« T’es une traînée »
« T’as vu comment tu m’affiches ? »
« Respecte-toi avant de me juger »
« Moi j’ai un vrai boulot, t’es quoi ? Une prostituée publique ?! »
Dear FatherUne énième dispute avec mon père. Je viens d’avoir dix pages dédiées dans le dernier playboy et l’équipe du magazine aimerait m’avoir parmi leur playmate. Une part de moi aimerait dire oui pour saouler encore plus mon père mais je n’ai jamais rêvé d’être playmate. Ca ferme énormément de portes dans le milieu de la mode ou l’acting et je n’ai pas envie d’être connue ou reconnue en tant que « playmate » et rien de plus. Je veux travailler avec d’autres marques et viser plus loin que du LUI Magazine ou du Playboy même si j’adore travailler pour eux tant ils rendent dingues mon père. A quoi bon ? J’ai l’impression d’être dans un mauvais film hollywoodien tant tout semble irréel autour de moi, de toute façon depuis petite je n’ai jamais grandi dans un monde « normal ». Je suis un cliché à moi-même mais est-ce que je peux me plaindre ? Non. Je suis riche, j’ai un physique avantageux, je suis populaire… Mon père a beau me menacer avec l’argent, au fond il ne me coupera jamais les vivres. Le fric est le seul lien qu’il a avec moi et il aime me présenter comme un trophée auprès de ses collègues quand ça l’arrange. C’est tellement facile de faire genre « je suis le père modèle qui bosse comme un dingue pour rendre sa fille heureuse avec mille et un cadeaux. » Alors ouais, j’en profite comme lui en profite. J’ai arrêté d’espérer avoir quelque chose auprès de lui, les seules fois où il ose m’adresser la parole c’est pour me hurler dessus et me dire à quel point je le dégoûte et que je suis pathétique. Voilà ma seule relation avec lui : argent et honte.
I’m just a kidPetite je ne comprenais pas pourquoi les autres enfants avaient un papa ET une maman, je n’ai jamais connu ma mère et les seules présences féminines que j’avais étaient mes gouvernantes ou alors les conquêtes passagères de mon père. Un foyer stable, sincère, remplit d’amour ça n’a jamais été pour moi. Je pensais que les autres étaient « bizarres » avec une famille si « heureuse » et « unie » mais au fil des années je me suis rendu compte que le problème venait de moi et uniquement moi. Je ne suis pas « normale » et mon père à part financièrmeent parlant n’a jamais été un « père ». En 21 ans d’existence il ne m’a jamais dit « je t’aime », il ne m’a jamais pris dans ses bras, il ne m’a jamais rassuré… Le boulot passait avant tout et son véritable bébé c’était son cabinet d’avocat qu’il a développé dans le monde entier. Une grosse firme internationale qui rapporte des millions. Mon père défend les plus grands de ce monde et a en associés et salariés les plus gros requins de ce milieu.
Teenage dreamTout a dérapé à l’adolescence, mon père m’oppressait, je voulais qu’il me remarque, parfois j’étais dans la même pièce que lui et il m’envoyait des emails pour me demander où j’étais. Oui des emails… Non un appel ou un sms, des emails comme si je n’étais qu’un énième rendez-vous dans son planning surchargé. Alors quand j’ai rencontré Solal, j’ai vu en lui cette possibilité de… De devenir quelqu’un. Je ne savais pas qui j’étais à l’époque, je me sentais seule, je n’avais pas d’amis tant je déménageais… Limite les personnes que je considérais le plus proche de moi étaient mes gouvernantes qui essayaient de prendre soin de moi. J’avais 13 ans quand j’ai croisé Solal pour la première fois, c’était un soir d’août de vacances d’été. Je ne savais pas pourquoi lui… Il me regardait, je le regardais… Il incarnait tout ce que mon père détestait tout en commençant par son âge. Solal avait 18 ans, il était majeur… Mon père détestait son look, il le considérait comme un « bon à rien paysan à 2 de QI ». Dès qu’il voyait que je regardais trop Solal il me prenait par le bras et me forçait à quitter la salle pour que je m’éloigne un maximum. Mais j’avais réussi à m’enfuir un soir… Juste un soir. Je m’étais disputée avec mon père qui commençait à me traiter, il me forçait à me cacher, à acheter des maillots de bain uniformes pour cacher mes formes naissantes, s’il avait pu m’enfermer dans une pièce il aurait fait sans soucis. Alors quand il était en rendez-vous d’affaire, j’avais fui. J’étais allée à la plage déverser ma haine, ma colère, ma peine… Je me souviens que je tapais dans le sable comme une acharnée mentale en insultant à voix haute mon père jusqu’à que je l’aperçoive, là… Solal était lui aussi seul sur cette plage si monotone. Je savais que mon père ne l’aimait pas… Je voulais me venger… Il m’attirait de toute façon, je voulais tester, lui parler, le voir et apprendre. Alors je l’avais rejoint et il m’avait accueilli. On avait parlé longtemps… Très longtemps. Je me sentais importante à ses yeux, il s’intéressait à moi, il me posait des questions, me complimentait… Il me faisait rire, il me parlait comme si j’étais son égale et non comme une misérable gamine bonne à rien… Puis quand il avait posé sa main sur ma joue, qu’il avait rapproché son visage du mien… Je l’avais laissé faire. C’était la première fois que j’embrassais un garçon, c’était tendre au début puis c’était devenu très passionnel et sans trop que je ne contrôle la situation on avait fini par faire l’amour, là, sur la plage. Il avait été très tendre et respectueux… J’avais eu mal mais il n’avait rien dit… J’aurais aimé que ça dure la nuit entière mais on avait dû se quitter. Le lendemain mon père voyait que quelque chose avait changé, j’étais plus… Détendue, perdue, dans mes pensées… J’aurais aimé revoir Solal mais l’après-midi même j’étais déjà dans l’avion. Je n’avais même pas pris son numéro, je n’avais rien pour le contacter alors que j’aurais aimé garder contact mais la vie en avait décidé autrement.
Few years laterLe temps passait, les villes changeaient… J’étais désormais à Londres, plus précisément à Brixton. Mon père m’avait payé un immense appartement dans le quartier où j’organisais fête sur fête et où j’emmenais mes conquêtes d’un soir. J’étais ici depuis septembre 2017 soit plus de huit mois désormais. Je traînais énormément avec Nova que je considérais comme ma meilleure amie ainsi que ma meilleure ennemie. On était identiques à peu de choses près. Je voyais en elle le modèle à abattre, la fille à surpasser, à dépasser. Je l’aimais comme je la détestais. On avait gardé contact depuis notre première rencontre grâce à nos parents et désormais nous étions dans la même ville : j’étais invitée à toutes ces soirées et vice versa, on faisait du shopping ensemble, j’adorais prendre des photos de nous… Mon père ne l’aimait pas du tout. Il ne me disait pas pourquoi mais j’étais sûre que la ressemblance que nous avions le contrarier. Certains nous appelaient les « devil twins », je savais que certaines personnes fantasmaient sur un plausible couple entre elle et moi… L’imagination des gens allaient très loin mais je devais avouer que nous allions bien ensemble.
You are the only exception Il était là : Solal. Le monde était petit, mais lorsque nos chemins s’étaient recroisés ici mon cœur avait manqué un battement. J’avais cru à une illusion au début mais quand il m’avait approché, que son odeur avait flirté avec mes narines, que je sentais ses yeux se balader sur mon corps je compris que tout était réel. Le soir même il était venu chez moi et on avait revécu notre première fois… Avec plus d’expérience. Je n’étais pas amoureuse de Solal non… Mais depuis mes 13 ans il était toujours resté dans un coin de ma tête. Depuis nous traînons ensemble en tant qu’amis mais très souvent nous nous rejoignions le soir pour faire l’amour. Je ne suis même pas sûre que « faire l’amour » soit le bon terme à notre niveau. Le jargon social appellerait ça « sexfriend » ou « plan cul régulier », ouais… Entre Solal et moi c’était uniquement sexuel. On ne faisait que ça sans se projeter et penser à un avenir ensemble, nous ne parlons jamais de ça d’ailleurs. On se contente de vivre au jour le jour, de s’éclater… Lui comme moi nous voyons d’autres personnes à côté mais Solal reste et restera toujours spécial à mon cœur. Je ne lui avais jamais dit un « je t’aime » ou donner une autre marque d’affection. Je ne parlais que très rarement de mes sentiments en règle générale mais si je me confiais auprès de lui à ce sujet, j’avais peur de le faire fuir. Il ne devait voir en moi qu’un coup régulier sans plus grande importance et je refusais de m’attacher pour souffrir… Comme la fois où j’étais tombée enceinte pour finir par perdre cet… Cet enfant. Je ne m’étais jamais sentie aussi seule et mal. Mon père n’avait pas été au courant, c’était la femme de ménage de l’époque qui m’avait épaulé et aidé dans cette dure épreuve. J’avais été enceinte d’un gars que j’avais rencontré en soirée, je ne me rappelais toujours pas son prénom… Si mon père l’avait appris, il m’aurait tué… Puis est-ce que j’avais les épaules pour endosser un tel rôle ? Non… Mais l’idée de m’occuper d’un petit être pour lui donner l’amour que je n’avais jamais eu… Oui, l’idée m’avait traversé l’esprit.
Golden jail Au final… Je me dois de rester enfermée dans cette prison dorée où je me noie sous la montagne de mensonges. Persée la petite peste… Persée la fille facile… Persée la fille sans cœur et hautaine… J’étais beaucoup de « Persée » et je ne me reconnaissais en aucune d’elles.