Genesis ••• Look like Barbie, smoke like Marley

Mes yeux. Cette lumière. Cette sensation, celle que l'on a lorsque l'on se réveille d'une longue sieste. La tête dans le brouillard. Lentement, les lumières s'estompent, elles disparaissent, j'y vois mieux, je suis couchée, juste là, dans le champs derrière chez moi. Les épis de blés me caressent le visage tandis que je lève les yeux au ciel, pourquoi ces épis sont-ils si grands ? Je commence à marcher, marcher vers chez moi à travers champs et il y a cette fleur, cette jolie fleur rouge, ma main s'approche lentement d'elle, le vent la courbe. Pourquoi ma main est si petite ? Je la saisie et un bruit, un bruit étrange vient fendre le ciel, je me retourne, je regarde à gauche, à droite, rien.  Puis tout commence à tourner autour de moi, les épis de blés deviennent rapidement de grands traits jaunes, le ciel disparaît et je suis là, dans cette école au milieu d'un cours de danse. Je ne suis pas seule. Peut-être qu'elles ne me voient pas ? J'essaie de sortir discrètement de la salle, les regards se tournent vers moi. « où vas-tu? » Je me dirige vers la porte, tends le bras en l'air, je suis si petite, ma main n'atteint pas la poignée, instinctivement, je saute, la porte se pousse alors et je vois mon père, un verre de whisky à la main, son téléphone dans l'autre, je l'entends crier. Je m'approche de lui, son visage est rouge, il a l'air énervé. « sors de là ! » il me jette des papiers à la figure mes yeux se ferment et je suis assise dans mon canapé. La tête de ma sœur Azuria sur les genoux, on regarde un film à la télé. Je lui passe la main dans les cheveux, il semble si jeune... Mon regard se tourne alors vers la télévision, elle retient mon attention, c'est comme si elle m'appelait, je me lève lentement, m'approche d'elle, l'image paraît si réelle, c'est comme si je pouvais toucher... les gens à l'intérieur, je pose ma main comme pour attraper une personne et je bascule à l'intérieur de la télévision. Tout est plus sombre à présent, il fait beaucoup plus chaud, il y a des gens autour de moi, ils font du bruit, beaucoup de bruit, ils dansent, crient, ils ont l'air heureux. Où suis-je ? Je ne me sens pas dans mon état normal, c'est comme si j'étais ivre. Mes pieds me font mal, très mal. J'ai l'air plus grande. Je sens un regard sur moi, cette personne là bas au fond de la pièce, elle me fixe intensément, j'ai l'impression de la connaître, je m'approche lentement, elle se lève, s'approche de moi, je reconnais son visage, ses bras s'enlacent autour de mon cœur tandis qu'il dépose un baiser sur mes lèvres, « Jonah... » son corps disparaît alors et je me retrouve face à un homme, c'est mon beau-père, son bras se lève en direction de mon visage, sa main vient s'écraser sur ma joue et mon corps est comme propulsé vers le sol mouillé par les verres d'alcools renversés, les murs coulent, c'est comme si tout était en train de fondre autour de moi. Puis un sifflement, un long sifflement.

« Putain de cauchemars ! »

Mes yeux s'ouvrent lentement. Je passe ma main sur ma joue, c'est comme si je pouvais sentir la douleur du coup que venait de me donner mon beau-père dans mon rêve. Je ne reconnais pas le plafond au dessus de moi. Qu'est-ce que j'ai bien encore foutu ? Je me redresse lentement, j'ai mal au crâne, je ne me souviens pas très bien de la soirée d'hier, j'ai surement encore trop bu et trop fumé. La porte s'ouvre alors, un jeune homme apparaît, un plateau à la main. Il s'approche de moi, il est plutôt mignon.

« Je t'ai apporté un petit déjeuné »  me dit-il tout sourire.

Je le regarde de haut en bas. Esquisse un sourire et sort de la couverture. J'attrape mes habits au sol, enfile mes sous-vêtements, mon short et mon débardeur.

«  Ce fut un plaisir mais, je dois y aller !»

Ma main droite attrape mon téléphone portable, je me baisse pour ramasser mes chaussures et me dirige vers la porte la tête baissé sans un regard. Je devais rentrer chez moi. Passer la nuit avec un inconnu ? Ca m'arrivait de temps en temps quand la Jamaïque rencontrait la Pologne à une même soirée et qu'ils décidaient de se mélanger – bien sur je n'y étais pour rien, ils me forçaient la main à chaque fois –


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Ce rêve, je l'avais déjà fait, je ne pourrais peut-être pas dire des centaines de fois, mais au moins des dizaines de fois. Il revenait de temps en temps quand mon taux d'alcool dans le sang dépassé le stade de la raison et résumait assez rapidement toute cette merde qui avait pu se passer dans ma vie depuis les quatre dernière années. Depuis que la main de William était venue s'écraser sur mon visage quand il a apprit que son fils et moi nous entretenions une relation « cachée » et que lui et ma mère m'ont vulgairement mise dehors. C'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à marcher, sac-à-dos et lunettes de soleil, et j'ai marché, j'ai visité, voyagé. Mon père m'avait mis de l'argent sur mon compte en banque lors du divorce avec ma mère, grâce à ça j'ai payé mes billets d'avion, de train, mes tickets de bus et de métro pour me balader et finalement, après avoir visité toute la France et ses meilleurs recoins, j'avais atterris à Londres. Je ne voulais pas me poser, surtout pas, mais j'étais fatiguée puis Londres, c'était tellement beau. Du coup je me suis arrêtée, une semaine, deux semaines, trois semaines, puis un mois, et même deux ou trois. Puis les choses se sont vite enchainées, j'ai connu des gens, trouvé quelques boulots minables car l'argent de mon père me servait à payer le loyer, les sortie -surtout les sorties-, les clopes et accessoirement mes repas puis j'ai commencé à vivre la vie de Londonienne, vous m'imaginez moi dans la capitale Anglaise ? Juste un pur plaisir, tout est parfait et ce malgré la conduite à l'envers et ma maladresse qui aurait pu me tuer un bon nombre de fois. Mes envies de sortir se règlent si rapidement, il y a tellement de choses à faire dans cette ville, et quand je veux pas sortir ? On m'invite à jouer à la console où à faire des soirées au calmes. Je me suis fait des amis ici depuis huit mois, je me suis reconstruit cette famille que j'avais perdue,  je me suis attachée à des gens, des lieux, j'ai réussi à tourner la page sur ces évènements assez bouleversent. Je sais pas, je crois que j'en arrive à un stade où je ne peux pas plus apprécier la vie, et elle me le rends bien.

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Jonah,

Ca fait maintenant trois ans que je n'ai plus de nouvelles de toi et je n'arriverais pas à te dire si tu me manques ou non... mais quelques fois je pense à toi, quand je vois le soleil se coucher derrière une montagne, ce genre de paysage que tu aimais regarder quand nous étions ensembles, pétard et bierre à la main. Tu te souviens de se qu'on se disait ? "Les autres on s'en fout Gey', le regard des gens est futile quand on vit une histoire comme la notre" avec ton sourire, ce sourire.
J'ai l'impression que les choses ont tellement changé depuis que tu n'es plus là, je suis partie, j'ai voyagé, j'ai rencontré des gens incroyables comme dégueulasses et je crois que j'aime cette vie que je mène maintenant, tu sais, comme une vagabonde... Mais rassures-toi, je suis restée la même au fond, ce petit bout de femme que tu aimais faire criser. Quel salaud !
Je sais pas si on se reverra, si nos chemins se croiseront un jour. J'aurais aimé que tu m'expliques pourquoi tu es parti comme ça, pourquoi tu as laissé ton père me mettre dehors de chez moi et pourquoi tu ne m'as plus donné aucunes nouvelles de toi. Peut-être qu'un jour je te croiserais au coin d'une rue et qu'autour d'un café nous parlerons de cette histoire, notre histoire. Parce que quand on y pense, on était quand même un peu dingue, nous deux, adolescents, éperdument amoureux, on avait peur de rien, on vivait cette histoire atypique de manière cachée et on savait qu'à tout moment, quand nos parents l'apprendraient on se prendrait surement la plus grande engueulade de tout les temps, mais au fond on s'en foutait parce qu'on pensait que rien ne pourrait nous séparer. Puis c'est arrivé, ce jour où William m'a surprise, sortant de ta chambre un matin, tu te souviens l'expression sur son visage ? Son regard glaçant ? Le ton de sa voix quand il s'est mis à me hurler dessus ? "Espèce de petite allumeuse" m'avait-il dit "MON fils ne sortira pas avec la garce de ma femme !" puis il s'était rué sur toi, comme une furie. J'avais essayé de te protéger, de m'interposer entre vous deux, mais d'un geste rapide, sa claque m'avait plaqué sur le sol. J'ai bien cru qu'il pourrait nous tuer. Il m'a mit dehors et à partir de là, je n'ai plus eu aucunes nouvelles de toi, je sais même pas si tu es resté la bas, ou si il t'a mit dehors aussi. Quelques jours après je suis revenue, ma mère avait mis mes affaires dans un sac et les avait déposé devant la maison. Puis je suis partie.
Aujourd'hui, je suis en Angleterre à Londres. Je n'ai plus aucune nouvelles de ma mère et de ton père. Mon père m'envoie des mails quelques fois. Et je n'ai pas de nouvelles d'Azuria. Je sais pas où elle est, ce qu'elle fait, ca fait maintenant quatre ans qu'elle est plus là et même si ce sentiment de haine n'a pas disparu, je crois bien qu'au fond, elle me manque. Ma soeur, mon modèle. J'espère qu'elle va bien, j'espère qu'elle va mieux surtout et qu'elle ne souffre plus. Ma vie a tellement changé depuis qu'elle n'est plus là. C'est dur tu sais de perdre toutes les personnes que tu aimes, et pourtant, tu serais fière de moi de voir à quel point je suis devenue forte, elle le serait tellement aussi. Elle serait tellement étonnée de voir tout se que j'ai parcouru jusqu'à aujourd'hui.

J'envoie cette lettre à la dernière adresse que j'ai pu trouver de toi, je ne sais pas si tu la recevra et si tu as reçu les autres. Je t'embrasse.
Gey'.