Nous vous demandons un minimum de 500 mots pour votre histoire. Vous pouvez la présenter de la forme que vous le désirez (extrait de journal intime, RP, rendez-vous chez un psychologue, interview, ect...).Avez-vous déjà pensé à
la mort comme à une solution ? Vous êtes vous déjà dit qu'il suffirait, un jour, de sauter sous un métro pour que tous vos problèmes disparaissent ? Que toute cette souffrance que vous éprouvez tous les jours, qui supprime vos envies et votre motivation, qui vous cloue au sol en vous empêchant de vous envoler, s'évanouisse simplement ? C'est la question que je me pose tous les jours en arrivant à l'hôpital. Ne serait-il pas plus simple de tout finir, inspirer le néant et renier la vie ? Sauter sous un métro, griller un feu rouge et mourir dans un accident, prendre trop de médicaments, se jeter d'un pont – je me demande encore laquelle ces façon serait la meilleure. Le pire, dans tout ça, c'est de savoir de quoi on va mourir. Avoir préétabli une liste de ce qui peut nous amener à notre fin et se persuader qu'à l'heure où je vous parle, quelque part dans mon inconscient est déjà notée la façon dont il m'adviendra de mourir ?
Oui, à me voir je n'ai rien qui présage de ces signes. En même temps, quelqu'un les a-t-il déjà vraiment cherchés ? Les gens se focalisent sur l'impression qu'on veut leur donner, pour peu qu'on sache le faire, et refusent de voir plus loin pour une simple raison : ils ne veulent pas que l'on regarde plus loin non plus. Nous avons tous des cadavres dans le placard et nous refusons l'aide de quiconque pour s'en débarrasser. Mon problème, c'est que JE suis le cadavre dans mon propre placard, une enveloppe vide qui n'a rien de mieux à offrir et présager que ce qu'elle se force d'imiter.
Au sein de ma famille, ce n'est rien de réellement surprenant. Nous étions
riches et puissants. Le suicide de Père, je m'en souviendrai toujours. C'était le jour de mes 10ans. Il était venu me chercher à l'école primaire extrêmement privée, uppée et hors de prix dans laquelle Mère avait insisté de m'inscrire. Nous avions mangé des glaces et nous nous promenions dans le parc de Saint James. J'ai toujours aimé les oiseaux qui y vivaient, ils semblaient se soucier de rien sinon que de voler. J'aurais aimé être un oiseau. C'était une journée qui s'annonçait formidable, le soir nous devions aller manger indien – ma cuisine préférée depuis toujours – avec Mère et finalement regarder un film ensemble à la télévision. C'était notre pêché mignon à tous les trois, malgré l'argent dans lequel nous pouviez presque nous baigner, nous préférions regarder la télévision dans notre salon plutôt que d'aller au cinéma. Le contraire de ce que faisaient les gens "normaux". Quoi qu'il en soit, je ne voyais pas à l'époque le chagrin profond de mon père – ou alors, je refusais de le voir afin de rester dans mon monde égocentrique et paraissant idéal. Je n'ai pas reçu de cadeau de sa part, comme à chacun de mes anniversaires : lorsque vous avez la possibilité d'avoir tout ce que vous voulez, vous n'attachez plus d'importance aux biens matériels. Lorsque nous rentrions tous deux à la maison avec le métro – le péché mignon de Père qui adorait les regarder et voyager avec – il lâcha ma main et s'avança vers les rails, le regard vide. C'est probablement à ce moment précis que j'ai compris ce qui allait se passer, néanmoins je n'ai pas eu la force de bouger. J'étais là, impuissant et minuscule, devant mon père qui sautait sous un tram, m'adressant un dernier sourire avant de se faire écraser. Je regrette encore aujourd'hui de n'avoir rien pu faire – courir et le rattraper, me rendre compte que quelque chose n'allait pas, en parler avec lui, quoi que ce soit qui l'aurait empêché de faire. C'est bien hypocrite, à côté, quand on sait que je pense quotidiennement à faire la même chose.
Les médias et l'opinion publique s'étaient bien vite saisis de l'affaire.
Ils accusaient Mère de toutes les horreurs et me faisaient passer la victime collatérale d'une lutte interne au sein de ma famille. Je ne leur ai jamais pardonné les dégâts mentaux qu'ils ont causés à Mère, c'est probablement pour cette raison que je ne lis plus que la presse médicale. Après cet événement, Mère n'était plus jamais pareille – d'abord, il y a eu l'alcool qui ravagea son physique et une partie de son esprit, et quand elle arriva enfin, avec mon aide, à s'en délivrer, c'est la Maladie d'Alzheimer qui la frappa de plein fouet. Elle est toujours vivante actuellement, internée dans un institut qui s'occupe d'elle du mieux qu'il peut – de mon côté, je m'arrange pour lui rendre des visites quotidiennes. Je prends le métro pour aller la voir, l'accès à Vélo étant trop compliqué.
Mes deux parents
ignorent que je suis homosexuel. Mon père est mort avant même que je ne me l'avoue à moi-même, tandis que ma mère est incapable de reconnaître que je suis son fils, encore moins ce genre de détails sur moi. Je n'en fais pas quelque chose d'immense sans pour autant le cacher. Disons que je vis ma vie de la façon la plus simple qui soit. Je me lève le matin, je me lave, je prends mon vélo et je viens à l'hôpital. Je possède ni le temps ni l'envie de bâtir une relation sérieuse avec quel qu'homme que ce soit. Chaque jour, de toute façon, je meurs un peu plus en dedans, une partie de mon âme – non pas que je sois croyant – s'ébranle ou s'effrite sans retour possible. La misère du monde, le chagrin de mes patients, les problèmes de tous ceux qui m'entourent – c'est avec et grâce à ça que je vis et que je meurs également. Je pense que d'ici quelques temps, je ne serais qu'un cadavre ambulant, une machine réglée par la grisaille et le gouvernement pour faire exactement ce qu'on exige d'elle, sans émotions ou sentiments. Actuellement déjà, il m'est difficile de rigoler ou même sourire sincèrement – j'esquisse juste le sourire chaleureux de mon masque. De toute façon, si je mourais demain, personne ne le remarquerait. Personne ne s'en soucierait et la seule personne qui serait présente à mon enterrement serait ma mère, emmenée de force par sa maison de soin, qui ne saurait même pas QUI est enterré. Le pire, peut-être, c'est que nous sommes tous dans la même situation, tous insignifiant et remplaçable par d'autres – j'ai parfois l'impression d'être l'un des seuls qui le réalisent.
Non, je dois revenir sur une partie de ce que j'ai dit précédemment. Il y a encore une chose qui me maintient en vie :
mes études. J'ai toujours eu la vocation d'être médecin, de consacrer ma vie à aider les gens – je l'aurais fait combien même ce métier était bénévole. C'est lors de mes premiers stages que je me suis rendu compte de ma passion pour le côté cruellement humain de l'Oncologie – je terminerai l'an prochain ma spécialisation et serait officiellement reconnu Oncologue. A l'heure actuelle, je suis à l’University College Hospital. Chaque jour, il me vient de rencontrer des patients dans le même état que moi, à peu de choses près : ils savent de quoi il leur adviendra de mourir. C'est eux que j'apprécie le plus, ils renoncent d'abandonner et essayent de toutes leurs forces de lutter pour la vie, ou au moins pour en tirer les derniers plaisirs avec des risques considérables. Je ne prends jamais de risques dans ma vie – le jour où j'en prendrai sera le jour où j'aurai décidé exactement de la date, de l'heure et du lieu de ma mort. Je ne peux pas leur en vouloir, néanmoins – j'ai l'avantage de pouvoir CHOISIR, eux non.