@1 :14am« Vous êtes bien au cabinet du Dr Carolyn Rhodes. Je suis absente pour le moment mais n’hésitez pas à me laisser un message, j’essaierais de vous rappeler dans les plus brefs délais. »
Tapez 1 pour réécouter votre message ou tapez 2 pour le supprimer. Oui bonjour docteur c’est Avery Moore. Je sais qu’il est tard, à vrai dire il est même très tard puisque vous devez dormir, mais j’ai besoin de parler à quelqu’un. Le moment est mal choisi j’en suis navré, je vais essayer de faire vite. Vous savez je ressens comme un malaise, j’ai l’impression que quelque chose reste inexpliqué mais je ne saurais pas dire quoi. Hum… Ouais je ressens un malaise. Comme si c’était de ma faute vous voyez ? Le fait qu’ils soient morts, j’aurais dû imaginer ce qui leur est arrivé. C’était prévisible non ? Moi j’en suis persuadé. Et me voilà à ruminer cette histoire alors qu’elle devrait être enterrée depuis longtemps. J’ai envie d’avancer mais je suis sans cesse ramené à ma vie passée, à ce que j’ai fait… J’ai l’impression qu’il n’y a pas de solution pour tenter de se racheter. N’est-ce pas ? Les monstres restent monstres toute leur vie c’est bien connu. Je crois que j’en fait partie. Je vous en prie, n’essayez pas de me convaincre du contraire, on sait tous les deux quel tempérament je possède.
Voilà, je crois que c’est tout. Bonne nuit.
@3 :41am« Vous êtes bien au cabinet du Dr Carolyn Rhodes. Je suis absente pour le moment mais n’hésitez pas à me laisser un message, j’essaierais de vous rappeler dans les plus brefs délais. »
Tapez 1 pour réécouter votre message ou tapez 2 pour le supprimer. Oui docteur c’est Avery. J’ai cette idée dans la tête, j’arrive pas à la chasser de mon esprit. Vous savez cette idée que je suis le seul responsable. Je le suis n’est-ce pas ? N’essayez pas de mentir, je le sais. Je le sais. Je le sais je vous dis. Ne me mentez pas. J’ai horreur de ça.
@5 :02am« Vous êtes bien au cabinet du Dr Carolyn Rhodes. Je suis absente pour le moment mais n’hésitez pas à me laisser un message, j’essaierais de vous rappeler dans les plus brefs délais. »
Tapez 1 pour réécouter votre message ou tapez 2 pour le supprimer. Pourquoi vous ne m’avez pas dit directement que c’était moi le coupable ? Pendant tout ce temps vous me cachiez la vérité pour quoi ? Pour me préserver ? Je ne suis pas en sucre, je peux endosser l’idée que j’ai tué mes propres parents vous savez. Cette putain de balle de tennis de merde, j’aurais pu l’arrêter. Et ce connard de Mark, je lui referais bien le portrait si je le revoyais. Quel con. Putain quel con.
@8 :57am« Vous êtes bien au cabinet du Dr Carolyn Rhodes. Je suis absente pour le moment mais n’hésitez pas à me laisser un message, j’essaierais de vous rappeler dans les plus brefs délais. »
Tapez 1 pour réécouter votre message ou tapez 2 pour le supprimer. Bonjour, c’est Avery. Je tiens à m’excuser pour tout. Voilà. Ca sert à rien de s’attarder sur les messages que je vous ai laissé. Je suis désolé. Bonne journée.
We didn't need a story, we didn't need a real world. We just had to keep walking and we became the stories, we became the places. We were the lights, the deserts, the faraway worlds. We were you before you even existed. We carry on and carry on. Follow us, we are all one. Battles fought, deed is done but silver hum runs dark and strong. Hand to the heart, lips to the horn, we can stand we can say we can be reborn. Hand on my breast, I'll keep you warm.- Barrez-vous, connards !
- Cassez-vous d’ici sacs à merde !
- Bande de connards, foutez le camp d’Irlande !
- Cassez-vous de ce pays ! On veut pas de vous ici !
Nos voix s’élèvent à l’unissons tandis que l’ennemi gagne du terrain sur notre terre, notre territoire. C’est un regard plein de haine, de colère mais aussi de dégoût que nous lançons aux différents soldats anglais qui forment une barrière humaine sur toute la largeur de la rue. Putain de protestants. Nous les détestons, je les déteste. Quelle est la raison de toute cette rancœur ? Une histoire vieille comme le monde à ce qu’il paraît. En ce qui me concerne, on m’a appris à les haïr, je suis formé à les détester et à leur tenir tête. Ici, pas besoin de blason ou de tout autre signe distinctif pour différencier les méchants des gentils. Tout le monde se connaît, ou presque. Moi tout ce que je sais c’est que personne n’ignore qui NOUS sommes. C’est à la fois un sentiment de fierté et d’incompréhension que je ressens à chaque fois que je me fais cette réflexion. La fierté, bien-sûr, car j’ai l’impression d’être une superstar de mon époque mais probablement pas pour les mêmes raisons. L’incompréhension, car dans le fond ce que l’on fait c’est mal, non ? Quelle gloire pouvons-nous tirer de toute cette souffrance et de tout ce chao ? Dans le fond, j’essaye de ne pas trop y penser. Trop réfléchir à ce genre de choses ça « bouffe un cerveau sain » d’après mon paternel. Lui, il fait ça depuis qu’il est tout petit, comme moi. C’est pour ça que j’ai commencé jeune et que mon initiation s’est faite plus rapidement que certains de mes acolytes. Je suis « un fils de ». Je suis le fils Moore, le fils unique, celui en qui on voue une confiance quasi aveugle. J’avoue que parfois ça me dépasse, tout simplement parce que les gens basent l’opinion qu’ils ont de moi sur la réputation de mon père et sur ce qu’il était à mon âge. Je dois dire que ç’a ses avantages et ses inconvénients.
L’air est à la limite du respirable tandis que des restes de voitures brûlées continuent de rouiller sur les côtés de la rue. On se croirait sur un champ de bataille. Plusieurs maisons en ruines menacent de s’effondrer et tout ce qui pouvait ressembler à un quartier paisible et pittoresque est désormais compromis. Il n’y a plus de place pour la tranquillité, plus de place pour la paix. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. Mes parents m’ont promis de fêter ça dignement lorsque le boulot sera terminé. J’ai peur qu’ils ne puissent pas tenir parole. Le truc avec les conflits, c’est qu’ils ne prennent jamais totalement fins, en tout cas pas en Irlande et sûrement pas quand tout un plotons d’anglais menacent de nous tomber sur la tronche. De jour comme de nuit, c’est souvent la même bataille et l’heure est rarement aux festivités et encore moins aux moments en famille. Mon père dit fréquemment que la vie doit être faite sur des sacrifices, je pense qu’il a raison car il y a toujours une part de vérité dans ce qu’il dit ou ce qu’il pense.
- Vous vous prenez pour qui ? Ici c’est l’Irlande !
- Dégagez d’ici ! Rentrez chez vous !
- Connards !Derrière nous, une foule composée de multiples visages commence à s’amasser. Je reconnais des commerçants du coin, des chauffeurs de bus, des voisins et d’autres personnes que j’ai l’habitude de croiser ici, chez moi. Le ton monte tandis que nous rentrons en collision avec le bataillon militaire. L’atmosphère devient électrique, sanglante. Injures et protestations sont désormais les seuls mots, les seules phrases qui se font entendre dans cette assemblée révolutionnaire. Je me retrouve alors soulevé dans les airs puis la seconde d’après, installé sur les épaules de mon oncle, Chuck. Je sais immédiatement ce que je dois faire. Je jette un rapide regard à mes amis, ces garçons de mon âge qui comme moi, se sont vus enrôler dans quelque chose qui devrait normalement les dépasser. Sans perdre un instant, je saisis des pierres dissimulées dans les poches avant de ma veste et m’empresse de les lancer sur ceux venus représenter l’ordre. L’ordre de mon cul oui !
Ceux venus nous soutenir imitent alors rapidement nos gestes, se munissant de tout ce qu’ils peuvent trouver sur le sol. La violence semble être à son point culminant et pourtant… un coup de feu se fait entendre.
- Ne tirez pas ! Baisser vos armes ! s’écrie le général anglais.
Halte au feu ! Un mouvement de panique se fait sentir. Les plus téméraires tiennent leur poste de combat tandis que les plus peureux partent en courant, craignant un débordement trop difficile à gérer. Dans l’agitation, je me retrouve à terre, piétiné par ceux qui préfèrent nous abandonner. Un deuxième coup de feu. Puis un troisième. Une femme s’effondre à mes côtés. Je remarque immédiatement ce trou béant, rouge vif, qui lui perce la poitrine. Son sang s’écoule jusqu’à mes avant-bras et vient tâcher mes vêtements. J’entends alors les cris d’horreur d’un homme qui se laisse tomber à genoux à mes côtés. Incapable de réagir, j’assiste à la scène, pétrifié.
- Avery, dégage de là !
- Allez lève-toi !Je reconnais la voix de mes parents. Mon père m’aide à me relever avant de donner une tape sur l’épaule de l’homme en deuil.
- Les gars s’occupent de la suite Colin, tu seras vengé, n’aies crainte.
L’homme acquiesce puis se relève pour nous suivre hors de cette foule destructrice que rien ne semble pouvoir arrêter. A gauche, comme à droite, le chao règne et semble toucher chaque individu présent. Je perçois un léger sourire sur les lèvres de mon père, le genre de sourire victorieux que je lui connais bien. Ma mère semble aussi ravie que lui et je ne peux pas m’empêcher de penser qu’ils ont tous les deux quelque chose derrière la tête.
Sur les ordres de mon père, je rejoins un bar à quelques rues d’ici. Liam, Mark et Eileen m’y attendent déjà. Tous semblent aussi amochés que moi et je ne peux pas m’empêcher de me sentir rassurer de les voir tous les trois assis sagement au comptoir.
- Ah bah te voilà ! - Désolé les gars, j’ai été retenu. - Sacrée baston, la prochaine sera encore meilleure.
J’hausse les épaules. Pour moi, une baston reste une baston. J’observe mes trois amis du coin de l’œil. Aucune peur, aucune angoisse n’est perceptible dans leur comportement ni même dans le son de leur voix. Nous nous connaissons depuis le temps des couches culottes et des biberons, il serait donc difficile de cacher quoique ce soit auquel cas la personne se ferait immédiatement repérer. Encore une fois, ç’a ses avantages et ses inconvénients. On ne peut pas dire qu’à l’âge de 11 ans nous soyons de véritables experts mais disons simplement que nous tenons ardemment à nous en rapprocher car c’est de cette façon que les choses tournent pour les enfants comme nous.
- Avery ton père veut te voir dehors. Je descends de mon tabouret et file à l’extérieur du bar suivi de mes trois camarades, bien trop curieux pour rester sagement à m’attendre.
Dehors, mes parents et d’autres membres de l’IRA conversent sur le prochain coup qui aura lieu ce soir. Pas de répit pour les anglais, après tout ils l’ont largement mérité. Un objet technique que je ne connais que trop bien est posé délicatement sur la table.
- Je vous présente la toute dernière bombe de l’IRA. Un vrai petit bijou, dit fièrement Chuck, le frère cadet de mon père. J’ai toujours aimé mon oncle. Il a ce côté cool et relax que tout oncle devrait posséder. Je lui souris alors, partageant son enthousiasme.
- Va nous chercher des bières Avery tu veux ? J’hoche positivement la tête puis m’empresse d’aller passer commande auprès du barman, un ami de la famille. Du coin de l’œil, je j’aperçois Liam et Eileen qui ricanent et s’amusent avec une balle de tennis visiblement usée par l’âge. Un mauvais pressentiment me fait alors l’effet d’une désagréable lourdeur dans l’estomac. Je me tourne vers mon père, lui sourit, tandis qu’un objet fluo apparaît subitement dans mon champ de vision avant de s’écraser sur la table autour de laquelle ils m’attendent tous patiemment, blaguant, riant, vivant.
BOOM !