Avril 2019T'as pris tes marques à Londres, à force. Ton oncle gère pour toi, aux Etats-Unis, et tu lui vaux une fière chandelle pour ça. T'as jamais voulu devenir PDG d'une firme telle que celle que ton père t'as légué, mais tu t'es fait à l'idée, avec les années... Ca n'empêche pas que prendre ce congé sabbatique (plus ou moins) et laisser Aaron prendre les rennes de l'entreprise, ça te fait un bien fou. Tu as découvert l'univers de ton frère, son entourage, sa vie, ici, et tu peux pas t'empêcher de te dire que le jour il te faudra repartir... Ca va être compliqué. Même si t'as pas eu la chance que t'espérais avec Evana.
Tu te souviens parfaitement des battements erratiques de ton coeur quand tu l'as vue dans ce hall d'hôtel. T'es parfaitement conscient que t'as pas ressenti quelque chose d'aussi fort avant ça, pour personne d'autre, et certainement plus depuis elle. Mais tu peux pas la forcer, et son désir de ne pas "empoisonner" ta vie, tu le respectes, même si t'es clairement en désaccord avec elle. Enfin tu l'étais, à ce moment-là. Est-ce que la seconde blessure atténue tes sentiments ? T'en sais rien, tu sais seulement que ton ressenti a changé. Tu sais que t'as toujours énormément d'affection pour elle, ça, c'est une certitude. Mais t'es plus vraiment dans l'expectative, les questionnements et les doutes. Les questions, tu les as posées, presque en posant le pied hors de l'avion, au final, et les réponses, tu les as eues. Pas forcément celles que tu aurais espérées, mais t'as eu tes explications, celles que t'avais attendues trop longtemps. Alors faut croire que ton coeur a compris, accepté, et qu'il est, peut-être, prêt à tourner la page.
C'est en tout cas ce que tu finiras par te dire, quelques jours après cette rencontre.
T'as pris tes habitudes, notamment celle d'aller courir, ou d'accompagner à la salle de sport non seulement ton frère, mais aussi sa protégée. Une gamine attachante, à l'accent indécrottable qui te donne l'impression d'être encore un peu à la maison. Un peu trop même parfois, comme il prend encore plus de place quand elle s'emporte et laisse ressortir ses origines texanes. Sharona regarde Frank comme on regarde un père, t'en es persuadé. T'avais ce regard-là sur le tien, et même si ça remonte à loin, t'es certain de pas l'avoir oublié. Est-ce qu'il s'en rend compte, ton frangin ? Ca t'en sais rien. Ce que tu sais, c'est que son affection pour la métisse est indéniable, et réciproque aussi. Qu'importe les liens du sang, ils sont une famille. Et tu sais pas trop bien si tu peux vraiment en faire partie complètement, malgré ton attachement sans cesse grandissant et ta présence ces derniers mois. Ca n'empêche que depuis la première fois où elle a dit qu'elle venait régulièrement dans cette salle de sport et où tu as manifesté ton intérêt, t'as rejoint le club un paquet de fois pour t'entraîner avec elle, un peu sur tous les fronts. Le sport, ça a toujours été un truc indispensable pour toi. Pour ton frère aussi visiblement, vu le nombre de séances que vous avez faites ensemble. Et pour elle aussi, à l'évidence, parce que tu partages ton temps ici entre les deux.
Et aujourd'hui, tu l'accompagnes pour la énième fois. Vous n'êtes expansifs ni l'un ni l'autre, mais le courant passe bien, et elle déverse parfois sa frustration du boulot dans le sac de frappe que tu tiens, ou sur le tapis de course à côté du tien. Et tu connais des histoires sur les membres de sa coloc, tout comme elle entend des anecdotes sur le père de Frank qu'il ne connaît peut-être pas forcément lui-même. Après une heure et demie à vous dépenser, t'es en train de sortir de la salle avec elle, à discuter de tout et de rien, quand tu vois son regard s'attarder et son sourire s'élargir.
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Hey ! Breena ! Je savais pas que tu viendrais ce soir !T'as suivi son regard pour tomber sur une de ses coloc' que t'as déjà aparçues dans une soirée ou deux, mais tu t'es jamais trop imposé. Pourtant, t'as jamais vraiment pu nier que les trois jeunes femmes qui partagent le logement de Sharona - et elle aussi quoi qu'elle en pense - sont charmantes. Et tu sais pas si c'est la dose d'endorphines dans ton sang lié à l'effort, ou si ça vient d'autre chose, mais tu peux pas dire que tu restes réellement de marbre devant elle, ce soir, sans que tu puisses expliquer pourquoi, encore moins pourquoi ce soir plus que les autres. Légèrement en retrait, tu les observes, avises la stupeur sur le visage de la texane et le sourire sur celui de l'irlandaise.
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Salut ! Finis-tu par lâcher en levant machinalement la main.
Etrangement, toi qui te formalises pas des conversations des autres d'ordinaires, à cet instant, tu ressens le besoin de préciser ta présence, comme si tu voulais qu'on te remarque... et tu te surprends un peu d'être dans cet état d'esprit ; ça t'est plus tellement arrivé depuis un bail...
@breena a. Donnelly