❝i'm wasting my young years❞

« Mais oui mon chaton tu es beau comme un canard ! » Ma mère venait de passer derrière moi alors que je regardais si la tenue que j’avais choisi pour la photo de classe était la bonne et si j’étais assez bien coiffé. Elle n’était pas la plus objective des personnes pour deux raisons : elle était ma mère et j’étais son fils unique alors forcément qu’elle me trouvait beau qu’importe ce que je pouvais porter et en plus de cela elle était en retard au cabinet qu’elle dirigeait donc elle n’avait surement pas envie que je remonte me changer et que je la mette encore plus en retard. « Arrête maman….» Ma phrase fut prononcée comme un long soupir, ah les mères, on ne les changerait pas. En revanche sur mon père il y avait à revoir. J’étais assez proche de lui, nous partagions pas mal de chose pour un homme occupé comme lui mais il était trop peu présent à mon goût. Même lorsque que je l’accompagnais à voyager aux quatre coins du monde, je ne pouvais le voir que quelques dizaines de minutes par soir parce qu’il passait le reste de sa journée à courir à droite à gauche pour décrocher de nouveaux contrats pour sa boîte de pharmaceutique ou pour pouvoir l’agrandir. J’aurais aimé qu’il soit plus présent, ma mère aussi d’ailleurs, mais c’était ça d’être le fils d’une avocate de renom et d’un pdg d’une boite de pharmaceutique n’ayant plus à faire sa place sur le marché…

« Hey Hunter ! Quoi ? Tu viens t’installer à Londres ? C’est génial ! On va pouvoir faire les quatre cents coups ensemble ! » La nouvelle que mon vieux cousin irlandais venait de m’annoncer me réjouissait. J’avais de nombreux amis, une belle bande, des gars très sympas, des filles adorables et très jolies mais aucun d’entre eux ne remplaçait la relation que j’avais avec mon cousin. Nous étions presque comme des frères, des frères qui ne vivent pas ensemble mais tout de même nous l’étions. Il me connaissait par cœur, il en était de même pour moi bien sûr. J’étais donc très agréablement surpris qu’il déménage pour me rejoindre ici. Mais bien sûr, il m’avait fait quelques cachoteries, ne me précisant pas qu’il n’était pas seul, en fait je connaissais Aislinn mais la distance avait fait que je ne la fréquentais pas plus que cela. Cependant à leur arrivée à Londres tout avait changé, j’étais devenu très proche des deux membres du couple, ils étaient vraiment très beau tous les deux et j’étais heureux de voir Hunter aussi heureux même si moi de mon côté je préférais enchainer les filles et en profiter plutôt que de me poser.

« Qu’est ce que tu as à t’exciter comme ça Ais ? » La demoiselle fouillait son sac en long en large et en travers alors que nous étions sur le quai du métro. « J’ai oublié mon téléphone à l’appart, attendez moi je vais le chercher. » A peine avait elle terminé sa phrase qu’elle était déjà partie en courant. Et à peine quelques minutes après qu’elle soit sortie du métro, l’impensable se produisit. Une explosion, une deuxième, une troisième, le flou pour moi puis un éclair de lucidité… Je voyais tout valser autour de moi, je me voyais coincé sous des tonnes de grava et impossible de voir Hunter autour de moi avant de retomber dans le noir profond.

« Il se reveille ! » Ce n’est qu’après plusieurs jours de comas et des blessures ne me laissant aucune séquelle que j’avais revu la lumière du jour. Aislinn était là à mes côtés, puis très vite mes parents étaient venus. Il n’y avait pas Hunter. Bien vite, j’avais appris qu’il était décédé dans l’accident un drame pour moi, j’avais eu bien du mal à m’en remettre. J’étais en vie, mon cousin était parti, laissant celle qu’il aimait là dans le désarroi le plus complet.

« Tu pourras dire ce que tu ne veux je ne partirai pas en droit international, relations je sais pas trop quoi ou commerce ! Ta boîte c’est ton rêve ! Pas le mien ! Je veux sauver des vies ! » Après m’être remis sur pied à la suite des attentats, j’avais dû trouver une orientation bien rapidement et mon père avait cru pouvoir s’en charger pour moi. Il était dans le commerce, dans les relations internationales, ma mère dans le droit, il avait cru bon de penser à ma place que comme eux j’aimerais ses branches mais ce n’était pas mon cas et je n’étais pas décidé à le laisser choisir à ma place quoi qu’il advienne.

« T’es sérieux ? Tu m’envoies à l’armée ? Sans me laisser le choix ? Ca t’a pas suffit de manquer de peu de me perdre en juillet ? » Sans m’en parler, à la suite de notre précédente discussion mon père m’avait inscrit à l’armée. J’avais découvert le pot aux roses la veille de mon départ en recevant la convocation et le lieu de ma première mission. Je n’avais pas le choix. Je partais le lendemain aux aurores pour une première mission de près de huit mois après être passé par le camp d’entrainement bien sûr. J’étais fou, fou de ce qu’il faisait de ma vie, fou de devoir quitter celle qui m’était d’un précieux soutien et pour qui je devais être de même.

« Oui je le veux ! » Nous étions déjà en aout deux mille treize, huit ans que j’étais dans l’armée, huit ans que je limitais mes retours à Londres pendant mes permissions. Il était trop dur de devoir rentrer pour serrer ma mère et Aislinn dans mes bras et de devoir les quitter sans savoir si je les reverrais. Je préférais passer mes permissions dans les quatre coins du monde et c’est ce qui m’avait conduit aujourd’hui à Los Angeles devant un curé déguisé en Elvis Presley pour dire oui à une magnifique blonde. Nous nous étions rencontrés très peu de temps après mon arrivée en ville et le courant était immédiatement passé, le coup de foudre était là. J’étais bien auprès d’elle mais elle comme moi savions que ce n’était que temporaire, que le bonheur était éphémère, qu’il faudrait à un moment précis que j’y retourne, que je retourne sur le front. C’est pourquoi nous avions décidé d’en profiter à fond, d’aller au bout des choses, au bout de notre folie, de notre bêtise et de nous dire oui à la va vite.

« Monsieur Montgomery, vous allez devoir rentrer en Angleterre auprès de votre famille. Le terrain s’est terminé pour vous, votre blessure est trop importante pour vous permettre d’y retourner. » Voilà plus de huit ans que j’offrais mes services à l’armée et c’était comme cela qu’il me remerciait, sans même me laisser le choix je devais rentrer. Lorsque mon état avait été jugé stable par les médecins, on m’avait transféré dans le meilleur hôpital de Londres. J’avais demandé à ce qu’on ne prévienne personne, je n’avais envie de voir personne et surtout pas d’affoler Aislinn. J’avais pris une balle lors qu’une mission qui n’aurait dû être que de la surveillance mais nous nous étions fait prendre par surprise et j’avais été touché. Cette foutue balle ne m’avait pas loupé puisqu’elle était venue perforer l’un de mes poumons me laissant comme mauvais souvenir une insuffisance respiratoire qui pourrait m’être fatale sur le long terme. Fin janvier, lorsque je m’étais remis sur pied, j’avais indiqué aux deux personnes importantes dans ma vie mon retour en ville pour de bon. J’avais trouvé un petit appartement sympathique dans le centre de Londres et j’avais commencé mon nouveau boulot dans l’administration… Ce n’était pas mon truc, c’est pourquoi je leur avais bien vite demandé s’il m’était possible de suivre une formation de journalisme, au moins je pourrais être reporter et retourner sur le terrain, un truc que j’avais réellement appris à apprécier pendant toutes ces années. Cela ne m’avait pas été refusé. A côté de cela, j’avais aussi entrepris de trouver un petit boulot dans un bar branché, ou une boite de nuit, ce milieu de la nuit que j’avais toujours aimé. Je rattrapais ma jeunesse en quelque sorte, bien conscient d’avoir mis ma vie entre parenthèse pendant de nombreuses années pour servir mon pays.