Slohan ☼ Sedated we're nursing on a poison that never stung

Commençons par le commencement. Je m'appelle Slohan, j'ai vingt-deux ans et je dois rendre une putain de biographie pour les cours. Je sais que l'on ne doit pas dire putain, mais je m'en fiche. Normalement je devrais faire une présentation toute jolie, soignée avec des mots de poètes et des métaphores magnifiques. Mais il y a une part de tarte qui m'attend à l'étage d'en dessous alors je vais essayer d'aller à l'essentiel.

Chapitre un : De Beaulieu, connu, joli, classe, mais dur à porter.

Quand on naît dans une famille qui a de l'argent, un nom, une image à donner et à préserver, on doit coller. On doit passer inaperçu dans la photo de famille. On doit rentrer dans les normes, et donc s'y emprisonner. C'est presque avec douleur que je suis arrivée en ce monde. L'accouchement s'est mal déroulé, et j'ai faillis mourir de nombreuses fois, car je souffrais d'une hypertonie vagale. C'est à dire que mon coeur n'était pas terminé, et ainsi, j'avais des moments d'absences, où je cessais de respirer, presque de vivre. J'ai frôlé la mort, j'y ai goûté un instant avant de revenir à moi. Et elle a été le fil conducteur de toute ma vie : ma plus grande peur, comme ma plus grande amie.
Quoiqu'il en soit, je suis née en France, auprès de ma famille, avant de revenir vivre à Londres avec mes parents et mon grand-frère. Mon frère, ma vie, le seul qui m'ai toujours compris, aimé, épaulé, malgré cette tendance qu'il avait à toujours être celui que mon père voulait qu'il soit. Mais ce n'était qu'un mirage. Et ainsi, grâce à lui, j'ai appris à faire semblant, à ne montrer mon véritable visage qu'à peu de gens. Quoi qu'il en soit, les enfants De Beaulieu ont toujours été un parfait exemple. Travailleur, passionné, poli. Toute la définition de notre nom dans la grande ville de Londres. Mais en vérité, cette famille renfermait bien deux personnalités différentes. Un frère, certes aimant et gentil, mais grossier, immature. Une soeur espiègle et baratineuse. On a toujours tout fait ensembles, se soutenant, s'aimant. Et c'est d'ailleurs ce qui nous a mené à notre perte.

Chapitre deux : On aurait pu appeler la mort, la tristesse, les pleurs. On a choisi la séparation.

L'avantage lorsqu'on a de l'argent, c'est qu'on peut tout avoir par le simple fait de claquer des doigts et de papillonner des sourcils. Ainsi, mon plus grand rêve s'est réalisé : je suis allée visiter la Grèce avec mon grand frère. Je connaissais tout, de A à Z, j'étais incollable. Et enfin, tout ce travail payait. On est partis tous les deux, et un jour, on a décidé de louer un bateau pour partir visiter les quelques îles qui se trouvaient aux alentours du pays. Je voulais tout voir, tout connaître et ne louper aucune terre, aucun paysage. Mais digne d'un mon Péplum, Poséidon n'a pas été de notre côté et a préféré déchaîner les océans plutôt que de nous accompagner dans notre Odyssée.
Quelques heures plus tard, je me trouvais échouée sur une île, la tête en sang, seule. Sans même savoir ce qu'il s'était passé, ni même qui j'étais. J'y suis resté quelques jours, peut-être trois, avant de croiser un bateau. Je suis alors revenue sur la terre ferme. J'y ai vécu quatre ans, jusqu'à ce qu'un jour, un grand jeune homme, beau gosse, dont le visage m'était familier, m'arrêta et me prit dans ses bras en remerciant Dieu de m'avoir rendu saine et sauve. M'appelant alors Bulle, comme l'avait décidé le marin qui m'avait trouvé - drôle de nom, je vous l'accorde -, et priant non pas un seul mes plusieurs dieux, je repoussai l'homme. Il m'expliqua alors que j'étais sa soeur, ainsi que notre accident.

Chapitre trois : Repartir de zéro, oublier tous nos achèvements, tous nos rêves, toute notre vie.

Durant ces deux années, j'avais reprit de l'intérêt pour la mythologie grecque, et m'étais amusée à tourner quelques films avec le fils du marin, Milo. J'étais heureuse, et je vivais simplement. J'ai appris à pêcher, j'ai vendu le poisson au marché, j'ai connu le bonheur à l'état pur. Et mon "frère" est arrivé et m'a arraché à cette Grèce qu'était devenu mon pays. Je n'ai pas eut le choix, et à contre coeur, j'ai du revenir à Londres. Laissant Milo, mon meilleur ami là bas.
Lors du voyage en bateau, j'avais voulu regarder par dessus bord, et j'avais basculé, me tapant la tête contre le bateau. Non loin de là se trouvait cette petite île où je m'étais échouée, et mon frère n'avait pas pu venir me sauver car le bateau avait dérivé dans la direction opposée. Les quelques jours suivants, la mer était impraticable, et ce fut le marin qui me trouva en premier.
Mon récit était digne d'un Péplum. L'Odyssée de Bulle aurait pu un jour paraître dans toutes les libraires, sur tous les écrans. A la place, j'ai tout abandonné pour m'enfermer dans des règles, des conventions. Voilà quelques semaines que je suis de nouveau à Londres. Je n'ai pas retrouvé l'amour que j'avais pour mon frère, Lutan. Je n'aime pas mes parents. Je n'aime pas mon nom, ma vie, ni même mon pays. Tout ce que je veux, c'est retourner en Grèce, étudier, vivre de poissons et de quelques sous récoltés sur le marché. Alors je m'enfuis, j'essaye de récolter de l'argent pour retourner en Grèce et retrouver Milo. Et je cache mon but. Car mes géniteurs me l'interdiront, car ils ne veulent pas que j'y retourne. Je dois réapprendre à vivre autrement, pour la seconde fois. Je dois réapprendre à aimer des gens que j'ai aimé autrefois.