Il riait, de ce rire bruyant et grave qui sortait des poumons et du cœur. Où était la logique de cet homme de vouloir l'inviter à un dîner alors que Maura, dans sa conscience professionnelle, essayait de le repousser. Elle se redressa légèrement, comme pour mieux réfléchir à cette idée, courbant ses lèvres d'un faible rictus. Il essayait probablement de l'amadouer pour éviter la cellule de dégrisement ce soir. Elle se perdait dans la contemplation de la rue avant d'être rattrapée, par Julian dans un geste expert, calée contre son torse chaud. Son geste était langoureux, son souffle chatouillait ses joues, son odeur l'enivrait. Elle était prise au piège dans ses bras immenses et forts et elle posa, dans un geste aussi naturel que troublant, sa main sur le muscle de son bras, frôlant son épaule, la peau de son cou, l'épiderme brûlant, malgré la fraicheur de la soirée. Son esprit se perdait dans la contemplation de sa bouche, dans le mouvement de ses lèvres qui se mouvaient avec lenteur pour des mots qu'elle n'écoutait même plus. Troublée, Julian occupait toutes ses pensées alors qu'elle réalisait ne pas s'être retrouvée dans l'étreinte d'un homme depuis trop longtemps. Elle en observait chaque parcelle de son visage, son nez si fin, le marron de ses iris, la blessure à sa lèvre. « Pour info, je pense que j’arriverais à me détacher. Et aussi. Vous êtes complètement tombé sous mon charme. » Elle sentait son souffle chaud dans le creux de son oreille, sur ses mèches blondes qui recouvraient sa peau. Elle vacilla une seconde et elle resta ainsi un moment, le regard fixé sur Julian, sur ses lèvres humides qui accueillaient une nouvelle cigarette dont elle jalousait la place. « Vous avez dû vous battre à propos d'une femme, une histoire d'égo. C'est ma théorie. En général, les hommes se battent pour deux choses, les femmes ou leur voiture. » Elle essayait de redevenir maitresse de son corps et ses pensées. Elle balaya l'air de ses cheveux trop blonds, Maura, marchant à ses côtés comme si elle avait été son ombre. La Lune arpentait les rues, le bitume de Londres illuminait par quelques éclats, faisant apparaître leurs silhouettes en ombres chinoises sur les murs. Ses doigts tripotaient toujours l'insigne accrochée à sa ceinture, comme pour se laisser du temps avant de faire quelque chose. Elle ne supportait plus la proximité de Julian et si elle avait pu, sans aucun doute que Maura lui aurait royalement tourné le dos. Le coin de la rue était tout près, à peine à quelques mètres, près d'une épicerie italienne aux produits du sud de son enfance. Elle s'arrêta brusquement à côté de la vitrine, étouffant presque sous le regard brûlant de Julian. Sa main effleurait parfois la sienne, dans une lente caresse involontaire. Il n'était qu'un voyou de plus sur la longue liste des hommes qu'elle avait un jour mis en prison. Mais les frissons dans ses doigts, dans son corps tout entier n'était pas le fruit de son imagination et Maura eut presque honte de mettre ça sur la proximité de cet homme dont elle ne connaissait absolument rien. Elle s'approcha, l'obligeant à reculer jusqu'à ce qu'il touche le magasin de son dos. Sa main libre glissa sur le mur, à quelques centimètres du visage de Julian. Ses gestes étaient timides, maladroits, Lyanna avait des théories complètement folles sur la séduction mais ce n'était ni l'heure, ni le moment de les mettre en pratique. Pendant leur rendez-vous, peut-être. Mais pas maintenant. « Vous n'arrêtez donc jamais ? Si je refuse de vous draguer, techniquement c'est parce que je ne suis pas intéressée. » Soupirant, elle jette une mèche blonde derrière son oreille. « Je travaille, vous me troublez. Vous n'avez pas compris, alors je vais répéter pour être claire ; je donne les ordres et vous écoutez. On va au commissariat. » Elle avait l'impression de voler et de se noyer, les deux en même temps. Elle était flic, elle régnait de son autorité inébranlable, mais pas ce soir. Elle se sentait si bête. « Le reste, ça attendra notre rendez-vous. Et pour info, vous avez dit être capable de vous détacher. Essayez. »