"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici Loosin' my memory ft James  2979874845 Loosin' my memory ft James  1973890357
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Loosin' my memory ft James

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() message posté Lun 16 Juin 2014 - 0:07 par Invité
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A blessing or a curse, doesn’t matter since it inspires;
Dream isn’t somethin’ you wish for, it’s somethin’ you work your ass off for;
It's wild & free; it can't be countained
.


Je sentais la frustration monter en moi au fur et à mesure que je m’avançais dans l’allée du parc de l’université. C’était un sentiment terrible, pire encore que la perte d’un être cher … La perte d’une partie de mon art, de ce que j’étais. J’avais passé un temps fou à coucher mes émotions sur papier ; ma frustration, mon désarroi et le deuil que je n’avais jamais su faire, tous étaient les muses qui me permettaient de créer. Je connaissais mon personnage principal par cœur, je savais exactement ce qu’il ressentait parce que nous ne faisions qu’un. Ma main se crispa sur mon téléphone. Je n’arrivais pas à croire que j’avais oublié mon calepin quelque part. Je retins ma respiration en songeant, au temps que j’avais passé à peaufiner mon manuscrit. Le gout de ma salive, tout à coup, trop acide, me fila le tournis. Je devais m’assoir, ou fumer, ou peu importe : faire quelque chose ! Mes jambes flageolantes claquèrent contre le chemin en gravier. Je ne tenais plus. C’était peut-être un peu abusé de réagir de la sorte, mais j’avais raccroché tous mes espoirs dans ce livre. Tous mes cris, mes appels au secours, y étaient encrés  comme pour me donner la force d’avancer et de réussir. Je n’étais pas le genre de personne à se prélasser en attendant que le succès me tende la main, je savais par expérience que tout ce que la vie pouvait bien me tendre c’était de la crasse, et des tourments par millions. Je me laissai aller sur le sol pendant quelques instants. Les rayons de soleil éclairaient le monde autour de moi, mais je ne voyais que l’obscurité qui envahissait mon cœur meurtri. Je ne pouvais pas perdre mon histoire, comme j’avais perdu tout le reste : La chaleur de ma mère, la présence de mon père, et l’amour d’Eugenia. C’était impossible. Les spasmes de douleur et d’appréhension, traversèrent mon appareil digestif, me ramenant à la réalité. Je déglutis en me relevant. Le vent froid soufflait dans mon dos, titillant le filet de sueur qui s’était formé sur ma colonne vertébrale.

Quel cauchemar !

Un soupir m’échappa, tandis que je continuais d’avancer parmi les étudiants. J’étais comme un fou, je poussais pour me frayer un chemin sans daigner m’excuser. Le stress avait balayé ce qu’il restait de mes bonnes manières. Je me sentais si mal …

J’entrai dans le grand bâtiment. Mes yeux ne s’attardèrent pas sur l’architecture ancienne, ni la beauté des statuts grecques qui ornaient le hall de la bibliothèque, comme ils avaient l’habitude de le faire. Il fallait croire que je n’étais pas d’humeur poète, ou excentrique. Tout ce qui m’importait c’était de retrouver mon foutu calepin. Je cherchais Miss Rumply, la responsable du club de lecture, comme si ma vie en dépendait, mais je n’arrivais à la trouver nulle part. Nous avions terminé notre réunion, il y avait à peine 3 heures. Il devait bien y avoir quelqu’un pour m’aider ! Je déambulais entre les rangées, comme une âme en peine, le front en sueur et le visage blême.  C’était la troisième fois au moins, que je repassais devant le siège que j’avais occupé durant la réunion. En vain.

« Mais j’étais assis juste là, bordel ! » Braillai-je sans m’en rendre compte.

La honte. Je me fis tout petit, en sentant les regards s'attarder sur moi. Il fallait avouer que j'étais assez doué, pour attirer l'attention quand j'étais stressé. Je serrai les dents.

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() message posté Lun 16 Juin 2014 - 12:14 par Invité




« Vous qui maniez les mots avec une aisance remarquable, évitez donc d’employer un langage aussi fleuri. Cela ne vous sied guère.» Assis dans le fond de la salle, James se leva et referma le calepin qu’il tenait entre ses mains. Il n’aurait jamais dû lire ces écrits mais étant tombé dessus de manière tout à fait involontaire, il n’avait fait que suivre son instinct d’éditeur et la curiosité avait fini par l’emporter sur le bon sens. Il l’avait examiné avec la même minutie qui l’animait lorsqu’il déchiffrait un manuscrit ancien. S’il ignorait l’identité de l’auteur, James ne pouvait en revanche pas faire l’impasse sur son talent. Chaque paragraphe, chaque tournure de phrase avait su capter son attention, au même titre que l’histoire racontée. Vraiment, c’était du grand art. S’avançant d’un pas nonchalant vers le jeune écrivain, James lui rendit son bien avant de glisser ses mains dans les poches de son pantalon. « Veuillez excuser mon attitude cavalière mais j’ai trouvé ce carnet suite au départ de tous les participants du club de lecture. Je n’avais pas l’intention de me montrer trop curieux, je voulais simplement savoir si un nom y était inscrit. Ce que j’ai trouvé était bien plus attrayant que je ne l’imaginais de prime abord. C’est vous qui écrivez ça ? » Avec son assurance et son aplomb habituel, James examinait le jeune homme qui se trouvait face à lui avec l’attention d’un cartographe découvrant le contour de rivages nouveaux. Depuis de nombreuses années, l’éditeur lisait et relisait des manuscrits de jeunes gens désireux de faire carrière dans le monde de la littérature. Hélas, le talent ne court pas les rues et James était particulièrement lassé de constater que les auteurs de la nouvelle génération ne faisaient preuve d’aucune forme d’originalité. Ce qu’il venait de lire en revanche, sortait considérablement du lot. De la forme au contenu, de la ponctuation à la syntaxe, tout avait retenu son attention. « Je n’ai pas l’intention de passer par quatre chemins. Vous avez du talent. Un talent immense. J’ose espérer que vous n’avez pas l’intention de reléguer vos écrits aux oubliettes d’ici peu de temps. Croyez-moi, j’en connais un sacré rayon en littérature. Des écrivains, j’en rencontre chaque jour. Des écrivains talentueux en revanche, je n’en croise que rarement. » Il y avait de fortes chance que son interlocuteur connaisse déjà son identité. Après tout, James intervenait régulièrement au sein du groupe de lecture et en tant qu’éditeur de renom, beaucoup de passionnés buvaient ses paroles comme l’on goûte au calice contenant l’eau de la fontaine de jouvence. Il était une référence dans ce milieu et pour peu que l’on s’y connaisse en matière de bouquins, l’on connaissait également le nom de James Westlake. Mais ce dernier n’avait pas la prétention de croire que le monde littéraire tournait autour de son nombril même si cette affirmation était vraie en partie. Ainsi, il sortit de sa poche une carte de visite et la tendit au jeune homme. « Voici ma carte. Si vous envisagez de publier vos écrits, n’hésitez pas à me contacter. Nous pourrions faire du bon boulot ensemble. J’en suis persuadé.»

© charney

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() message posté Lun 16 Juin 2014 - 18:08 par Invité
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Je venais d’être brisé en mille morceaux. J’avais l’habitude de penser que les Hommes étaient faibles face au poids du destin. Plus je m’avançais dans le chemin tumultueux qu’était ma vie, plus je réalisais à quel point j’avais raison ; nous n’étions que des pions, bougeant aléatoirement, dans le but de satisfaire l’ennui d’une force supérieure. Foutaise ! Ma ruine, ma salvation … Tout n’était que moqueries divines. Les gens étaient fous, et moi j’étais complètement à côté de la plaque.Je restais planté là, sentant ma sueur sécher peu à peu, tandis que je retrouvais mes esprits. Mes yeux étaient restés rivés sur mon calepin comme s’il s’agissait du plus inestimable des trésors. Et c’était le cas, tout du moins à mes yeux.

Je connaissais cet homme. Je ne le connaissais que trop bien … James Westlake, ou le magnifique, comme je me plaisais à l’appeler dans ma tête. Heureusement qu’il ne pouvait pas m’entendre, d’ailleurs. Je le regardais le souffle coupé : tout chez lui était une source d’inspiration, de sa façon de se tenir, de s’habiller, jusqu’à sa façon de choisir des mots pompeux pour une conversation aussi banale que la nôtre. Après tout je n’étais rien, et il était la raison pour laquelle je supportais ces réunions de lectures ennuyeuses. Je me surpris à penser aux erreurs qu’un homme de sa trompe avait pu déceler entre mes lignes. J’écrivais de manière brute et violente, sans prendre le temps de réellement enjoliver mes expressions. Fignoler mes écrits, me prenait plus de temps que lorsque je me laissais aller à leur création. Je devais être un écrivain impulsif, comme j’étais un jeune homme impulsif dans ma vie de tous les jours.

« Je n’ai même pas de titre … » Balbutiai-je, sous le choc. « Je veux dire, que je n’avais pas imaginé notre première rencontre de la sorte. J’avais pensé être mieux préparé. Je pensais être plus présentable, avec un manuscrit plus propre et sans tâches d’encre ou de gras.» Riais-je nerveusement. « C’est qu’il m’arrive d’écrire en mangeant … J’écris tout le temps. »

Je souris tel un idiot. J’étais pathétique, et dans tous mes états. La présence de James était tellement intimidante, qu'elle arrivait à masquer la joie de retrouver mon œuvre. Allais-je survivre à un tel tourbillon de sensations ? J’avais l’impression de faire un tour dans un manège magique et féerique, comme ceux que l’on voyait dans les films fantastiques.

« Je m’appelle, Julian. Julian Fitzgerald. » Me présentais-je en prenant la carte qu’il me tendait. « J’ai toujours envisagé de me faire publier … Par vous. » Avouai-je. « J’ai juste pensé que je n’étais pas encore prêt à vous aborder. »

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() message posté Mar 17 Juin 2014 - 16:16 par Invité




L’inestimable qualité des écrits de ce jeune homme n’avait strictement rien à envier aux plus grands noms de la littérature moderne. James avait l’œil pour dénicher la perle rare et autant dire que ce qu’il venait de lire était loin de le laisser de marbre. De toute évidence, Julian l’intriguait énormément et il n’avait pas l’intention d’en rester là. Avec une attention non feinte, l’éditeur écouta les propos du jeune homme avant de se mettre à sourire avec bienveillance. Les tâches de gras et autres négligences du même ordre n’avaient nullement gâché son plaisir, c’est à peine s’il y avait fait attention. Sans compter qu’il était plutôt bien placé pour le comprendre étant donné qu’il écrivait lui-même dans les mêmes conditions. Un nouveau sourire prit place sur ses lèvres tandis qu’il acquiesçait doucement. « Pour tout avouer, je n’ai jamais eu autant d’inspiration qu’en savourant un hot dog géant… Il faut croire que mes habitudes New Yorkaises ont la vie dures. Manger en écrivant, il n’y a rien de tel ! Tout ça pour dire que je comprends où vous voulez en venir et je tiens à vous rassurer : j’étais tellement absorbé par vos écrits que je n’y ai nullement prêté attention. La présentation n’est qu’un vulgaire apparat destiné à divertir le lecteur et détourner son attention de la médiocrité du contenu. Au moins le vôtre est brut, sincère … il reflète votre âme. C’est ce qui me touche, en réalité.» James haussa les épaules avec désinvolture. Il était loin de coller à l’image que l’on aimait dépeindre de lui : un être froid, prétentieux, arrogant et centré exclusivement sur sa carrière. En réalité, il était un homme simple, appréciant la littérature à sa juste valeur. Il avait beau être un éditeur de renom, il avait su conserver sa simplicité légendaire. D’ailleurs, il ne manqua pas de sourire de bon cœur en percevant une certaine hésitation chez son interlocuteur. Manifestement, ce jeune homme manquait cruellement de confiance en son travail et c’était un tord. Cela faisait une éternité que James n’avait pas lu quelque chose d’aussi bon. Levant la main pour l’interrompre, son sourire s’accentua davantage. « Sans vouloir vous offenser mon cher Julian, je suis le seul à pouvoir juger de la valeur d’un manuscrit. Je ne m’y trompe jamais. Votre talent est surprenant, autant parler d’un don. Vous savez, je ne suis pas le grand méchant loup que l’on dépeint dans les conversations mondaines. Disons que je peux me montrer cruel face à des auteurs prétendument talentueux … ce qui n’est pas votre cas. Au contraire, j’aimerais énormément travailler avec vous. Ce serait même un immense honneur pour moi. Mais je vous en prie, prenez le temps d’y réfléchir à tête reposée et nous pourrons alors en reparler autour d’un verre ou … dans un bon restaurant qu’en dites-vous ?» Oui, c’était une excellente idée de se retrouver dans un endroit plus neutre et moins froid. Ils pourraient ainsi discuter d’éventuelles modalités de travail mais également faire connaissance. James aimait beaucoup apprendre à connaître ses auteurs, à son sens c’était même la base d’une saine collaboration. « Puis-je me permettre de vous demander ce que vous faites dans la vie ? En dehors d’écrire de pareilles merveilles, cela va sans dire … »

© charney

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() message posté Mer 25 Juin 2014 - 18:48 par Invité
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Je pouvais sentir mes frustrations disparaitre peu à peu. Au-delà des murs de froid et de glace, se trouvait une promenade éclairée par les rayons du soleil. Au-delà des ténèbres qui me rongeaient se trouvait un petit bout de paradis, ou même un enfant rejeté comme moi pouvait aspirer à plus.  Je fermais les yeux, me laissant submerger par le calme que me procuraient les mots de cet homme distingué et fort éminent. Sa présence me laissait béat d’admiration. Je n’avais jamais eu l’occasion de lui parler, alors je m’étais laisser aller à l’adoration de ses œuvres. Je le regardais les yeux brillants: Les rêves n’étaient que les divagations de mon ambition furtive. Ce n’était que psychique, alors comment expliquer les crépitations de mon cœur ? Je lui souris, dévoilant mes dents blanches et parfaitement alignées. J’osais espérer que ma chevelure ébouriffée et mes joues enflammées, étaient les seuls aspects physiques que l’on pouvait me reprocher. Ça et mes lacets défaits. Chiottes ...

« Si mes écrits reflètent mon âme, c’est que celle-ci doit être bien torturée. » Répondis-je à ses remarques pointues, d'un air désinvolte comme si rien de cela ne me concernait. Or, je savais que c'était faux. Je savais que mon âme immortelle supportait le poids de maux allants au delà de la torture. « C'est assez effrayant! » Blaguai-je.

Je n’avais jamais été critiqué avec autant de précision et de professionnalisme. A vrai dire, je n’avais jamais été critiqué auparavant. Mes écrits étaient un petit recoin clandestin, l’endroit secret, ou toutes mes pensées malsaines pouvaient germer en attendant que la roue tourne. J’étais ma plus grande inspiration. Et je n’avais peur de rien, si ce n’est de dévoiler au grand jour à quel point j’étais atteint par le tourment et le mal de manière incurable. Je clignai des yeux, laissant mes souvenirs d’enfance me submerger : J’eus l’impression à nouveau que mon histoire n’était qu’un rêve éveillé. Il y avait cette grande maison abandonné et poussiéreuse, la même que dans mes écrits. J’y étais seul ; moi l’enfant  rejeté. J’étais terrorisé et perdu au milieu des fantômes du passé qui valsaient autour de moi, lançant leurs robes de soie et de satin blanc au gré du vent glacial. La musique enivrante pétaradait dans mes oreilles, sans que je n’en trouve la source. Je ne savais pas d’où me venait ce sentiment d’inquiétude cuisant, comme si je n’étais qu’un pantin, comme si j'étais pris au piège de la plus grande injustice au monde. Je retins mon souffle.

« Je … Je ne pense pas avoir autant de mérite. Je rêve de ces histoires bizarres, et je ne peux me défaire de leur emprise qu’à travers les mots. Je ne sais pas si j'ai le droit de penser que je suis un écrivain né ou si ce n'est qu'un pur hasard.»

J’étais trop flatté par l’intérêt qu’il me portait. Si flatté, que je peinais à choisir mes mots. Je le regardais, interrogateur : Combien de choses sur moi croyaient-ils avoir découvert à travers mes récits? Etait-il aussi perspicace qu'il en avait l'air? Je déglutis d'un air absent.

« Je serais ravi de discuter avec vous autour d’un verre, d'un restaurant ou d'un hot dog … Peu importe. » Souris-je. « Je suis journaliste pour THE TIMES. J’écris dans la rubrique ‘ IN MONEY ’. Ce n’est pas aussi poétique que les romans, mais ça me permet d’exploiter mes longues études en finances. Je suis quelqu’un d’assez avide, je dois avouer. Je doute que je puisse me contenter  du journal ou d’écrire seulement. J’aspire à tellement plus. Mon calepin et moi, c’est presque personnel. J’écris mon histoire, de peur d’oublier. Je ne veux pas perdre la mémoire, et pardonner à tous ceux qui m’ont fait du mal. Je veux me souvenir à jamais, de ces choses douloureuses que j’ai ressentis à chaque moment, chaque instant de ma vie. »

Je serrais les dents, laissant percevoir mon coté obscur. C’était bête de l’avouer, mais quelque part je maintenais ma rancune en vie. C’était ma haine qui me permettait d’avancer. Ma rage de vaincre, et de réussir, n’était en aucun liée à ma personnalité. Il n’y avait rien de bon en moi. La bonté, et tous les concepts virevoltants autour, étaient un luxe que je ne pouvais me permettre.


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() message posté Jeu 17 Juil 2014 - 0:26 par Invité





Au cours de sa brillante carrière, James avait toujours su dénicher la perle rare. Autrefois, il avait même eu l’audace de miser sur certains auteurs alors méconnus et désormais lus dans le monde entier. Il aimait prendre des risques et s’aventurer sur des terrains nouveaux, précisément là où d’autres éditeurs se montraient bien trop frileux. En l’occurrence, était prêt à parier sa fortune et son empire que Julian irait loin. Très loin. Il le savait, car il avait ressenti ce petit quelque chose inexplicable en le lisant. L’instinct de l’éditeur, sans doute. Attentivement, James écouta les réponses de son jeune ami. Un léger sourire affiché au coin des lèvres, il acquiesça à ses propos avec bienveillance. « J’apprécie votre franchise. C’est une qualité rare de nos jours. » énonça-t-il en faisant allusion à ce petit côté obscur qu’il croyait percevoir chez Julian. Par expérience, il savait que les écrivains les plus talentueux étaient généralement les plus torturés. Peut-être disposaient-ils de ce petit supplément d’âme qui leur permettait de percevoir le monde avec plus de finesse ? « Je suis certain que votre carrière de journaliste, aussi brillante soit-elle, sera bien vite remplacée par une ascension fulgurante dans le monde de la littérature. Pour être honnête, vous êtes précisément la raison pour laquelle j’ai choisi d’exercer ce métier ; vous incarnez le talent, la passion, l’ivresse littéraire à l’état pur. Croyez-en mon expérience, un auteur comme vous a l’avenir entre ses mains. Du bout de votre plume, vous pouvez accomplir des merveilles et ce n’est pas donné à tout le monde.» James savait de quoi il parlait. Lire encore et encore faisait partie intégrante de son quotidien. Quand il lisait, le monde environnant n’avait plus aucune espèce d’importance. C’est comme s’il parvenait à créer une sorte de bulle infranchissable autour de lui. C’était un paradis artificiel dont il savait se contenter depuis toujours. Son amour pour les livres était démesuré mais au regard de son passé, cela pouvait aisément se comprendre. James avait passé son enfance à écumer les bibliothèques de New York, se protégeant ainsi du monde extérieur, des ambitions démesurées de son père et de cette famille atroce qu’était la sienne. Lire était devenu le moyen idéal de se couper de tout, de découvrir un univers passionnant susceptible de le transporter d’une époque à l’autre, le faire sourire ou bien l’émouvoir, l’émerveiller ou l’effrayer. Au fil des pages et grâce à des personnages nés de la plume d’auteurs disparus depuis une éternité, il donnait du sens à tout ce qu’il n’était pas en mesure de comprendre. C’était une sorte de vie par procuration mais quand on est un gamin de dix ans, la différence entre le réel et le fictif n’a pas vraiment d’importance. Devenir éditeur était bien plus qu’une vocation pour James. C’était une évidence. Les livres étaient son grand amour. Véritablement. Ils avaient toujours été là tout au long de sa vie, si bien que s’en passer était désormais impossible. Un amour comme celui-ci était proprement intarissable. Les bonnes habitudes du petit garçon qu’il était autrefois l’avaient poursuivis jusqu’à l’âge adulte, si bien qu’il passait encore tout son temps libre enfermé dans n’importe quel endroit contenant des livres. Peu importe leur provenance, peu importe leur contenu. Il voulait juste lire. Lire à en perdre totalement la raison. Personne ne pouvait comprendre ça. Non, personne. « Je suis sincèrement ravi d’avoir eu le privilège de lire tout ça même si je suis navré d’avoir ainsi violé votre intimité. Moi-même, je ne supporte pas que l’on puisse lire mes écrits avant d’avoir mon autorisation alors forcément, je ne peux qu’être désolé pour tout ça. » Mais dans le fond, James savait qu’il n’aurait jamais eu l’occasion de lire une pareille merveille si sa curiosité maladive ne l’y avait pas poussé. « Mon cher Julian, ce fut un réel plaisir. N’hésitez pas à me contacter, même si c’est pour un motif qui vous paraît futile. A la moindre question, sachez que je suis disponible.»

© charney

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() message posté Dim 20 Juil 2014 - 19:21 par Invité
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James avait les clés de mon paradis entre les mains. Je le regardais à la fois intrigué et fier de toutes ces choses merveilleuses qu’il voyait en mes écrits. J’étais un homme arrogant et perfide, mais mon besoin de reconnaissance était ma faiblesse. Je déglutis avec lenteur, serrant les muscles de mes joues comme pour matérialiser mes sentiments. La douleur était le ciment qui m’empêchait de m’éparpiller dans les futilités de la vie. Mes déboires amoureux et mes galères d’enfant étaient les muses qui inspiraient chacun de mes écrits. Parce que j’étais ainsi fait : de maux et de ténèbres.  Je serrais ma prise sur mon calepin, mon plus inestimable trésor. Ma bouche s’étira en un rictus, expression à mi-chemin entre l’appréhension et la l’exaltation. Je n’étais pas sûr d’avoir le droit d’expérimenter ce genre de bonheur fugace. Les fantômes de passé criaient que non, que mon humanité serait ma perte dans ce monde de futilités. Je reculai d’un pas, dressant une distance correcte entre la réalité et mes désillusions.

« Je suis un journaliste accompli, rédacteur après un an de stage à peine, mais je sens que ma place est ailleurs.» Confessai-je. « J’ai ce besoin irrépressible de tout coucher sur papier de manière plus personnelle. Mon métier repose sur la transcription d’informations avec légèreté et banalité, mais mes sentiments sont tellement plus compliqués.»

Mon enfance partagée entre le  deuil de ma mère et les absences de mon père avaient fait de moi un monstre d’égoïsme et d’arrogance. Je sentais chacune de mes pulsions comme une vague de colère et de rage. Je soupirai, mais mon visage demeurait impassible, fidèle miroir de ma désinvolture et de ma bienséance. Je me raclai doucement la gorge.

« Ne soyez pas désolé. Je n’aurais sans doute jamais eu le courage de vous aborder de moi-même. Je crois au destin, et parfois il lui arrive de ne pas être un gros salop.»Je souris avec amertume. « Je suis plus qu’honoré d’avoir pu vous toucher, d’une quelque manière qui soit, et je peux vous assurer que vous entendrez de mes nouvelles très bientôt. S’il y a une seule chose que j’ai appris en pataugeant parmi les requins du journalisme c’est qu’il ne faut jamais laisser passer les occasions qui se présentent.» Lançai-je d’un ton dégagé.

Je pris sa carte de visite. Mes yeux brillaient de malice et d’impulsivité. Mon cœur battait la chamade, explosant tous les records de vitesses et plus encore. Etait-il possible qu’une chose pareille puisse m’arriver aussi fortuitement ? J’avais l’habitude de courir comme un malade après chaque opportunité parce que je n’étais pas comme les autres. Ma réussite était le fruit de mon dur labeur. Mon ambition était tout ce que j’avais. J’haussais les épaules en tendant la main, pour une poignée de main respectueuse.

« Je vous remercie.» Mon visage s’illumina. « Merci de me donner ma chance. »


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