you may say i'm a dreamer. (neal)

Comme souvent après un match, il se pointe au boulot avec quelques blessures de guerre. La plupart sont faciles à cacher sous une couche de vêtements, à l'exception d'un bel œil au beurre noir et d'une lèvre ouverte. Parfois il a l'impression d'être un personnage de fight club, avec tout le monde qui le dévisage comme si une deuxième tête lui avait poussé dans la nuit. Il ignore les regards insistants de certains de ses collègues et va directement à son poste de travail, s'attaquant à la plonge sans attendre. La cuisine est déjà en pleine ébullition, les gens criant des instructions dans tous les sens, il trouve ça étrangement réconfortant, ce vacarme incessant. Lui passe complètement inaperçu, tout ce qu'on lui demande c'est de nettoyer toute la vaisselle sale qu'on lui amène et assez rapidement de préférence. Il est payé une misère, mais c'est tout ce qu'il a pu trouver comme emploi sans aucun diplôme. Au moins il a de quoi payer son abonnement au stade et sa tournée de bières au pub. Il fredonne tranquillement tout en frottant un plat particulièrement sale, quand la voix du chef se fait entendre dans la cuisine. Neal ne s'était même pas rendu compte qu'autour de lui, ils étaient en plein coup de feu et complètement débordé. « Hey Mohamed Ali vient par là ! ». Il lève les yeux, juste pour voir à qui le chef peut bien s'adresser ainsi, personne ne correspond vraiment à la description d'un boxeur dans cette cuisine. Le chef le regarde droit dans les yeux et ne semble pas d'humeur à discuter, alors il fait ce qu'il lui demande et s'avance vers lui pas vraiment rassuré. « Tu me surveilles cette viande, cuisson à point compris ? ». Aucune chance qu'il puisse se défiler face à ce regard imposant, inutile de mentionner qu'il n'y connait strictement rien en cuisine. Finalement, l'expérience ne se passe pas si mal, le chef le félicitant même à la fin du service pour avoir sauvé le plat d'un autre cuisinier qui était en train de cramé. C'est comme ça qu'il est tombé amoureux de la cuisine, par un concours de circonstances.


Ce qu'il a tout de suite aimé chez les Australiens, c'est qu'ils consomment presque autant de bières que les Anglais. Il était tranquillement installé au bar du petit hôtel dans lequel il travaillait depuis quelques semaines. Un coup de chance pour lui, il avait débarqué pile au moment où un de leur cuisinier leur avait faux-bond. Le salaire n'était pas énorme, il lui faudrait probablement des mois pour réussir à économiser assez pour se payer son billet de retour pour l'Angleterre, mais au moins il avait une chambre à l'hôtel gratuitement. Le patron de l'hôtel était assis à côté de lui sirotant sa bière en silence. « Tu parles pas des masses toi. ». Ce n'était pas une question, alors Neal se contente de hocher la tête tout en portant sa bière à ses lèvres. « Tu comptes rester combien de temps ? Fais pas cette tête, tu sais bien qu'on adore t'avoir ici. Attend encore quelques semaines et Linda essayera de te marier avec l'une de nos filles, rien que pour te garder dans la famille. ». Même s'il est un peu inconfortable du tournant qu'a pris la conversation, il ne peut pas s'empêcher de rigoler avec l'homme plus âgé. Il a vraiment eu de la chance de tomber sur des gens aussi formidables, il en est conscient et fait tout pour leur rendre la pareille. Même s'il n'est officiellement que le cuisinier de l'hôtel, il est devenu le véritable homme à tout faire. « Tu nous as jamais dit pour combien de temps t'étais là et on voudrait pas se retrouver en galère de cuistot comme la dernière fois. ». C'était une excellente question, totalement légitime, mais il n'avait aucune idée de la réponse. Il avait payé son billet pour l'Australie avec tout le restant de ses économies, sans savoir quand, comment il pourrait se payer un billet de retour pour l'Angleterre. « Aucune idée, mais je te promets que tu seras le premier à le savoir Oliver. ». Il aurait pu expliquer sa situation au couple, qu'il n'avait pas d'argent, personne pour l'aider. Les connaissant, ils lui auraient probablement prêté l'argent pour le billet, mais il n'avait pas vraiment envie de rentrer pour le moment. Bien entendu certaines choses lui manquer, comme le football, la bouffe anglaise, mais rien ne l'attendait vraiment ou plutôt personne. Il était bien en Australie pour le moment et il n'avait aucune raison de vouloir rentrer aussi vite, alors qu'il lui restait tellement de choses à découvrir de ce merveilleux pays.


Pour l'occasion il a pris sa journée, il s'est même levé tôt pour se mettre au fourneau, chose qu'il déteste faire en dehors de ses horaires de travail. Ce n'est pas tous les jours que sa copine fête son anniversaire après tout. Il a fait les choses bien, enquêtant auprès de la petite sœur pour obtenir des informations sur son gâteau préféré. Le résultat a de la gueule, il est plutôt fier de lui. Il sonne à la porte de Sam tout sourire, son gâteau en main, prêt à lui faire une surprise. « Joyeux anniversaiirreeeee ! ». Dès qu'il la voit, il ne peut pas s'empêcher de l'embrasser tout en se laissant rentrer dans l'appartement. Comme un gamin, il lui tend tout de suite la boîte contenant le gâteau qu'il a préparé avec amour, impatient de voir sa réaction. « J'espère que ça te plaira ! ». Elle ouvre la boite et sa réaction valait bien quelques heures de travail. Avec tout ce qui se passe avec sa sœur, Sam mérite amplement une journée où tout tourne autour d'elle et c'est ce qu'il compte bien lui donner. « C'est parfait, Lexie pourra pas résister, surtout que j'ai l'impression qu'elle a encore perdu du poids. ». Neal est un peu perplexe et a un peu perdu le fil de la conversation, il s'attendait à des remerciements un peu différent. Passer des heures sous la couette et n'en ressortir que pour manger un bout de gâteau de temps en temps par exemple. « J'ai loupé un épisode je crois. ». Elle le regarde un peu horrifiée, comme si elle venait de réaliser qu'il n'allait pas du tout aimer ce qu'elle avait à dire. « Je t'ai dit que je devais emmener Lexie à l'hôpital. ». Les traits de Neal se durcissent, encore une fois, elle fait passer l'intérêt de sa sœur avant le leur. Il a l'impression de toujours entendre le même refrain encore et encore. « Non tu me l'as pas dit. ». Elle s'approche de lui, clairement en essayant de l'amadouer pour qu'il ne se mette pas en colère, mais il n'a pas envie de lui rendre la vie facile, pas aujourd'hui, pas quand elle vient juste de ruiner ses plans pour la journée. « On peut se voir ce soir, je t'appelle dès que j'ai fini. ». Normalement, il aurait sauté sur la moindre occasion de la voir, sachant très bien qu'elle avait un emploi du temps complètement fou, mais il était énervé et voulait le montrer. « Je sais pas, y a foot ce soir, après tout c'est seulement ton anniversaire. ». Il se détache d'elle, sachant très bien que s'il reste plus longtemps, il risque de dire quelque chose qu'il regrettera encore davantage que cela. Il dépose un baiser sur sa joue avant de prendre la porte de l'appartement, sachant que quand sa sœur est impliquée, il ne risque pas de gagner la bataille.


Il était paisiblement en train de regarder les matchs de foot qu'il n'avait pas eu l'occasion de regarder pendant la semaine. Avec toutes les dernières choses à régler avant leur départ. Il avait encore un peu de mal à réaliser qu'elle est dit oui. Qu'une fille comme elle ait accepté de tout laisser derrière elle, même sa sœur malade, pour partir à l'autre bout du monde avec lui. C'était nouveau pour lui, de partir avec quelqu'un, il était un peu flippé, mais terriblement excité par la perspective. La porte d'entrée s'ouvre, mais ça ne suffit pas à le faire quitter l'écran des yeux. De toute façon, la seule personne à avoir ses clefs est Sam. Quand il pense qu'il vivra avec elle à Boston, qu'il pourra la voir tout le temps, se réveiller à ses côtés. Il tourne finalement la tête vers sa dulcinée quand il sent sa présence dans le salon. Elle agite fièrement un papier dans sa direction, cela n'indique rien de bon pour lui. « Devine ce que c'est. ». Un peu dubitatif, il essaye de déchiffrer ce qu'il y a d'écrit, mais sans succès. Il hausse finalement les épaules et repose son regard sur le match de foot, mais Sam n'est clairement pas de cet avis. « Apparemment je m'apprête à partir à l'autre bout du monde avec un dangereux délinquant.. ». Elle laisse sa phrase en suspend, guettant clairement la réaction de Neal qui ne se fait pas tarder. « Putain Sam t'avais promis ! ». Lorsqu'elle était rentrée dans la police, il lui avait fait promettre de ne pas faire des recherches sur son casier judiciaire. Elle avait tenu parole jusqu'ici. Il ne lui avait jamais caché qu'il avait eu une jeunesse assez turbulente, mais il n'était jamais vraiment rentré dans les détails, ce qui n'avait cessé d'attiser la curiosité de Sam. « C'était ma dernière chance, c'était plus fort que moi. ». Elle a au moins le mérite de faire semblant d'être un minimum désolée, même si Neal sait très bien qu'elle ne l'est pas vraiment. « Et bim je découvre que je sors avec un criminel. ». Son ton est joueur, Neal ne peut s'empêcher de sourire à cette réplique, bien évidemment qu'elle va le taquiner sur le sujet, elle a bien trop de munitions en mains. « Je sors avec une flic, je sais pas ce qu'est le pire. ». Elle le regarde un peu outrée, croisant les bras, feignant l'indignation. Ce qui n'a pour résultat que de faire sourire Neal davantage, il ne pourrait pas être plus amoureux d'elle qu'à cet instant. Il lève finalement un bras, faisant signe à Sam de venir se blottir contre lui dans le canapé. « Qu'est-ce que tu veux savoir ? ». Il sait qu'il aura droit à des questions dans tous les cas, alors autant en finir le plus vite possible. Puis de toute façon, il doute que ce qu'il a à dire la fasse partir en courant. Après tout, il n'était pas un meurtrier ou un violeur en série. Simplement un type qui s'était retrouvé dans plus de bagarres que la majorité de la population.


Il n'y avait pas un jour où il ne regrettait pas sa décision. La plus dure qu'il n'ait jamais eu à prendre : abandonner la seule fille qu'il ait vraiment aimé. Huit mois maintenant qu'il l'avait planté à l'aéroport, huit mois qu'il avait perdu la personne qu'il considérait comme sa famille. Il ne cessait de se demander ce qu'il aurait dû faire différemment, mais il ne pouvait s'empêcher d'entendre également les arguments de l'oncle de Sam. Celui qui l'avait fait renoncer à son départ, qui l'avait convaincu que Sam lui en voudrait un jour de l'avoir fait partir. Dans l'histoire c'était lui qui était malheureux, même s'il avait pris la « bonne » décision, celle que le chic type prendrait. Cela ne changera pas le fait que Sam ne lui adresse toujours pas la parole et qu'elle ne semble pas incline à lui pardonner. Machinalement, il porte son téléphone à son oreille pour réécouter pour la centième fois les messages qu'il a conservés précieusement. Beaucoup diront qu'il se fait plus de mal que de bien, mais il ne peut pas s'en empêcher. Le premier est son préféré, il a toujours eu un faible pour Sam bourrée, sa façon de rigoler, de parler. Sam était à une soirée dans un bar, pour fêter le départ à la retraite d'un de ses collègues. En entendant sa voix, un sourire triste apparaît sur son visage. « Heeeyyy babe, juste pour te prévenir que j'ai succombé à la tentation, je sais je sais je suis faible bla bla, mais par pitié me jarte pas du lit juste parce que je sens le tabac d'accord ? Puis d'abord pourquoi tu réponds pas au téléphone ? J'espère que tu mates pas du porno ou un truc du genre. Bref, je parle trop j'y vais. ». Il n'oublierait jamais, comment elle s'était faufilée dans son lit ce soir-là, s'endormant comme une masse sur son torse, avant même qu'il ait eu le temps de dire quoi que ce soit sur l'odeur de cigarettes. Le second est également joyeux, plein d'humour et de vie. « Devine qui a encore laissé la lunette des toilettes relevée ce matin et qui va devoir faire la vaisselle la prochaine fois qu'il vient ? C'est toi.. Sur cette note, bonne journée. ». Il secoue un peu la tête en souriant, dire qu'il ne faisait pas exprès au début, de laisser la lunette des toilettes relevée, mais au final il ne se lassait pas d'entendre Sam se plaindre à ce sujet. Sa gorge se noue instantanément en reconnaissant le message suivant. « Je suis en route pour l'aéroport, hâte de te voir, de m'envoler avec toi, je... ». Des larmes ont commencé à se former dans ses yeux, il a stoppé net la torture. Prenant la décision qu'il aurait dû prendre depuis des mois, effacer les messages. Après avoir entendu ça, il ne peut qu'être convaincu qu'il y a toujours une chance. Un amour comme ça ne peut pas s'éteindre aussi facilement. C'était décidé, elle allait lui parler de vive voix et pas seulement à travers des anciens messages, même s'il devait passer la nuit en garde à vue pour réussir.