Rika ☼ Today is a special day... It's the first day of the rest of our lives...

El Sol y la Luna. Solo fueron intercambiados...
 
C'est ce que notre grand-mère s'est toujours tuée à répéter. Le soleil, c'était Mat', la pile électrique, toujours à courir partout, pleine de vie. Pleine d'idées à la con pour faire des bêtises aussi, et moi ça me faisait rire, même si j'y prenais généralement pas part. Et moi, donc, j'ai toujours été la lune. Dans la lune, même. Le rêveur, l'observateur, et l'artiste surtout. Même si c'était difficilement compréhensible pour la plupart des gens. Ma soeur, c'était la terre et le feu, la vie au sens large, pétillante, impulsive aussi. Moi je suis plutôt l'eau et le vent, insaisissable d'une certaine manière, plus tranquille au moins en apparence. Tant qu'on ne déclenche pas de tempête, toujours. L'eau qui éteint le feu et balaie la terre, aussi... S'il y avait bien quelqu'un qui arrivait - parfois - à calmer Mathea, c'était moi, mais je pense que notre lien gémellaire n'y était pas pour rien non plus.  
 
Pourtant on était souvent en désaccord - sans grande surprise vu nos caractères diamétralement opposés - mais... j'ai jamais aimé les engueulades, surtout pas avec ma jumelle, si bien que j'avais souvent tendance à la fermer dès lors que je sentais que ça allait partir en vrille. Ca m'empêchait pas d'avoir mon avis - ça m'a jamais empêché, d'ailleurs, et ça n'a pas changé depuis - et de pas vouloir en démordre, mais ça sert à quoi de se prendre la tête avec quelqu'un d'aussi têtu que soi ? Argumenter pour argumenter, quand on sait très bien que personne n'aura gain de cause, j'ai toujours trouvé que c'était stérile, sans intérêt. Alors autant laisser courir, non ?
 
Bon sauf que quand ça touche certains points, je suis pas capable de rester aussi... détaché. Voir ma soeur malheureuse, particulièrement. Ou un autre membre de ma fratrie, mais particulièrement ma jumelle, justement parce c'est elle. Et malheureuse, elle l'a été, plus d'une fois à mon grand dam. J'ai pas bien compris pourquoi la naissance d'Angie la mettait dans un tel état au départ, mais je peux pas lui reprocher d'avoir redouté un nouveau déménagement. En revanche, j'ai jamais été d'accord avec l'inimitié qu'elle manifestait pour notre petit ange, parce qu'au final, la petite, elle y était pour rien.
 
Mais comme j'ai tendance à pas mal ressentir les choses, et notamment l'état d'esprit des gens avec qui je suis, je sais vite si ça vaut le coup de discuter ou pas, en général, et là, je savais que ça servait à rien. Et puis forcément quand il s'agit de Mat', c'est exacerbé, mais on est collés l'un à l'autre depuis tellement longtemps que je crois que ce serait aussi le cas si j'étais pas aussi empathique. Une des caractéristiques de l'hypersensibilité, qu'ils disent. Elle a été suivie pour son hyperactivité, moi pour ma dyslexie plus tardivement. Ce qu'on a eu bien du mal à comprendre dans la famille, c'est que ce côté artiste et ultra-réactif à la moindre émotion que je pouvais avoir, c'était aussi quelque chose de, si ce n'est normal, au moins pas complètement aberrant, et pas forcément synonyme comme j'ai pu l'entendre d'homosexualité. Un cliché encore plus débile que nombre d'autres, d'ailleurs, si on me demande mon avis, mais bref. Ca a déjà été difficile de faire comprendre que j'étais pas idiot, que c'était pas parce que je n'arrivais pas à écrire correctement, notamment, que je ne comprenais rien à rien, ni que je ne faisais pas d'effort, et quand enfin on s'est rendu compte que j'étais dyslexique - bien après qu'on ait filé des cachets censés calmer ma soeur - ça a été un soulagement pour tout le monde - pour moi particulièrement parce qu'on a un peu arrêté d'être sur mon dos avec mes résultats scolaires. Qui d'ailleurs se sont nettement améliorés à partir du moment où on a utilisé les bonnes méthodes pour ma façon de fonctionner différentes des gens "normaux".
 
Il aura fallu attendre plus longtemps encore - et des séances fastidieuses chez différents psy - pour qu'on accroche une autre étiquette sur mon front. Hypersensible. Ouais d'accord... Et puis après ? J'ai jamais compris pourquoi c'était une tare de pleurer "surtout quand t'es un garçon". C'est quoi la différence ? On n'a pas le droit d'être triste, de l'exprimer ? On n'a pas le droit d'être ému, touché par les choses ? Et puis c'est quoi ce truc de mettre les gens dans des cases ? "Dyslexique", "hypersensible", j'ai eu droit à "rasta", "perché", "effeminé" et autres "bizarres" de collés à ma description... Est-ce que seulement quelqu'un peut m'expliquer ce que c'est que ne pas être "bizarre", qu'être "normal" ?
 
C'est peut-être les rares fois où on s'est vraiment pris la tête avec Mat'. Quand elle a décidé de me changer ou qu'elle a vraiment critiqué ma façon d'être. On est différents, c'est un fait, mais en quoi c'est mal ? On était ado le jour où ça nous a séparés. Cette fois-là, elle a décidé de changer de chambre, d'émigrer dans l'ancienne piaule de Suzanna, et je l'ai absolument pas arrêtée, parce que cette fois-là, moi aussi, ça m'avait foutu en rogne. J'étais d'ailleurs parti en claquant la porte, ce qui a dû surprendre à peu près toute la famille, parce que ça n'arrive... quasiment jamais en fait. C'était peu de temps avant qu'on débarque tous en Angleterre, et que nos chers parents m'imposent gentiment des études de droit, puisque Diego avait déjà pris l'option carrière militaire. Soit dit en passant, c'était le moindre des deux maux, mais ça n'empêchait que ça n'avait rien à voir avec ce que je voulais, moi, faire de ma vie. Et puis j'ai au moins eu voix au chapitre sur l'université où j'allais entrer, et je me suis inscrit à Oxford. Accepté de justesse, mais accepté tout de même, sans doute parce que l'année d'avance et mes capacités linguistiques ont joué, je me suis retrouvé sur le campus où j'ai fait la connaissance de Tyler, et... faut croire que j'attire plutôt les personnes qui sont tout le contraire de moi, parce qu'il est à ce jour, ma soeur exceptée, la personne que je connais le mieux... et qui me connaît le mieux sur Terre, aussi.
 
On n'était pourtant pas dans le même cursus, puisque lui, c'était la filière informatique qu'il suivait, mais il avait quelques cours de droit en commun avec ma section. On s'est retrouvés l'un à côté de l'autre en cours et on a fait connaissance, un peu par hasard au final. Et le courant est tout de suite passé, même si je sais pas s'il y a vraiment une explication rationnelle à ça. Question de feeling et... je fonctionne beaucoup comme ça.

Je suis pas venu beaucoup en cours, surtout en cours de langue en fait, et à ceux qu'on avait en commun avec Ty'. Plus pour le voir lui et lui tenir compagnie que pour suivre les élucubrations des profs, clairement. Et les autres... je séchais et j'allais dessiner dans le parc. On s'est plus quittés dès lors, même après mon retour à Londres quand Mat' est tombée enceinte. Je vivais déjà plus ou moins avec elle en dehors des périodes où j'étais sur le campus, et je me suis clairement installé définitivement pendant sa grossesse. Et je crois que Leon est le seul dans dans la tête duquel moi poing a fini. Je m'énerve rarement, mais... Ca, c'était clairement de trop. Qu'ils se soient pas protégés suffisamment l'un comme l'autre, c'était déjà une belle connerie, mais la façon dont il a jeté ma soeur quand il a appris l'existence de Lucia, c'était juste inadmissible.

D'autant que cette puce, à présent, c'est un peu comme ma fille, au final. C'est un peu bizarre dit comme ça, et ça doit faire un peu... incestueux, vu que sa mère est ma jumelle, mais y a rien de tout ça. C'est juste ma princesse, et comme Mat' bosse en journée, je suis son babysitter attitré, et j'adore ça. A côté de ça, je me consacre à ma peinture, à la photo, à l'art en général. J'ai fait quelques expos, sous le nom de Rika, donc - acronyme très recherché de mon nom complet, hum - mais je suis loin de pouvoir vivre comme ça, si bien qu'on se débrouille comme on peut tous les trois. Des petits boulots par ci par là et du système D surtout. J'ai bien réussi à me payer une moto à force. D'occasion qui a un certain paquet de kilomètres au compteur, mais bon... Elle est customisée à mon goût, devenue une de mes oeuvres d'art si on peut dire, il y en aura pas d'autre comme la mienne et j'y tiens particulièrement. A peu près autant qu'à toutes mes créations en fait...

Ca m'a pas empêché de garder contact avec Ty', donc, même si j'ai suivi son changement de comportement avec une certaine... circonspection. Je le connais suffisamment pour savoir d'où ça vient et même si je regrette un peu certaines parties de son "ancien caractère", même s'il se montre aussi antipathique avec beaucoup de monde, je suis bien placé pour connaître ses bons côtés. Et tout comme je laisserai personne faire ou dire du mal de ma soeur sans rien dire, je laisserai personne s'en prendre à lui. Aussi peu impressionnant puis-je être...