stuck in the middle with you. (malcolm)

+ VOYOU.
L’adrénaline, l’amour propre, ce putain d’égo qui t’ordonne quoi faire ou non. Je regarde Harlan, il semble décidé, comme toujours. Il est toujours sûr de lui, rien ne parvient à l’atteindre. Ni la peur, ni la prison, ni la mauvaise image qu’il renvoie. Il se fiche du monde, de la société, des conventions. J’ignore toujours pourquoi j’étudie quand lui se contente d’écouler de la cocaïne sur Soho. Mauvais frère. Je ne sais pas lequel d’entre nous est à blâmer pour cette balle perdue. L’irresponsable ou le lâche ? Harlan ? Je ne le vois plus, il écoule des jours heureux en prison, il l’a bien mérité, on ne peut pas toujours jouer aux cons, aux gros durs et ça sans conséquence. Mon grand frère s’est perdu, il est resté dans la rue trop longtemps. Pendant ce temps, j’ai fermé les yeux sur notre condition minable et j’ai continué à tourner mes courts métrages à la con, quasi aveuglé par ma propre réussite. La faute à ce coup foireux. La faute à cette balle qui est venue se loger entre les deux yeux de Monty.

Monty. C’est qui ce type ? Un frère. Un autre. Le petit dernier. Mort. Il était simplement venu à Londres pour les vacances mais comme toujours, Harlan se devait de le mettre sur un coup. Un braquage, discret, de nuit. Une pharmacie de garde. « J’ai un mauvais pressentiment Harlan, ça va pas le faire, je te jure. » La vérité ? J’avais toujours un mauvais pressentiment, je détestais avoir à faire ça, j’avais les jetons. La cagoule, trop grande, m’empêchait d’y voir clair - et accessoirement de respirer. « Tu fais le guet et tu la fermes Malcolm, c’est tout. » Je revois encore clairement Monty et Harlan sortir de la caisse. Les flics débarquer. Et je me revois surtout lâche, complètement tétanisé. Je me revois bien, ouais, redémarrer sans eux sans me retourner. C’était la dernière nuit de Monty et je n’étais pas là.

+ AMOUR.
« Tu ne penses qu’à toi Malcolm. » L’amour et ses premiers émois. L’amour et ses premiers regrets. J’ai un problème avec l’amour, il ne veut pas de moi, ou plutôt, il ne veut plus. Aucune femme sur terre me considère, j’ai juste l’air d’un gros blaireau. Je suis tellement paumé, tellement désespéré que je me fais honte. Je collectionne les femmes, les hommes, les mariages hors de prix, les vols pour Las Vegas, les plans foireux, les divorces houleux, les paparazzis. Cette vie est surréaliste, presque épuisante. Parfois je regrette le bon vieux temps et je la regrette elle. Shane, fille d’un valeureux tailleur de Ayr. Une belle histoire, sans prince charmant toutefois. J’ai jamais réussi à lui avouer mes sentiments malgré tous les encouragements de Monty. J’ai laissé passer ma chance, aujourd’hui elle doit certainement être mariée à un beau petit banquier et mère de deux ou trois marmots quand je m’enfonce un peu plus tous les jours, sans accroche, sans amour. Je n’ai pour moi que les filles faciles et le champagne gratuit. Une vie luxueuse et luxurieuse sans but. « Quand je serai célèbre, je reviendrai te chercher. » Je le pensais à l’époque, je pensais sincèrement refaire le monde, c’est ça le plus triste, c’est de ne pas avoir honoré ma promesse. Seulement, la vie n’est qu’une succession de choix douloureux à prendre. J’ai renié mon ancienne vie, ma famille, mon passé, tout, elle.

L’avion, le train, le bus. Tout ça pour Ayr, une petite ville portuaire sans importance, tout ça pour la revoir une dernière fois et surtout, pour me racheter une conduite. Le jardin épineux de mon enfance, de mon adolescence, là sous mes pieds. Je ne suis pas rentré chez moi, je n’étais pas sans ignorer la démence de mon beau-père, il m’a toujours déconsidéré, depuis gamin. Aucune envie de me confronter, une fois de plus à lui. J’ai lu et relu l’annuaire, elle ne pouvait pas avoir quitté la ville, sa vie était ici, elle était faite pour cette vie monotone et à la rigueur ennuyeuse. Quand je suis parvenu à trouver son nom dans le bottin, son adresse, le numéro de sa porte j’ai ressenti comme un léger picotement. C’était l’amour propre, mais fort heureusement, j’ai préféré  l'ignorer et me ridiculiser, j’ai toqué à la porte. Un môme est venu m’ouvrir, penaud puis très vite incrédule. « Papa c’est pour toi je crois ! » Bingo gamin. Je me suis décomposé parce que j’avais vu juste, depuis le tout début, et con comme je suis, j’ai espéré et tenté l’impossible. Une grosse brute est venue à la porte, il faisait facilement deux têtes de plus que moi, ses bras étaient recouverts de tatouages absurdes. « C’est pourquoi ? » J’ai reconnu Lindsey Connelly, la brute de l’école, mon coeur a loupé un battement. Je détestais ce type plus que mon beau-père, Harlan et ma lâcheté réunis. « Je viens voir Shane. » Ses traits se sont assombris rapidement à l'évocation de son seul prénom. Il m’avait replacé également, je pouvais lire sur ses lèvres un MacDonald qui ne semblait pas prêt à sortir. « Et tu viens pourquoi au juste ? Pour foutre le bordel dans nos vies ? Tu peux prendre ta queue sous le bras et dégager mon gars j’ai peut-être pas ton blé mais moi je suis là pour elle. »

Dans le fond j’étais plutôt d’accord. Je le suis toujours. Elle a abandonné son gosse, plaqué son mari pour vivre à Londres à quelques kilomètres de chez moi. Comme quoi il n’est pas toujours bon d’avouer ses sentiments. J'ai peut-être même plus de remords qu'avant.