(sky) like a black widow baby.

« SKYLER HASTINGS, ARRÊTES TOI IMMÉDIATEMENT ! » Riant aux éclats, la petite fille continua de courir, le bruit de ses pas résonnant fortement entre les murs du manoir familial. La pauvre gouvernante de la famille ne pouvait que lui crier dessus et tenter de la rattraper, ce qui était chose impossible vu la vitesse de la gamine. Skyler était une enfant turbulente qui en faisait voir de toutes les couleurs à ses parents et le personnel des Hastings. Elle n’obéissait que quand cela lui chantait, se montrait bien trop insolente pour son âge et avait la fâcheuse habitude de faire des bêtises bien plus grosses qu’elle. Comme dessiner au marqueur sur le mur de sa chambre, qui était la raison pour laquelle elle se faisait courser par la gouvernante. Dérapant dans un couloir, elle dévala les escaliers à toute vitesse, manquant de se ramasser la figure. La pauvre Marie arrivait à peine au sommet des escaliers que déjà, Sky repartait à toutes jambes. Du moins, ce fut son intention mais elle se heurta brusquement à quelque chose. Ce quelque chose était son père, qui la regardait d’un air sévère. Sky déglutit, sachant très bien qu’elle allait avoir de gros ennuis. Elle n’était cependant pas du genre à se dégonfler, elle releva donc le menton et planta ses yeux dans ceux de son père. Pour une fois qu’il s’intéressait à elle de toute manière. Il passait bien plus de temps dans son bureau, et Skyler détestait cela. C’était constamment la guerre entre son père et elle. Elle qui faisait bêtises sur bêtises, et lui qui lui parlait uniquement pour la réprimander ou lui faire des reproches. Les seuls moments où il était  peu près fier d’elle était lors de représentations à l’école, quand elle interprétait de magnifiques partitions de piano. En y réfléchissant, c’était déjà pas mal. Cependant Skyler voulait plus. Plus d’attention, plus de câlins, plus d’affection. Son père ne lui donnait pas cela, et elle avait l’impression que plus elle grandissait, moins elle y avait droit. Elle était couverte de cadeaux, ça oui. Elle obtenait immédiatement ce qu’elle demandait, vu que ses parents étaient riches à millions. Malheureusement pour eux, cela importait peu à Skyler. Elle préférait la chaleur humaine à la froideur de l’argent. Personne ne semblait pourtant comprendre cela, et Skyler se retrouvait souvent enfermée dans sa grande chambre remplie de jouets totalement inutiles. « Marie, qu’est-ce que Skyler a encore fait ? »Essoufflée, la gouvernante prit une grande inspiration avant de répondre, s’appuyant contre la rambarde des escaliers. « Elle a dessiné sur le mur de sa chambre, monsieur. » Le regard glacial, Thomas foudroya sa fille du regard. « Et tu en es fière de ton œuvre. » Insolente, Skyler hocha lentement la tête, les bras croisés sur sa petite poitrine, mimant la position de son paternel à la perfection. Un sourire moqueur vint orner les lèvres de son père et Skyler fronça les sourcils. « Tant mieux, car c’est ce que tu vas regarder pendant les prochaines trois heures. » La petite ouvrit la bouche de protestation, mais déjà son père se détournait d’elle et Marie la ramenait à l’étage. Elle pénétra dans sa chambre, la porte se referma sur elle et Skyler se laissa tomber sur son lit. Ensuite elle pleura.


Skyler détestait sa vie. Elle avait quinze ans, la crise d’adolescence avait bel et bien débutée et jamais elle n’en avait autant voulu à son père. Il tentait de la contrôler, comme toujours, et elle détestait franchement cela. Non elle ne voulait pas devenir avocate, ou encore chirurgienne. Du coup, elle n’avait absolument pas besoin d’être première de la classe. Cela n’avait pas beaucoup d’importance. Skyler elle, elle voulait des amis, qu’on lui offre un sourire dans les couloirs, que tout le monde la connaisse. Elle, elle ne voyait que la popularité car elle se sentait toujours mal quand elle était seule. Son père semblait ne pas du tout comprendre cela, qu’être première de classe apportait des préjugés et qu’elle ne pourrait jamais être aussi populaire en ayant la casquette d’intello. Elle risquait de manquer tellement de choses, des fêtes d’anniversaire en passant aux soirées du nouvel an. Elle aimait qu’on se souvienne d’elle, que les professeurs lèvent les yeux au ciel en voyant qu’elle était dans leur classe, que les garçons la regardent avec convoitise, que les filles boivent ses paroles. Elle n’était pas une fille méchante, elle n’utilisait pas sa popularité pour oppresser les outsiders. En fait, elle était même du genre généreuse et ouverte, cherchant à ce que tout le monde se sente bien. Elle n’avait pas la mentalité d’une fille de riche, d’une fille à papa qui ne jurait que par l’argent et les bijoux. Elle n’était pas matérialiste, et la seule chose qui lui importait vraiment, c’était l’amour. Amicale, romantique, fraternel, paternel, maternel. C’était cela qui était important pour elle, et elle aurait certainement été bien plus heureuse en ayant vécu dans une famille avec peu de moyens, mais beaucoup d’amour. Heureusement pour elle, tous les gosses de riches n’étaient pas insupportables, et elle avait même réussi à trouver quelqu’un pensant comme elle dans tout cela, un quelqu’un qu’elle appelait fièrement son meilleur ami. « Maman, tu me trouves comment ? » La mère de la jeune fille sourit en la détaillant, appréciant la robe claire qu’elle portait à la perfection. « Tu es très belle ma chérie, ce garçon a beaucoup de chance. » Souriante, Skyler déposa un baiser sur la joue de sa mère. Elle s’était toujours mieux entendue avec elle qu’avec son père, même si parfois son comportement l’exaspérait également. Elle voyait bien que sa mère faisait des efforts pour la comprendre, alors Skyler l’appréciait bien plus. « Comment il s’appelle ce garçon déjà ? » Sky leva les yeux au ciel avant de les poser sur son père, qui s’était arrêté près d’elle. « Brett, ça fait cinq fois que je te le répète. » Haussant un sourcil, son père ne la lâcha pas des yeux. Il ouvrait la bouche pour parler à nouveau lorsque sa fille le coupa dans son élan. « Non papa, il n’est pas de notre milieu. Et tu sais quoi ? C’est pour ça que je l’aime bien. » Et sans attendre de réponse, Skyler quitta la maison, bien heureuse d’aller retrouver son premier amour, loin de ses parents et de cette cage dorée qu’elle abhorrait tellement.


Les sanglots de Skyler étaient incontrôlables, s’échappant de son corps sans interruption. Elle pleurait, encore et encore, tandis que son meilleur ami faisait de son mieux pour la réconforter. Même si dans le fond, il était bien compliqué de voir le côté positif de la situation. Elle avait seize ans, toute la vie devant elle, une jeunesse qui n’attendait qu’elle et pourtant… « Je suis enceinte. » A la limite, elle aurait pu s’en sortir avec cela. Elle avait toujours voulu une famille, rêvant du prince charmant depuis qu’elle avait vu Cendrillon à la télévision pour la première fois. « Brett a rompu avec moi. » Oui mais voilà, sans prince charmant elle était bien incapable de s’occuper d’un enfant. Elle n’osait pas imaginer la réaction de ses parents en apprenant la nouvelle, mais elle allait bien devoir leur dire. Elle ne pouvait pas se permettre d’avoir un enfant maintenant, et surtout pas en étant célibataire. Elle se sentait tellement mal, abandonnée par le monde entier, totalement perdue. Elle détestait la simple idée de devoir tuer une autre vie, elle qui chérissait tellement les enfants et qui rêvait d’avoir le sien, mais plus tard. Bien plus tard. « Je dois avorter. J’ai pas le choix Franklin, j’ai pas le choix. » Elle pleurait, pleurait, pleurait, incapable de se calmer. Elle ne voulait pas bouger des bras de son meilleur ami, elle ne voulait pas retourner dans le monde réel. Dans un monde où son premier amour avait pris la fuite en apprenant sa grossesse, où ses parents allaient lui passer le savon du siècle, où elle allait se faire enlever une vie qui grandissait en elle. Elle était une horrible personne. Tout ce qu’elle voulait, c’était s’échapper de ce monde. C’était son seul souhait désormais.


« C’est pour ton bien Skyler, tu ne peux pas continuer comme cela. » Sa mère n’avait pas cessé de lui dire cela. L’adolescente avait même l’impression que c’était la seule chose qu’elle lui disait désormais, malgré le fait qu’elles ne se voient que très rarement désormais. Elle était en centre de désintoxication. Pour combien de temps, elle n’en avait aucune idée, personne ne voulait le lui dire. Sûrement jusqu’à ce qu’elle soit sevrée, mais Skyler savait que cela n’arriverait pas. Elle n’avait pas envie de se sortir de la drogue. Elle était bien comme elle était, à fumer des joints et autres trucs du genre. Ça lui permettait de s’évader, d’oublier que son rêve de fonder une famille était parti en fumée, que sa famille ne la comprenait pas. Elle avait sincèrement besoin de cela, besoin de s’éloigner, de vivre comme si tout allait bien alors que ce n’était absolument pas vrai. Résultat, elle avait découvert la drogue comme une solution prodigieuse et elle n’avait aucune envie d’arrêter. Ses parents pouvaient la mettre dans autant de centre qu’ils voulaient, jamais rien ne changerait. Cependant, Skyler détestait les centres. Elle trouvait cela bien trop froid, insipide, sans vie. Elle ne pouvait pas s’évader ici, oublier tout ce qui la tracassait constamment. Elle savait que pour sortir, elle devait donner l’impression qu’elle n’était plus accro. Elle devait jouer un jeu. Skyler avait toujours été du genre franche et honnête, mais si elle devait manipuler et mentir pour sortir de cet endroit maudit, alors elle allait le faire sans regret. Ce fut étonnamment facile. Peut-être était-ce sa bouille d’ange innocent qui lui permit de convaincre aussi facilement tout le personnel, ou bien tout simplement les larmes qu’elle versait en disant qu’elle regrettait tout cela et qu’elle voulait retrouver ses parents, mais en tout cas, cela avait marché. « C’était pour ton bien Skyler, tout va rentrer dans l’ordre désormais. » La phrase de sa mère avait un peu changé, mais le fond était toujours le même. Tout le monde était persuadé qu’elle avait cessé de se droguer, qu’elle ne voulait plus toucher à tout cela. Pourtant la première chose qu’elle fit en revenant chez elle fut de recontacter son ancien dealer, et d’enfin, s’échapper à nouveau de ce monde si cruel envers elle par moment. Elle trouva sans mal un petit appartement loin de chez elle –même si elle restait à Londres – ce qui lui permit de se libérer de l’emprise de ses parents et de pouvoir s’amuser comme une petite folle. Cependant, elle dépensa bien trop vite ce qu’il restait sur son compte en banque personnel, et elle se retrouva obliger de demander un peu d’argent à ses parents. « Je n’ai même plus assez pour m’acheter à manger et je vais sans doute me faire virer de mon appartement… » Bien entendu, elle s’inquiétait surtout de ne pas pouvoir payer sa drogue, mais hors de question de dire cela à ses parents. Elle était presque certaines qu’ils savaient, qu’ils savaient que la rehab n’avait servi à rien mais pourtant, ils acceptèrent de renflouer son compte en banque. A une seule condition. « Tu fais des études. »


Elle était donc dans sa deuxième année d’étude. Un peu perdue et pas vraiment motivée, elle avait choisi histoire comme filière principale car cela ne lui avait pas paru trop compliqué. Effectivement, face à médecine comme son meilleur ami ou encore droit, elle n’avait pas à se plaindre. En plus de cela, elle avait quitté l’appart’ un peu miteux qui lui avait servi de logements quelque temps pour rentrer en colocation avec deux autres filles. Pas n’importe quelles filles par contre. Entre Rory sourde d’une oreille, Sam qui était flic –sérieux quoi, flic – et elle qui se droguait, elles faisaient un petit trio vachement original. Malgré tout, Skyler aimait bien habiter avec elles. C’étaient drôle de les taquiner toutes les deux, et réconfortant de savoir que si elle rentrait en pleur après s’être fait larguer, il y en aurait au moins une pour la réconforter. Elle n’était pas la meilleure des colocataires. Elle était bordélique, sans gêne – elle se rappelait encore leur tête quand elle avait couru à travers l’appartement complétement à poil car elle avait oublié ses fringues – grande gueule, bavarde, droguée. Les deux autres aussi avaient leurs défauts, leurs petits trucs qui agaçait Sky au plus haut point, mais dans le fond, c’était bien plus drôle comme cela.