(Joan & Romane) Embarrassing moments...

Mais qu’est-ce que je fais là moi ? Je me retrouvais dans une gare de métro. Je ne prends jamais le métro. Je me surprenais à arpenter les couloirs pour emprunter le prochain tube qui me mènerait à l’opposé de la ville. Habituellement je me promène dans Londres, assise confortablement dans un taxi. Cependant aujourd’hui, et j’ignore encore pourtant, les chauffeurs avaient décidés de faire grève. N’ont-ils vraiment rien d’autre à faire de leur journée ? Ça semble tellement amusant pour eux d’emmerder les utilisateurs réguliers de ce mode de transport. Quoi qu’il en soit, j’étais vraiment très énervée de me retrouver ici, face à la majorité de la population londonienne. Je n’aime pas vraiment les gens. Ils m’insupportent facilement. Et au vu du comportement général dans cette vie sous le sol, le trajet va me sembler trop long. Je n’ai qu’une hâte. Celle d’être déjà de retour chez moi, au cœur de mon appartement. Malheureusement, je n’ai pas la possibilité de rentrer directement. Je suis une jeune demoiselle un peu trop professionnelle. Par conséquent, je ne veux pas reporter ce rendez-vous, très important, qui m’attend à l’autre gare de métro. Mon portable entre les mains, je me mets à chercher les horaires de la ligne concernée par mon trajet. N’ayant pas l’habitude, je ne savais pas trop où je pouvais les trouver sur place et j’avais donc reporté mon attention sur mon téléphone. Je sais que je suis très accro à ce dernier et pourtant, aujourd’hui, il allait me sauver la vie. J’exagère un peu, comme toujours. Mais je ne voulais ni perdre mon temps et encore moins rester dans cet endroit. Je ne m’y sens pas à l’aise et je suis perdue. Ce qui ne me correspond pas.

Cependant, si bas sous terre, le réseau était un peu lent. Je commençais à perdre patience. Je n’aime pas trop attendre. Une fois mon heure de départ dans la tête, je range mon portable au fond de la poche de mon manteau. Je me remets en route et j’emprunte l’un des escaliers de la station. L’affluence ne permet pas d’avancer à l’allure que l’on voudrait et je me retrouvai rapidement derrière une jeune femme en difficulté. Elle semblait porter une valise un peu lourde. Au début, l’idée de passer à côté d’elle sans même m’arrêter me traversa l’esprit. Pourtant je m’arrêtai subitement. Sans doute qu’à sa place j’aurais aimé que quelqu’un s’arrête pour me donner un coup de main. Après tout, une fois ce geste d’entraide accompli, j’aurai sans doute meilleure conscience. Celle de me dire que j’ai fait ma bonne action de la journée. Encore faut-il que nous arrivions au-dessus des escaliers. Je reste une demoiselle et les muscles ne font pas vraiment partie de mon anatomie. Ce que tout le monde peut facilement remarquer.  « Attendez. Je vais vous aider. » Je m’approche de la jeune femme. Je fais en sorte de caler mon sac à main sur mon épaule. Je ne veux pas être dérangée pendant mon aide. Je me positionne derrière la jeune en essayant de trouver un point d’attache sur la valise pour l’aider à la soulever. Elle est vraiment lourde. « Dites-moi, vous avez emporté des briques là-dedans ? » Je regrettais déjà d'avoir proposé mon aide. Je prenais le risque de me blesser. Mais trop tard, je ne peux malheureusement pas revenir en arrière et partir sans même essayer de l'aider à avancer.  

En ce moment la situation n’était pas idéal. Jenny, la meilleure amie de Joan et coloc depuis qu’elle l’ait sauvé des dortoirs universitaires, lui avait gentiment demandé de se trouver une nouvelle maison. Cette dernière, enceinte depuis peu, voulait emménager avec son copain et vu que c’était son appartement, Joan n’avait pas trop le choix, elle devait aller ailleurs. Pour ne pas mettre son amie dans l’embarras, elle lui avait menti en lui disant qu’elle avait déjà trouvé un petit appartement. En réalité, elle vivait chez son frère depuis plusieurs mois déjà, sans vraiment se soucier de trouver autre chose. Ses affaires s’accumulaient en carton dans les recoins des pièces et tout n’était même pas encore présent. Joan était une grande fan de mode et malheureusement pour elle, la moitié de ses vêtements étaient encore Jenny. Elle y avait notamment laissé ses vêtements un peu olé olé et tout ce qui n’allait pas lui servir chez son frère. Légèrement insouciante, elle pensait que tout pouvait encore rester là bas sauf que les deux amoureux voulaient refaire la chambre de Joan pour la transformer en chambre d’enfant et sa célèbre collection de jouet érotique n’y avait pas sa place.

Elle avait donc passé quelques heures à faire rentrer tout et n’importe quoi dans sa valise. Elle n’avait fait aucun tri, mettant tout en vrac dans sa valise prête à craquer. Joan avait tendance à acheter de façon excessive tout ce qui lui passait devant. Du coup dans cette fameuse valise on pouvait retrouver des dessous très très coquins que l’on ne trouve que dans des sexshop mais aussi une combinaison de pyjama moelleuse représentant un koala. On pouvait aussi y trouver le coffret de Cinquante Nuance de Grey qu’elle avait honte de lire car ce n’était pas de la littérature mais seulement un vieux livre pour exciter de la ménagère. Il y avait aussi ses doudous d’enfance qu’elle n’avait jamais osé jeter dont monsieur Lapinou, un petit lapin avec une oreille arraché et un oeil qui pendouillait dangereusement. Pour faire court, cette valise était un bordel complet, regroupant tout et n’importe quoi mais surtout prête à exploser à tout moment. Elle était tellement rempli qu’elle avait dû s’asseoir dessus pour la fermer!

La voilà donc dans les transports maudissant de ne pas avoir d’argent pour se permettre une course en taxi. Elle avait galéré à la descendre dans le métro et elle n’avait pas hâte de faire son changement qui était pire que tout! D’ailleurs le voici, elle descendit difficilement du train, les gens la poussant et râlant sur sa lenteur comme si cela allait vraiment l’aider! Joan était donc seule face à son pire ennemi du moment : l’escalier. Elle prit les devant et tira sa valise, chaque marche était plus dur que la précédente, les minutes passaient sans qu’elle est l’impression de véritablement avancer. Évidemment personne ne s’était arrêté pour l’aider malgré ses cris de désespoir, enfin personne sauf une jeune femme légèrement plus mince qu’elle avec un regard perçant. Elle lui proposa de l’aide et sans une seconde à perdre, empoigna sa valise.

« Merci beaucoup! Je galère depuis un petit moment et personne ne s’était proposé » Au vu de la tête de l’inconnu, elle devait regretter instantanément d’avoir proposé de l’aider vu comment ce truc était lourd. « Les briques auraient sans doute été plus légère! ». Elles avancèrent un peu mais très difficilement. « Je déménage, il y a une grande partie de… » elle n’eut pas le temps de finir que la poignet qu’elle tenait pour tirer sa valise, s’arracha…

La patience et moi, ça fait deux. Cela se voyait parfaitement sur mon visage, quand j’essayais tant bien que mal d’éviter un maximum la foule humaine. Se faire bousculer de chaque côté commençait à m’exaspérer. Si les gens ne savent pas passer dans des endroits restreints sans cogner les autres, ils n’ont qu’à faire un régime. Il suffit de me regarder. Je passe partout sans même bousculer quelqu’un. J’ai toujours cette fâcheuse tendance à critiquer les gens et à me trouver parfaite. Après tout, je le suis et je ne vois pas pourquoi je ne me servirais pas d’exemple. Quoi qu’il en soit, c’était la dernière fois que je prenais ces maudits transports en commun.

L’heure de départ de mon métro approche. Je me lève et je prends la direction des escaliers pour rejoindre la voie où je suis censée embarquer. J’aime encore bien marcher. Il m’arrive souvent de faire les courts déplacements à pied. Le temps que j’appelle un taxi, je suis déjà arrivée à mon lieu de rendez-vous. Il faut avoir beaucoup de patience quand on vit à Londres et c’est loin d’être mon cas. Habituellement, quand je marche, j’avance très vite. C’était donc difficile pour moi de suivre la lente allure des touristes et travailleurs présent dans le tube. C’est à ce moment que je vis cette demoiselle en difficulté. Je mis quelques longues secondes pour trouver en moi la motivation de lui venir en aide. Je suis loin d’être la personne la plus aimable au monde. Je passe souvent mon chemin, faisant semblant de n’avoir pas vu la difficulté qui habitent les personnes que je croise. Mais cette fois, j’allais tenter de me comporter en adulte. En une jeune femme bien sympathique. Ce que je suis loin d’être. Tous ceux qui me connaissent le savent. J’avais donc proposé mon aide à la jeune demoiselle. Elle me ressemblait. Dans le sens où elle avait plus ou moins la même couleur de cheveux que moi. J’aurais aussi parié qu’on avait plus ou moins le même âge.  Il s’avère que ces petits détails ont joué dans la balance de mon bon côté samaritain. Elle me remercia immédiatement. Je compris rapidement pourquoi personne ne semblait vouloir l’aider. Je vais y laisser le peu de muscle qui orne mes bras. Elle est vraiment lourde la valise. A croire qu’elle transportait des matériaux de construction. Toute façon je ne voulais pas savoir ce qu’il y avait dedans, ça ne me regardait pas. Mais en quelques secondes, le poids me sembla plus léger. Au début, je pensais que je m’étais faite à l’idée que c’était lourd mais quand je baissai la tête, il en fut autrement. La diminution du poids s’expliqua par le fait que la moitié des affaires de la demoiselle se sont faites la mal. Je commence par analyser les faits. Elle tient la poignée de la valise dans la main et la valise elle, est tombée par terre. Il manquait plus que ça. « Ca ne va pas nous aider pour avancer. » En effet. Mes yeux se portèrent naturellement sur les affaires éparpillées sur les escaliers, principalement des sous-vêtements. Là mon regard se posa sur une culote que l’on qualifie de « grand-mère ». Le genre de truc pas très sexy. Je serais honteuse qu’on puisse imaginer que je porte ce genre de tenue. Naturellement mes lèvres s’élargissent en un sourire avant de finir dans un rire. Je reconnaissais que je me moquais un peu de la demoiselle. Faute à la situation.  « Vous portez réellement ce genre de chose ?. » S’il s’avère que oui, elle ne doit pas avoir de petit copain. Sinon je le plains d’avoir une vue la dessus. C’est loin d’être sexy.

La situation aurait pu enfin se débloquer, elle aurait pu finir de gravir les marches, prendre sa correspondances et rentrer tranquillement chez son frère mais le destin en a voulu autrement. Joan se disait souvent qu’elle devait être maudite, comment pouvait-elle avoir aussi peu de chance? Rien qu’hier avant d’aller au travail, elle avait cassé son talon et renverser son café brulant dans le décolleté de son chemisier, la chaleur de la boisson avait commencé à lui bruler la peau et par un réflexe étrange, elle avait retiré son haut en pleine rue. Maintenant il fallait que ce soit sa seule valise qui casse et dégringole, offrant son contenu aux yeux de tous. Évidemment parmi tout le bordel à l’intérieur, il fallait que ce soit ses culottes de grand mère qui apparaissent en première.

La jeune femme qui avait voulu l’aider fit un très d’esprit en affirmant que l’état de la valise n’allait pas les aider. Elle aurait bien soufflé en articulant quelque chose comme « nan vraiment ? » mais cette pauvre femme était déjà bien gentille de rester avec elle dans cette galère, pas la peine d’être désagréable. Du moins, c’est ce qu’elle s’était dit avant d’entendre la belle inconnue rire devant ses sous-vêtements. Joan avait tendance à ignorer la honte mais là, elle était un peu vexée. Les rires avaient attirés quelques curieux qui en passant à côté, laissaient entendre quelques ricanements. Tout le monde avait décidé de se foutre de sa gueule, elle se serait bien défendu en disant qu’elle avait aussi de la belle lingerie mais la vérité était tout autre. Oui elle avait de la lingerie sexy mais sa vie sexuelle et sentimentale était tellement à l’abandon, qu’elle ne se rasait même plus vraiment les jambes sans parler des culottes de grand-mère.

« Elles sont très confortables! » dit-elle en protestant mollement. « Ne me dites pas que vous ne portez que de la lingerie fine tout le temps. Il y a bien des moments où vous ne sortez pas comme ça » Joan montra du doigt la tenue de la jeune femme, ainsi que sa coquetterie de manière général. L’inconnue était en effet très apprêtée, du moins dans la vision de Joan. Il faut dire qu’elle ne se maquillait quasiment pas et qu’aujourd’hui particulièrement elle n’était pas coiffé et portait des vêtements mal taillé. En même temps elle était partie déménager elle n’allait pas mettre une petite robe! Alors que Dieu sait qu’elle adore les vêtements et qu’elle fait beaucoup de shopping mais clairement pas dans les même endroits que la femme en face d’elle. Un maquillage impeccable, des ongles manucurés, une coiffure qui tient, des vêtements de bonne qualité qui collait parfaitement à sa morphologie, elle était canon. Attention, je vous vois venir, oui Joan la trouvait belle mais ce n’était pas du tout son type de femme pour autant.

« Vous avez une idée de ce que je peux faire maintenant ? » demanda-t-elle en descendant les marches pour commencer à remettre ses affaires dans sa valise. Autant rapidement planquer les culottes de vieille! Et encore elle n’avait pas vu sa combinaison pyjama en forme de Koala. A ce stade, cette fille allait avoir un infarctus!

Il est rare que je sois une personne aimable et gentille. Enfin avec les inconnus, cela va de soi. Avec mes amis et mes proches, je suis quand même quelqu’un d’agréable. Mais les gens qui voient quotidiennement cet aspect de ma personnalité sont rares. Pour une fois j’avais eu la mauvaise idée d’étendre ce trait de ma personnalité au monde extérieur. Je ne sais pas ce qu’il s’était passé, j’avais dû avoir une absence, décrocher l’espace d’un instant de la réalité. Sinon je n’aurais jamais proposé mon aide à une parfaite inconnue. La société actuelle est très souvent qualifiée d’égoïste et je ne déroge pas à cette règle. Je n’aime pas rendre services. Après tout dans le sens inverse, je ne suis pas sûre que quelqu’un accepte de m’aider. En attendant, je me retrouvais à essayer de porter une valise qui pesait une tonne. Je ne suis pas très grosse et c’est toujours difficile pour moi de porter quelque chose de lourd. J’ai toujours cette impression qu’un de mes membres va lâcher avec le poids. Je ne supporterais pas de me retrouver « handicapée », même pour quelques jours à cause de ma bonne action.

Tout devint encore plus compliqué quand la valise céda sous son poids. Cette jeune femme allait devoir apprendre à transporter ses affaires en plusieurs fois sinon elle risquerait de faire face à d’autres problèmes identiques. Pour couronner le tout, une partie des sous-vêtements de l’inconnue était à la vue de tout le monde. Jamais ce genre de choses ne pourrait m’arriver car je les place toujours dans un sac qui lui-même est dans ma valise. Étant très maniaque, je fais attention à tellement de détails que beaucoup trouvent inutiles. Au moins je ne serais pas victime de moqueries comme cette demoiselle. C’était plus fort que moi, je n’arrivais pas à ne pas rire. C’est une situation gênante pour elle et pourtant je n’arrive pas à me retenir.  « Je ne doute pas du tout du confort. » en effet ça semblait très confortable mais je ne pouvais pas juger. Cela fait des années que je n’avais plus porté quelque chose de ce genre. « Pourtant c’est le cas. Même si cela ne se voit pas sous les vêtements, j’aurais honte de porter cela. Mais après tout chacun fait comme il veut dans son intimité. » Cependant l’intimité de la jeune femme était visible à toute la société. Me concernant, je fais super attention à mon image et même sous ma tenue. Pourtant je suis la seule à admirer mes sous-vêtements sauf quelques garçons de temps en temps. Mais cela se fait très rare ces derniers temps.

J’essayais de garder mon calme et de ne plus rire. J’avais compris que j’avais vexée la demoiselle. À sa place je l’aurais été aussi. Elle me faisait un peu de peine au vu du calvaire qui était le sien désormais. Comment allait-elle faire ? Quand elle me posa la question, je ne savais pas trop ce que je pouvais lui répondre. Elle ne semblait pas avoir une autre valise sous la main. « Vous pouvez toujours aller acheter une nouvelle valise ? » Personnellement c’est ce que je ferais. Je n’aurais pas peur de perdre de l’argent pour acheter une bête chose, uniquement pour ramener mes vêtements chez moi. « Vous habitez encore loin d’ici ? » Je l’imagine pas porter ses vêtements à bras et je n’ai pas trop envie de l’aider, surtout pour avoir honte de transporter des culottes de grand-mère.