"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici fear doesn't shut you down, it wakes you up. (swana) 2979874845 fear doesn't shut you down, it wakes you up. (swana) 1973890357
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fear doesn't shut you down, it wakes you up. (swana)

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() message posté Mar 15 Avr 2014 - 20:35 par Invité

fear doesn't shut you down,
it wakes you up
swana douglas and eugenia lancaster.

♔ ♔ ♔ ♔ ♔

« Excusez-moi, pardooon. » sifflai-je entre mes dents, tandis que je peinais à me frayer un chemin pour pénétrer à l’intérieur de la bibliothèque universitaire. « Priorité aux infirmes. Faut que je vous le dise en quelle langue ? »
Ma voix avait une connotation sarcastique ; ce fût seulement à cet instant que les personnes autour de moi prirent la peine de me remarquer et se pousser de mon chemin. Je les remerciais d’un soupir, avant de donner un grand coup sur les roues de mon fauteuil roulant pour me dégager de la foule le plus rapidement possible. Aussi vite que la force de mes bras me le permettait. Je sentis des regards s’attarder dans mon dos, tandis que je filais déjà parmi les étagères. Cela était précisément une des raisons qui me poussaient à étudier chez moi. A prendre des cours par correspondance. Je n’étais pas spécialement une personne qui tenait à avoir les feux des projecteurs braqués sur elle, non ; cependant, je jugeais que de telles conditions pour m’imposer étaient un exercice bien trop épuisant. J’étais lasse d’hausser le ton. Lasse de crier que j’étais là. Lasse d’être contrainte de m’imposer. Lasse de devoir m’afficher. Lasse de voir tous ces regards, ces regards plein de pitié et de dégoût. Après tout, je n’étais pas dans la norme. Après tout, j’étais une infirme. Cela rebute. Cela dérange. Cela est l’essence même de ce que le commun des mortels peine à accepter.
Et, au milieu de tout cela, il y avait moi. Moi et mon fauteuil roulant puisque, désormais, je ne pouvais plus être différenciée de lui.
La mine renfrognée, je m’attardai dans les rangées de livres alignées dans les étagères. Mes yeux passèrent en revue les différents titres d’œuvres ; si je m’étais écoutée, je serais restée chez moi. Si je m’étais écoutée, j’aurais simplement tout arrêté. Je n’étais pas à la hauteur, après tout. Tout le monde le savait. Tout le monde le pensait. Je focalisais bien trop ma vie sur ma rééducation pour accorder un minimum d’importance à ma scolarité. Alors, forcément, mes notes étaient en chute libre. Alors, forcément, je ne faisais rien pour redresser la barre. Bonne à rien. J’étais loin d’être autonome. J’allais finir par être dépendante intellectuellement.
Je poussai un soupir, et ma main se referma sur un volume. Dans un grincement, je repris ma route, avant de collecter deux autres livres que je posais sur mes genoux. Finalement, je me dirigeai vers une table, et un étudiant bien intentionné dégagea une chaise des tables d’étude pour que je puisse m’y installer. Je lui adressai un sourire, auquel il répondit d’un acquiescement ; il détourna sa route, et je posai mes affaires en face de moi. Cela avait été un geste simple. Insignifiant. Un geste qu’il oublierait dès le soir-même ; pourtant, au fond de moi, cela ne faisait que me rappeler que je n’étais pas autonome. Que je ne pouvais pas m’en sortir seule. Que je ne pourrais pas me débrouiller, que j’étais condamnée à vivre sur le dos des autres. Que j’étais condamnée à tendre une main secourable. Et cela me rendait malade.
Je n’aimais pas l’Homme. Je n’aimais pas les autres en général. Pourtant, j’étais contrainte de vivre avec. Pourtant, j’étais contrainte de faire avec, surtout. Je tentai de me rassurer en me disant que cela ne serait l’histoire que de quelques heures, le temps de terminer mon compte-rendu et de m’en aller. Mais je ne pouvais pas fuir, au fond. Cela n’était pas un problème lié à l’université. Jamais, au grand jamais, je ne pourrais me lever de mon fauteuil et partir en courant pour fuir de cette vie. J’étais prise au piège. Paralysée. Coincée dans mon propre corps. Tétanisée. Et je n’avais pas d’échappatoire possible.
Je sortis mon ordinateur portable de la sacoche accrochée à mon fauteuil, et je le posai délicatement sur la table que je faisais face. Je l’allumai, pianotant sur le rebord en bois le temps qu’il ne daigne à démarrer. J’observai autour de moi ; mon regard se plongea dans celui d’une brune à mes côtés, et je détournai la tête à l’instant même où mon iMac me demandait mon mot de passe. Raide, je le tapai rapidement, sentant mon cœur battre beaucoup trop vite au fond de ma poitrine. Mais je savais que c’était trop tard. Elle m’avait regardé avec insistance, mes yeux avaient rencontré les siens. Elle allait me parler. Et moi, comme à chaque fois, je n’allais être que la bête de foire de l’après-midi. L’animation d’une vie. Oh, regardez. Une fille handicapée. C’est drôle.
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Margot Bernstein-Woolf
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() message posté Jeu 17 Avr 2014 - 13:35 par Margot Bernstein-Woolf
Swana Douglas & Eugenia Lancaster
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Le problème avec Swana, c’était que malgré tout le sérieux qu’elle pouvait tenter de montrer à la Terre entière, elle n’était pas du genre à s’y prendre à l’avance pour faire les choses. Elle avait cette incapacité à s’organiser, à faire des plannings, à faire en sorte d’étaler et de répartir de façon égal un peu de travail à faire chaque jour pour en avoir le moins à faire à la fin. Non. Elle, c’était tout ou rien. Et généralement, elle préférait rentrer et ne rien faire justement, que d’en faire un peu. C’était pour cela que, les trois quarts du temps, elle se retrouvait avec une quantité astronomique de travail. Et encore, astronomique était un faible mot comparé à ce qu’elle devait faire. Et le pire dans tout ça, c’était que –sans qu’elle souffre de trouble de la concentration ou autre- elle n’arrivait pas à se poser chez elle, et se mettre à bosser. Bien qu’elle le paraisse et que ces notes reflètent d’elle une image de personne sérieuse et bosseuse, Swana était loin d’être le genre de personnes qui se posait à son bureau pour une après midi et qui travaillait. Non. C’était miss tout ou rien qui pouvait être déconcentrée par le crayon de papier qu’elle avait en main ou les pages de son bouquin qui lui semblaient cornées. Un rien arrivait à la déconcentrer, à la faire partir dans un autre monde. A lui faire oublier qu’elle devait se concentrer sur sa sociologie et son économie avancée plutôt que de penser au pourquoi du comment les nuages se formaient dans le ciel –parce qu’en plus elle le savait, à croire que c’était ça le pire.
Le seul endroit qui pouvait lui offrir un cadre idéal pour se mettre à travailler –enfin essayer- quand elle avait un dossier à rendre ou un examen qui approchait, c’était la bibliothèque. La bibliothèque de son université, où elle serait forcée de se tenir à carreau, de la fermer, d’arrêter de gigoter, d’arrêter de se plaindre –ou de le faire seule, dans sa tête-, c’était là où les autres travaillaient. Parce que la, ça lui foutait la pression. Elle voulait rester la meilleure.
Elle s’était installée ce jour là –où effectivement, elle avait un dossier important à rendre sinon elle serait allée trainer dans les boutiques d’Oxford Street ou dans on-ne-sait-quel café, ça semblait évident- à une table de la bibliothèque universitaire, seule avec son Mac et ses trente sept bouquins d’éco qu’elle semblait être la seule à apprécier et à pouvoir comprendre. Seule, parce que Swany était certaine que si elle se foutait avec quelqu’un qu’elle connaissait, elle finirait par taper la discut’ plus qu’autre chose. Et le problème, c’était qu’elle connaissait tout le monde ; elle avait cette mémoire impressionnante, ce pouvoir presque magique de retenir le visage de quelqu’un, son prénom, sa date de naissance, son numéro de sécu et de carte bancaire, rien qu’en l’ayant vu une seule fois. Et il ne suffisait de pas grand-chose pour que Swana se mette à discuter. Elle n’aimait tout simplement pas être seule malgré ses airs supérieurs. Elle détestait ça même.
Douglas connaissait tout le monde oui. Toutes les personnes présentes dans cette bibliothèque avait déjà croisé le regard de Swana au moins une fois si ce n’est plus. Elle connaissait les trois quarts de faciès, d’autres étaient dans certains cours avec elle.
Et voilà, elle était déconcentrée de son travail, cherchant à reconnaitre les personnes qui travaillaient ici : pas comme elle quoi.
Et puis non, elle ne connaissait pas tout le monde. Il y avait cette fille, à cette table là bas. Jamais vu, jamais entendu parler –en même temps elle ne connaissait pas son nom ça aidait. Et ça l’intriguait. Elle connaissait sa fac par cœur. Les étudiants, les profs, les couloirs, les plafonds. Tout. Sauf elle. La brune là-bas, avec un iMac presque identique à celui de Swana. Mais merde ; comment pouvait-elle être déconcentrée pour si peu ?
Alors sur un coup de tête, comme à son habitude, Swana se lève de sa chaise, et se dirige vers la table de la brunette qu’elle n’a jamais vu auparavant. Elle ne sait pas réellement ce qui lui prend. Ca doit être ce putain de problème de curiosité, de vouloir tout savoir, qui la pousse à faire ça. Parce que les autres, bien qu’elle ne connaisse que leur visage, elle sait qu’ils sont à l’université. Mais la brune, ce qu’elle foutait là ? Swana n’en avait aucune idée et c’était bien le problème.
« Excuse moi » l’interpella-t-elle de loin, toujours en la fixant. « Excuse moi, mais… Tu es à l’université ? »
Congrats Swany ! Tu viens d’entamer la conversation de la manière la plus stupide qu’il soit ! Sa classe légendaire et ses bonnes manières semblent presque envolées. Elle arrive contre la table et bute contre quelque chose avec son pied lorsqu’elle l’avance. Elle baisse alors les yeux. Merde ; chaise roulante. En plus d’être malpolie et hyper indiscrète, faut qu’elle rentre dans le lard d’une infirme.
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() message posté Jeu 17 Avr 2014 - 20:27 par Invité

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♔ ♔ ♔ ♔ ♔

Parfois, j’en venais presque à oublier comment c’était, avant. Parfois, j’en venais presque à oublier ma vie, à oublier comment j’avais bien pu vivre mes dernières journées à être comme les autres. Mais l’avais-je été, ne serait-ce qu’une seule fois dans ma vie ? Avais-je été comme les autres ? Être comme les autres. Être comme tout le monde. Ce concept m’échappait d’une certaine manière ; finalement, j’en venais presque à penser que même sans ce fauteuil roulant je n’étais jamais parvenue à me familiariser avec toutes ces personnes autour de moi. Je n’avais été qu’une solitaire. Qu’une fille qui s’était tuée à demeurer loin de tout contact avec l’être humain en général. Qu’une demoiselle perdue dans son monde, perdue dans sa curiosité. Perdue dans sa bêtise. Je poussai un profond soupir, soudain remplie d’une angoisse nouvelle, éphémère.
Une angoisse qui me saisissait les entrailles.
Des bribes de souvenirs me revenaient par milliers. Je me retrouvais au lycée, lorsque je pouvais encore marcher mais que cela n’avait pas suffi pour me faire accepter par la société ; je me revoyais manger seule au départ à la cafétéria, endurant rire et moquerie, avant que je ne devienne inséparable de Julian. Je ressentais de nouveau cette anxiété qui me prenait lorsque je passais les portes du lycée, me rongeant jusqu’au plus profond de mon être ; toute cette période n’avait été qu’angoisse et mal-être, au fond. Peut-être n’avais-je jamais été heureuse. Je n’avais pas eu le temps de l’être. De profiter de ma sortie du lycée. Je n’avais pas eu le temps d’être contente d’en avoir fini, d’être remplie d’une joie euphorisante et éphémère. Je n’avais pas eu le temps de finalement avoir des amis. Je n’avais pas eu le temps de trouver un sens à mon existence. J’étais passée à côté de ma vie et je n’avais que vingt-et-un ans. J’étais passée à côté de ma vie, tout en étant qu’au début. Je poussai un profond soupir avant de revenir sur Terre. Avant de revenir dans la bibliothèque de mon université. Avant de revenir dans cette vie. J’avais l’impression d’être observée. De sentir les regards se poser sur moi encore et encore. Je déglutis avec difficulté, prenant une profonde inspiration ; je me focalisai sur l’écran de mon ordinateur, tout en sachant que j’avais attiré l’attention d’une étudiante. Je pris une profonde inspiration. Puis une seconde. Mais cela était déjà trop tard.
« Excuse-moi. » me lança-t-elle, tandis qu’elle s’avançait dans ma direction. « Excuse-moi, mais… Tu es à l’université ? »
Je me sentis doucement blanchir, mais je ne réussis pas à détacher mon regard de son visage. Elle finit par se retrouver à ma hauteur ; je la sentis buter contre ma chaise roulante, avant de finalement se rendre compte que j’étais paralysée. Et  je vis son regard. Je le sentis, surtout.
Il était comme celui de tous les autres.
Qu’avais-je espéré, au fond ? Qu’elle soit différente ? Qu’elle se détache du lot de personnes que je croisais tous les jours ? Personne ne pouvait réagir avec indifférence. Personne je pouvais aller au-delà du fait que je n’entrais pas dans la norme. Le genre humain voulait que l’on soit automatiquement dérangé par tout ce qui est atypique. C’était dans notre nature. Je n’entrais dans aucune catégorie. Alors, forcément, je rebutais les gens. C’était comme cela. Mathématique, presque. Scientifique, sans aucun doute.
« Non. Ça ne se voit pas ? Je suis dans un sexshop en Pologne. » lui répondis-je, presque grinçante. « Bien sûr que je suis à l’université. Je te présente la bibliothèque. »
J’ouvris les bras de tout mon long pour lui montrer les étagères. C’était plus fort que moi. J’avais recourt au sarcasme par habitude, comme pour me protéger moi-même du monde extérieur. Je finis par me mordre l’intérieur de la joue, avant de finalement reprendre.
« Oui, je suis étudiante dans cette université. » finis-je par admettre. « Par correspondance. Pourquoi ? »
Au final, en quoi cela pouvait-il bien lui importer ? Je n’étais qu’une étudiante. Une étudiante parmi tant d’autres. Une étudiante qui souhaitait simplement se faire discrète, disparaître dans la foule, disparaître parmi les autres. Une étudiante qui ne supportait pas les contacts avec les autres. Une étudiante handicapée. Un phénomène de foire. J’eus du mal à déglutir. J’observai l’écran de mon ordinateur, espérant qu’elle s’en aille. Mais cela ne fût pas le cas.
Je reportai mon attention sur elle. Et je l’observai me regarder. Et j’attendis. J’attendis qu’elle réagisse. Qu'elle dise une chose qui pourrait me permettre de fuir.
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() message posté Jeu 17 Avr 2014 - 23:19 par Margot Bernstein-Woolf

C’était un coup de malchance de se retrouver face à une infirme, à vrai dire. Enfin, non. Il n’y avait ni malchance ni karma ou quoi que ce soit. C’était juste que Swana n’avait tout simplement pas réfléchi à ce qu’elle disait ; chaise roulante ou non, Swana serait allée voir cette jeune femme. Mais la Douglas était presque certaine qu’on pouvait interpréter sa venue et ses questions autrement comme ce qu’elles étaient en premier lieu –c'est-à-dire de la simple curiosité. Elle ne savait pas pourquoi, mais elle était convaincue qu’on pouvait désormais la voir comme une extrémiste qui voulait voir les handicapés sur un bûcher. Non, parce qu’en vrai, elle s’en foutait des gens en chaise roulante. Elle se foutait totalement des handicaps des autres. Elle se foutait de s’avoir si quelqu’un était blanc, noir, gris, jaune, vert. Elle se foutait de savoir si les gens avaient une jambe en moins ou quoi. Swana s’en contrefichait même si des fois elle pouvait donner l’impression d’être tout sauf tolérante. Après tout, ces personnes étaient comme tout le monde : avec une conscience, une capacité à penser. Elle se fichait du reste. Concrètement.
Sauf que le regard qu’elle avait lancé sur le fauteuil roulant pouvait être très mal interpréter. Swana savait que ce genre de personne –sans pour autant en faire un genre à proprement parler, mais disons plutôt les personnes à mobilité réduite qui en ont marre de la pitié des gens- pouvait prendre très mal ce type de regard. Elle savait qu’elle n’avait pas utilisé la bonne approche. Mais elle avait fait du Swana : brute et rapide. Et le regard désespéré qu’elle avait jeté sur le fauteuil roulant après avoir buté dessus n’arrangeait absolument rien. Parce qu’elle était humaine après tout, et que bon, elle avait beau être tolérante et tout le tralala, elle ne s’y attendait réellement pas. Et puis bon, ça lui faisait mal au cœur faut l’avouer. Elle ne pouvait certainement pas se mettre à la place de la brune, mais se retrouver en chaise roulante, ça devait pas être facile tous les jours.
Est-ce qu’elle était au courant seulement qu’elle provoquait chez les gens une sacrée remise en question et en bonus une discussion intérieure sur son sort ? Enfin, elle devait avoir l’habitude d’attirer la pitié des gens. A y réfléchir, Swana n’aurait pas pu supporter de se retrouver dans une telle situation. Parce qu’elle voulait toujours être la meilleure, elle n’avait pas besoin des autres pour avancer dans la vie, elle en était convaincue. Mais là, être en chaise roulante, c’était être dépendante des autres d’une certaine façon, elle devait le concevoir. Et puis même, elle avait été élevée avec tout sauf de la pitié et de la compassion. Swana n’était par conséquent par certaine qu’elle pourrait gérer tout ce flot de sentiment –et de pitié faut pas se mentir- qui lui tomberait dessus si ça lui arrivait. Rien que d’y penser, ça lui filait des frissons.
« Non. Ça ne se voit pas ? Je suis dans un sexshop en Pologne. » Swana regarde alors la brunette en face d’elle et lance un drôle de regard. C’était comme si elle se prenait, ou du moins, qu’elle avait envie de se prendre au jeu de son interlocutrice. Genre, tu veux jouer la carte du sarcasme ? Ok t’es mal barrée moi aussi je peux le faire.
« Ouais bah j’en sais rien moi. Tu pourrais très bien être une mercenaire chargée de tuer tous les élèves brillants du Royaume-Uni. On n’en sait rien. » A peine les derniers mots sont sortis de sa bouche, elle se mord les lèvres. Ouais, elle est allée trop loin. Vraiment. Elle aurait du s’arrêter au truc du sexshop. C’était suffisant. Vraiment.
« Bien sûr que je suis à l’université. Je te présente la bibliothèque. » Swana soupire alors et pose une main sur sa hanche, exaspérée. Ouais non. C’est bon, elle a percé l’handicapée à jour limite. Elle utilise juste le sarcasme pour se protéger. C’était sa carapace. C’était son moyen d’éviter que les gens comme Swana ou les dégoulinants de pitié viennent vers elle. « Je pense y passer plus de temps que toi. Donc lol. Si tu veux découvrir, je t’emmène faire un tour ! » Elle dit ça en rigolant un peu. Elle espère juste que ça passera. Que cette foutue blague ne sera pas un frein –ou un baton dans les roues- à la possible bonne entente entre les deux jeunes femmes.
Parce que Swana, sans pour autant l’espérer, ne voyait absolument rien contre le fait de faire ami-ami avec cette jeune femme dont elle ne connaissait toujours pas le nom.
« Oui, je suis étudiante dans cette université. Par correspondance. Pourquoi ? » Elle finit par laisser de côté ce foutu sarcasme pour revenir à l’essentiel. Ce pourquoi Swany s’était pointée, l’air de rien, style je me contrefiche de tout et je vais faire ma curieuse. En même temps, une curieuse, c’était tout ce qu’elle était.
Swana hésita un long moment. Est-ce qu’elle devait faire freak-out en lui disant qu’elle voulait tout savoir ? Qu’elle retenait tout etc. ?
« Parce que j’ai l’habitude de connaitre un peu tout le monde. Enfin, je veux dire que je retiens facilement les personnes que j’ai déjà croisé une fois dans ma vie. Awkward ouais. Et je suis tellement curieuse que j’arrive pas à rester sans savoir ce qu’une personne fout ici, surtout quand je la connais pas et qu’on est au mois d’avril tu vois. »
Swana sourit.
« Et tu étudies quoi par correspondance ? » Ca c’était plus histoire de savoir si elle devait faire face à une concurrente de plus.
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() message posté Ven 18 Avr 2014 - 12:54 par Invité

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Les relations avec les autres personnes. Les relations avec l’être humain en général. Je n’étais jamais parvenue à réellement me lier avec les personnes qui m’entouraient ; j’avais l’impression de raisonner selon un schéma différent. Un modèle différent. Peut-être étais-je simplement une personne solitaire ; j’avais entendu certains me déclarer, un jour, que je ne devais pas faire partie du commun des mortels. Que je vivais loin de tout, loin de ça, et que je ne pourrais jamais véritablement m’y faire. Je peinais à supporter la présence des autres. Je peinais à avoir une discussion normale et civilisée, simplement parce que mon caractère refaisait surface bien trop rapidement. Pourtant, cela ne voulait pas dire qu’ils ne m’intéressaient pas, au fond. Contrairement à mon interlocutrice qui avait cédé à sa curiosité en venant me voir, j’avais eu l’habitude d’en apprendre sur les autres non pas en allant à leur rencontre, mais en fouillant dans des dossiers. Dans un nombre incalculable de dossiers.
Cela avait été ma manière de connaître les personnes autour de moi. A défaut d’avoir pu leur parler convenablement, j’avais rencontré leurs papiers médicaux. Leurs dossiers scolaires. Leurs casiers judiciaires. Bien souvent, les personnes sous-estimaient le nombre de choses que l’on pouvait apprendre en lisant simplement les dossiers à leur nom. Mais pas moi. Mais peu importe. C’était de l’histoire ancienne. Du passé, simplement parce qu’aujourd’hui cela ne m’était plus possible. Je poussai un profond soupir avant de répondre à mon interlocutrice, oubliant que le sarcasme était sans doute une chose à prohiber lors d’une rencontre.
Mais peu importe. Je n’avais jamais été très douée avec le relationnel, de toutes manières.
« Ouais bah j’en sais rien moi. Tu pourrais très bien être une mercenaire chargée de tuer tous les élèves brillants du Royaume-Uni. On n’en sait rien. » me répliqua-t-elle presque du tac au tac.
J’esquissai l’ombre d’un sourire en voyant que je n’étais peut-être pas la seule, à cette table, à avoir le sarcasme facile. J’eus presque envie de lui répondre qu’elle n’avait aucune idée de tout ce que je pouvais cacher dans mon fauteuil roulant. Mais je me retins. Quitte à m’enfoncer, je préférais largement que cela soit d’une autre manière qu’avec un humour plus que douteux portant sur un sujet sensible. Je la vis se mordre les lèvres, tandis que j’enchainais déjà sur une nouvelle forme de sarcasme. Elle ne pouvait pas savoir que cela n’était pas de sa faute. Elle ne pouvait pas savoir que j’étais comme cela avec tout le monde sans doute depuis le jour de ma naissance. Je lui présentai la bibliothèque, conduisant tout droit mon interlocutrice vers le maximum de son seuil de tolérance. Oups.
« Je pense y passer plus de temps que toi. Donc lol. Si tu veux découvrir, je t’emmène faire un tour ! » me déclara-t-elle après avoir poussé un soupir.
Je la vis rire légèrement, tandis que je lui lançai un regard en coin. Cela était peut-être le signal pour que je me calme. Pour que j’arrête de répliquer. Pour que je ne persiste plus à faire des détours. Je déglutis avec difficulté, tentant de trouver un ton normal. Tentant de lui dire que j’étais une élève par correspondance.
J’eus presque l’air à l’aise en prononçant mes paroles. Un pas en avant, un. Même si je ne pouvais plus marcher.
« Parce que j’ai l’habitude de connaitre un peu tout le monde. Enfin, je veux dire que je retiens facilement les personnes que j’ai déjà croisées une fois dans ma vie. Awkward ouais. Et je suis tellement curieuse que je n’arrive pas à rester sans savoir ce qu’une personne fout ici, surtout quand je la connais pas et qu’on est au mois d’avril tu vois. » m’explica-t-elle alors, et j’haussai légèrement les épaules avec un faible sourire. « Et tu étudies quoi par correspondance ? »
Je demeurai silencieuse durant un moment. Au fond, nous étions sans doute pareilles. Je n’avais peut-être pas la capacité à tout retenir – Dieu merci, j’étais bien heureuse d’avoir oublié certaines choses – mais cette même curiosité maladive me pourrissait presque l’existence. Si celle-ci avait été contrainte d’être réfrénée depuis mon accident, cela ne voulait pas dire qu’elle n’existait pas.
Elle était là, au fond de mon être. N’attendant qu’à être relâchée.
« Communication. » lui répondis-je finalement, sans réellement d’entrain. « C’est simplement pour m’occuper. Je ne suis même pas sûre de passer en deuxième année, je ne me tue pas à la tâche on va dire. »
J’haussai simplement les épaules. Je ne savais pas quoi rajouter. Pas quoi dire. Oh, je ne manquais pas de ressources. Oh, j’aurais pu lui parler de ma vie, ce qui me poussait à être aussi peu assidue dans mon travail, ce qui m’encourageait à ne pas y croire. Mais je ne savais pas si je pouvais me permettre de me confier à la première inconnue que je pouvais croiser.
Mais je ne savais pas comment me comporter avec une personne nouvelle. Avec une personne que je ne connaissais pas. Cela m’arrivait si peu souvent que j’en perdais mes repères. Mais quels repères ?
« Ce n’est que la troisième fois que je viens ici. C’est sans doute pour ça que tu ne m’as jamais vu. » lui expliquai-je doucement. « Mais je n’ai plus tellement le choix, aujourd’hui, j’ai un compte-rendu à rendre et je suis loin d’avoir les bouquins nécessaires chez moi pour mes recherches. »
Je poussai un petit soupir, haussant les épaules. Je n’avais pas non plus les moyens pour m’en acheter. Pour avoir les essentiels. Toutes mes économies, celles de ma sœur comprises, partaient dans mes séances de rééducation. Alors, forcément, je n’avais pas un seul centime à débourser pour ma scolarité. Pas un seul centime à débourser pour autre chose que mon handicap.
Mais c’était comme ça. Je m’y étais faite. Je n’avais pas eu le choix, après tout.
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() message posté Ven 18 Avr 2014 - 17:41 par Margot Bernstein-Woolf

Swana voulait juste être la meilleure, partout, tout le temps. La leadeuse qu’on idole, la personne a qui on demande conseils, celle à qui on voulait ressembler. C’était ainsi qu’elle voulait être. Elle cherchait la reconnaissance des gens sans cesse. Enfin, à la base, elle cherchait surtout la reconnaissance de son grand-père, de la personne qui l’élevait et qui considérait plus ça comme une corvée qu’une partie de plaisir de voir ses petits enfants grandir à ses côtés. Ouais, Swana cherchait juste la reconnaissance de son grand-père. Depuis qu’elle avait compris que ses parents ne reviendraient plus les rechercher elle et sa sœur, elle avait compris qu’elle devrait bien se faire voir par le patriarche. Qu’elle devrait être dans ses bonnes faveurs, par n’importe quel moyen. En étant d’accord avec tout ce qu’ils disaient, en acceptant n’importe quelle alliance avec je ne sais quelle famille des Cournouailles pour redorer l’image des Douglas qu’elle et sa sœur, avaient, d’après leur grand-père, salit. Mais elle avait surtout travaillé dur –enfin elle avait surtout profité de ses facilités-, elle avait été sérieuse. Histoire de se faire bien voir. Mais ça n’avait jamais réellement marché. Echec, le seul échec qui suivrait Swana toute sa vie.
Elle s’était faite une raison. Mais le fait de vouloir rester la meilleure était resté. Douglas pouvait trouver en n’importe qui un concurrent potentiel. Quelqu’un qui pourrait lui volé sa place de leadeuse. Elle était presque certaine qu’elle ne supporterait pas ça. Qu’elle se surpasserait à ce moment là. Que ça lui mettrait une sacrée claque métaphorique, et qu’elle passerait son temps à la bibliothèque. A ce moment là, elle pourrait enfin dire qu’elle la connaissait par cœur. C’était loin d’être le cas.
Et dire qu’à la base, elle était la pour travailler. Tu parles, elle avait trouvé une échappatoire à se demander qui était la brune avec l’iMac et une chaise roulante. Bah oui, toujours plus intéressant que l’économie quand on a pas réellement envie de travailler. Pas grave, as usual, elle se retrouverait à bosser jusqu’à pas d’heure et aurait des cernes jusqu’aux pieds quand elle rendrait son dossier. Tant pis. Elle n’assumerait pas de se sentir fatiguée la semaine qui suivrait, mais elle l’aurait cherché.
C’était bien évidemment pour ça qu’elle avait demandé à la brune-dont-elle-ne-connaissait-toujours-pas-le-nom ce qu’elle faisait comme étude. Curiosité + peur de se faire voler le titre de la fille la plus sérieuse –en fait elle espérait juste avoir ce titre- en section économie.
« Communication. » lâche alors la brunette.
Swana lâche discrètement un petit soupir de soulagement. Ok, pas besoin de se la jouer compétitrice, de ne pas dire salut et de courir à sa table bosser. Et puis de toute façon les chaises roulantes c’étaient moins rapide que quelqu’un qui court non ? La brune ne pourrait pas écraser Swana –si elle courait assez vite- pour l’éliminer de la compétition.
« C’est simplement pour m’occuper. Je ne suis même pas sûre de passer en deuxième année, je ne me tue pas à la tâche on va dire. » Nouveau soupir de satisfaction discret. Swana est encore plus rassurée par le fait que ce n’est pas quelqu’un qui cherche à être la meilleure. Ouf. Amen. Qu’elle soit bénie par les nouveaux et les anciens dieux.
Tandis que la brune hausse simplement les épaules, Swana est quand à elle soulagée. Réellement. Elle a presque envie de continuer la conversation, de fermer l’iMac de son interlocutrice et de lui taper la discut’. Mais quelque chose lui fait tilt. Swana fronce les sourcils, mais ne dit rien. Politesse oblige, elle laisse finir l’autre qui commence à parler.
« Ce n’est que la troisième fois que je viens ici. C’est sans doute pour ça que tu ne m’as jamais vu. Mais je n’ai plus tellement le choix, aujourd’hui, j’ai un compte-rendu à rendre et je suis loin d’avoir les bouquins nécessaires chez moi pour mes recherches. »
Swana acquiesce. Elle n’a pas réellement écouté ce qu’elle a raconté. Ou du moins les derniers mots. Elle continue d’hocher la tête. Puis soudainement, elle saisit la première chaise qu’elle trouve et s’installe à côté de « sa nouvelle amie » le mot est certainement exagéré, ouais. Mais elle ne sait pas réellement comment la qualifier. Et puis Swana a cette difficulté de savoir comment se faire des amis. Parce qu’un jour elle peut être la personne la plus adorable de toute la galaxie et le lendemain froide comme la glace. A croire qu’aujourd’hui elle était entre les deux.
« Attends attends » dit Swana avant de poser ses coudes sur la table. « Tu es en première année ? Tu as quoi, 19 ans ? Ou bien t’as redoublé trente sept fois ? T’as fais un safari en Afrique avec tes parents comme les Delajungle donc t’étais plus scolarisée ? Ou t’es une journaliste infiltrée qui veut en connaitre plus sur le système universitaire ? »
Oui, Swana est choquée. Mais elle réalise soudain qu’elle a oublié le facteur chaise roulante le temps d’un instant. Merde. T’aurais du la fermer Swany. En même temps, Swana a juste naturellement pensé que la fille en face d’elle faisait bien plus âgée qu’elle et son visage d’enfant à qui on refusait souvent l’achat d’alcool alors qu’elle fêterait ses vingt trois ans en juin et qu’elle était en cinquième année.
« Mais tu choisis des drôles d’occupations sérieusement. Bien que la communication ça soit intéressant. Y a des façons plus drôles de s’amuser. Tu pourrais devenir athlète paralympique. Représenter le Royaume-Uni, c’est cool. Mais est-ce que t’es anglaise déjà ? »
Elle pense alors immédiatement au sale accent écossais qu’elle trimballe depuis toujours. Limite c’est elle l’étrangère. Dans ce cas. Et puis avec un peu de recul, elle se dit qu’elle aurait peut-être du éviter de parler des jeux paralympiques. Même si bon, elle espère qu’elle rigolera, comme elle l’a vu esquisser des sourires toute à l’heure à cause de leurs répliques sarcastiques.
Vraiment Swana, arrête de poser des questions, ferme la, vas bosser.
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() message posté Ven 18 Avr 2014 - 21:31 par Invité

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♔ ♔ ♔ ♔ ♔

Je n’avais pas l’habitude de parler à une personne que je ne connaissais pas. Pire encore, je n’avais jamais tenté de le faire en contrôlant mes paroles, en contrôlant tout ce qui pouvait bien me passer par la tête. Au lycée, je m’étais contentée d’être moi-même. Au lycée, je n’avais pas mesuré l’ampleur des mots que j’avais bien pu prononcer. Je ne m’étais pas rendue compte qu’en agissant de la sorte j’avais tout fait pour maintenir les autres à une certaine distance ; je ne m’étais pas rendue compte que je m’étais simplement enfoncée dans ma solitude sans donner la possibilité aux autres de me connaître. J’avais été bien trop impulsive. J’avais eu recours de trop nombreuses fois au sarcasme. A l’époque, cela ne m’avait guère dérangé ; j’avais trouvé une forme d’équilibre dans cette vie bancale. Désormais, je savais pertinemment que je n’avais pu le droit de faire les mêmes erreurs. Je pris une profonde inspiration, ne sachant pas comment faire, ne sachant pas comment me comporter. Voyait-elle que je ne savais pas comment agir, face à elle ? Voyait-elle à quel point je pouvais être mal à l’aise, à quel point j’avais envie de disparaître ? Se rendait-elle compte que cela faisait des mois que je n’avais pas parlé à une personne ne je ne connaissais pas déjà ? Non, bien sûr que non. Elle ne se rendait pas compte de toutes ces choses-là. Elle ne se rendait pas compte qu’elle était face à une asociale ; une asociale incapable de faire un pas sans tomber.
Elle ne se rendait pas compte qu’elle avait en face d’elle une personne qui vivait à des années lumières de sa réalité.
Je ne savais pas comment parler de ma vie. Je ne savais même pas si je devais le faire. Je souhaitais partir sur une bonne base ; ses répliques face à mon sarcasme naturel avaient eu le don de me ramener sur Terre. Avaient eu le don de me dire non, Ginny, ne refais pas les mêmes erreurs. Pourtant, c’était dur. Pourtant, c’était compliqué. Avoir une relation saine et une discussion normale avec une inconnue ne faisait pas partie de ce que je savais faire. Cela semblait bien trop compliqué pour une pauvre fille comme moi.
« Attends, attends. Tu es en première année ? Tu as quoi, 19 ans ? Ou bien t’as redoublé trente-sept fois ? T’as fait un safari en Afrique avec tes parents comme les Delajungle donc t’étais plus scolarisée ? Ou t’es une journaliste infiltrée qui veut en connaitre plus sur le système universitaire ? » enchaina-t-elle à toute vitesse, si vite que les mots semblaient se bousculer sur sa langue. « Mais tu choisis des drôles d’occupations sérieusement. Bien que la communication ça soit intéressant. Y a des façons plus drôles de s’amuser. Tu pourrais devenir athlète paralympique. Représenter le Royaume-Uni, c’est cool. Mais est-ce que t’es anglaise déjà ? »
Je me figeai au fur et à mesure que j’entendais ses paroles ; lorsqu’elle s’arrêta de parler, je l’observai. Elle s’était assise à mes côtés. Mes pensées défilaient trop vite dans mon esprit ; je dus secouer doucement la tête pour me reprendre et revenir sur Terre. Je pris une profonde inspiration, avant d’ouvrir la bouche.
« Galloise, pour être exacte. Mais peu importe. » lui répondis-je avec un demi-sourire. « Tu n’es pas la première à me dire ça. Je me demande pourquoi tout le monde pense aux Jeux Paralympiques dès qu’ils me voient. J’ai une tête d’athlète ? Non, ne réponds pas à ma question. »
Je secouai la tête, me moquant presque de moi-même. J’avais aimé faire du sport, avant. J’avais eu pour habitude de faire un jogging tous les matins. Et de vénérer les arts martiaux. Et tout ce qui pouvait se rapprocher des sports de combats. Désormais, c’était trop tard ; je n’avais pas eu le déclic, non plus, pour me donner à fond dans une discipline conçue pour les personnes comme moi. Peut-être viendrait-il, un jour. Lorsque les médecins auront finalement décréter que je ne pourrais plus remarcher. Mais, pour l’instant, j’avais envie de m’accrocher au mince espoir qu’il me restait. Mais, pour l’instant, je n’avais pas envie de le réduire en poussière en me donnant corps et âme dans un sport qui voudrait dire que j’ai arrêté d’y croire.
Je finis par lentement baisser l’écran de mon ordinateur.
« J’ai vingt-et-un ans, vingt-deux à la fin de l’année. En réalité, au départ en sortant du lycée, je me préparais pour devenir officier de police. Il fallait que j’attende mes vingt-et-un ans, alors j’étais à l’université en droit. » commençai-je doucement. « Puis… J’ai eu mon accident l’année dernière. J’ai été hospitalisée très longtemps, puis j’ai eu un lourd suivi médical… J’ai dû songer à une réorientation en même temps, et finalement j’ai opté pour la communication en attendant. »
En attendant de trouver ma voie. Une solution. Ma voix avait été hésitante. Beaucoup trop, sans doute. En répondant à sa question, je l’avais tout droit mené au beau milieu de mon existence. Au beau milieu de ce que j’avais vécu. Je lui infligeais ça. Et, quelque part, je m’en voulais. Je m’en voulais sans doute beaucoup trop.
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Margot Bernstein-Woolf
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() message posté Lun 21 Avr 2014 - 16:50 par Margot Bernstein-Woolf

Acroire que Swana était une sens gêne. Qu’elle était mal élevée, indisciplinée. Ouais, parce que n’importe quelle personne sensée dans cette bibliothèque ne se serait pas levée pour assouvir sa soif de curiosité. Les personnes bien élevées auraient encore plus rechignés à aller demander ça à une handicapée. Mais Swana ne faisait pas réellement de différence entre les gens, qualité ou défaut, cela restait à déterminer. Que quelqu’un soit en fauteuil roulant, ait un pied au milieu du front ou qu’il soit doté de deux jambes deux bras : elle s’en fichait royalement. Et c’était peut-être ça le problème. Elle ne se gênait pas. Bien que son éducation aurait voulu qu’elle la ferme, qu’elle reste dans son coin et qu’elle continue à travailler.
Après tout, c’était sûrement une façon comme une autre d’échapper à un travail qui l’ennuyant. Peut-être qu’elle s’était trompée de voie après tout. Qu’au fond d’elle, tout ce qu’elle voulait, c’était faire le tour du monde : comme ses parents l’avaient fait. Sauf qu’eux, ils y avaient laissé la vie et leurs jumelles aux mains du diabolique patriarche Douglas. C’était certes un peu exagéré comme vision des choses, mais c’était ainsi que Swana le voyait depuis quelques années : comme si c’était la faute de ses parents si elle avait vécu une enfance telle que celle-ci –sans qu’elle s’avère pour autant être catastrophique. Que s’ils n’étaient pas partis vivre leur amour aux quatre coins du globe, elle ne se forcerait sûrement pas à étudier l’économie et à vouloir devenir un requin de la City. Qui sait ? Elle avait peut-être un don pour la peinture, pour la danse, pour le théâtre, qu’elle ne s’était jamais découvert parce qu’elle avait passé les trois quarts de son enfance et de son adolescence a essayé de paraitre parfaite aux yeux de son grand-père ? Peut-être qu’elle avait un talent inné pour quelque chose qu’elle ne découvrirait de toute façon jamais, puisqu’elle n’avait pas envie de foutre en l’air tout ce qu’elle avait bâti pour conquérir son grand-père. Parce que oui, elle essayait encore, même si elle avait très bien remarqué qu’en ne faisant rien, sa sœur jumelle Annathéa, récoltait plus de faveur qu’elle. Pas qu’elle soit jalouse non, elle était juste dans l’incompréhension la plus totale.
Swana ne sait pas réellement pourquoi elle a parlé des jeux olympiques, de l’âge de son interlocutrice etc. Elle ne contrôle parfois pas ce qu’elle raconte, bien qu’elle le veuille. Il doit y avoir un truc dans son cerveau, qui l’empêche de réfléchir avant d’agir dans certaines circonstances. Un peu comme si son inconscient se vengeait d’elle de ne pas vivre sa vie et faisant n’importe quoi quand cela n’aurait pas de grandes réflexions sur son avenir. Au fond, Swany croit qu’elle essaye de détendre un peu la situation. Elle ne sait même pas réellement ce qu’elle est venue lui dire, à cette fille. Elle l’a eu sa réponse : elle ne vit pas souvent ici, c’est pour ça que Swana ne l’a jamais vu. Mais apparemment, l’Ecossaise n’en a jamais assez.
« Galloise, pour être exacte. Mais peu importe. Tu n’es pas la première à me dire ça. Je me demande pourquoi tout le monde pense aux Jeux Paralympiques dès qu’ils me voient. J’ai une tête d’athlète ? Non, ne réponds pas à ma question. » La brune en face de Swana a presque un sourire sur les lèvres. Quand on pense qu’à la base elle semblait plutôt effrayée par Swana qu’autre chose. C’est une sorte de victoire déjà, on peut le dire. « Oui bah tu viens du Royaume-Uni quoi. Et si tu vas aux Etats-Unis, ils vont tous de regarder avec des yeux de merlans fris et se foutre de ton accent –qui est d’ailleurs un million de fois plus élégant que le leur. Donc tu es du Royaume-Uni. » En fait, Swana a toujours été un peu nulle en géographie et en sciences politiques, mais bon, chut, faut pas dire. « Et les Jeux Paralympiques parce que tu auras beau être nulle dans tous les sports qui existent, ils t’idolâtreront tous parce que tu as le courage de faire du sport alors que tu es en chaise roulante. T’aurais même des fans, c’est cool les fans. »
Ouais, Swana se foutait un peu de la pitié qu’on pouvait faire aux handicapés. Elle détestait la pitié. Qu’on ait pitié d’elle ou qu’on ait pitié des autres. Pas qu’elle soit sans cœur, loin de là, mais elle trouvait ça totalement absurde.
« Et si, t’as l’air un peu athlétique, même si tu ne veux pas que je réponde à cette question. Alors fais comme si je n’avais rien dis. » rajoute Swana avant de sourire.
La jeune femme que Swana avait délibérément dérangée dans son travail commença à rabattre l’écran de son ordinateur portable. Signal qu’elle est ouverte à une conversation plus poussée ? Douglas l’espère fortement.
« J’ai vingt-et-un ans, vingt-deux à la fin de l’année. En réalité, au départ en sortant du lycée, je me préparais pour devenir officier de police. Il fallait que j’attende mes vingt-et-un ans, alors j’étais à l’université en droit. Puis… J’ai eu mon accident l’année dernière. J’ai été hospitalisée très longtemps, puis j’ai eu un lourd suivi médical… J’ai dû songer à une réorientation en même temps, et finalement j’ai opté pour la communication en attendant. »
Et d’un seul coup, Swana se sent mal. Mal d’avoir posé la question du pourquoi du comment. Parce qu’elle ne voulait pas arriver au moment où elle aurait les explications de pourquoi son interlocutrice était en fauteuil roulant. Elle se sent mal, elle a peur de se transformer en quelque chose qu’elle déteste : un être dégoulinant de pitié. Mais après tout, c’est humain ! Mais elle n’en veut pas. Un silence entre les deux jeunes femmes règnent. Swana ne sait tout simplement pas quoi dire. Elle aurait aimé éviter de rappeler à la jeune femme qu’elle était en fauteuil roulant. Ouais, ça aurait permis d’éviter ce moment bizarre.
« D’ici quelques années tu pourras peut-être être la première femme robot. Avec des jambes de robot. Et tu pourras être genre … Robocop. »
Ferme la Swana. Ferme-la. Vraiment. Arrête.
Swana rigole à sa propre blague, espérant que le rire de l’autre suivra aussi. Ouais, elle ne veut pas avoir plombé l’ambiance.
« Sinon, tu t’appelles comment ? Oh gosh j’ai l’impression d’être en maternelle quand je demande ça. Ca fait un peu « tu veux être ma copine et faire des gâteaux de sables avec moi » alors que bon, maintenant je peux jouer toute seule dans les bacs à sable. Mais en fait, j’aime bien mettre des noms sur les visages. »
Bon Dieu. Mais où est passée la Swana Douglas distinguée qu’on connait tous ?

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() message posté Sam 3 Mai 2014 - 18:10 par Invité

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♔ ♔ ♔ ♔ ♔

Ce n’était pas si désagréable, finalement, se sociabiliser. Je secouai la tête, perdue par mes propres pensées. Perdue par ce que je venais d’avoir à l’esprit. Je n’avais jamais été du genre à parler avec des personnes que je ne connaissais pas ; je m’étais toujours appliquée à les faire fuir avant qu’ils n’en sachent trop à mon compte. Pourtant, l’élève en face de moi semblait gentille. Sincère, presque. L’éclat qui brillait dans son regard m’inspirait de la confiance ; je m’en méfiais mais pas suffisamment pour simplement me taire. Alors, je poursuivais. Je poursuivais tout simplement. Les paroles coulaient dans ma bouche avec facilité, tandis que je lui confiais sans doute trop de choses à mon compte. Mais qu’importe. Je ne la reverrais pas, de toutes manières. La prochaine fois que je remettrais les roues dans cette bibliothèque risquait d’être dans quelques mois, et les probabilités, que je puisse tomber sur elle, étaient si minces qu’on pouvait les considérer comme inexistantes. Si elle venait à raconter toutes ces choses aux personnes autour d’elle, cela ne changerait rien au cours de ma vie.
J’étais née pour être seule. Ses connaissances ne sauraient pas qui je suis hormis une ombre dans un tableau. Ses connaissances s’en ficheront, quelque part, simplement parce que je ne suis personne.
« Oui bah tu viens du Royaume-Uni quoi. Et si tu vas aux Etats-Unis, ils vont tous de regarder avec des yeux de merlans fris et se foutre de ton accent –qui est d’ailleurs un million de fois plus élégant que le leur. Donc tu es du Royaume-Uni. » m’énonça-t-elle à propos de ma nationnalité. « Et les Jeux Paralympiques parce que tu auras beau être nulle dans tous les sports qui existent, ils t’idolâtreront tous parce que tu as le courage de faire du sport alors que tu es en chaise roulante. T’aurais même des fans, c’est cool les fans. Et si, t’as l’air un peu athlétique, même si tu ne veux pas que je réponde à cette question. Alors fais comme si je n’avais rien dis. »
J’esquissai de nouveau un sourire en coin, tandis que ses paroles se pressaient à mes oreilles. J’avais l’air athlétique, oui. Avant. Je ne pris pas la peine de la reprendre à ce propos ; je me contentai d’hausser les épaules. Oui, peut-être. Peut-être que cela était une perspective pour moi mais je n’avais pas encore suffisamment accepté mon handicap pour songer à de telles choses. Pour songer à tout cela. Pour songer à me construire une vie avec mon handicap au lieu de croire aux rééducations et au rêve de remarcher un jour.
J’avais l’impression que songer aux Jeux Paralympique serait renoncé à mes jambes. Renoncer à me battre. Et je n’étais pas encore prête.
« D’ici quelques années tu pourras peut-être être la première femme robot. Avec des jambes de robot. Et tu pourras être genre … Robocop. » me déclara-t-elle après que je lui ai parlé de mon accident à contre-cœur. « Sinon, tu t’appelles comment ? Oh gosh j’ai l’impression d’être en maternelle quand je demande ça. Ça fait un peu « tu veux être ma copine et faire des gâteaux de sables avec moi » alors que bon, maintenant je peux jouer toute seule dans les bacs à sable. Mais en fait, j’aime bien mettre des noms sur les visages. »
Je me mis à rire avec elle, avant de m’éclaircir la gorge.
« Je m’appelle Eugenia Lancaster – mais Ginny c’est mieux. Toi ? » lui déclarai-je. « Je refuse d’avoir des jambes de robots. T’imagine ? Après, fini les robes. Les jupes. Les shorts. J’oserais même plus sortir de chez moi. »
J’esquissai un sourire en coin, levant le nez en l’air en songeant à ce que des jambes de robot pourraient changer à ma vie. Oui, avec, je pourrais marcher. Oui, avec, cela serait forcément plus facile. Mais je ne réussissais pas à admettre que j’en voudrais. Je ne réussissais pas à me dire que cela serait mieux que ma chaise, mieux que ma situation actuelle.
C’était peut-être idiot, stupide, bête. Mais je pensais à l’allure que cela me donnerait et cela suffisait pour que cela me rebute.
« Le problème aussi, tu vois, avec les Jeux Paralympiques, c’est que je serais incapable de choisir une discipline. Il y en a trop. Et me connaissant, je serais pas assez bonne pour me débrouiller correctement sans m’assommer avec un ballon ou avoir un accident de fauteuil en faisant la course… » lançai-je en esquissant un sourire. « Tout comme je ne sais pas si j’aurais le courage de faire cinq séances d’entrainements de trois heures par semaine… Tout ça en plus des rééducations… C’est trop pour moi. Je préfère encore m’enfermer chez moi, m’installer devant la télévision et me goinfrer de bonbons jusqu’à finir obèse et ne plus pouvoir bouger avec mon fauteuil tellement je serais louuurde. »
J’hochai la tête avant de rire. De rire réellement, d’un rire franc et sincère. Je souriais avec mes yeux ; des petits plis étaient nés de sorte à ce que l’intégralité de mon visage soit illuminé par ma bêtise. Mais peu importe, j’avais l’impression qu’une partie de moi était libérée ; j’avais l’impression d’être heureuse, quelque part.
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