Zoella + Keep Holding On

Before I Fall
« Nous avons découvert un kyste important sur l’un de vos ovaires. Sa nature nous est encore inconnue, alors... » Et le reste se perd dans la brume, rendu indéchiffrable par mon esprit torturée. Un kyste? Je ne comprends pas ce qu’il veut dire par-là, mais à voir l’air sérieux de mon père et les yeux embués de ma mère, ses bras qui tremblent et ses doigts qui s’agitent, ça ne doit présager rien de bon. Et, lentement, la panique finit par me gagner. Un bourdonnement envahi mes oreilles et mes yeux, écarquillés, fixent le vide. L’instant d’après, j’ai l’impression d’étouffer. La température de mon corps monte rapidement, beaucoup trop rapidement. « ... écarter aucune possibilité. » Je commence à transpirer et ma respiration se fait de plus en plus haletante. « ... cancer. » Je n’arrive plus à reprendre mon souffle. L’air qui m’entoure me parait suffocante. Il faut que je parte d’ici, que je m’éloigne de cette chambre d’hôpital. Alors, je mets à courir. J’avance, titubant parmi les brancards. J’ignore le personnel médical qui hurle mon nom, ma mère qui hurle tout court. Je continue d’avancer, jusqu’à ce que je trébuche. Je m’affale sur le sol, puis je me mets à pleurer, incapable de me relever. Je reste là, effondrée sur le plancher de béton jusqu’à ce que des bras viennent serrer les miens. Mon papa qui ma ramène dans une chambre identique à celle dans laquelle je passerais la prochaine année.

On My Knees
Tic. Tac. Tic. Tac. Je regarde les secondes s’égrainer sur l’horloge fixée au mur. Un vieux truc en plastique qui date probablement de l’air préhistorique. Rien d’intéressant, mais pourtant, je me borne à l’observer. N’importe quoi pour éviter le regard intelligent de la psychologue qui me fait face. Une certaine Katia Lewalski qui me permet de l’appeler Katy. Juste Katy, qu’elle m’a dit, car nous nous verrons souvent au cours de prochains mois. Elle croit qu’il vaut mieux établir un lien de confiance et de respect dès maintenant et elle aimerait savoir ce que j’en pense. Ce que j’en pense. Les mots se bousculent dans ma tête, certains méchants, d’autres inquiets. Mes pensées sont infinies et désorganisées. J’aurais tellement de choses à lui dire, à lui confier que si je me risquais à bouger mes lèvres, un cri s’en échapperait probablement. J’ai 18 ans, merde. Je viens de graduer. En ce moment, mes amis font probablement la fête quelque part à Londres. Ils s’amusent, profites de leur dernier été avant d’entrer dans le monde compliqué des adultes. Ils restent insouciants et moi, je suis coincée ici depuis déjà deux mois. Ou plutôt, je suis en Afrique entrain d’aider un village entier. Mon rêve de toujours, envolé. Et, pendant que les gens enchaîneront les bières, j’enchaînerai les rendez-vous, médicaux ou psychologiques.

Broken Dreams
Cette fois, c’est elle qui reste silencieuse. Les rôles se sont cruellement inversés. Son sourire rassurant s’est effacé, remplacé par une moue inquiète. Et moi, je parle. Sans arrêt. « ... et quand j’étais plus jeune, maman me demandait toujours comment je voulais appeler mes enfants. Je lui répondais des trucs idiots du genre... Cendrillon, Aladdin ou encore, Balou. J’avais six ans, alors ça la faisait rire sans que je comprenne pourquoi. Et à la garderie, je jouais avec les poupées. Je changeais leurs couches et je les nourrissais, comme si c’était des vrais bébés. Tu vois à quel point c’est de la merde? Même à trois et six ans je savais que je voulais une famille. Je me suis toujours imaginée avoir des enfants. J’en ai toujours voulu plein. Au moins trois! Et une grande cours, peut-être même une petite ferme comme chez papa et maman. Des balançoires, une cabane dans les arbres... Et même un chien! La famille parfaite. C’était mon plus grand rêve, mais ça n’arrivera jamais. C’est de la merde. » Je serre les poings, si fort que mes ongles s’enfoncent dans ma chair. Mes doigts se crispent pour retenir les larmes. Si Katy les remarque, c’en est fini. Je n’arriverai plus à me retenir. Pourtant, je dois rester forte. J’ai vaincu le cancer, après tout. Je suis une battante, une survivante. Une petite complication lors de l’opération qui a sauvé ma vie ne devrait pas m’abattre.

Pretending
Je suis à l’aéroport et j’attends comme une idiote, mes faux bagages en main. Je pousse le mensonge à l’extrême, mais je n’ai pas le choix. Javadd, cet idiot, a insisté pour être là dès mon arrivée. Il voulait me voir quitter le terminal. C’est adorable, vraiment. Mais, vu le contexte, ça ne m’arrange pas du tout. Je ne veux pas lui dire la vérité, jamais. Je ne veux pas en parler. Je préfère prétendre que la dernière année n’a jamais eu lieu. C’est plus facile ainsi, même si ça implique de devoir patienter trente minutes dans un aéroport bondé. Mais ce n’est pas si mal. Ça me permet de réfléchir à ma duperie. S’il me demande pourquoi je n’ai pas bronzé, je lui dirai qu’en Afrique tout le monde se couvre et qu’ils portent des chapeaux à large bords. S’il demande à voir les photos que j’ai pris, je lui dirai que j’ai perdu mon portable avant de m’envoler. S’il me demande comment ça s’est passé, je lui dirai à quel point j’ai vécu une expérience humainement enrichissante. Je me sens prête. Pourtant, lorsque je vois sa tête de con au bout de la salle, je perds tous mes moyens. Mes yeux s’embuent tandis que je m’élance vers lui, puis j’éclate en sanglot au moment où je le serre finalement dans mes bras. « Je savais que tu n’pouvais pas te passer de moi. » Un éclat de rire se mêle à mes pleures et je resserre mon étreinte. Sa présence signifie que tout redeviendra normal. J’aménagerai à la villa avec lui comme on avait prévu. Ma vie reprendra enfin son cours.