i got that fire in my soul (robin)

Madagascar, 2013

Tout ici était dépaysant, la culture, la langue, les paysages. Madagascar n’avait rien à voir avec l’Angleterre. C’était un mode de vie totalement différent du notre, de celui auquel j’étais habitué. A travers les yeux des habitants, je découvrais une autre façon de voir la vie, d’apprécier la simplicité des choses. M’en aller, partir et découvrir le monde m’avait toujours fait rêver. C’était un projet que je gardais dans un coin de ma tête pour plus tard, pour le moment venu. Parce que j’avais d’autres priorités, d’autres plans. Ou peut-être, tout simplement, parce que je n’avais pas le courage de tout abandonner pour partir à l’autre bout du monde. Je ne l’aurais sans doute jamais fait si l’opportunité ne s’était pas présentée à moi. Une mission humanitaire. Venir en aide à des personnes dans le besoin, apporter des soins à ceux qui n’ont pas la chance d’en bénéficier. Ce que je faisais ici n’avait rien à voir avec ce que je faisais à Londres, enfermé dans un bloc opératoire. Le contact avec les patients étaient différent, c’était une autre approche, plus ouverte, plus personnelle. Une main agrippa le tissu de mon pantalon, je baissai les yeux vers cette dernière et un sourire traversa mes lèvres. Je me baissai pour être à la hauteur du petit garçon. « Qu’est-ce que c’est ? » Demandai-je, désignant la feuille qu’il tenait entre les mains. Timidement, il me tendit le dessin qu’il avait fait et un sourire apparut sur les lèvres de l’enfant. C’était pour ça que j’étais ici, pour voir ces sourires se dessiner sur le visage de toutes ces personnes, pour voir l’espoir renaître dans leur regard. Parce qu’ils le méritaient, ils le méritaient tous.

Londres, 2013

La pluie continuait de tomber en trombe, un bruit presque assourdissant recouvrait le son qui émanait de la télévision. Mon regard se posa sur la fenêtre, sur les gouttes d’eau qui glissaient sur cette dernière, je focalisais mon attention dessus pour calmer le flot de mes pensées. Les pulsations de mon cœur n’avaient cessés de s’accélérer depuis qu’elle était arrivée. Olivia. J’attrapai une de ses mains et vins entrelacer nos doigts. Le contact de sa peau sur la mienne me rassurait. Elle était la source de mon stress et, étrangement, le remède à ce dernier. J’approchai doucement mon visage du sien. « Tu devrais m’épouser. » Murmurai-je, au creux de son oreille. Son regard quitta l’écran de télévision pour venir se perdre dans le mien. Les plis de son front traduisaient son étonnement. « Je devrais ? » J’acquiesçai d’un hochement de tête. Un sourire se dessina discrètement sur le coin de mes lèvres en remarquant ses sourcils se froncer. Ce n’était pas une demande conventionnelle, ce n’était même pas une vraie demande. Mais, notre relation ne l’était pas, conventionnelle. Livy était entrée dans ma vie, dans mon cœur, sans que je ne m’en rende compte. Mon regard s’était posé sur cette jeune femme, installée dans un coin reculé, un appareil photo à la main, pour capturer un instant qui resterait figé sur le papier. Je pouvais encore ressentir les frissons qui avaient parcourus mon corps lorsque ses prunelles olive s’étaient posées sur moi. J’ignorais à quoi pouvait bien ressembler le coup de foudre, je n’y croyais pas. Pourtant, elle avait réussi à se frayer un chemin jusqu’à mon cœur à la seconde où ses yeux s’étaient posés sur moi. « Pourquoi ? » Je haussai les épaules, détournant le regard, d’un air détaché. « Parce que j’ai acheté une bague. » Je reportai mon attention sur Olivia, me pinçant la lèvre pour ne pas sourire. C’était rapide, ça ne faisait que quelques mois, mais à quoi bon attendre lorsque l’on sait qu’il s’agit de la personne que l’on veut garder à ses côtés. Un sourire traversa ses lèvres et je ne pus m’empêcher de laisser échapper un rire nerveux. « J’ai pas l’intention de la revendre, t’es obligé d’accepter. » Elle encadra mon visage entre ses mains et captura mes lèvres. Mes paupières se fermèrent instinctivement alors que je lui rendais son baiser. « Puisque je n’ai pas le choix. » Souffla-t-elle dans un sourire.

Londres, 2016

Ses doigts glissèrent dans mes cheveux, je fermais les yeux au contact de sa peau sur la mienne. Un frisson parcourut mon corps, une boule se forma au fond de ma gorge. Ses caresses n’avaient plus le même effet, plus la même douceur. Tout semblait différent. Tout semblait irréel. « Je ne veux pas oublier mes propres enfants. C’est mieux ainsi, Robin. » Mieux ainsi. Je rouvris les yeux, fixant le vide devant moi. Comment cela pouvait-il être mieux ainsi ? Refuser de vivre pleinement par peur de ne pas pouvoir en profiter assez n’était pas mieux. Je tournai la tête pour croiser son regard et vins glisser une main sur sa joue creuse. J’avais fini par comprendre ses silences, ses mensonges, la raison de ses choix. Savoir que ses souvenirs allaient s’en aller, disparaitre, l’effrayait. Savoir qu’elle me l’avait caché durant tous ces mois me blessait. Maintenant, je comprenais. Pourquoi elle avait menti, pourquoi elle n’avait rien dit. Pourtant, je ne pouvais effacer ces mois de disputes et d’incompréhension. Je laissai retomber ma main le long de mon corps et mon regard se posa sur le tiroir de la table de nuit, ce même tiroir qui renfermait les papiers du divorce. Ces papiers qui n’attendaient plus que nos deux signatures. Ces papiers que je n’étais plus sûr de vouloir signer, ceux qui me faisaient culpabiliser, jour après jour, mais dont je ne parvenais à me séparer. Nos disputes avaient laissées un fossé s’installer entre nous, nous avaient éloignés, plus qu’elle ne voulait l’admettre. Je ne pouvais faire semblant que rien n’avait changé, tout avait changé. « Moi, tu vas m’oublier. » Soufflai-je dans un murmure. « Probablement, un jour. Seulement à certains moments. » Un soupir passa mes lèvres. C’était inévitable, elle finirait par oublier, par m’oublier. Pas aujourd’hui, pas dans les jours à venir, mais ça allait arriver. Elle m’oublierait, ainsi que nos souvenirs, nos moments heureux, tout.