6 ans. Les petits caïds avaient l’allure d’agneaux immaculés à l’apparition de leurs parents. Une transformation qui faisait bouillir le sang de Cash dans ses veines, parce qu’elle n’était qu’illusoire, que c'était injuste. Leurs airs de victimes leur évitaient toutes représailles, mais dès lors que le parent floué tournait le dos, la lueur réapparaissait dans leurs regards juvéniles – celle du plaisir malsain qu’ils ressentaient à blesser autrui sans jamais devoir le payer. «
Votre filleul est un voyou, un délinquant ! » Lui, il était le môme anormal. C'lui qui saignait sans avoir mal, le gosse qu'on regardait de travers parce qu'il avait la dégaine du gamin voué à mal tourner.
Insensibilité congénitale à la douleur qu'ils disaient, les doc. «
Délinquant ? Je vais vous en apprendre une belle, miss Perfection : votre fils est un parfait faux-cul doublé d’un bourreau, et si vous n’étiez pas trop occupée à vous torcher avec vos billets vous trouveriez peut-être le temps d’ôter vos œillères pour vous en rendre compte ! Viens Cash, on s’en va. » La prise de son parrain était ferme sur son épaule, parce qu’il le lui avait promis : il ne le lâcherait jamais,
jamais. Cash n’avait pas foi en grand-chose et se méfiait des grands, mais il avait confiance en ça. Il avait besoin de ça. James était le seul adulte fiable, le seul à en valoir la peine.
Et accessoirement, il participait trop activement à ses fréquents renvois pour pouvoir les lui reprocher, lorsqu’il n’était pas la cause de l’un de leurs multiples déménagements.
«
On part? » Cash, il connaissait bien ce regard de chien battu que James lui servait en guise d’excuse, la façon dont il renvoyait nerveusement en arrière les mèches rebelles qui lui tombaient sur le front, l’autre main occupée par le téléphone qu’il venait de raccrocher. Et sa manie de se racler la gorge pour annoncer une discussion sérieuse. Son soupire las face à sa propre incapacité à apporter une quelconque stabilité au gosse dont il avait la charge. «
Je viens d’être affecté à une nouvelle mission, je… j’suis désolé Cash. Tu te plaisais ici ? » «
Du tout. » Un sourire rassurant jouait sur les lèvres du gamin, de quoi effacer le pli soucieux qui barrait le front de son protecteur – le visage buriné se fendit alors d’un rictus amusé et James le hissa sans effort sur l’une de ses épaules, l’entraînant dans une bagarre bon enfant. «
Alors à tes bagages canaille, le départ est pour demain soir. » Le concerné ne se fit pas prier plus longtemps avant de bondir faire son sac, comme si la perspective d’un trajet de plus l’enchantait. C’était pas vraiment le cas. Il avait juste compris que les choses fonctionnaient ainsi : chaque arrivée était synonyme de départ à venir. Alors il se barricadait derrière son air morne pour repousser toute tentative de fraternisation. Les multiples blessures qu’il se faisait sans s’en rendre compte complétaient le tableau et l’affublaient de l’étiquette d’
infréquentable. On le prenait pour un chercheur d’embrouilles et au final, les problèmes venaient d’eux-mêmes à lui.
Londres. Le regard curieux de Cash courut le long de la célèbre tour au sommet orné d’horloges, dominé par un ciel nocturne dénué d’étoiles. James lui attrapa convulsivement la main et la serra un peu trop fort. C’était rare – il était plus adeptes de gestes virils, claque amicale dans le dos par exemple. «
C’est là que vous avez grandi ? » Il n’aimais pas poser des questions dont il connaissait la réponse, mais quand ses parents en étaient le sujet c’était plus fort que lui : il buvait tel un assoiffé chacun des mots qui se bousculaient à la coupe des lèvres de son parrain. Ce qui tombait : il était intarissable en terme d’anecdotes concernant ses meilleurs amis. Ils avaient été en classe ensemble, s’étaient engagés dans le même organisme humanitaire pour défendre leurs idéaux communs, et Cash avait trois ans lorsque l’une de leurs missions avait mal tourné. Du groupe, il n’était resté que James, James qui s’était alors juré de l’élever comme son propre fils. Son regard restait éteint depuis toutes ces années, mais son sourire refusait de faner, et ce fut avec un clin d’œil qu’il annonça : «
Il était temps qu’on leur rende visite, tu penses pas ? »
James était sans doute le type le plus louche de la terre – il fallait bien l’être pour entrer par effraction dans un cimetière à minuit passée. «
Fais pas ta chochotte, amène-toi ! » «
Qu’est-ce qu’on va faire ? » Le souffle court, il attrapa le bras de son parrain et se hissa pour s’asseoir au haut du mur. James se laissa tomber de l’autre côté et l’invita d’un geste à faire de même. Il n’y eut pas de réponse : il dut se contenter de trottiner pour ne pas se laisser distancer par les grandes foulées de l’adulte, jusqu’à ce que celui-ci s’arrête enfin, solennel. «
Arrange-toi un peu mon grand », gronda-t-il en corrigeant sa posture et en époussetant sa tenue avant de poser un genou au sol et une main sur la pierre froide, la lueur tirée de son téléphone portable et un rayon de lune leur servant d’unique éclairage. «
Cooper, Abby… » Sa voix était un peu plus roque qu’à l’accoutumée. «
Ça f’sait une éternité hein ? » Il se laissa finalement retomber assis sur la tombe et tira de son sac à dos une bouteille, indiquant à Cash de prendre place sur la tombe d’à côté. Celle d’Abby. Il tira un paquet de cigarette, s’en alluma une et tira quelques bouffées avant de parler, les yeux vers le ciel. «
Le jour où tes parents se sont rencontrés… », entama-t-il de sa voix basse, sourde tel un murmure, tel un secret. Cash se pelotonna sur la pierre, les yeux grands ouverts dans l’obscurité et le cœur pulsant de la douleur que seul le manque savait causer. Il tenta d’imaginer que les bras de sa mère l’enveloppaient tandis que James relatait cette histoire qu’il adorait, essaya de deviner sa voix, son rire, et le regard débordant de fierté de son père.
7 ans. «
Hey ! Cash, c’est ça? » Les sourcils de l’interpelé s’étaient juste froncés au-dessus de son regard mauvais. «
Tu veux quoi ? » Elle était plus grande que lui – juste d’un an, à tout casser, et elle le regardait de haut comme si le fait que son regard clair lui indique de faire demi-tour n’importait pas le moins du monde. «
Moi c’est Hazel. Johnny m’a parlé du nouveau qui a débarqué dans sa classe, je voulais voir à quoi tu ressemblais. On dit que tu t’es fait virer de ton ancienne école pour avoir agressé un élève, c’est vrai ? » Son sang se glaça et il déglutit difficilement, bien qu’il s’efforça de n’en rien laisser paraître. «
C’est pour ça que t’es amoché comme ça ? » «
Ça t’regarde pas », marmonna-t-il en tirant sur les manches de son haut. Il se détourna résolument, les yeux braqués sur ses pieds et les mains serrées en poings, profondément enfoncées dans sa poche. Ça le perturbait. Il n’avait pas remarqué qu’il s’était encore blessé de façon visible – parfois, cette histoire d’insensibilité le déstabilisait tellement qu’il se sentait obligé d’en chercher les limites. Le plus souvent, il couvrait les plaies pour ne pas écoper de regards méfiants, mais il avait oublié cette fois. «
T’as l’air ennuyeux à mourir. » L’intonation laissait percer une once de provocation qui fit sa lèvre supérieure se retrousser sur ses dents en un grondement un peu animal, mais elle se contenta de ricaner. «
Ce soir Joe et moi on se retrouve chez moi pour quelques parties de Final Fantasy VII, et tu viens aussi. » Il souleva son sac à dos et l’envoya sur l’une de ses épaules, cachant la lueur d’envie que trahissait son regard derrière un ennui feint. «
Ce sera sans moi. » Mais quand Hazel et Joe voulaient quelque chose, ils l'obtenaient, et ils avaient jeté son dévolu sur lui.
13 ans. «
Voodoo Child ? » Cash leva un regard appréciateur et acquiesce. «
Hendrix fait toujours son effet. » Hazel griffonna le nomsur un bout de papier avant de lever la tête du canapé sur lequel elle était allongé. «
On a donc… Purple Haze, Voodoo Child ou Gaslight. Et Baba O’riley. » Au dernier nom, Cash laissa échapper un grondement désapprobateur. «
Vire BOR, c’est naze. Gaslight ? » Les deux autres échangèrent un regard puis confirmèrent d’un commun accord – «
Gaslight. » Hazel raya joyeusement les autres choix et Joe ponctua la décision d’un riff enthousiaste.
«
Vous vous foutez de moi ? » – s’exclama James en shootant furieusement dans les panneaux plantés hargneusement dans le parterre de fleurs, et à la surface desquels s’étiraient des messages tels que : « LIBERTE » et « DROIT DE CHOISIR ». Ils venaient d’être ramenés par les flics après une fugue collective, à peine cinq heures plus tôt, après avoir déjà provoqué autant de dégâts qu’ils l’avaient pu pour manifester leur mécontentement, et voilà qu’ils le criaient à présent à corps et à cris pour se faire entendre. «
Sales petits – Oh ne vous inquiétez pas miss Bennett, je contrôle la situation ! Tout va bien oui, vous pouvez rentrer chez vous. Je vais juste… oui, oui, au revoir – Cash, donne-moi une seule bonne raison de ne pas vous étriper sur place toi et tes petits copains pseudo-rebelles ! » James pouvait être effrayant quand il avait les nerfs ; charisme d’ancien militaire et de militant actif oblige. Mais Cash se dressa devant lui de toute sa taille d’adolescent, le regard brillant de défiance. «
Tu peux pas m’obliger à partir, j’ai le droit d’avoir une vie, merde ! » «
Mais de quoi tu parles ? C’est ça notre vie, les voyages, les découvertes et surtout le soutien apporté à ceux qui en ont besoin ! Je sais que ce n’est pas toujours facile pour toi, mais tu es fier de moi, tu l’as toujours été non ? Tu voudrais que j’arrête ? Que je tire une croix sur tous ces idéaux pour lesquels je me suis toujours battu, pour lesquels tes parents sont morts ? Et à la place quoi, je me trouve un boulot stable, bien en sécurité derrière mon bureau et se paye le luxe d’une routine sécuritaire alors que des milliers de gens souffrent et prient pour être aidés ? » Secoué par les arguments qui lui avaient toujours cloué les lèvres et l’avaient si longtemps retenu de s’opposer à son parrain, Cash sentit affluer une détresse dont il n’avait jamais pris conscience avant d’être confronté à l’annonce d’un nouveau déménagement, quelques jours auparavant. «
Mais moi aussi je souffre, ça vaut quoi à tes yeux ? J’ai passé des années à te suivre et, ouais j’suis fier de toi. T’es… t’es le meilleur parrain du monde, et t’es mon modèle, mais ça ne m’empêche pas de craindre le jour où tu t’feras buter comme mes parents et où je me retrouverai seul. J’en peux plus de ça, de la solitude, des regards de travers, et ici j’ai enfin trouvé des gens qui m’font me sentir accepté. Je veux pas les perdre, tu peux comprendre ça ? » L’autre avait les yeux fermement clos, clairement heurté par ses mots, et la culpabilité rongea Cash jusqu’à la moelle. «
Pardon », chuchota-t-il et se rapprochant pour saisir un pan du t-shirt de son parrain d’une main tremblante. «
J’veux pas te blesser, je veux juste… j-je… » Les combats les plus douloureux étaient sans conteste ceux qui l’opposaient aux gens qu’il aimait, et celui-ci était d’autant plus éprouvant que son opposant n’était autre que son modèle, l’homme qui l’avait recueilli et aimé comme un fils, l’homme qui avait constitué son seul entourage des années durant. Mais il se maudit tout de même de perdre ainsi ses mots. «
Mais tu as un plan ? Je ne peux pas juste te laisser ici et – » «
Tu pourrais… revenir après ta mission ? Après toutes tes missions. On aura enfin un endroit à considérer comme notre vraie maison, et en t’attendant j’crécherai chez Joe et Hazel. Leurs vieux m’adorent tu sais. » Sacré mensonge que voilà – concernant la famille d’Hazel, du moins, qui le voyait clairement comme un délinquant et une mauvaise compagnie. Mais peu importait : il pourrait toujours rentrer en douce et ressortir par la fenêtre, comme il le faisait déjà à chaque fois que le trio devait se réunir chez elle. «
Idiot. Pourquoi tu m’as pas dit plus tôt ce que tu ressentais ? Viens pas là – » Il l’entraîna dans une étreinte aussi rare que bourrue avant de marmonner dans ses mèches sombres : «
Qu’est-ce que j’vais devenir , moi, sans toi ? »
15 ans. «
N’y pense même pas ! » - rugit l’adolescent en bondissant de son siège pour fondre droit sur Hazel. «
J’fermerais peut-être ma gueule si c’était n’importe qui d’autre mais –toi ? Tu peux pas nous faire Haz, putain ! Comment tu t’regarderas en face après ça ? Comment veux-tu qu’on puisse encore te regarder si tu fais ça ? » Joe avait la mâchoire serrée et le regard fixé sur le sol, le visage si dur qu’il semblait fait de marbre. Un silence pesant s’installa entre eux trois avant qu’il ne parle finalement, d’une voix implacable. «
Si tu fais ça, Hazel, je ne te le pardonnerai jamais. » Et la jeune femme explosa en larmes et en cris hystériques à fendre le cœur, fourrageant ses mèches brunes de ses mains tremblantes alors qu’elle se laissa tomber au sol, éreintée. «
J’vous emmerde, j’vous emmerde ! Si vous saviez ce que c’est, si on pouvait échanger nos putains de positions j’aimerais bien vous voir à ma place ! Qu’est-ce que je pourrais offrir à… à un bébé ? J’ai 16 ans et y’aura pas d’père et… j’pourrai jamais assumer, j’en aurai pas la force. Il n’est pas encore… Il est si petit, quelle importance… ? » Le sang de Cash ne fit qu’un tour dans ses veines avant de lui monter violemment à la tête et de faire exploser la colère dans son corps tout entier – son poing s’abattit sur le mur dans un craquement sonore, mais il n’y eut aucune vague de douleur pour se dissiper dans ses phalanges éclatées et apaiser sa rage. «
J’peux pas entendre ça. Pas venant de toi. » Sa voix ne s’était pas beaucoup plus élevée qu’un murmure douloureux d’incompréhension. «
Celui qui sera un homme est déjà un homme, c’est bien c’que tu disais non ? Il est passé où ton idéalisme ? Elle est où ta morale, dis-moi ? » Il s’approcha de la forme prostrée au sol et redressa le menton de sa meilleure amie avant de poser une main tendre sur son abdomen complètement plat. «
C’est pas une ‘potentielle personne’, Haz. C’est un bout de toi, c’est un être vivant, avec un vaste potentiel, une vie fragile dont tu es à l’origine de l’existence et que tu parles de supprimer comme si un meurtre n’était rien. » «
Il n’est pas encore – » «
Conscient ? Fous-toi de nos gueules, ouais. A 18 jours son cœur bat déjà », asséna Johnny d’une voix inflexible en l’approchant calmement pour s’agenouiller à ses côtés. «
A huit semaines il est achevé et n’attend plus que de grandir . A 12 il n’est grand que de 10 cm et n’en est pas moins réel, parce qu’il peut sentir, souffrir, se savoir agressé. C’est c’que tu veux ? Nier les faits, les évidences, pour te convaincre que tu n’es pas en train de planifier un homicide sur un enfant encore incapable de se défendre ? » Elle s’était entourée de ses bras en une vaine tentative d’auto-réconfort et refusait de croiser leurs regards, butée. «
C’est mon corps. Ma vie. Ma liberté. Mon choix. » «
Et nous on parle pour lui, pour son droit de continuer de vivre. T’as pris ton pied avec ton mec sans envisager les conséquences et t’oses encore parler de liberté ? On t’parle de responsabilités Hazel, arrête avec ton putain d’égoïsme. » «
T’es dur Cash. Tu sais pas c’que c’est, t’essaye pas de te mettre à ma place. Tu t’énerves, tu gueules, tu me juges – vous me jugez, mais j’ferai comment moi, seule avec un gamin sur les bras ? » Il ferma les yeux, se força à canaliser son tempérament impulsif, tendit une main pour attraper fermement la sienne alors que Joe lui entourait l’épaule de son bras protecteur. «
T’es conne toi, si t’as vraiment cru qu’on se battait pour la vie de ce gosse sans avoir l’intention d’être là pour vous deux. On s’en fout de ton crétin de mec ok ? Il sait pas c’qu’il perd, mais j’peux t’assurer une chose : ce gamin a déjà deux pères. »
23 ans. «
Hey buddy », souffla Cash en posant un bouquet de fleurs sauvages sur la terre sèche, au pied d’une petite croix en bois taillée main au-dessus de laquelle était accroché un bonnet d’enfant un peu jauni. Il resta un instant là, le coude appuyé sur un genou et l’autre posé au sol, pensif, avant de reprendre la parole. «
T’es parti trop tôt tu sais ? T’as manqué le plus beau. » Mini-Haz’, qu’ils l’appelaient. L’enfant qui n’avait pas eu le temps de vivre. Leur plaidoyer avait convaincu Hazel, qu’elle s’était laissée prendre au jeu des plans pour l’enfant à naître, de la recherche de prénom, des luttes pour déterminer son sexe et lequel de leur nom il apprendrait à dire en premier… mais une fatale ironie avait voulu qu’ils soient indirectement responsable de la perte de cette vie qu’ils s’étaient battus pour préserver. Il avait suffi de quelques secondes – instant fatale durant lequel ils avaient vu le géniteur aux bras d’une autre, profitant de sa satisfaction inconsciente, rabaissant par ses mots cette ex qu’il avait engrossée et laissée en plan. C’était tout ce qu’il avait fallu pour que Cash et Joe voient rouge. Ils n’étaient pas le genre de mecs à laisser couler sans représailles, mais le père avait immédiatement imputé à Hazel la responsabilité de leur acte. Il avait voulu régler ses comptes lui aussi, et ça avait mal tourné. Sale affaire. Il leur avait fallu faire leur deuil bien avant de connaître le bonheur d’accueillir l’enfant, enterrer ses maigres possessions sans qu’il ne les ait vues au moins une fois.
Cash se fendit d’un sourire en coin. «
On n’a pas lâché nos rêves. On s’est battus pour, même si ça n’a pas plu à tout l’monde, et nos efforts ont payé. On a eu d’la chance aussi, j’t’ai déjà parlé de Kanye, l’ingénieur qui a refilé notre maquette à la prod. Bein tu sais quoi ? Gaslight n’est plus un simple groupe de garage maintenant, on s’est enfin fait un nom au Royaume-Unis. Tu t’souviens de c’t’imbécile de Moriarty dont je t’ai parlé ? Le blondinet complètement péteux et imbu de lui-même avec lequel on s’est plus qu’un peu fightés via les médias ? » Il prit une grande inspiration et se gratta la nuque sans retenir un rire autodérisoire. «
Mon pote, j’ai fini par m’entendre avec ce couillon. Il est pas si mal en fait, pour un vieux. » 29 ans, le « Papy ». C’était l’aîné du groupe alors forcément… «
Bon en vrai on n’a pas trop eu le choix, on a merdé à force de s’en mettre mutuellement plein la tronche, son groupe a explosé et on nous l’a imposé parce que soi-disant le public adore nos frasques. Et le pire c’est que ça marche. Les gens aiment not’ musique. Ça m’fait me sentir vivant, t’imagine pas à quel point. » Il leva les yeux au ciel avec une exaspération qui était maintenant à moitié feinte – ça faisait un an déjà, et le Moriarty – Caesar – était indéniablement intégré à présent. Ça avait une sale représailles mais une idée brillante au bout du compte. Un coup de klaxon résonna et Cash jeta un coup d’œil au Van stationné devant les grilles du cimetière ; à l’avant, l’une des vitres teintées se baissa pour laisser apparaître les traits impatients du manager du groupe. Le musicien rabaissa sur son front la casquette qu’il ne quittait plus lorsqu’il se déplaçait à l’extérieur, releva sur son nez fin les larges lunettes de soleil qui lui mangeaient la moitié du visage et fourra ses mains au fond de ses poches. «
Déjà l’heure de filer. A la prochaine Mini-Haz’. »