequel je séjournais et je me dirigeais vers le hall, là où je prendrais un bus m’emmenant vers l’avion que j’allais ramené en Angleterre. Je me sentais complète dans cet instant. Une fois que je serais assise dans ce cockpit, sur le siège de gauche, comme toujours, je me sentirais plus que jamais proche de moi-même. Je serais pour quoi je suis née, je serais pour quoi je vis aujourd’hui, je serais pour quoi je serais prête à tout sacrifier, je serais pour quoi je suis prête à mourir.