This will be my monument, this will be a beacon when I'm gone (nova)

(Brixton, Mai 2019) Petit, j'avais passé des heures entières à observer le plafond, me répétant que cela devait être vachement cool de pouvoir voir le monde à l'envers. Je ne m'étais pas douté à l'époque qu'il était possible de se sentir à contre sens de ce monde. Des mois s'étaient écoulés depuis mon retour à Londres. Des mois pendant lesquels Persée avait lentement disparu de nos vies, à Nova et moi. Des semaines avaient passé où nous avions tenté de garder secret notre amour naissant. Pourtant, en presque un an, les sentiments n'avaient jamais été avoués. L'amour jamais consommé. Notre relation, jamais officialisée. Nous en étions toujours au point de départ. Je ne comprenais plus ma vie. J'étais déconnecté de la réalité, enfermé dans cette histoire et dans des peurs qui ne cessaient de grandir avec le temps. Nova et moi, restions incapables de demeurer loin l'un de l'autre. Pourtant, la proximité nous détruisait peu à peu. Le monde me semblait étranger. Il n'était désormais composé que de Nova, et pourtant, je n'étais toujours pas parvenue à accéder à son coeur. Là où pour tout le monde la chance se présentait d'avancer et et de s'engager, nous, nous nagions ensembles, à contre courant. Refusant toute logique. Je soupirais et tournais la tête. Nova était là, endormie, à côté de moi. Une nuit de plus dans mes bras. Une fois de plus sans réussir à lui faire l'amour. La frustration ne cessait de s'accumuler. Elle commençait à me rendre fou. Agacé, je me levais et m'habillais. D'habitude, je prenais toujours le temps d'embrasser Nova, de déposer un baiser sur son visage si ses lèvres n'étaient pas accessibles. Mais pas ce matin. Ce matin, j'étais en colère, et la situation devenait pesante. Elle me rendait insomniaque, permettait à mes démons de revenir me hanter. Je me rendais compte que finalement, j'étais comme mon père. J'avais les mêmes craintes et angoisses que Léopold, et je marchais inévitablement sur ses traces. Je fermais la porte de ma chambre derrière moi et me dirigeais vers la cuisine. Je fis couler du café, et préparais le plateau du petit déjeuner. Des fruits, du pain acheté la vieille, beurre, confiture et jus d'orange. Je déposais le tour sur le plateau, y ajoutais deux tasses et la carafe de café et me dirigeais jusqu'au canapé du salon. J'allumais la télé. Je zappais quelques secondes, à la recherche de la chaîne de dessins animés. Je tombais enfin sur la chaîne de cartoons. J'entrepris de rouler un joint. Lorsque ce fut fait, je l'allumais tout en savourant mon premier café. Le second accompagnerait le petit déjeuner. Un rituel que j'avais instauré depuis des années et qui n'était pas prêt de changer. Sacrifier mes habitudes faisait partie des choses auxquelles je n'étais pas prêt. Nova non plus. Je soupirais. Chassant mes problèmes de mon esprit. Riant de temps en temps aux gags du dessin animé en cours, j'en étais à la fin de mon joint lorsque Nova apparut, encore toute endormie dans le salon. Je me retournais et lui souriais. « Bien dormi? » Je me décalais pour lui faire de la place sur le canapé et attrapais le café encore chaud pour en servir dans sa tasse. Elle s'installa à côté de moi. « Je m'apprêtais à déjeuner, tu tombes à pic. » Je tentais de détendre l'atmosphère, maladroitement. Hier soir, c'était moi qui avait failli à la tâche. Des problèmes d’érection, je n'en avais pourtant jamais eu. Les premiers mois, ça avait été surtout Nova qui avait du mal à laisser aller son désir pour moi. Elle avait évité tous les rencards possibles, s'était arrangée pour que nous ne parvenions pas à être seuls. Avec le temps, j'étais parvenu à la rassurer. Et depuis, c'était moi qui fuyais. J'avais peur de la décevoir, de trop lui en demander et de la briser ensuite. C'était inévitable, j'allais mourir d'ici quelques années. J'étais terrifié, et j'essayais de le cacher. Ce qui n'arrangeait évidemment pas la situation. Je tournais la tête vers Nova, lui souris et déposais un baiser furtif sur sa tempe. Le silence régna bien vite. En silence elle se mit à boire son café. Après de longues minutes tendues pendant lesquelles je n'étais toujours pas parvenu à manger, j'entrepris de rouler un deuxième jour. Toujours plus d'excès pour aggraver la situation. Je m'abrutissais le cerveau pour ne plus avoir à réfléchir. En l'allumant, je lançais : « Sois pas silencieuse. Parle. » Toujours rien. Je tirais une grosse latte sur le joint et lui tendais. Je plongeais mon regarda dans le sien. Elle avait cette mise boudeuse qui me faisait craquer. Mais ce n'était jamais assez pour réveiller le truc stupide qui se trouvait entre mes jambes. « Je suis désolé, je suis qu'un gros naze. Tu mérites bien mieux. » Je détournais le regard, me reconcentrant sur le dessin animé. Au fond, c'était bien vrai tout ça. Nova était trop bien pour moi, et j'en avais conscience. Tout était une pression quand il s'agissait d'elle, et je n'avais pas les épaules pour ça. J'étais trop fragile et son emprise était bien trop grande sur moi.