12 juillet 2018
Le bar, c'est ma seconde maison. Je vis à White City, je squatte parfois dans Shoreditch chez Maman, mais le Lucky Star, c'est mon foyer, autant par le lieu en lui-même, que par la musique qui l'habite ou les gens qui s'y trouvent. Javadd, Lucian, Kassie, Nate et les autres sont des membres de cette famille, autant que Maman et Jo, et bien davantage que mon paternel ou ces cousins que je n'ai jamais vraiment connus. Et j'aime à croire que les gens qui viennent boire un verre, écouter un groupe ou même se produire sur scène sont accueillis un peu comme si, eux aussi, rentraient chez eux. C'est peut-être un peu utopique, mais c'est comme ça que je veux voir les choses. Et à en croire par les retours des groupes qui viennent se produire, je touche quand même pas mal au but.
Je mentirais si je disais que j'avais pas envie que ça soit particulièrement le cas pour Alistair, qui est quand même régulièrement venu pour me voir, pour jouer, pour boire un scotch... ok j'espère quand même un peu, au fond, que tout peut être une excuse pour me voir, surtout, même si les derniers incidents ont raréfié la chose. Et pour qu'on joue ensemble. Parce que c'est un putain de kiff à chaque fois, et que je dois bien avouer que j'attends sa venue avec impatience autant parce que j'ai envie de le voir que parce que me retrouver sur scène avec lui me fait vibrer à un point qui devrait même pas exister. Je sais pas trop où on va, et avec les derniers rebondissements de ce début de juillet, je suis un peu dans le flou absolu, mais j'ai absolument aucune envie de me passer de sa présence ni de sa musique. Et j'ai bien le sentiment que malgré la distance récente, c'est assez réciproque - en tout cas je l'espère, parce que je suis pas sûr de très bien encaisser une nouvelle déception sentimentale, si près de la précédente.
Bref, le Lucky Star, c'est la maison, et on essaie tous, je crois de faire en sorte que ça soit le cas pour tous ceux qui y entrent. Ca n'empêche malheureusement pas des drames de se produire. Je me souviendrais toujours de Marlon, ramassé au coin de la rue alors qu'un type a tenté d'abuser de lui. De Derek se faisant embarquer par les flics juste à la sortie du bar. De cette nana qu'un mec bourré a emmerdée, et qui offre toute sa gratitude à Lucian pour son aide, malgré les emmerdes que ça lui a valu. On ne peut pas aller contre la nature des gens, et la nature humaine est loin d'être foncièrement bonne, malheureusement. Mais ça n'empêche pas de s'efforcer de rendre les choses plus faciles, de faire de cet endroit un lieu chaleureux et accueillant, et de rendre le quotidien de tout le monde un peu plus léger, au moins pour quelques heures.
Alors forcément, quand en me dirigeant vers la scène pour m'assurer que tout se passe bien en sono, je me retrouve face au visage éploré d'une jolie blonde, je peux pas vraiment m'empêcher de venir voir ce qu'il se passe.
- Mademoiselle ?
J'annonce mon approche comme elle ne regarde pas dans ma direction, mais ses doigts noués sur un mouchoir.
- Ca n'a pas l'air d'aller, est-ce qu'on peut faire quelque chose ?
On, à savoir le bar. Ou moi. N'importe. Même si c'est juste lui offrir un verre, ou une oreille amicale pour quelques minutes. Même si j'arrive pas à ramener un sourire sur son visage de poupée. N'importe quoi à ma portée, je sais bien que je le ferai. Parce qu'elle a l'air tellement malheureuse que ça me rend triste pour elle.
Je suis loin d'imaginer que quelque part, je suis à l'origine de son malheur...
Accueil 
