pia (+) haute couture.

New York, le 24 juin 2010.

Pia est assise dans un haut bureau, dont les fenêtres touchent le plafond. Ses mains gantées sont calmement posées sur son sac à main, elle attend patiemment que l’avocat qu’elle doit voir entre dans la pièce.
Pia a vingt-deux ans. Elle vient de quitter précipitamment la maison de ses parents, suite à une nouvelle très personnelle qu’elle vient de leur annoncer. « Je suis attirée par les femmes. » Sans préambule. Pia n’est pas ce genre de personne qui tourne trois heures autour du pot pour annoncer quelque chose qu’elle retient depuis longtemps, enfoui en elle. Elle a payé suffisamment cher ses rendez-vous fréquents chez le psychologue pour savoir que les secrets coûtent de l’argent, et que l’exhorter enfin à la face du monde est une meilleure solution que de s’allonger sur un canapé et de parler pendant deux heures.
La porte s’ouvre enfin derrière elle, et Pia garde son attitude calme et posée, droite comme un I sur sa chaise. Lorsque l’avocat s’assied en face d’elle, elle a un visage serein, d’un calme olympien. Elle le regarde avec sérieux, il fait de même. Il attend qu’elle se décide à parler.
« Je voudrais que cette affaire reste secrète, Maître. » Elle a sorti de son sac une somme conséquente, en petites coupures. L’homme regarde l’argent, puis sa cliente, sans vraiment comprendre. Il croise ses mains sous son menton, et l’encourage à poursuivre d’un léger signe de la tête.
Pia soupire, et comprend qu’elle va devoir tout raconter depuis le début.
Elle s’installe plus confortablement dans sa chaise, enlève son chapeau et retire ses gants. Elle croise les jambes, et pose son sac à main par terre.
« Maître, je suis née dans une famille qui a de l’argent. Beaucoup d’argent. Au début, lorsque mes parents ont commencé à faire fructifier leurs gains, je pense qu’ils les retiraient du jeu. Mon père est un joueur de poker, ma mère fait régulièrement des petits voyages au casino, à Las Vegas, etc. Pas besoin de vous faire un dessin. »
Pia lève les sourcils. L’avocat hoche la tête, toujours sans mot dire. Elle poursuit donc.
« J’ai une sœur aînée, qui a toujours fermé les yeux sur l’origine de cet argent. Puis ils m’ont eue moi, une petite sœur et un petit frère après moi. »
Pia pense à ses frère et sœurs, presque tous encore sous le joug impitoyable de leurs parents attachés à l’appât du gain, et de l’argent qui coule encore à flots dans l’immense résidence new-yorkaise. Elle pousse un soupir qu’elle a longtemps retenu.
« A force, les sommes que gagnaient mes parents ont fini par attirer l’œil de la presse, et des autorités. Ils ont dû s’expliquer, mais au final, vu qu’ils ne faisaient rien de mal ni d’illégal, ils ont laissé tomber. Le souci, c’est que tout ce que font mes parents finit dans la presse et que je ne voudrais pas que…ma fuite apparaisse dans les tabloïds dès demain. »
« Et surtout pas pourquoi », songea la jeune fille, pensive. Elle releva les yeux vers l’avocat, pleine d’espoir. Mais en parcourant le visage de l’homme, elle se rendit compte que son histoire lui était visiblement passée au-dessus. Elle se leva donc, reprit ses effets personnels et quitta le bureau sans rien ajouter de plus.
Resté seul dans son bureau, l’avocat véreux esquissa un sourire mauvais et décrocha immédiatement le téléphone.
« Harry ? J’en ai une bien bonne pour toi, accroche-toi ! »

Londres, le 8 octobre 2010.

Pia lâcha bruyamment ses sacs à terre, et referma la porte de son appartement derrière elle. S’asseyant sur le canapé tout nouvellement livré, la jeune femme caressa le tissu pensivement, contente de penser que sa vie allait pouvoir recommencer de zéro de l’autre côté de l’Océan Atlantique.
L’américaine consulta rapidement les unes des journaux anglais, avant de constater avec soulagement que son nom n’apparaissait nulle part. Elle s’allongea de tout son long sur le canapé et ferma les yeux. Quelle chance d’avoir pu faire des économies avant toute cette histoire…Elle avait été suffisamment chanceuse pour pouvoir s’acheter un appartement au cœur de Londres, histoire de se laver une fois pour toute de la trace néfaste de sa famille et surtout, de ses parents.
« Well done, Pia. »