Les courses, c'est quand même bien une putain de corvée relou. J'ai jamais vécu toute seule, et faut bien dire ce qui est, au jour le jour, c'est pas évident de s'y mettre et de pas tout foirer. Mais je veux pas être un boulet qu'il traîne à ses pieds non plus, et tant que je squatte, la moindre des choses, c'est que je lui file un coup de main sur les corvées quotidiennes. Je bosse pas encore alors qu'il passe ses journées à son bureau, logique que je prenne un minimum de choses en charge. Dont les courses. Bon par contre, je suis sûre que ça me prend douze fois plus de temps que le commun des mortels, mais enfin... J'ai pas d'impératif horaire particulier, après tout.
Déjà, faire une liste de trucs à acheter, ça m'a pris un temps fou. Rien que moi, savoir ce que je pourrais vouloir manger, ce dont je pourrais avoir besoin, ça a été un calvaire alors ce dont lui a besoin ? Pfiouh mais j'en sais foutre rien moi... Y a quelques trucs qu'il m'a dit comme ça en speed, mais pour le reste, faut que je me démerde.
« Bah t'as intérêt à aimer les pâtes, parce que je sais absolument pas avec quoi remplir ton frigo. »
Et encore moins cuisiner, désolée. Je suis pas la parfaite petite ménagère, mais ça, je crois qu'il a très bien compris. Je suis une catastrophe en cuisine, alors vaut mieux que je m'occupe de la vaisselle, on va dire. Chacun sa spécialité, dirons-nous...
Pour la énième fois, je regarde ma liste bancale, et mon panier qui déborderait si je me restreignais pas pour cause de « mes bras transporteront pas tout le magasin ». Un soupir las passe mes lèvres, c'est bon j'en ai ras-le-bol là. Ce qui manque - parce qu'il manque forcément quelque chose - on reviendra le chercher plus tard. Et je me dirige vers la caisse, en mode automatique, presque, parce que crevée. 'Tain je peux aller faire le tour de Kensington Park, plutôt ? Je suis sûr que trois tours de la Serpentine ça me fatiguera moins que ça.
Y a pas énormément de monde à la caisse, mais le temps que la personne devant moi dépose ses achats sur le tapis roulant, je regarde autour de moi, et je réalise que le type derrière, il a franchement trois conneries dans le sien, de panier, contrairement au mien qui pèse une tonne.
« Buoh... Allez-y, vous en avez pour trente secondes vous... »
Je suis plus à cinq minutes près, je viens de me bouffer mon après-midi alors... Nouveau soupir. Je prends mon téléphone portable, envoie un sms à mon logeur.
« Vas-y, je serais jamais la femme parfaite - ouais je sais, on est au courant. Les courses, c'est vraiment super relou, tu crois que je peux payer quelqu'un pour qu'il le fasse à notre place ?... »
Du grand n'imp, mais ça m'occupe trente secondes. Juste le temps pour que le type passe en caisse et qu'on lui annonce qu'il est le millième client du mois et qu'il a droit à un cadeau. Wait... C'était ma place à la base, hein ? Que je viens de lui refiler.
« Great... »
Je marmonne dans mon coin, je suis dégoûtée. Ca aurait dû être moi, ouais. Je sais pas encore ce que c'est leur cadeau spécial, mais n'empêche ça aurait dû être moi. Et quand nos regards se croisent, je force un sourire, mais... ouais bon, ça doit pas forcément être très crédible. T'attends quand même pas à ce que je te félicite dans l'histoire, mec, parce que... once again, ça aurait dû être moi. Et ouais, la jalousie est un vilain défaut, je sais.