Hyacinth ∆ swallow the dawn

« You needn't steal my journal to get to know me, Mary.
- No, I suppose I could just go see the plays. I was hopelessly naive when I married you. I imagined that brilliant people disappeared to some secret place where good ideas floated around like leaves in autumn, and I hoped at least once you would take me there with you.
- There is no such place.
- Yes there is: Neverland. » FINDING NEVERLAND

« Pourquoi les autres, pourquoi les gamines que tu enfermes dans ton atelier ? » Pas un regard, des années qu’il ne croise plus le bleu et qu’elle fuit l’ambre. Des miroirs interposés, des vies qui ne se complètent plus. Des fantômes, c’est ce qu’ils sont, des vies perdues qui attendent une faucheuse. Vivre dans leur maison, ce n’est plus possible pour lui – juste des passages qu’il effectue. Cordelia l’observe, ne relève plus le fait qu’il empeste la pièce avec ses cigarettes. Face à la cheminée, tous les deux. « Parce que t'as jamais souffert, tu sais pas, connais pas la définition. Ta seule souffrance c’est d’pas avoir assez d’esclaves pour porter tes sacs » Il est ce gamin né dans les quartiers de suie, habitué à ne rien avoir, habitué à se débrouiller. L’argent qu’il possède aujourd’hui, fortune lui dit-on, il l’a dilapide. Et sa femme s’en charge aussi pour lui. « J’ai jamais eu d’muse, pas besoin d’ça, d’avoir l’esprit bouffé par un corps. Un tableau, une fille, j’prends jamais deux fois l’même modèle » Un règle établie, qui lui permet de ne pas sombrer dans la folie des peintres, de vivre pour une figure. « Ce n’est pas que leur image que tu voles. Est-ce que tu les baises, est-ce que c’est pour ça ton appartement ? » La cigarette roule entre ses doigts. Un sourire torve agite ses lèvres. Amusant d’entendre sa femme parler ainsi, elle la bourgeoise qui s’est marié à un bandit. « Parfois… » Sa franchise est déroutante. Le mal qu’il provoque lui est étranger. Imperméable au monde. Des modèles qui passent dans son atelier, il en retient quelques unes, des gamines pour la plupart, même pas la vingtaine passée. « T’en à rien à foutre. Tu joues un rôle Delia. T’es pas foutue d’être totalement humaine, de ressentir quelque chose. T’viens d’apprendre la pire nouvelle et tu ressens rien, t’es vide » L’épouse ne répond pas, ce qu’il lui dit, c’est vrai. Opposition. Lui ressent tout avec vivacité, ne peut se défaire de ses émotions, tourments et ombres mais elle, Cordelia, c’est le masque de perfection qui cache l’absence. « Peut-être… mais ça m’évite la destruction. Combien de temps encore avant que tu meurs ? Maladie, overdose, cancer ? A ton avis, comment tu vas finir ? » La mort qui approche, la faux qu’il sent parfois sur son cou lorsqu’il dort, ça, il ne veut pas y penser. Mourir. Des années qu’il devrait être dans un cercueil. Vingt sept ans, l’âge de la dernière aiguille. Trois ans dans un centre, pour se défaire de la drogue, pour éradiquer les années à trainer avec la crasse. Vous risquerez toujours de perdre votre bras. Vos veines ne fonctionnent plus correctement, elles sont affaiblies. Le plus sur serait d’amputer. Non. Hyacinth a refusé. Perdre son bras, c’était perdre son talent, perdre le moyen d’exprimer le chaos mental. « Ferme-la !» La cigarette s’abat sur le fauteuil de cuir sombre. Elle gagne la partie, comme toujours, frappe les failles avec aisance. Il n’est plus rien le peintre, juste soumis aux caprices de son imagination. Mourir. « Tu sais pourquoi je t’ai aimé Hyacinth ? Parce que tu semblais différent, que tu ne vivais que pour ton art mais c’est tout le problème, tu es marié à tes pinceaux, alors va-y, rejoins tes gamines, amuse-toi. Nous n’avons jamais rien eu à nous dire »