We meet again ☾ Maxyne && Rika

Lundi 5 juin 2017

Le café, c'est sacré. Moui bon, c'est un peu fort dit comme ça, un peu bizarre, peut-être, aussi, mais je ne vis pas sans ma dose de caféine quotidienne. Et faut dire que vu comme je ne suis pas du matin, si je n'ai pas de quoi réveiller mes neurones endormis, je ne suis clairement bon à rien. Et aujourd'hui, j'ai la mauvaise surprise en me levant de réaliser que je n'ai pas pensé à en racheter. La dernière capsule a été engloutie la veille, et je n'ai même pas de quoi faire couler un café allongé dans la vieille cafetière que je n'utilise plus depuis que j'ai acquis cette machine à expresso. Il faut dire que malgré ma consommation importante de ce breuvage, je trouve plus pratique de faire couler une tasse à chaque fois que j'en ai envie, plutôt que de lancer une cafetière le matin qu'il faudra réchauffer au fur et à mesure de la journée - et dont le dosage reste un peu aléatoire pour moi. Je pourrais aller frapper chez ma soeur, et même en son absence, me servir chez elle, mais quitte à devoir sortir, je me dis que je vais en profiter pour aller faire quelques courses, puisque ça s'avère nécessaire... Et sans doute un tour chez un disquaire. C'est donc après une douche brûlante qui me réveille à peine, et après avoir enfilé un jean noir délavé et troué, un T-shirt des Ramones sur un sous-pull gris clair et mes bottes de moto que je suis sorti, direction le Starbuck's le plus proche, où je demande au barrista un peu circonspect trois expressos serrés et un gobelet... Il me faut ma dose, donc, et pas un de leurs brevages beaucoup trop allongés pour mon goût. C'est sans doute très bien pour ceux qui aiment ça, mais pas pour moi.

J'ai patienté quelques instants pour récupérer ma commande - café et donuts parce que le gouffre qui me sert d'estomac a autant besoin d'être rempli que j'ai besoin de caféine - et je me dirige vers la sortie, prêt à aller faire un tour de boutiques musicales histoire d'agrandir encore un peu ma collection pourtant déjà imposante de vinyles, quand une jeune fille à une table devant moi se lève, récupère ses affaires mais n'a visiblement pas l'esprit tout à fait là comme son livre reste sur la table alors qu'elle s'en détourne. Je change alors mes pâtisseries de main pour le récupérer et me rapproche à grands pas de l'inconnue.

- Mademoiselle ! Vous avez oublié ceci...

Je lui tends son livre comme elle se retourne, réalise alors l'arrondi de son ventre, encore assez discret. A moins que je ne me fourvoie, la demoiselle s'apprête à donner la vie, mais comme rien n'est moins indélicat que de faire un impair à ce niveau-là, je passe ça sous silence. A peine a-t-elle récupéré son bien que je me fais un devoir de lui ouvrir la porte. Quelque chose que j'aurais naturellement fait de base, mais qui me semble plus impératif encore à présent. Je sais bien qu'une femme enceinte n'est pas impotente, ni en sucre, mais je peux pas m'empêcher d'être plus attentionné encore que d'ordinaire dans ces cas-là. Et comme je détaille le visage de la jeune femme à qui j'ouvre le passage, je fronce les sourcils, intrigué.

- Excusez-moi mais... On ne s'est pas déjà rencontrés ?

Son visage ne m'est pas inconnu, mais je n'arrive pas à me rappeler où j'ai pu la voir. Je ne réalise pas encore qu'il s'agit de l'ex-fiancée de Nate, que l'ancienne babysitter de Lucia, Jo - et accessoirement demi-soeur du journaliste - avait invitée chez nous pour Halloween, il y a quelques temps déjà. En tous les cas, je ne peux m'empêcher de penser qu'elle est très jolie, et que le père de cet enfant a bien de la chance. Manifestement, Lucy ne me manque plus autant qu'avant, ou en tout cas, plus de la même manière...

La jeune femme s'est retournée, surprise de l'interpellation, et son regard est passé du livre à mon visage, et au livre à nouveau.

« Euh... Oui peut-être bien. »

J'esquisse un sourire, à vrai dire, je crois qu'il n'y a pas vraiment de doute à avoir, et elle semble se rendre compte puisqu'elle reprend :

« Oui c'est bien à moi je vous en remercie.
- Je vous en prie... »

J'ai été bien élevé, il faut croire, si bien qu'outre la politesse, c'est un minimum de galanterie que je sers à l'inconnue. Le fait qu'il me semble qu'elle soit enceinte n'y change rien, je l'aurais fait de toute façon, mais je dois bien admettre que ça ne fait que m'encourager en ce sens. Je me doute qu'elle n'est pas en sucre non plus, mais j'ai souvenir de la fatigue de Matea les premiers mois, et je ne peux pas m'empêcher de supposer que c'est peut-être son cas aussi, alors...

Moment de bug. Elle est vraiment inconnue, cette femme ? Parce que son visage me semble réellement familier, et quand je lui pose la question, j'espère qu'elle pourra y apporter une réponse, parce que je n'aime pas garder ce genre de choses en suspens. C'est des coups à ce que ça me trotte dans la tête en permanence ou presque ensuite...

« Euh... Je dois avouer que j'ai une mauvaise mémoire des visages surtout des gens que je n'ai pas vue depuis un moment. Donc j'avoue que là, je ne vous reconnais pas plus que cela... Mais sinon moi, c'est Maxyne. »

Ca ne m'aide pas, et je secoue la tête.

« Je me fais peut-être des idées, parce que votre prénom ne me dit vraiment rien. Et pourtant je m'en souviendrais, c'est très joli Maxyne. »

Je lui laisse le temps de passer la porte, avant de la laisser se refermer derrière nous et de lui tendre la main.

« Je m'appelle Rika, enchanté. »

Et je ne sais pas quoi dire de plus parce que non, je ne suis jamais très doué concernant les relations sociales... Un silence bizarre s'installe avant que, passablement gêné, je ne reprenne la parole.

« Et vous aviez certainement mieux à faire que de faire le pied de grue devant un Starbuck's, pardon. »

Les doigts crispés sur mon café, je passe nerveusement ma main libre dans mes cheveux. Ils commencent à repousser, peut-être bien qu'il faudrait que je retourne chez le coiffeur... Je m'apprête à partir, esquisse un mouvement mais m'arrête tout seul dans mon élan.

« Est-ce que... est-ce que je peux vous laisser mon numéro ? Je comprendrai complètement si ça vous dérange, j'imagine que vous en avez vu d'autres et... »

Non, tu ne parles pas de ta présomption concernant sa grossesse, si c'est pas le cas, ça va juste être vexant.

« Enfin... Des fois que ça me revienne... C'est très bizarre parce que les prénoms qui me plaisent, je les retiens facilement normalement, mais le vôtre... »

J'en démords pas pourtant, son visage ne m'est pas inconnu, par contre son prénom totalement. C'est vraiment déroutant...

« Enfin peut-être que je pourrai vous inviter à prendre un café un de ces jours ou... »

Et si elle est enceinte, y a un futur papa qu'apprécierait tellement cette proposition Rika. Cramoisi, je ferme ma gueule, secoue la tête.

« Oubliez ça, désolé, je voulais pas vous importuner... »

Si mes premiers propos étaient déjà prononcés à la va-vite, signe de mon embarras, c'est encore pire sur cette dernière phrase, et je prends littéralement la fuite...

J'ai évidemment aucune idée de ce qu'elle cache, de ce changement d'identité qu'elle a choisi de faire, de ce changement de vie, aussi. Pour moi, à cet instant, c'est une jolie future maman qui se trouve face à moi, dont le visage me dit quelque chose sans que je sache pourquoi. Mais pour peu que je l'aie aperçue dans un parc, avec l'envie de peindre ses traits, après tout...

« Merci encore. »

Je secoue la tête, en signe de négation. Non vraiment, il n'y a pas à me remercier à ce point, vraiment pas. Ni pour le livre, ni pour le compliment sur son prénom.

« Merci et le vôtre est original également, enchantée.
- Pour être tout à fait honnête, c'est un surnom. Mais personne ou presque n'utilise encore mon prénom... »

« Oh non pas vraiment, je dois organiser pas mal de choses en fait... »

Soupçons confirmés, donc, et si ses propos ne suffisaient pas, sa main posée sur l'arrondi de son ventre achève de le faire. Elle est bel et bien enceinte, prête à donner la vie à un petit être sans doute aussi beau qu'elle, et je me sens de trop. Et irrémédiablement seul, aussi. Je sens bien que mes sentiments pour Lucy ne sont plus les mêmes, mais je sais très bien, aussi, que j'ai envie de fonder une famille, et que voir les autres avec leurs enfants commence à me peser. Pas qu'il y ait d'urgence en soi, j'ai clairement de la marge avant de ne plus pouvoir avoir d'enfant moi-même, mais je sens bien que ça me travaille.

« Oui vous le pouvez, sans le moindre souci... Et non, je n'en ai pas vu d'autres. Donc non ça ne me gêne pas du tout, j'en serais même ravie en fait. »

Est-ce que c'est son enthousiasme qui me fait littéralement prendre la fuite ? J'ai bredouillé des trucs, je sais même plus exactement quoi, si ce n'est que j'ai vaguement tenté de prendre son numéro de téléphone, un truc sur son prénom aussi, et elle a répondu alors que ça n'en méritait franchement pas tant. Sincèrement, si je pouvais tout effacer d'un coup de baguette, là, je n'hésiterais pas une seconde. C'est d'ailleurs un peu l'idée comme je lui présente encore des excuses et tourne les talons en vitesse. Mais c'était sans compter son entêtement, il faut croire.

« Non mais revenez... Je veux vraiment votre numéro et je vous rassure ça ne me gênera absolument pas. »

Cette fois, c'est moi qui bugue. Je m'arrête, pour le coup, me retourne vers elle, déjà parvenue à ma hauteur, mais visiblement essoufflée. Merde. Faire courir une femme enceinte, c'est franchement pas malin !

« Rika s'il vous plaît ne prenez pas la fuite. »

Je sens mes pommettes s'empourprer, pris en faute. La fuite, oui, clairement, et ça n'a rien de glorieux. Mais bordel, qu'est-ce que je fous là, moi, maintenant ?

« Je voulais pas vous importunez à mon tour désolée Rika.
- Dés... »

J'ouvre des yeux ronds alors. Désolée ? Mais désolée de quoi ?

« Mais vous n'avez rien à vous reprocher Maxyne... »

Je lâche un soupir, visiblement mal à l'aise, passe une main nerveuse dans mes cheveux.

« Je ne suis vraiment pas doué pour ça... »

Sa main repose toujours sur son ventre, et si le geste est touchant en soi, je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter.

« Ca va ? Je n'aurais pas dû vous faire courir, je suis désolé, je ne voulais pas... »

Une fois encore, je m'interromps, hésite, cherche mes mots en vain et un nouveau soupir passe mes lèvres.

« Ca vous dit qu'on aille se le prendre tout de suite, ce café ? Ou une tisane ou que sais-je encore, si vous avez eu assez d'excitants pour aujourd'hui... »

Histoire de recommencer à zéro, et de ne pas rester plantés au milieu de la rue, aussi...

Nate saurait qu'elle se faisait appeler Primerose et non pas Barbara parce qu'elle n'aimait pas son prénom, à l'origine. Et sans doute qu'il ne serait pas étonné que même ce premier prénom, lié à sa famille, elle en avait eu marre, et avait décidé de changer d'identité. Sans doute, même, qu'il tâcherait de faire en sorte qu'elle puisse réellement, officiellement, avoir cette nouvelle identité, en s'adressant à son ami avocat, peut-être, ou en fouinant d'une manière ou d'une autre. Mais pour moi, tout ça, c'était la grande inconnue, et la femme qui se trouvait face à moi se nommait Maxyne, point. Je n'avais aucune raison d'en douter. Elle ressemblait à quelqu'un que j'avais déjà croisé, bien que je ne parvienne pas à remettre exactement ce visage dans le contexte de notre rencontre, mais ça en restait là. Il y a longtemps que j'ai appris à laisser de côté les questions qui me tarabustent, même si je sais pertinemment qu'elles reviendront à la charge à un moment ou à un autre, afin de pouvoir continuer à converser normalement avec les gens - déjà que ça n'est pas très facile comme ça pour moi de base...

Je peux pas m'empêcher de laisser mon regard glisser sur sa main sur son ventre légèrement arrondi, et de m'en sentir désolé et contrit. Elle doit être assez tôt sur sa grossesse, elle n'est pas très visible encore, mais si j'avais jusque-là des doutes, ils sont à présent dissipés. Et je me sens trop con d'avoir fait faire un effort supplémentaire à une future maman qui n'en a, clairement, pas besoin. Ca ne devrait pas générer de complication, mais tout de même, ça ne se fait pas.

« Oui oui ça va, enfin courir avec un ventre de femme enceinte c'est un peu dur. Ce n'est pas grave vous n'en faites pas...
- Je suis vraiment désolé... »

Je le suis vraiment, et parfaitement confus. Merde, merde, merde, merde, merde... Ca se fait pas de faire faire un effort pareil à une femme enceinte, et j'ai toutes les peines du monde à me pardonner, même si, elle, n'a pas l'air d'en faire plus de cas que ça. Enfin je sais bien qu'il en faudrait sans doute plus que quelques mètres au pas de course pour que ça pose réellement problème pour sa grossesse, mais quand même. Elle a beau m'affirmer que ça va, je ne suis pas serein. Alors je me fais violence et lutte contre ma nature pour lui proposer un café ou quelconque boisson chaude, histoire de rester encore un peu auprès d'elle, autant par envie de faire plus ample connaissance que pour ne pas qu'elle soit seule si complication il y avait.

« Je dirais pas non. On retourne au Starbuck ou vous préférez aller dans le second petit café pas très loin ?
- Et bien... »

Je sus embêté, je n'ai pas trop envie de revenir à l'intérieur du Starbuck qu'on vient de quitter, mais cela étant, j'ai des consommations à emporter dans les mains, et rien ne dit qu'ils acceptent qu'on rentre dans l'autre. Il fait assez bon, cela dit, et le square n'est pas très loin.

« Ca vous va si je prends votre commande et qu'on s'installe au Soho square à côté ?... »

C'est juste un petit bout de jardin de quartier avec quelques allées, un peu de pelouse, quelques arbres et un petit kiosques, mais ça nous permettrait de prendre un peu l'air, et de ne pas revenir s'enfermer dans le café bondé...

Je n'ai jamais aimé mon premier prénom, je ne sais pas peut-être que j'ai toujours rejeté un peu ma famille de cette manière. Bon, je n'aimer pas non plus Primerose, mais il était quand même un peu mieux que le premier enfin, soit, ce n'était qu'un rare souvenir maintenant... Je savais par contre qu'un jour mon passé aller remonter à la surface et d'une manière ou d'une autre ça allé faire mal. Bon, je risquer aussi de m'en prendre pleins dans la gueule et le bébé allé sans doute ressentir ma peine, mais bon, si je rencontrer quelqu'un un jour, je lui dirais tout et sans le moindre mensonge, mais ça n'aller sûrement pas être demain la veille.
Surtout, avec ma chance bien sûre, j'avais gardé ma main sur mon ventre avant de lui dire :

« -Ne vous en faites pas... C'est pas non plus la mort, et puis vue sa taille pour l'instant, je pense que ça devrais aller. »

Il me propose un café ou une boisson chaude, en contre partie, je lui demande s'il veut retourner dans le Starbucks ou à côté et Rika fini par me proposer d'aller au square à côté ce à quoi je souris en coin et lui répond :

« -Oh oui bien sûr et puis vue la saison je pense que ça devrais aller. Et sinon je veux bien un thé aux agrumes alors si cela ne vous dérange pas... »

Je mis une main sur mon ventre, c'est vrai qu'il n'était pas encore bien visible, mais il en prenait pas mal de la place. Une vraie baleine, je vous jure, à croire que j'avais pris au moins 25 kilo, alors que non j'avais juste pris 10 kilo et aussi une sacré paire de seins, mais bon là n'était pas l'histoire de parler de ma grossesse. Je regardai Rika rentrer dans le Starbucks et prendre ma commande avant de finir par ressortir après un moment et revenir me rejoindre de nouveau, et le suivre alors jusqu'au petit Square Soho juste à côté.

Ou après un petit moment nous avons trouver un petit banc à l'ombre, mais pas trop, avant de nous asseoir ce à quoi je finis par prendre la parole :

« -Puis-je savoir ce que vous faites dans la vie ? Où cela et trop indiscret ? Enfin, je ne fais que poser des questions, enfin si cela vous ennuie d'y répondre, je m'en excuse par avance. »

Et je parle, je parle, je parle... Je fais que ça quand je ne sais ni quoi faire, ni quoi vraiment dire en fait, pauvre de moi ?! Non-pauvre personne qui me supporte oui, je vous assure, je peu vraiment être chiante pendant longtemps et c'est pas Nate qui en dira le contraire, enfin s'il était encore dans ma vie. Pourquoi est-ce que j'avais coupé les ponts avec lui ? J'en avais honte et je voulais vraiment le revoir.

[hj: oui j'ai fais avancer. Il faut avancer quoi. ]

Je crois qu'on peut pas vraiment faire table rase du passé. On peut l'enfouir autant qu'on veut, il refait toujours surface d'une manière ou d'une autre, parce qu'il est toujours là, il fait partie de nous, qu'on le veuille ou non. C'est ce qui nous forge et fait de nous celui ou celle qu'on est aujourd'hui. Je suis pas fier de toute ma vie, il y a peut-être des choses qu'aujourd'hui, je ferais différemment, mais globalement, je n'ai pas de vrai regret. Les choses que j'ai fait un peu contre mon gré - comme la fac de droit, par exemple - ont eu des conséquences positives malgré tout - ma rencontre avec Tyler, notamment - et je ne les renierai pour rien au monde.

« Ne vous en faites pas... C'est pas non plus la mort, et puis vue sa taille pour l'instant, je pense que ça devrais aller. »

J'ai aucune idée d'où elle en est dans sa grossesse, je sas pas quel risque elle encourt à faire trop d'efforts. C'est un peu obscur pour moi, bien que la grossesse de ma soeur me reste pas mal en mémoire - faut dire que j'ai un peu tout suivi au jour le jour. Mais si elle dit que ça va, je vais tâcher de lui faire confiance et de faire taire mes inquiétudes - c'est elle la future maman après tout, elle sait certainement mieux que moi...

« Oh oui bien sûr et puis vu la saison je pense que ça devrait aller. Et sinon je veux bien un thé aux agrumes alors si cela ne vous dérange pas...
- Bien sûr. »

C'est bien parce qu'il fait bon que je propose le square, je nous aurai pas exposé aux températures hivernales, ni à une canicule étouffante qu'on est sans doute assez peu, ici, à pouvoir supporter. Une nouvelle fois, elle pose sa main sur son ventre, réflexe de toutes les futures mamans, je suppose, et je peux pas m'empêcher de sourire un peu bêtement à cette image, attendri. Je suis retourné à l'intérieur du Starbuck's, pour la peine, prendre sa commande, et je ressors quelques minutes plus tard - heureusement qu'il n'y avait pas trop de monde à cette heure-ci, ça m'aurait ennuyé de la faire attendre - prêt à nous guider vers le Square Soho, donc, comme proposé juste avant.

On s'est installé sur le premier banc pas trop ensoleillé qu'on a trouvé, et comme toujours, je me suis retrouvé à me demander comment relancer la conversation sans trouver de réponse satisfaisante. Heureusement pour moi, elle a repris la parole, et loin de me déranger, ça m'a ôté une sacrée épine du pied.

« Puis-je savoir ce que vous faites dans la vie ? Ou cela est trop indiscret ? Enfin, je ne fais que poser des questions, enfin si cela vous ennuie d'y répondre, je m'en excuse par avance.
- Non pas du tout, ça ne me dérange absolument pas ! Au contraire, je ne suis pas très doué pour entretenir la conversation alors ça me va si vous posez les questions... Et ça n'est pas indiscret du tout : je suis artiste peintre. J'ai la chance de pouvoir vivre de ce que j'aime. Et je joue de la guitare avec un ami de temps en temps... »

C'est pas vraiment ma profession mais le groupe de Nate m'accapare pas mal, outre ma peinture, alors je ne me voyais pas le mentionner. Sauf que j'ignore bien évidemment que l'ami en question est son ex-fiancé, et que ça risque de poser quelques soucis à l'avenir... Et sauf que maintenant, j'ai un peu l'impression de faire preuve de vantardise, et ça me met mal à l'aise. Alors pour ne pas me laisser submerger par l'embarras, je lui retourne simplement sa question.

« Et vous ?... »

Non, je ne suis pas beaucoup plus éloquent que ça, mais comme je le disais deux minutes avant, je ne suis pas très doué à ce jeu-là. Et j'aurais bien envie d'une clope, mais pas à côté d'une femme enceinte, si bien que je me venge sur mon café et mes pâtisseries, histoire de me donner une contenance.

« Vous en voulez ?... »

Je désigne l'autre donut présent dans mon sachet en papier, des fois qu'elle ait faim elle aussi. Je sais bien que "manger pour deux", c'est un peu surfait et qu'il vaut mieux manger "deux fois mieux", mais je me souviens très bien des fringales de Matea, et je serais pas très surpris qu'elle aussi soit constamment affamée...