"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici There's no dancing around that (or is there?) | julian & ashford 2979874845 There's no dancing around that (or is there?) | julian & ashford 1973890357
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There's no dancing around that (or is there?) | julian & ashford

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() message posté Sam 28 Juin 2014 - 0:10 par Invité
There’s no dancing around that
(or is there?)

JULIAN FITZGERALD & ASHFORD TENNYSON



Le bâtiment du Times n’est pas inconnu à Ashford ; il lui est arrivé d’y passer à quelques reprises quand il avait un conseil à demander à Fitzgerald, et il n’est pas inconnu au bataillon. Inutile de dire que Fitzgerald n’a que très rarement du temps à lui accorder, qu’il le snobe pour ainsi dire, trop occupé par une conversation au téléphone, avec à la main son calepin et un stylo qu’Ashford ne pourrait sans doute pas se payer et qui a l’air de sortir tout droit d’une papeterie huppée. Les seules fois où Ashford a été assez naïf pour demander à être reçu dans son bureau, il a eu droit à un haussement de sourcils interrogateur, un rien excédé, et un geste de la paume pour l’inciter à patienter de la part du journaliste.
Ashford n’est pas quelqu’un de naturellement patient, ni quelqu’un qui apprécie être négligé et finalement oublié, et il a vite compris que venir au Times était un détour inutile, une perte de temps dans sa semaine déjà chargée.

Cette fois, cependant, Julian Fitzgerald ne le remisera pas dans le couloir pendant qu’il termine une discussion pompeuse.
En réalité, rien n’est moins sûr, parce que cela doit faire une bonne semaine que Fitzgerald l’évite comme la peste, qu’il ne le croise nulle part alors qu’il leur arrive de couvrir les mêmes événements ; Ashford ne s’en plaint pas forcément, parce qu’il est vrai que la situation est pour le moins gênante, mais il n’est pas ouvertement conquis par cette politique de l’autruche qui s’éternise. Ash s’attend à moitié à se faire claquer la porte au nez et à se faire raccompagner par la sécurité jusqu’en bas de la rue avant même d’avoir eu le temps de véritablement s’annoncer. Peut-être que Julian est allé jusqu’à faire mettre son nom sur la liste de persona non grata du journal ?

Encore une fois, Ash peut comprendre pourquoi Julian s’est subitement transformé en fantôme, mais lui-même a vécu bien pire en matière d’embarras et ce petit jeu commence à lui taper sur les nerfs. Prendre un appel de l’agence de téléphone rose pour laquelle il travaille et tomber sur un confrère à l’autre bout du fil est certes une expérience inédite, mais elle n’est de loin pas la plus humiliante qu’il ait vécue.
Il aurait préféré que Julian ne reconnaisse pas sa voix. C’aurait été plus facile, parce que même si Ash avait identifié Julian, il a suffisamment de conscience professionnelle pour passer outre ; Julian n’en aurait rien su et Ash aurait enterré le souvenir quelque part dans un coin poussiéreux de son cerveau. Malheureusement, même la voix maniérée qu’il adopte lors de ses heures de service en télécommunication érotique n’est pas si éloignée de sa voix de tous les jours, et Julian et lui ont suffisamment parlé pour que même quelques mots lui mettent la puce à l’oreille.

Ash n’est pas tout blanc dans cette affaire, évidemment ; après tout, c’est lui qui a subitement raccroché quand Julian l’a reconnu. C’était une décision stupide, il le reconnaît, mais c’était plus fort que lui et il n’a cessé de le regretter depuis. Pas étonnant que Julian ait disparu de la carte ces temps derniers.
Mais le jeune homme n’est pas le genre à s’enterrer la tête dans le sable et à ignorer constamment ses problèmes ; ça lui prend parfois un peu de temps, mais il finit toujours par confronter ses démons, et si aujourd’hui, cela doit passer par une conversation douloureusement humiliante avec un confrère, ainsi soit-il.
Maintenant qu’il y pense, Julian n’a jamais évoqué être homosexuel, ou bisexuel ; l’effet de surprise est probablement l’une des raisons pour laquelle qu’Ashford a un peu paniqué au téléphone. Bien sûr, Ashford et Julian ne sont pas proches, mais le milieu du journalisme est gangrené par les ragots, et le jeune homme n’a jamais entendu quiconque associer Julian à des rumeurs d’homosexualité, bien que les histoires de ses relations chaotiques avec la gente féminine – ou du moins, une représentante de ladite population féminine – ne soient pas étrangères à ses oreilles.

Il arrive à pousser la porte du siège du Times londonien sans qu’une cohorte de gardes le jette dehors, et c’est un signe encourageant. La secrétaire de service au bureau d’accueil de la clientèle clique frénétiquement face à son ordinateur, et Ash est prêt à parier sa plus belle paire de jeans qu’elle est plus occupée à commander de nouvelles chaussures qu’à trier les e-mails qui encombrent la messagerie du journal. Elle relève les yeux vers lui, mais Ashford ne lui est pas inconnu et elle ne lui demande aucun justificatif particulier quand il annonce simplement : « J’ai rendez-vous avec Julian Fitzgerald. »
C’est un mensonge, parce qu’il n’a pas pris la peine d’appeler Julian, qui a dû bloquer son numéro, car il est directement envoyé sur la messagerie. Encore une fois, il ne lui en veut pas, mais si Julian a décidé de ne pas jouer fair play, Ash n’a pas l’intention d’être beaucoup plus honorable, et s’il est obligé de coincer Julian dans son bureau, très bien, l’idée ne suscite en lui que très peu de scrupules. Il combattra le feu par le feu s’il le doit. Mais la secrétaire s’en fiche, de toute façon, parce qu’il la gratifie d’un large sourire qui lui donne l’air d’un innocent adolescent et qu’on lui donnerait le bon Dieu sans confession.
Ashford pourrait prendre l’ascenseur, mais il aime mieux monter les marches – un peu d’activité lui permet de se détendre, et attendre bêtement l’ascenseur lui donnerait sûrement beaucoup trop l’occasion de cogiter, ce qu’il veut absolument éviter. Les bureaux du Times sont superbes, des enfilades de couloirs propres et lumineux percés de portes claires. Fitzgerald est l’un des chanceux de la rédaction qui bénéficie d’un bureau rien qu’à lui, car sa porte ne porte qu’une seule plaque gravée à son nom.

Comme Ashford n’est pas un parfait barbare, il a la grâce de toquer, mais il n’est pas assez idiot pour attendre d’être invité à entrer ; Julian n’a même pas eu le temps de relever les yeux de l’écran de son ordinateur qu’Ashford s’est déjà introduit dans la pièce.

- Salut.

C’est une entrée en matière sommaire, mais Ash n’a pas eu le temps de penser à quelque chose de plus brillant. Il refuse pourtant de se démonter, et pour se donner une contenance, se met à fouiller dans sa veste pour en retirer son portable et une paire d’écouteurs.

- Il faut qu’on parle, explique-t-il, toujours sans regarder Julian, et il est conscient que cela doit accentuer son apparence juvénile et qu’il doit plus que jamais ressembler à un adolescent têtu. Et tu ne vas pas m’éviter cette fois. Je vais m’asseoir ici, tu vas finir ce que tu as à faire et je ne décolle pas  tant que tu ne m’as pas accordé au moins un quart d’heure. J’ai tout mon temps.

Il visse un écouteur dans chaque oreille, se laisse tomber dans la chaise destinée au visiteur, adresse au journaliste un sourire qui montre toutes ses dents – le sourire est plus impertinent qu’autre chose, mais c’est mieux que rien –, croise  les jambes avec détermination et presse le bouton Play de son portable.
Inutile de dire qu’il ne se sent pas moitié aussi confiant qu’il tente de le paraître.


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() message posté Lun 30 Juin 2014 - 18:06 par Invité


See, I hope there was ... Dancin around that

J’avais passé la nuit au prestigieux siège du TIMES londonien, les yeux rivés sur mon super écran high-tech. Mon corps immobile sur l’immense chaise, et mes mains pendantes sur le rebord du bureau étaient mon encre dans cet univers incertain. Je sentais le monde bouger autour de moi, comme si je n’étais qu’un vulgaire pion entre les mains d’une divinité invisible ou une autre connerie mythique du genre. Mes pensées virevoltaient à une vitesse vertigineuse, menaçant de me rendre fou. J’avais ressassé chaque instant de mon quotidien, j’en dévorais chaque minute comme s’il s’agissait d’aventures cocasses racontées par un compteur de rue. Pourtant je n’arrivais pas à mettre le doigt sur le moment exact ou tout avait merdé. Ce sentiment d’irréalité ne me quittait plus … C’était frustrant ! Je venais d’apprendre qu’Eugenia était handicapée et qu’elle m’avait mise à l’écart pendant toute une année parce que je ne devais pas être fiable ou digne de confiance à ses yeux. Samantha me détestait de l’avoir si lâchement abandonné. En gros ma vie sentimentale était un désastre, mais jusqu’à présent tout cela me paraissait surmontable. J'avais le boulot de mes rêves, et une réputation de badass qui me collait au train. Enfin jusqu’à ce que la brillante idée d’appeler le téléphone rose me traverse l’esprit.  Je levai les yeux au ciel avant de reporter à nouveau mon attention sur mon PC , et sur l'arrière plan de la cloche big ben qui avait accompagné ma longue insomnie.

Je n’étais qu’un homme, esclave de mes pulsions et de mes ambitions. Le souffle du climatiseur caressait le duvet de ma nuque avec délicatesse, me tirant un gémissement de lassitude. Je n’avais pas écrit un mot depuis une semaine. J’avais l’impression de n’être qu’une potiche, dans un monde de strass et de paillettes qui ne m’avait jamais réellement accepté. Après tout je n’étais qu’un outsider, un enfant de la rue adopté par une organisation trop faramineuse pour être réglo. Toutes ces personnes qui m’entouraient ne savaient rien de moi. Je n’étais qu’un imposteur et je m’appliquais à garder cette identité secrète : Tout ce que j’étais, tout ce que j’avais traversé et les ruses dont j’avais usés pour en arriver là. Les rumeurs étaient une part importante du journalisme. La meilleure façon de me protéger c’était de taire mon passé : Pas de copinage au travail ! J’osais espérer que de cette façon mes aptitudes et mes compétences suffiraient à garder les attentions rivées sur moi.

J’étais engourdi, mes muscles courbaturés bougeaient à peine mais je pu rassembler quelques efforts afin de saisir mon paquet de cigarettes. Il était interdit de fumer dans le bâtiment, sauf dans les quelques endroits aménagés pour, mais l’appel de la nicotine était si fort. La porte toqua, me tirant de cette hypnose qu’exécrait mon addiction sur moi. J’émis un soupir de soulagement, avant de découvrir le jeune homme qui me faisait face. Ashford. La seule pensée qui me percuta était celle de son visage souriant et de son prénom « too british ». Je plissai les yeux, refusant de laisser mon cerveau faire plus de rapprochements.

_Il faut qu’on parle. Et tu ne vas pas m’éviter cette fois. Je vais m’asseoir ici, tu vas finir ce que tu as à faire et je ne décolle pas  tant que tu ne m’as pas accordé au moins un quart d’heure. J’ai tout mon temps.

Sa voix raisonnait en moi tel le crissement désagréable de la craie sur un tableau usé. Il me mettait devant le fait accompli, et Dieu seul savait, s’il existait, à quel point je détestais être mit au pied du mur. Je fis une légère grimace en le toisant du regard.

_ Je suis content que tu aies percuté que je t’évitais. Je me raclai la gorge. Tu risques d’attendre longtemps, kid.

Ma réponse était froide et acerbe, pour ne pas changer. Je suppose que je me sentais en position de faiblesse. Ash constituait une menace. Il connaissait l’un de mes secrets les plus sombres; les gens se faisaient tuer pour moins que ça à mon avis. Je déglutis lentement.

Je me souvenais parfaitement de cet appel. La sonnerie avait sonné plus trois fois avant que je ne sois redirigé vers un hôte, laissant ainsi le temps aux doutes de s’immiscer en moi. Puis j’avais eu un regain de courage, une folle envie de vivre pleinement toutes les expériences insensées que me dictait mon subconscient. Je m’étais laissé aller à ma bêtise, et je devais avouer que durant quelques secondes je sentis mon cœur regorger d’euphorie à nouveau. C’était ce genre de sensations fortes que je recherchais depuis si longtemps. Je pensais que c’était ma seule chance de ressentir quelque chose à nouveau. Et en effet, j’avais senti le désir, l’envie et la murmures des incubes pervers exciter mes sens. J’étais un être sournois et affligé par l’oisiveté. Parfois je me demandais s’il y avait un sort maléfique qui planait au-dessus de ma tête, obscurcissant ma vue et m’empêchant de voir la réalité des choses. L’amour était douloureux, et son absence était une torture. J’étais martyrisé de toute part, incapable de voir le bon côté des choses. La voix sensuelle d’Ash m’avait remis sur les rails le temps d’un battement de cils. Je m'étais senti ...  serein. Étais-ce avant ou après que je ne l’aie reconnu ? Étais-ce la voix de l’homme, ou celle de cet homme-là ? Je continuais à dévisager mon écran vide, lui donnant l’illusion d’une occupation qui n’existait que dans mon imaginaire. La vérité, c’est que je me donnais plus de temps pour gérer cette situation gênante. Je ne lui avais encore jamais avoué, mais j’aimais beaucoup travailler avec lui. Ashford rajoutait une touche de jeunesse et une fraicheur à mes écrits platoniques et sans caractère. Mes froncements de sourcils, et mon air dégagé étaient la seule façon que j’avais trouvée pour lui témoigner ma gratitude. Il fallait dire que je n’étais pas un homme du sentiment ou de la belle parole. J’exigeais qu’il soit mis sur mes enquêtes, c’était déjà beaucoup.

Les minutes se consumaient et je n’avais toujours pas bronché. Plus j’y réfléchissais moins je me sentais capable de le confronter. J’étais l’adulte, je devais avoir une poigne de fer ! Je retins ma respiration. Mon cœur eut un raté : c’était le signal ! Je me redressai avec lenteur puis je me dirigeai vers lui.

_ De quoi veux-tu parler ? M’enquis-je. Je t’ai déjà dit que tu devais retravailler l’intrigue de ton dernier article. L’idée est bonne, mais je veux être captivé par tes paroles. J’ai envoyé un courriel. Lançai-je en mettent l’accent sur mon intonation snob. Si c’est que tu es venu discuter, je pense que nous en avons fini.

Je plaçai ma main sur le rebord du bureau avant de m’y accouder.

_ J’ose espérer que la prochaine fois, tu prendras rendez-vous auprès de la secrétaire. Tu sais la fille un peu légère qui se trouve à l’entrée. Tu pourrais peiner à le croire, mais elle est là-bas pour une raison.

Je savais que le thème de sa venue n’avait rien à voir avec le travail ! Je connaissais parfaitement ses intentions, mais je préférais tenter cette esquive comme une dernière tentative de sauver la face. Je le regardai de mon air le plus sérieux, espérant que cela suffirait à l’intimider, mais du peu que je connaissais de lui je savais que je me mettais le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Cette petite vermine était tenace !
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() message posté Lun 30 Juin 2014 - 21:30 par Invité
There’s no dancing around that
(or is there?)

JULIAN FITZGERALD & ASHFORD TENNYSON



La musique dans les oreilles d’Ash est un peu trop forte pour qu’il puisse distinguer précisément ce que dit Julian – une partie de lui est tenaillée par la tentation de baisser le volume pour vraiment entendre, mais cette nonchalance feinte est aussi pour lui une façon de tenir la dragée haute à son interlocuteur, de donner une impression d’assurance qu’il est loin de ressentir. Il se contente de hausser les épaules comme si les mots de Julian ne l’atteignaient que peu, alors qu’il a envie de saisir un des bibelots sur le bureau et de le lui envoyer à la figure et qu’il doit serrer les dents pour ne pas s’emporter verbalement à l’encontre du journaliste. Ashford a-t-il mentionné qu’il n’aime pas être pris de haut par les arrogants qui pètent plus haut que leur cul – dans le genre de Julian ? Mais il est déterminé à être le plus retors et le plus patient aujourd’hui, à contrôler l’exubérance d’adolescent qui le trahit trop souvent, surtout face à quelqu’un d’aussi posé et froid que Julian. Mais cette fois, c’est lui qui sera le plus fort à ce petit jeu, et tant pis si l’une de ses jambes, qui bat le rythme rapide de la musique qu’il écoute, ne leurre personne quant à son état de nerfs.

Il n’a pas de raison d’être nerveux, pourtant, se raisonne-t-il ; dans toute cette affaire, ce n’est pas lui supposé récolter le blâme. C’est Julian qui a passé l’appel et qui a pris la décision de l’éviter quand il a découvert que c’était Ash à l’autre bout du fil.
Ashford plisse un peu les yeux alors qu’il observe Julian derrière son écran. Ses yeux ne bougent pas suffisamment et Ash est prêt à parier n’importe quoi qu’il ne travaille pas vraiment et qu’il s’amuse juste à passer le temps, pour mettre à l’épreuve la ténacité de son vis-à-vis. Le jeune homme ne lui donnera pas satisfaction et il s’efforce de penser à autre chose pour tuer le temps.
Le problème, c’est que ses pensées ont tendance à se tourner naturellement vers le journaliste ; Ashford a fait son métier d’hôte de téléphone rose trop longtemps – plus de deux ans et demi – pour ne pas souffrir de déformation professionnelle, du moins à un certain degré. En l’occurrence, il sait que le client a toujours une raison pour composer le numéro de leur ligne érotique, mais il ignore quelle est celle qui se cache derrière l’appel de Julian, si ce n’est guère plus que de la curiosité ou quelque chose de plus… profond, de plus sombre. Le visage de Julian est impassible sous l’examen qu’en fait Ash, et le jeune homme aimerait que Julian parle. Ash n’est pas doué pour déchiffrer les expressions, mais il n’est pas mauvais quand on en vient à étudier une voix, les subtiles inflexions, les variations d’un timbre.

Quand Julian se lève enfin, Ash s’y attend si peu qu’il a un vague sursaut. Il s’attend, en revanche,  à ce que le reporter du Times tente de changer de sujet ; l’exaspération qui bouillonne dans l’estomac d’Ash, mais elle est vague, rien à voir avec de l’indignation pure et simple. Il n’apprécie pas, en revanche, la façon dont Julian s’est redressé pour le surplomber, comme s’il avait dans l’idée de tenter de l’intimider.
Inexplicablement, Ash est content d’avoir son piercing à la lèvre, qui lui confère une certaine allure, et il a un sourire en coin satisfait quand il se lève à son tour, parce qu’avec son mètre quatre-vingt-dix et sa crête de cheveux blonds, il est presque sûr, du haut de ses dix-huit ans, d’être plus grand que Julian, même si ce n’est que d’une poignée de centimètres et qu’une histoire de coiffure.

- Pas la peine de jouer à ça avec moi et de nier les faits, je ne suis pas ta maîtresse venue te menacer de quoi que ce soit, coupe-t-il, parce qu’un autre jour, il accorderait de l’attention aux critiques constructives de Julian, et il y repensera une fois rentré chez lui quand il retravaillera sur son article, mais pour l’instant, ce n’est pas la raison pour laquelle il est venu jusqu’au Times aujourd’hui.

Il aurait peut-être dû essayer de paraître plus viril, moins juvénile, histoire que Julian le prenne plus au sérieux et arrêter de le traiter comme un gamin pris en faute. La prochaine fois, il troquera les jeggings et le T-shirt contre un costume qui lui donnera un air de pingouin, et il enlèvera le piercing.
Non, change-t-il d’avis en mordillant ledit anneau de métal. Garder le piercing est une bonne idée, ne serait-ce que parce qu’il le vieillit un peu et que ça ne peut pas être une mauvaise chose.
Il est en tout cas décidé à ne pas donner suite à la remarque sur la secrétaire, parce que cette femme est une incapable, que Julian aurait refusé de le recevoir s’il s’était annoncé et que de toute façon, Ash aurait probablement fini par donner un faux nom pour se faufiler ni vu ni connu au Times de toute façon. Passer par la secrétaire aurait été une perte de temps ; Ash s’y connaît en matière de standardiste, et il sait pertinemment que cette femme est une disgrâce au métier.

- Je m’en fiche que tu aies appelé pour du téléphone rose, ou que tu sois bi, ou que tu aies voulu juste faire une expérience ou… Bref, ce ne sont pas mes affaires. Je n’aurais pas dû raccrocher, ce n’était pas consciencieux de ma part. Et tu n’aurais pas dû décider de te cacher dans ton bureau pendant une semaine, c’était crétin et immature. Le contenu de la conversation est enregistré par sécurité, mais tout est strictement confidentiel. Si c’est un scandale qui t’inquiète, je n’ai pas l’intention d’en parler. Ni le droit, d’ailleurs.

Ash se rassoit, plus détendu cette fois, plus alangui dans son siège, la nuque appuyée contre le dossier et les mains derrière la tête comme s’il bronzait. Mais il n’est pas à la plage, et il a les yeux grands ouverts, fixés sur Julian. Il s’humecte les lèvres en réfléchissant à ce qu’il est censé dire. Ils peuvent gérer tout ça de façon adulte. Bordel.

- Notre ligne est une ligne très professionnelle. Tu peux rappeler si tu as envie, et demander à être mis en ligne avec quelqu’un d’autre. Ou pas. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas de problème avec le fait que tu aies appelé, ou que tu sois bi, ou gay, ou juste… curieux, ou que tu aies… je ne sais pas, des fantasmes spéciaux. Si tu es embarrassé, très bien, je peux comprendre aussi, même si de mon point de vue, il n’y a pas de raison. Mais ta réaction n’est pas obligée d’être aussi… tu vois ce que je veux dire.

La conclusion est maladroite, digne du jeune chiot encore un peu fou qu’il est, mais il a fait un effort conscient pour se montrer mûr et assuré. Il réajuste sa position assise parce que vraiment, la posture farniente ne lui réussit pas. Il pose ses coudes sur ses cuisses, se tournant les pouces, toujours sans fuir le regard de Julian.

- Je peux prétendre qu’il ne s’est rien passé, aussi, évidemment, ajoute-t-il pour se rattraper. Ce serait juste con que je ne puisse plus bénéficier de ton… expérience – oh, le choix de mots est mauvais, mais Ash n’arrive pas à penser à un autre terme – quand j’écris à cause d’un simple malentendu, pas vrai ? Ce qui se passe quand je travaille au téléphone et dans, enfin, dans le reste de ma vie, ça n’a aucun rapport pour moi. Je peux totalement faire la part des choses. Ce serait pas mal que tu puisses aussi.


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() message posté Mar 1 Juil 2014 - 1:07 par Invité


See, I hope there was ... Dancin around that

Ashford réagissait exactement tel que je l’avais imaginé, tel que je l’aurais fait à son âge. C’était fou de voir que nous étions si différents, nous mesurant l’un l’autre du regard, dans un combat de coq grotesque, alors que nous étions identiques dans un passé chevauché. Je me retrouvais souvent dans ses mots mal placées, et ses excès de fougues presque grossiers. Je croyais que mon impulsivité était mon plus grand défaut, mais voilà que je découvrais que la bêtise dont je faisais preuve à son égard était mille fois pire. Un rire nerveux m’échappa: cela devait expliquer pourquoi je ressentais autant de sympathie pour lui.

Notre conversation prenait une ampleur que je n’avais pas imaginée. Certes, je savais que je ne pourrais pas m’en tirer aussi facilement, que mes esquives seraient aussi vaines que mes faux airs de bulldog. Mais il se rebellait avec une telle insistance, et une telle frénésie que je le trouvais presque charismatique. C’était la première fois que le jeune homme se mesurait à moi, comme un égal. Je m’étais toujours laisser penser que j’avais une certaine emprise sur son talent brut, que j’étais une sorte de mentor dans ce milieu de requins intrépides. Je m’étais trompé. Aujourd’hui, en cet instant, Ashford était un requin presque aussi féroce que tous les autres. Tel que je l’avais prédit, en lisant son dossier, il était un adversaire de taille. Et de loin. Je tirais sur ma cigarette, remplissant mes poumons de fumée et de poisons. Je sentais mon cœur frémir à chaque bouffée, exaltée par cette révélation. A croire que j’adorais le danger, la folie et les prises de risques inutiles ! Ma main se posa sur mon visage, caressant ma barbe naissante au rythme des arguments que me présentait Ash. Ce n’était décidément pas un mauvais garnement, comme pouvait le laisser croire son allure cool-raoul et son stupide piercing à la lèvre inférieure. Tiens, mon regard s’attardait un peu trop sur sa bouche, c’était trop suspect ! Je ramenai ma tête en arrière, me délectant d’une dernière taffe avant de faire éclater la ice ball qui allait diffuser le parfum de menthe dans mes narines.

_ C’est donc de ça qu’il s’agit ? Mon orientation sexuelle t’intéresse ? M’enquis-je, étonnamment amusé. Tu es un reporter en devenir, tu ne devrais pas laisser le fond de ta pensée transparaitre aussi facilement. Mon sourire s’élargit tandis que je le regardais, toujours avec cette impression de hauteur. Si tu es aussi curieux, il suffit de demander.

Je me redressai pour attraper mon paquet de Marlboro beyond à nouveau. Il était interdit de fumer à l’intérieur des bureaux, spécialement en présence de visiteurs comme c’était le cas d’Ashford. Mais je refusais de me laisser intimider par une règle aussi débile, puis j’avais déjà dépassé mon cota de volonté en résistant toute la nuit. J’avais assez  de cran pour enfreindre l’autorité de mes supérieurs, et même si ça me tuait d’être aussi vulnérable face à l’appel de la nicotine j’allumai le bout de ma seconde cigarette.

_ Je suppose que tu ne vas pas cafter pour ça aussi. Me moquai-je, dans la foulée. Ça ne te dérange pas de cacher tous mes vices j’espère.

J’étais hautain et septique à souhait. Je n’aimais pas la façon qu’il avait de me répondre, avec désinvolture et insolence. Il est vrai que je n’étais pas son supérieur hiérarchique, il ne travaillait pas sous mes ordres, mais j’osais espérer qu’il y avait certaines limites de bienséance à ne pas transgresser. Il s’affala sur la chaise, écartant les jambes presque, et mettant ses deux mains derrière sa tête comme si nous étions deux amis à la plage. Je le fusillai du regard sans pour autant commenter. Après tout j’avais d’autres moyens encore plus subtils et plus sournois pour le torturer. J’écrasai la tige de ma cigarette à moitié entamée, en plissant les yeux.

_ Tu veux boire quelque chose ? Lui demandai-je dans un ton trop poli pour être amical. J’appuyai sur le bouton de mon répondeur sans le regarder : Un café et … Un chocolat chaud dans mon bureau. Demandai-je à mon assistante avant qu’Ash n’ait eu le temps de répondre à mon invitation. Il fallait me répondre dans la seconde. Sorry … Ne monte pas sur tes grands chevaux, le chocolat c’est pour moi. Je ne te prends pas pour un gamin même si tu es le kid.

Je passai ma langue sur ma bouche afin d’humidifier mes muqueuses asséchées par la fumée.

_ Ne va pas t’imaginer que j’ai peur que tu propages une quelconque rumeur à mon propos. Je pourrais t’expulser de tous nos articles analogues avec Vogue. Je peux toujours inventer quelque chose. Tu sais comment je suis créatif. Je veux dire, nous avons travaillé ensemble. Raillai-je. Je n’étais pas sûr qu’il allait saisir ma blague de mauvais gout, et peu m’important en réalité, du moment que je me trouvais drôle. Pour revenir au sujet, si je rappelle ton foutue téléphone rose je ne crois pas que je demanderais quelqu’un d’autre … J’exigerais de te parler. Ou peut-être pourrais-je directement t’appeler sur ta ligne personnelle lorsque tu n’es pas en service.

Je prenais un malin plaisir à le taquiner. J’essayais de ne pas tomber dans le vicieux mais j’avais beaucoup de mal à me contrôler. Je devenais détestable quand il s’agissait de confier mes réelles intentions. Ce n’était pas un manque de confiance envers le jeune homme que je pensais réellement être une personne de qualité ;  la vérité c’est que j’étais troublé par ce simple lien de travail qui venait de se compliquer tout à coup, prenant des proportions démesurées. Je n’étais pas spécialement fier de mes divagations, je n’assumais pas du tout. C’était nouveau pour moi; ce désir ardent que je ressentais envers les hommes, était une façon de détruire tous mes souvenirs d’Eugenia. Je voulais démystifier la profondeur de mes sentiments et le temps que j’avais passé à me languir d’elle. Je m’appliquais à l’oublier avec tellement de force et d’obstination, que j’en dépassais les limites de l’entendement. Il ne fallait pas s’y tromper, je n’étais pas homophobe. C’était moi que je n’aimais pas en gay ou en bi ou peu importe… Je ne m’aimais pas du tout ! L’assistante frappa à la porte avant de rentrer avec un plateau. Elle posa les boissons chaudes sur le bureau avant de disparaitre. Je ne lui accordai pas plus d’importance, me contentant d’un sourire pour la remercier. Je réservais mes mots pour des débats plus importants, et  des conversations plus poignantes … Un peu comme cella ou j’avais le couteau sur la gorge.

Je pris la tasse de chocolat chaud.

_ Je t’avoue que je ne vois pas vraiment ou tu veux en venir. Les projets actuels du journal ne m’intéressent pas, je t’ai donc redirigé vers un collègue, certes moins joli à regarder, mais Louis est un expert dans son domaine. Je fais la part des choses, et la part des choses c’est que mon domaine de prédilection n’est pas le magazine Vogue. Cela dit si tu es intéressé par la rubrique finance et économie du TIMES je me ferais un plaisir de te chaperonner.

So not true. J’appréhendais mes moments en tête à tête avec Ashford maintenant que je le savais aussi tordu que moi. Je ne m’étais jamais posé de questions sur lui, ou sur ses préférences. Je ne savais strictement rien de lui. Je me surpris à être curieux à son propos. Ce sentiment m’était désagréable, il ne faisait que m’entrainer encore plus dans les délires vicieux de mon esprit. Je bu une gorgée de chocolat chaud.

_ Tu as vraiment beaucoup de talent, Ash. Je pense que tu as tout à gagner en restant au TIMES. C’est juste que … Je ne suis pas sûr d’être un bon co-polite en ce moment. Je n’ai pas écrit depuis une semaine. C’est Louis qui m’a remplacé. Je ne t’ai pas réellement évité, je n’avais juste rien à partager.

C’était la première fois que je le complimentais de façon directe. J’avais honte de dévoiler ainsi ma faiblesse, mais au fond je me devais bien de le rassurer sur l’évolution de son travail ici. J’étais le mieux placé pour savoir à quel point une carrière prometteuse pouvait être importante à ses yeux.
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() message posté Mar 1 Juil 2014 - 19:20 par Invité
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(or is there?)

JULIAN FITZGERALD & ASHFORD TENNYSON



Ash n’a rien contre la cigarette à proprement parler ; lui-même a vidé quelques paquets de clopes en cachette dans les dortoirs de l’internat quand il avait quatorze ans, encouragé par ses camarades de chambrée et par la bouffée d’adrénaline aux relents de tabac. En fait, il aurait probablement fini accro à la nicotine s’il n’avait bientôt plus eu les moyens de s’acheter des cartouches de plus en plus chères ; c’est une pente périlleuse dans laquelle la faillite familiale l’a empêché de glisser.
Mais ce sont de bons souvenirs, les chuchotements surexcités dans le noir, le rougeoiement d’un mégot, les cigarettes roulées maladroitement et allumées au coin de la fenêtre pour ne pas activer les détecteurs de fumée, les toux involontaires lors des premières taffes, les sprays de déodorant sortis dans l’urgence et les tapis et draps secoués follement quand on entend le pas d’un des surveillants se rapprocher.

Evidemment, les temps ont changé et il n’y a rien de clandestin dans la façon dont Julian fait fi du signe « Ne pas fumer » apposé avec diligence par les Ressources Humaines du Times au mur de chaque bureau ; Ash se demande combien de fois le journaliste a ignoré le règlement, et s’il a recours aux mêmes artifices que la bande de copains de lycée d’Ash pour dissimuler l’odeur caractéristique de la fumée, ou, du moins, il se serait posé la question s’il n’était pas distrait par une volute grisâtre et par le ton moqueur de Julian. Le ton est désinvolte et pourtant, il n’en faut pas plus pour faire perdre de sa superbe à Ash. Il aimerait être le genre de gars qui ne se laisse pas démonter par rien de plus qu’une allusion un peu vicieuse, qui hausse les sourcils et rétorque sur le ton de la conversation, mais il n’est jamais comme ça dans la vie réelle ; il arrive à prendre ses distances au téléphone, parce que c’est une question d’habitude et qu’il se sent moins sous pression lorsqu’il ne voit pas son interlocuteur, peut faire abstraction de tout pour se concentrer, mais il se sent pratiquement mis à nu actuellement, soumis à la proximité naturellement impérieuse de quelqu’un qui a toujours agi comme un guide despotique.

- Non, se récrie-t-il, un peu trop vite peut-être. Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans « je m’en fiche » ? Mais évidemment, si tu n’arrives à lire le symbole « Interdit de fumer » là-haut, ça m’étonnerait que tu aies su saisir l’exacte teneur de mon propos.

La réplique est pauvre, délivrée avec médiocrité en dépit d’une syntaxe hautaine, et elle a des accents de mensonge. Qu’il ne s’intéresse pas à la réponse n’est pas exactement vrai, parce que si ça ne changera pas sa vie, on ne peut nier qu’Ash est curieux. Il s’en fiche au sens où ça n’a pas d’importance pour lui, mais la partie de lui qui aime toujours mettre son nez dans des affaires qui ne le regardent pas – la partie de lui qui fait probablement de lui une esquisse encore mal dégrossie de journaliste – ne peut s’empêcher de se poser la question.
Quoi qu’il en soit, Julian tient là une main gagnante, parce qu’il a su mettre le doigt sur une des faiblesses d’Ash : le fait qu’on lit en lui comme dans un livre ouvert, que chacune de ses pensées est écrite dans une typographie trop claire sur sa figure. Ash doit se noter de travailler sur ça jusqu’à maîtriser la moindre de ses expressions, jusqu’à contrôler les informations trahies par son visage comme le fait Julian. Le journaliste arbore un masque impassible, digne des plus grands joueurs de poker, et s’il le laisse deviner parfois le fond de sa pensée, Ash sait bien que c’est pour mieux mener la danse. C’est là la dynamique qui fait toute la nature de leur relation inégale : Julian est le maître et Ashford est l’élève.
Peut-être que dans toute cette affaire, Ash va trouver un moyen d’inverser la tendance ; sur le terrain du sexe téléphonique au moins, il est plus expérimenté que Julian, même si ça n’est pas vraiment un motif de fierté.

Julian doit savoir ce que tente de faire Ash, cependant, parce qu’il ne se prive pas pour asseoir son avantage, de lui prouver qu’il reste un gamin. Le fait qu’il commande un chocolat chaud est une subtile manœuvre pour le remettre à sa place, freiner ses ardeurs, et Ash n’est pas dupe. Même si la boisson chaude est au final pour Julian, le journaliste sait qu’Ashford a cru qu’il l’avait commandé pour lui, sait qu’il a failli protester, et rien qu’en extrapolant comme cela, Ashford prouve tout seul qu’il a conscience de la présente hiérarchie, qu’il a conscience d’être un kid et qu’il est sur la défensive. Il contracte les mâchoires, parce que c’est un coup de maître que vient de placer Julian tout en ayant l’air de ne pas y toucher.
Ce n’est pas ça qui le fait sortir de ses gonds, cependant ; ce n’est pas non plus qu’il suggère de rappeler la ligne et de demander à parler à Ashford. Ce qui le rend littéralement malade et qui le fait se lever come un ressort avant qu’il ait pu se contrôler, c’est que Julian pousse le bouchon jusqu’à parler de l’appeler sur sa ligne privée. Ashford n’a aucun problème avec le boulot qu’il fait – d’accord, il n’a pas particulièrement envie de le crier sur tous les toits, et c’est aussi la raison pour laquelle Julian n’a pas besoin d’utiliser des menaces voilées et de considérer lui mettre des bâtons dans les roues pour l’inciter à garder le silence – mais il a acquis un mode de fonctionnement rodé et il a certaines règles d’or : tout compartimenter, notamment. Son téléphone est un téléphone à double-SIM pour lui permettre de recevoir tous les appels sur un seul mobile, mais ça ne veut pas dire qu’Ash ne sait pas tracer des limites invisibles.

- C’est mon numéro privé, explique-t-il entre ses dents, et il a franchement envie de balancer à la figure de Julian le café sans doute insipide qu’on vient de leur apporter – il ne le fait pas, cependant, parce qu’il ne veut pas être l’adolescent impulsif qui vient pour faire une scène. Je prendrai tes appels à l’agence parce que c’est mon job, mais si tu appelles sur mon autre numéro, c’est pour me parler de journalisme, et rien d’autre.

Il se rend compte de la fermeté dans sa voix, se surprend presque, car il n’est habituellement pas celui qui définit les termes d’une négociation quand il se trouve dans ce bureau, mais cette fois, il ne se dégonfle pas, ne bat pas en retraite, est bien décidé à être catégorique. Il repose la tasse de café sans avoir eu la correction d’en boire ne serait-ce qu’une seule gorgée, et ça lui plaît de faire cet affront même bénin au reporter, du moins jusqu’à ce que celui-ci change de sujet. Ash fronce les sourcils, parce que c’est bien la première fois que Julian admet penser qu’il a du talent, et maintenant, il se sent un peu ingrat. La sensation est de courte durée, cependant – même si Julian paraît sincère, cela crève les yeux qu’il ne meurt pas d’envie de passer autant de temps en tête à tête avec Ashford. Celui-ci n’en est pas vexé ; si les rôles étaient inversés, il ne serait probablement pas transporté de joie.

- Je n’avais pas l’intention de démissionner en venant ici, répond-il prudemment, toujours un peu méfiant, se passant une main lasse dans les cheveux. Je ne voulais même pas mentionner le travail. Mais… merci. Je correspondrai avec Louis si c’est plus commode pour toi. Je n’ai pas l’intention de m’imposer, surtout si tu… as d’autres choses en tête.

C’est un euphémisme, et Julian doit le sentir tout autant qu’Ashford ; ça reste la façon la plus délicate et diplomatique qu’il a trouvée pour donner de l’espace à Julian, du moins le temps que les pièces du puzzle qui perturbe celui-ci se mettent en place. Si jamais le journaliste a besoin de lui parler, il appellera – un numéro ou l’autre.


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() message posté Mer 2 Juil 2014 - 1:50 par Invité


See, I hope there was ... Dancin around that

Je le regardais sourire aux lèvres. Plus notre conversation s’étalait en arguments, plus  l’impression de déjà vu qu’il m’inspirait s’accentuait. Nous étions définitivement de la même espèce, à quelques détails près. Mes quelques années d’expériences, mon enfance houleuse et les innombrables tuiles qui m’étaient tombées dessus avaient fait de moi un homme, un vrai. Alors qu’il n’en n’était encore qu’au stade enfant. Je m’étais appliqué à étouffer les cris de mon humanité, et à écraser le peu d’estime que j’avais pour les autres. Et ça me réussissait plutôt bien ! J’exécrais les gens par défaut. Je les prenais de haut par habitude, et un peu par méchanceté gratuite, je devais l’avouer.

Je sirotais mon chocolat chaud avec dégout. Je n’étais décidément pas friand de ce genre de sucreries après deux bonnes cigarettes. Une petite bouteille d’eau minérale m’aurait suffi, mais je m’étais encore une fois laisser aller à la sournoiserie. Ma petite farce s’était retourné contre moi, mais je mettais un point d’honneur à demeurer impassible. Je contrôlais mes expressions avec brio, et le peu de sentiments qui pouvaient bien m’échapper étaient réduit à un pincement de lèvres discret. Ash, n’était pas complètement idiot. Il avait en lui l’essence du journaliste ambitieux. C’était dur de l’avouer à haute voix, mais je l’avais mis dans la catégorie : Jeune prometteur, à l’instant même où nous avions achevé notre premier article ensemble. Il avait rendu cette expérience peu instructive presque charmante. Je me souvenais du jour ou mon patron m’avait assigné à cette tâche. Il avait formulé ses ordres sur le ton de la punition. J’avais froncé les sourcils sans broncher. Je n’avais aucun talent d’éducateur, aucune passion pour l’enseignement, passer mon expérience aux autres était une réelle torture à mes yeux. Il fallait dire les choses comme elles étaient : J’étais un type impulsif et peu patient ! Je me voyais bien casser la figure à un petit jeune, juste parce qu’il n’arrivait pas à assimiler mes recommandations correctement. Mais ça n’avait jamais été le cas avec Ashford. Je me surpris à estimer son travail. C’était dommage que tout soit gâché à cause d’une histoire de téléphone rose.

_ Ne sois pas trop dur avec moi. Soufflai-je en réponse à ses attaques. Je peux parfaitement assimiler que tu te foutes de moi voyons.

Je veillais à garder une certaine distance entre nous. Je ne voulais pas qu’il finisse par me dominer avec son énergie impétueuse et rebelle. Je savais au fond de moi, qu’il avait la capacité de me clouer le bec même s’il ne le réalisait pas encore. Je l’observais avec attention,  jaugeant chacun de ses gestes. Je pouvais facilement déchiffrer les messages que sa stature renvoyait. Il se sentait pris au piège. Il n’aimait pas cette confrontation aux allures de combat de rues. Il sous-estimait son pouvoir sur moi, il croyait que j’étais le maitre de cérémonie. Je déglutis lentement. Il n’avait pas touché à son café, se contentant de renifler la tasse avant de la reposer sur le bureau. Je plissai les yeux face à un tel affront, mais encore une fois je ne fis aucun commentaire. Il y avait tellement d’autres moyens de dompter ses démons et son insolence. Un éclair de démence brilla au coin de mes yeux, tandis que ma bouche s’étirait en une grimace qui se voulait être un sourire.

_  Pourquoi le téléphone rose ? M’enquis-je. Qu’est ce qui te pousse à vendre des charmes, que de toute évidence tu ne possèdes que dans ton imaginaire ? Tu es incapable de me séduire en face mais ça ne te dérange pas de me mentir à l’autre bout du fil. Tu dois être bien plus mesquin qu’il n’y parait. J’avoue être impressionné. Vraiment.

Mon sarcasme n’était pas qu’une façade. Il dévoilait un soupçon de sincérité que je n’avais pas l’intention de taire. Je pensais réellement que la dualité dont faisait preuve Ashford était étonnante. J'en étais incapable moi-même ! Je n’avais pas pu garder mon intégrité et  gravir les échelons en même temps. J’avais dû faire des sacrifices, et abandonner des parties de moi dont je n’étais pas particulièrement fièr, mais qui faisaient de moi une personne bien. Aujourd’hui, je ne répondais plus à cette définition. Je n’étais qu’une ombre vorace, déambulant dans les rues de Londres à la recherche de coins obscures et d'autres ombres à gober. Les voix des incubes qui m’habitaient me murmuraient des incantations maléfiques, que je suivais à la lettre, sans aucun scrupule. J’étais vivant, mais mon âme avait sombré il y a déjà un an de cela. Lorsque Eugenia m'avait abandonné. Un soupir de lassitude m’échappa.

_ Je ne t’aurais pas laissé démissionner. Lui assurai-je sans le quitter des yeux. Mes paroles se voulaient fermes et pleine de conviction. Et elles l’étaient. Je pense que ce serait bête de te laisser partir pour si peu. Si je devais te faire quitter un job, je crois que j’irais me plaindre à l’agence de téléphone rose. Après tout, je ne crois pas que ce soit très éthique de raccrocher au nez d’un client aussi bien fortuné que moi. Je suis un bon investissement !

Mais je suis aussi un homme perdu. Je voulais le monde à mes pieds, mais je ne faisais aucun effort pour le régir. Mes quelques manigances et mes ruses, n’étaient bonnes à impressionner que les plus idiots. Le doute faisait corps avec moi, il ne me quittait jamais, même lors de mes instants de certitude. La suffisance dont je faisais preuve n’était qu’un leurre, un peu comme ma position au sein du journal le plus prestigieux de Londres. Je venais des basfonds, et je gardais les cicatrices de mes origines sur ma peau comme une marque de fabrique. Je n’oubliais pas que je n’étais qu’un sale môme rejeté à la base. Je voulais juste le cacher le plus longtemps possible, parce que c’était faible et … Douloureux. Je baissai les yeux au sol durant quelques instants.

_ Je ne suis pas bisexuel. Tout du moins pas encore.

Je venais de lâcher la bombe sans broncher, sans une once de sentiment, comme si cette affirmation ne concernait pas ma personne. J’eus un rire taquin. Tiens, je pense que si je venais à être viré, je pouvais toujours me convertir en speaker pour la chaine nationale.

_ Bien sûr tu t’en fous. Je ne dis pas le contraire. Le charriai-je. Je me demande quels grands débats passionnants t’intéressent du coup. Si ce n’est pas ma vie trépidante, quels pourraient être les centres d’intérêt du fameux kid ?

Je n’essayais pas de sceller notre lien par une quelconque amitié. Il ne fallait pas s’y trompait. Mon indiscrétion envers le jeune blond, n’était pas plus forte que ça. Tout du moins, je pouvais encore contrôler mes pulsions et ma soif de savoir toutes ces choses qui ne me regardaient pas. J’étais juste curieux de voir comment il allait réagir à cette nouvelle attaque. La façon  subtil qu’il allait choisir pour formuler une phrase poignante et acerbe, ou la manière avec laquelle son regard inquisiteur allait se poser sur moi, deux secondes avant le moment ou sa langue allait toucher le métal de son piercing. Je souris. Ashford avait des tics comme ça !
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() message posté Mer 2 Juil 2014 - 13:46 par Invité
There’s no dancing around that
(or is there?)

JULIAN FITZGERALD & ASHFORD TENNYSON



Julian joue un jeu dangereux, avec ses provocations balancées avec désinvolture et ses insinuations proches de l’insulte ; or, Ashford n’est pas sûr d’avoir envie de jouer.
C’est pour cette raison qu’il évite toujours de révéler à ses proches et connaissances la nature de son petit boulot inhabituel ; beaucoup seraient choqués, offusqués même. De très rares hausseraient les épaules, poseraient quelques questions intriguées peut-être, mais le reste aurait une réaction analogue à celle de Julian. Ash ne peut manquer de remarquer la lueur qui danse au fond de ses yeux et l’ombre d’un sourire au coin de ses lèvres, preuve immanquable de la ribambelle de pensées indécentes que la révélation a déclenchée ; c’est le même genre d’expression licencieuse que doivent arborer ceux qui viennent d’apprendre qu’une amie est infirmière et que leur imagination emporte trop loin, le symptôme assuré d’une hypersexualisation soudaine du sujet. Le travail reste un facteur important d’identité sociale, mais les gens avaient tendance à y lire trop, à associer un certain type de profession avec une certaine personnalité ; de même, apprendre la nature du job d’Ash a semblé modifier la perception que Julian a de lui. Qu’attendent donc les sociologues pour dénoncer ces pratiques idiotes et acquises dès le plus jeune âge ?
Jusque là, sa relation avec Julian, quoiqu’un peu bipolaire, a été, à défaut de satisfaisante, intéressante ; Ashford préfèrerait s’étouffer avec la tasse de café négligée sur le bureau plutôt que de l’admettre, car Julian ne lui paraît pas le genre de personne qui a besoin de se faire caresser l’ego dans le sens du poil. Dans l’ensemble, il est pourtant indéniable qu’il a beaucoup retiré de leur coopération ; avant de contribuer occasionnellement aux articles du Times, il s’était fait la main à Vogue, mais le Times est un tout autre défi, et exige beaucoup plus d’investissement personnel et de professionnalisme. Les notes que ses professeurs lui ont attribué à l’université sont montées en flèche et les commentaires sur ses articles sont passés de « bon potentiel, à travailler davantage » à « en progrès, beaucoup plus de finesse dans l’analyse. » Julian n’est peut-être pas seul responsable de ces évolutions prometteuses, mais il n’y est certainement pas étranger ; son caractère un peu sévère et intransigeant a su amener Ashford à vouloir se surpasser.
Il doit en revanche confesser que cette histoire de téléphone rose vient se glisser dans cette mélodie sans trop de fausses notes comme une véritable petite bombe, et il espère qu’elle ne va pas venir ruiner une collaboration qui a plus que porté ses fruits ces derniers temps. Rien de mieux (ou pas) que de la tension sexuelle pour venir ruiner une relation professionnelle – c’est pour ça, d’ailleurs, que Vogue publie régulièrement des articles qui mettent en garde les lecteurs contre les dangers d’une coucherie entre collègues. Dans leur cas précis, il ne s’agit pas de coucherie à proprement parler, mais il y a définitivement du sexe impliqué.

Fort heureusement, il s’agit là d’un terrain sur lequel Ashford est loin d’être sans défense, et si Julian est un adversaire digne de ce nom, le jeune homme se dit que sur ce point au moins, il a une chance de l’emporter.

- Le principe du téléphone rose, c’est que le client peut imaginer ce qu’il veut sans être entravé par la réalité. C’est ce qu’il attend de moi, alors ça n’a rien à voir avec un mensonge. Il décide de tout, ce à quoi je ressemble, comment je suis, ce que j’aime. Pas besoin d’avoir autre chose qu’une voix séduisante et un discutable talent d’acteur.

Ashford doit être prudent ; il entraperçoit plus ou moins là où Julian veut en venir, mais lui-même ave d’autres directions en tête et il doit jouer ses cartes avec précaution. Il ne faut absolument pas qu’il prenne la mouche sur ses capacités à séduire, qu’il veuille prouver coûte que coûte à Julian qu’il ave tort ; c’est ce que le reporter veut, une ruse vieille comme le monde, et il n’a pas l’intention de lui donner satisfaction.

- Et en l’occurrence, c’est toi qui viens de me dire que tu envisageais de me rappeler, même à présent que tu sais ce à quoi je ressemble. C’est que mes charmes ne doivent pas être si imaginaires que ça.

Ash n’est pas stupide, mais il n’est pas non plus fanfaron ; sans être à tomber à la renverse, il n’est pas non plus désagréable à l’œil, et il sait jouer de ses atouts. Il n’a pas non plus manqué de remarquer la façon dont les yeux de Julian suivent le coin de sa bouche, celui où brille l’anneau d’acier. C’est un tic qu’il a acquis dès le moment où il s’est fait percer la lèvre, et qui a d’ailleurs empêché la cicatrisation de se faire rapidement.
Mais son apparence ne joue aucun rôle ici, car en dépit de ce qu’il a dit, il se doute que l’envie de Julian de rappeler la ligne et de demander à lui parler a moins à voir avec son physique qu’avec la perspective réjouissante et indubitablement tordue de torturer un peu Ashford.

- Par contre, on a un excellent service après-vente, si tu veux te plaindre de la prestation. Ils pourront réécouter l’enregistrement et vérifier que ta plainte est justifiée. Peut-être qu’ils te feront un taux préférentiel sur un certain nombre d’appels, ou que tu auras droit à un quart d’heure de communication gratuite pour ta peine, je ne sais pas. Ou on peut s’arranger sur le côté et je peux essayer de te couvrir en écrivant quelques articles, pour compenser avec ta panne sèche du moment.

Certes, son éthique professionnelle lui souffle que laisser Julian le rappeler est une très mauvaise idée et qu’il devrait plutôt convaincre le reporter qu’il y a conflit d’intérêt, mais cette part de lui qui n’aime pas qu’on le prenne pour une mauviette craigne que Julian choisisse de croire qu’Ashford a peur.
En outre, il ne peut nier que Julian serait un excellent investissement ; il est bien placé pour connaître la rémunération des journalistes, en particulier celle des employés du Times. Et ne nous mentons pas : si Ashford travaille dans une agence de téléphone rose, c’est qu’il a besoin de cet argent facile.

Apprendre que Julian n’est pas bisexuel n’est pas vraiment une surprise, maintenant qu’Ashford y réfléchit ; le téléphone rose est une bonne façon de faire des expériences sans s’engager physiquement, un bon moyen de réfléchir à son orientation sexuelle tout en pouvant mettre fin à une interrogation existentielle d’une simple pression d’un bouton.
Ash se demande si Julian est le genre à faire une crise identitaire ; ce dernier a les yeux baissés, et il a fait l’aveu d’une voix sans âme. Il donne l’impression de celui qui est ouvert à toutes les expériences sexuelles possibles et envisageables, mais peu aux émotions auxquelles elles sont censées être liées.

- Admettons, concède-il en mordillant son piercing, refusant de réagir à la possibilité que ce fait peut changer, parce que la situation est suffisamment ambiguë comme ça sans qu’il en rajoute.

Ce n’est qu’un seul mot, et ce n’est pas suffisant pour dévier la conversation ; Ash n’est pas vraiment habitué à parler de lui-même, et il ne voit pas en quoi l’inopinée découverte de son petit boulot le changerait subitement aux yeux de Fitzgerald. Il n’a rien de différent.

- Je n’ai rien de spécial, marmonne-t-il en fourrant les mains dans ses poches. Je suis étudiant en journalisme, je bosse un peu pour Vogue, un peu pour toi au Times, un peu pour la radio de mon campus. Je passe mes soirées chez moi au téléphone à regarder des séries et des dessins animés. Rien de neuf par rapport à ce que tu sais déjà, vraiment.


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() message posté Ven 4 Juil 2014 - 17:13 par Invité


See, I hope there was ... Dancin around that

Etait-il quelque chose crée pour être admirée ? L’éclat étincelant de sa chevelure doré brûlait mes rétines déjà malmenées par mes longues insomnies. Je sentais mon cœur se crisper à chacune de ses paroles. Ashford était une version bien plus améliorée. En fait c’était une énorme abomination que de le comparer à moi. Il n’avait aucun frein à sa carrière ; pas de relation compliquée avec une meilleure amie paraplégique, pas de père alcoolique et violent qui réclamait sa dote chaque fin de mois. J’avais l’impression de regarder mon reflet sur un miroir brisé. Après tout, aussi douloureux soit-il de l’avouer, Ash était bien plus équilibré que moi et bien mature plus que je ne pouvais l’être. Et ceci malgré notre écart d’âge. Je souris d’un air sournois. Mes petits jeux de provocations n’étaient pas qu’un moyen d’amusement. C’était ma façon de garder le dessus, de le dominer par des façons qu’il ne saurait contrer ... Tant que je le pouvais encore.

Tel que je le voyais, cet incident au téléphone rose n’était pas aussi terrible qu’il le semblait. Il pouvait détruire notre petit lien professionnel, comme il pouvait lui conférer plus de profondeur et d’intimité. Mes pensées n’étaient pas que perverses. Enfin, elles n’étaient perverses qu’à 80%. Je pouvais aisément palper l’énorme potentiel du jeune homme. Sa plume légère et ses petites fausses notes à chaque tournure de phrase étaient ce qui faisait toute la différence entre une intrigue bien menée, et un fait relaté de manière platonique. Etre journaliste requiert une certaine touche artistique que le commun des mortels ne semble pas réellement apprécier. Parce que justement, ils ne sont que le commun des mortels. Je le regardais avec instance, me laissant emporter par le fil de mes pensées. Cette petite discussion prenait des allures de controverse où je n’étais pas sûr d’avoir le dessus. Il fallait appeler un chat, un chat : Le sexe avec les hommes n’était absolument pas mon domaine de prédilection, et encore moins au téléphone ! Je déglutis, sans le quitter des yeux. Le secret dans ce genre de situation c’était de ne jamais baisser les yeux, en toutes circonstances.

_ Merci pour cette brève définition du concept du téléphone rose. Je me doutais un peu de la chose, mais maintenant que tu m’as éclairé sur le sujet je me sens presque intelligent. Lançai-je avec condescendance. J’arquai tout de même un sourcil, dévoilant une once de mécontentement. Un soupir m’échappa. Je suis désolé d’avoir douté, ne serait-ce que quelques secondes, de tes capacités de séducteur. En effet, maintenant que j’y pense, ripped jeans et piercing labiale … Sont l’outil à avoir pour les faires toutes/tous tomber.

Je ris doucement.

_ Et en l’occurrence toi-même, mon désir de t’appeler n’a absolument rien à voir avec mes quelques pulsions sexuelles à ton égard. La perspective charmante de t’avoir entre les mains, même de façon irréelle, est un tel ravissement pour moi que je doute que je puisse y résister. L’appel est encore plus fort que celui de la cigarette du matin.

Il était clair que je venais de lui confesser les dérobés fugaces de mon esprit. Et ceci quelques minutes après la révélation de ma probable bisexualité! Je faisais de réels efforts d’intégration dis-donc, et ceci, malgré l’image trompeuse que mon ton désinvolte et arrogant, pouvait renvoyer. Je me mordis la lèvre inférieure, prolongeant mes réflexions composites. Je ne connaissais pas encore les raisons obscures qui me poussaient à une telle honnêteté à son égard. Je devais l'estimer bien plus qu'il ne le méritait. Je retins ma respiration, mais les provocations d’Ash coupèrent cours à mon désir d’analyser mes divagations. J’esquissai un sourire mauvais.

_ Je doute que tu puisses, malgré tes efforts et ta franche amélioration, couvrir mes articles à ma place. J’ai bien peur que mes quelques compliments à l’égard de ton talent ne puissent suffire à faire de toi un candidat de choix. Je m’en tiendrais à Louis, et tu t’en tiendras à combler mes vides émotionnels par ta voix si suave et tes propos déplacés sur une ligne de téléphone que je payerais déjà assez cher. La simple pensée que tu es réduit, encore une fois, et inévitablement, à être mon pantin est un dédommagement bien satisfaisant. Je pense que nous sommes quittes, kid.

Je marquai encore une fois la distance hiérarchique qui nous séparait, appuyant sur ce dernier mot avec toute la conviction dont ma voix était capable : Kid. Je me raclai la gorge d’un air serein. Je pouvais entendre Ash se dérober face à la pertinence de ma question. Il n’avait sans doute pas assimilé, la possibilité que je puisse m’intéresser à lui ou à ses loisirs. Je ris de bon cœur cette fois. Je n’aurais pas mordu à l’hameçon non plus à sa place.

_ Je regarde les dessins animés aussi. Parfois. Répondis-je le plus sincèrement possible. Le reste de mes soirées est sûrement plus mouvementé que le tien, partagé entre diners mondain, et mauvaises cuites dans des endroits trop malfamés pour un si joli garçon. Je me bats souvent à vrai dire. J’aime beaucoup frapper les gens. Raillai-je, détendant tout à coup l’atmosphère. J’écarquillai les yeux, surpris par ma propre bêtise. M’enfin. Ce ne sont que des choses parmi tant d’autres. Soufflai-je avec plus de contenance.

_ Le journal va couvrir une importante affaire sur l’éducation
nationale dans sa partie OPINIONS, je sais que Louis est sur le coup. Mais je peux le devancer. Helping you through the maze of education. Informai-je, sous entendant une nouvelle collaboration avec le jeune homme.

Je venais de changer un sujet embarrassant par un autre qui l'était encore plus. Je n'étais décidément pas dans mon assiette aujourd'hui!

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() message posté Sam 5 Juil 2014 - 17:39 par Invité
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Ashford ne sait jamais vraiment sur quel pied danser avec Julian ; il est l’une de ces personnes dont on n’arrive jamais à identifier précisément ce qu’elles pensent, dont on ignore que déduire des petites escarmouches qu’elles sèment dans leur sillage, une de ces personnes qu’on n’arrive jamais complètement à cerner, qui oscillent entre ombre et lumière.
Ce doit bien évidemment être le fruit d’un long entraînement, et Ash devrait admirer une telle ferveur à maintenir les gens dans le flou, mais il n’y a pas d’autre mot pour le dire : ça l’agace, et profondément avec ça. Un coup, Julian se montre insultant, un coup, il lui sert un compliment sorti de nulle part ; c’est un admirable travail d’équilibriste dont il a ici la démonstration, et Ash devine qu’il se pratique sans filet. Fitzgerald n’est pas le genre de personne qui fait facilement des éloges, aussi Ash suppose-t-il qu’il se sent forcé de les agrémenter de petites offenses, pour que son élève ne prenne pas trop la grosse tête. Il a sans doute raison de remettre Ashford à sa place ; celui-ci s’enflamme si vite qu’il risquerait de se consumer entièrement.

Avoir compris ça, cependant, ne rend pas la conversation plus facile à faire, ni le regard du reporter plus aisé à soutenir. Il se sent espionné, déshabillé, ne sait que faire du mélange de convoitise et d’appréhension que semblent trahir les yeux de Julian. C’est comme si Julian, en le regardant, voyait davantage que juste Ashford, mais Ash ne sait pas exactement quoi et l’incertitude le fait métaphoriquement s’arracher les cheveux. Une seule chose est sûre, et c’est qu’il ne peut maintenir un contact visuel si intense qu’il lui brûle la rétine, et qu’il détourne la tête pour regarder par la fenêtre – même si l’objectif est ici tout simplement de dérober son visage à l’examen du journaliste.
Il ne sait pas ce que Julian peut bien voir en lui de si fascinant, ni si c’est une bonne chose ou pas ; il se dit juste qu’au final, Julian voit peut-être plus dans la révélation qu’Ash est hôte de téléphone rose qu’un simple exutoire sensuel, et il est incapable de trancher quant à l’émotion que cette réalisation est censée lui inspirer, effroi ou aplomb.
Une chose, en tout cas, qu’Ash bénît quand on en vient à sa complexion, c’est sa tendance à ne pas rougir, sa faculté à savoir lutter contre le pourpre qui lui monte aux joues de façon incontrôlée ; il sent un peu de chaleur au niveau de ses pommettes, mais est presque certain avoir réussi à ne pas céder, à ne pas avoir laissé un fard trahir sa confusion. Ce serait tellement plus facile si Julian était avec lui au téléphone et non pas à moins d’un mètre de lui dans un bureau exigu ; voilà qui lui faciliterait la tâche quand on en vient à devoir réfléchir.
Au moment où Julian mentionne son piercing, il ne peut s’empêcher de mordiller l’anneau à sa lèvre, et peut-être qu’il aurait en effet dû faire un autre choix de pantalon en sachant qu’il se rendait au Times ce matin. La prochaine fois, c’est décidé, il se présentera en costume, ne portera rien qui soit sujet à polémique ou qui fasse ombrage au strict code vestimentaire du journal. Peut-être même qu’il fera un effort pour enlever son piercing.

- Si mon piercing et les jeans que je porte te distraient tellement, concède-t-il avec une expression presque neutre, même si les coins de sa bouche tressaillent, je viendrai sans la prochaine fois. Loin de moi l’idée de vouloir te déconcentrer.

« Mais c’est sympa de savoir qu’a priori, je peux te perturber rien qu’avec ça. » Il ne le dit pas, mais tout est dans le ton, dans son esquisse de sourire, dans la façon dont il se permet même de faire un pas dans la direction de Julian, juste par audace – et il ne recule plus, même s’il ne fixe pas Fitzgerald dans les yeux, se contentant de lui jeter un regard de temps à autre.

- Tout ça, c’est juste par perversion, je comprends, diagnostique-t-il d’un ton docte, le nez dans son téléphone – tiens, son cours de l’après-midi saute. Savoir que quand tu m’appelles, je suis tenu d’être à ton service et de faire ce que tu veux alors que je suis plutôt un gamin infernal et ton fardeau personnel dans la vie quotidienne. Si je ne m’y connaissais pas, je dirais que tu as un fantasme de domination. Que tu es un obsédé du contrôle.

Il a dit ça avec légèreté, nonchalance même, et il relève un peu le visage de l’écran pour adresser un petit sourire de connivence à Fitzgerald. D’un air absent, il rempoche le téléphone, le coinçant difficilement dans sa poche arrière – nom de Dieu, c’est vrai, il faut qu’il investisse dans des jeans moins serrés s’il veut réussir à se servir de ses poches pour y glisser autre chose qu’une carte de visite. Son mobile n’a rien d’épais, mais il est sûr qu’on en voit distinctement chaque relief à travers le denim noir.

- Mais autant te le dire, peu importe ce que tu me fais faire au téléphone, je vais rester le kid chiant quand on se voit.

Fitzgerald sait sans doute ça, parce qu’il a appris à connaître l’étudiant, mais il veut quand même mettre les choses à plat, tracer la limite à ne pas franchir, l’avertir que peu importe ce qui se passe quand Ash décroche, il n’a pas l’intention d’agir différemment en personne. Pas trop différemment, en tout cas ; il n’a la prétention d’imaginer que cette histoire ne changera rien. Mais il espère que le changement sera positif et n’impliquera pas de Fitzgerald qu’il s’attende naturellement à ce qu’Ashford le suce dans son bureau, entre autres images colorées qui lui viennent à l’esprit. Julian est séduisant, mais là n’est pas la question.
Merde, cette fois, il doit avoir rougi. Peut-être qu’il aurait pu dû prendre ce café, après tout. Ca lui aurait donné quelque chose à faire, à tenir plutôt que de rester là, les bras ballants. La moitié de ce que dit Julian après ça, sur sa vie personnelle, lui échappe en grande partie. Il doit faire un effort conscient de concentration pour retrouver une contenance, a presque un sursaut quand il reprend pied dans la conversation.
Apparemment, Julian aussi cherche à changer de sujet, et c’est peut-être parce qu’il n’est pas fier d’avoir mentionné qu’il aime bien prendre part aux combats de bar et aux démonstrations de force auxquels s’adonnent ceux qui fréquentent les troquets à une heure avancée de la nuit. Ca n’étonne pas Ash plus que ça, parce qu’il suppose que si Julian prend déjà plaisir à une certaine brutalité psychologique, ça ne sera pas son genre d’écarter la violence physique. Ca ne l’étonne pas, mais ça l’intrigue, parce qu’il ne voit pas ce qui peut bien motiver une telle férocité chez quelqu’un d’apparence respectable comme Julian, si systématique qu’elle n’a rien de naturel, plutôt l’apparence d’un travail de longue haleine ; c’est comme si Fitzgerald s’y forçait, marquait des points contre quelque chose d’invisible chaque fois qu’il y a recours. Il a presque envie de presser l’avantage, mais s’il ne le fait pas, il est également possible qu’ils évitent de revenir aux propres démons d’Ash. Il choisit donc de lui accorder cette sortie.

- Ca m’intéresse, affirme-t-il avec assurance. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais je suis moi-même étudiant, alors qui d’autre que moi pour rendre compte du beau bordel qu’est notre système de l’enseignement supérieur ? Si tu as besoin d’un partenaire pour ton article, je suis ton homme. Pour ainsi dire.

Evidemment que Julian a remarqué qu’Ashford, avec ses dix-huit petits printemps, était toujours à l’université ; peut-être est-ce encore une occasion pour lui de souligner le fossé entre lui et Ash, entre le reporter professionnel et l’étudiant scribouillard, mais pour une fois, qu’il le fasse n’irrite pas le jeune homme.
En son for intérieur, Ashford n’est pas si mécontent, et même plutôt fier, d’avoir réussi à intégrer une université de la capitale en dépit des déboires financiers de sa famille, et d’y étudier ce qu’il a envie, loin des dettes paternelles et des escroqueries maternelles.


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Anonymous
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() message posté Dim 6 Juil 2014 - 2:38 par Invité


See, I hope there was ... Dancin around that

Une prison que j’avais choisie par moi-même. Une prison ou je vivais depuis des années. Je ne pouvais même pas songer à épuiser mon corps dans un autre labeur, et ceci quelques soit les circonstances. J’adorais mon job, comme j’avais adoré gravir les échelons usant de toutes les combines et les ruses possibles. Un talent seul était perdu sans une volonté perfide. C’était le cycle de la vie. Chaque partie de moi était une putain du destin. Je me plaisais à croire que je n’étais qu’un stupide pantin, abusé pour quelques heures de gloire. C’était un comportement malsain, que je pouvais facilement excuser. Tout était justifié dans les basfonds du monde. Tout était justifié pour gagne-pain. Je me positionnai correctement dans mon immense fauteuil. Le cuir froid grinça sous la pression de mes mouvements aléatoires. Je souris. Ash se défendait, exactement comme je l’espérais de mon meilleur disciple. Ses remarques pointues étaient correctement paraphrasées de manière à ce que je me sente offensé. Et ce fut presque le cas. Je marchais sur ses plates-bandes. Le jeune hôte de téléphone coquin avait l’avantage et il s’en servait à merveilles ! Il maniait ses armes avec la même aisance remarquable que j’utilisais pour manier les miennes. C’était un sacré avantage, mais ça ne serait jamais assez. Contrairement à lui, j’étais prêt à tout. Mes démons n’étaient pas seulement avides ; ils me dévoraient de l’intérieur, fermentant une passion destructrice que j’avais toujours adulé. J’étais seul habitant de ma planète, bloqué dans une autre dimension, avec rien autour de moi. J’étais seul, alors j’étais souverain.

_ Venir sans jeans ? Ce serait une délicate intention de ta part de venir sans tes artifices. Mais j’ai bien peur de ne plus être le seul à être distrait. Me moquai-je, en le regardant de haut. J’osais espérer être le seul à privilégier de ton corps d’adolescent.

Je le savais déstabilisé. Le jeune blond n’arrivait pas à soutenir mon regard perçant. Je clignai des yeux sans me défaire de son visage d’enfant. Ses yeux bleus paisibles, trahissaient les profondeurs d’une âme pure qui l’avait juste échappé belle. Il aurait pu frôler les ténèbres de trop près, et finir comme moi. Mes pensées prenaient la forme d’un poison qui me pourrissait à la moelle. Au lieu de paniquer face à tant d’impertinence, je me laissais envouter. Ma main moite caressa le tissu de mon jeans, de manière mécanique, cherchant au fond de ma poche, ce paquet de cigarette qui aurait pu soulager toutes mes exaspérations.

_ Je n’ai pas de fantasme de domination. Je me raclai la gorge. Je domine tout court. Ma bouche se courba en une expression malsaine à mi-chemin entre un rictus amical et la manifestation de mon déplaisir. Ne perds pas ton temps à chercher mes défauts. Dans ce milieu-là en particulier, ce sont tous les qualités d’un leader. Je suis intransigeant, égoïste et malsain. Je me laisserais submerger par des pulsions d’altruisme et de gentillesse, je serais aux cotés de l’hôtesse d’accueil, clapotant sur mon clavier les rendez-vous des autres.

Ma langue claqua contre mon palais, propageant l’arrière-gout amer qui avait saturé ma salive. Ma passion pour Ash’ était faite pour osciller au gré des battements de mon cœur. Je n’étais pas prompt à m’attacher, j’avais appris à mes dépends que j’étais plus efficace seul. Je ne pouvais pas me résigner à gaspiller son talent, mais je pouvais couper court à son arrogance envers moi. Il s’était levé. Il s’était mesuré à moi. Mais ses regards éparpillés dans la pièce, m’affirmaient que ce n’était qu’un leurre, une fausse manœuvre pour me faire croire qu’il n’avait pas peur de me défier. Je souris en frôlant son bras. Notre petit jeu avait atteint son paroxysme. Le suspens picotait la peau de ma nuque. Je n’avais jamais cru que je pouvais nourrir un tel intérêt pour un rival dangereux. Mes lèvres tendus, priaient pour la grâce d’un Dieu et de religions, auxquels je ne croyais pas. C’était n’importe quoi !

_ Le kidd chiant … Marmonnai-je dans ma barbe, à quelques centimètres de lui. Si Ash’ avait eu l’audace de faire un pas en ma direction, il fallait qu’il sache que j’avais l’audace d’en faire deux et trois. Mon souffle chaud au-dessus de sa frimousse, était une nouvelle mise à l’épreuve. Plus pour moi, que pour lui. Je lui souris d’un air bovin. Je devrais peut-être te dompter par d’autres moyens que le téléphone rose. Il faut avouer que t’avoir en face de moi, est mille fois plus réjouissant. Bien sûr, mes paroles n’ont rien de sous-entendus. Nos rapports sont strictement professionnels. Pas la peine de te sentir harcelé d'une quelconque manière. Cela pourrait me chagriner.

Se rendait-il compte des fleurs que je lui faisais ? Mes discussions n’avaient jamais étaient aussi hors limites, aussi taquines, même pas avec les collègues de mon âge. Je clamais haut et fort, mon intégrité et mon sens du travail. Et voilà que je lui servais ma tête sur un plateau. J’en tolérais bien trop de sa part ; de sa façon irrespectueuse de s’allonger sur un siège comme s’il s’agissait d’un transat, à sa façon dégagé de me prendre la parole tout en clapotant sur son téléphone. Je me ramollissais ! Je fronçai légèrement les sourcils face à cette révélation. Ma main moite se remit sur ma poche, mais cette fois, elle tomba sur l’objet de ma convoitise. J’allumais une cigarette en m’éloignant du jeune homme.

_ Tu fumes ? M’enquis-je en lui tendant le paquet. Ne te gêne surtout pas. Cet endroit est comme le phénix, il rejaillira toujours de ses cendres au cas où tu y mets le feu.

Je sentais le parfum de la nicotine vaporiser mes poumons bout par bout. Un court instant ou mes sens se sentirent revigorés. Ma dépendance à ce poison devenait de plus en plus incontrôlable, me plongeant dans des états de stress que j’allais finir, inévitablement, par ne plus gérer. Il me fallait bien un vice après tout ! je regardais Ash au coin, sourire aux lèvres. Sa petite visite surprise m’avait remit d’aplomb. Ce petit débat, aux allures de mini guerre civile, valaient beaucoup mieux que mes heures de lamentations sur mon sort.

_ Tu as bien fait de venir finalement. Lançai-je d’un ton dégagé, dévoilant le fond de ma pensée. Je m’ennuyais sans mon punching ball.

Mon petit monologue sur mon fanatisme déconcertant des dessins animés était passé sans encombre. Au fond de moi, je remerciais le jeune homme d’avoir abrégé mon humiliation. Je me promis de faire un effort pour rendre la conversation plus … Normale. Mais c’était sans compter sur les murmures de mon esprit insalubre. Il m’était tout bonnement impossible de résister, quand chacun de ses gestes maladroits, chacun de ses regards furtifs, était une perche qu’il me tendait. Je retins mon souffle avant de tirer sur ma cigarette.

_ En tant qu’étudiant je suis sûr que tu auras un avis bien tranché sur le sujet mais ce n’est pas ce que je te demande. Sinon je t’aurais demandé de répondre aux questions, pas de les poser. Je veux que tu sois le plus neutre possible. Informai-je d’un ton solennel. Tu feras cet article en solo pour ainsi dire. Je ne serais là que pour te guider et te corriger. Si tes efforts sont concluants, je veillerais personnellement à te faire publier. Ce sera ton premier vrai article pour le journal. Tu serais le plus jeune reporter à avoir publié au Times. Tu as quoi ? 18 ? 19 ans ?

Je souris. Je n’étais pas sûr qu’il ait saisi les enjeux de cette faveur que je lui faisais. Bien sûr c’était un honneur d’avoir une telle expérience dans son CV, mais ma proposition allait au-delà de ses perspectives d’avenir. Je voulais voir jusqu’où il pouvait aller pour monter une bonne enquête. Je voulais apprendre à le connaitre à travers ses méthodes de travail, sa rigueur et son engagement envers moi. Pour moi. Mon esprit divaguait, nageant vers des eaux troubles ou j’étais sûr de me perdre. Encore une fois.

_ Je veux que tu leur bottes le cul, à tous ces petits snobs du TIMES UK ! Lançai-je. Et je fais partie du lot. Ça devrait suffire pour te booster …


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