I am what you see. I am not what they say (lrbs)

novembre 2003

« Bonsoir, je m'appelle Elisabeth. » Rien qu'avec cette phrase, je me trouvais totalement ridicule. Seulement, il fallait commencer par se présenter et je n'échappais pas à la règle. Jusque là, j'avais réussi à échapper de parler à haute voix, mais ce soir, il avait fallu que je me lance. Après trois séances à observer, il fallait bien que je parle à mon tour. Si j'étais ici, à cette réunion, c'est que j'avais un problème et un gros. Pendant un an et demi je m'étais réfugiée dans l'alcool. Et il était temps d'affronter mon problème et d'aller de l'avant, je ne voulais plus passer mes journées de cette façon. Mais, surtout, je ne voulais pas passer à côté de l'enfance de mon fils. Je me rendais compte maintenant, qu''il me manquait pas mal de souvenir depuis la naissance de Noah, jusqu'à maintenant et cela ne pouvait plus durer. J'avais réellement pris conscience de tout cela, lorsque j'avais failli faire tomber mon fils en le sortant de la voiture. C'est à ce moment-là précis que j'avais pris conscient qu'il fallait que je me fasse aider et que cela ne pouvait plus durer. « Je suis sobre depuis une semaine. Je sais que c'est peu, en comparaison à certains d'entre vous, mais pour moi, c'est déjà énorme. » Ce n'était pas grand-chose, mais cela faisait du bien, de pouvoir dire à haute voix que je n'avais pas bu une goutte d'alcool depuis une semaine. Ce n'était que le début et je me doutais que cela sera plus difficile avec le temps, mais pour le moment, je voulais seulement savourer ma petite victoire.
Je n'aurais jamais pensé avoir un soucis de cette ampleur avec l'alcool, mais je n'avais pas prévu de devoir élever un enfant toute seule non plus. Il y a maintenant presque deux ans, j'ai découvert être enceinte et j'avais été ravis de la nouvelle. C'était une surprise énorme, mais j'étais sûre qu'Adam serait heureux aussi. Mariés depuis un an, nous parlions pas encore d'avoir des enfants, mais nous nous aimions et c'était le principal. Seulement, je n'avais pas eu le temps de lui annoncer. Le jour-même, j'ai reçu un coup de fil m'annonçant que mon mari venait d'avoir un accident de voiture et qu'il était mort sur le coup. Le même jour où j'apprenais avoir un bébé, porter la vie, celle de mon mari venait de se terminer. Étrangement, ce n'est pas directement suite à cette annonce que j'avais commencé à boire. Non, j'ai tenté de m'accrocher pour mon bébé à venir, il avait été privé de son père, mais sa mère serait là pour lui.

Et ce fut le cas, pendant les neuf mois de ma grossesse. Ma mère est ma sœur venait régulièrement prendre de mes nouvelles, elles avaient peur que je ne finisse par m'effondrer, ce que je n'avais pas réellement fait après la mort d'Adam. Je voulais tenir le coup pour mon fils à venir. J'étais même venu vivre à Londres pour ne pas me retrouver seule. Seulement quelques mois après mon accouchement, je fis une dépression et c'est à ce moment, que l'alcool commença à devenir mon ami et un grand réconfort. La suite, c'est très simple, j'ai continué de m'enfoncer encore et encore dans l'alcool, ne faisant pas attention à Noah, que ma mère élevée bien plus que moi. J'avais fini par lâcher prise et même mon fils ne me semblait pas être une raison valable pour arrêter de boire. Jusqu'au jour, où je l'avais presque fait tomber. Jamais je n'aurais cru cela possible et pourtant... Il était évident que je ne pouvais pas continuer comme cela, je ne voulais pas que mon fils se retrouve orphelin et je ne voulais pas rater de le voir grandir. Alors, avec l'aide de ma famille et de mes proches, j'avais décidé de m'inscrire aux alcooliques anonymes et de commencer à reprendre ma vie en main.

14 avril 2012

« Joyeux anniversaire sweety ! » Je n'arrivais pas à croire que Noah puisse avoir dix ans aujourd'hui ! Dix ans ! J'avais encore du mal à réaliser que l'on avait réussi à survivre tous les deux pour arriver à ses dix ans. Forcément, c'était assez mal parti à cause de mon alcoolisme durant la première année de Noah. Si quelqu'un m'avait dit à son premier anniversaire, que neuf ans plus tard, la vie serait belle pour nous deux, je ne l'aurais tout simplement pas cru. À cette période, je dois bien reconnaître mon fils n'était pas vraiment ma préoccupation première. En réalité, il n'y avait pas grand-chose qui m'intéressait, mais désormais tout ceci faisait partie du passé. J'avais réussi à reprendre ma vie en main et même si je n'étais pas la meilleure maman du monde, je ne me trouvais pas trop mauvaise, surtout lorsqu'on savait comment tout cela avait commencé.
Depuis neuf ans maintenant, j'étais parfaitement sobre, pas une goutte d'alcool, depuis que j'avais décidé de me faire aider. Cela n'a pas été facile, absolument pas. Il y a eu des moments difficiles, vraiment difficile. Des moments de doutes, des jours où je me demandais pourquoi je m'infligeais cela et puis à chaque fois que je portais les yeux sur mon fils, j'avais la réponse à ma question. Sans lui, je ne sais pas si je serais encore en vie. Honnêtement, s'il n'y avait pas eu Noah, je doute que j'aurais décidé de me faire aider et neuf ans plus tard, je sais pas si j'aurais été encore de ce monde... Mais tout ceci fait désormais du passé, je vais bien, ma famille et mes amis, m'aident un peu plus chaque jour à aller de l'avant, même s'ils ne s'en rendent pas forcément compte. Un jour, il faudra que je leur dise, combien ils me sont précieux. La seule personne, qui manque aujourd'hui, c'est Adam. Forcément, un jour comme aujourd'hui, je ne peux pas m'empêcher de penser, à mon mari disparu trop tôt, au père de Noah, qui ne connaîtra jamais son fils, comme lui ne connaîtra jamais son père. C'est à moi de faire les deux parents pour lui, qu'il grandisse de mieux possible. Encore une fois, je sais que sans ma sœur et ma mère, je n'aurais pas pu faire tout cela.

Penser à Adam, me faisait me sentir encore plus proche de Noah, parce que moi non plus je n'ai pas connu mon père. Les circonstances sont différentes cependant. Le mien, est parti lorsque j'avais sept ans, soit un an après la naissance de Emma. J'ai quelques souvenirs, ce qui est déjà plus que ma sœur, mais vraiment peu. Maman, n'en parle jamais, je crois que pour elle c'est encore douloureux. Pour ma part, je lui en ai longtemps voulu de nous avoir abandonné toutes les trois, mais finalement c'est sa perte à lui et non la nôtre. Si moi, je n'ai pas connu mon père, j'aurais vraiment aimé, que Noah puisse connaître son père. Je sais qu'Adam aurait été un père fantastique, mais je ne pourrais jamais savoir si j'avais vraiment raison sur ce point... Pourtant, j'essaie de mon mieux pour que notre fils, puisse connaître un peu son père, disparu beaucoup trop tôt. Et pour ces dix ans, j'ai décidé de lui donner la chaîne en argent, qu'Adam portait tout le temps. Un objet symbolique, pour ses dix, qu'il puisse avoir réellement quelque chose de son père, autre que les photos et les histoires, qu'on lui raconte. Ceci, sera pour lui et rien qu'à lui.

janvier 2014

« Hop, hop, hop, on se dépêche ! Il ne faudrait pas qu'on soit en retard tout les deux ! » Comme tous les matins, on se dépêche pour que Noah ne soit pas en retard à l'école et moi au travail. Même si cela fait désormais un an et demi que j'ai commencé à travailler en tant que photographe et que je n'ai la plupart du temps, de compte à rendre à personne, je ne supporte pas d'arriver en retard. Je peux le tolérer, s'il a fallu que m'occupe de mon fils avant, pour quelque chose d'important. Mais ce matin, il suffit de le déposer à l'école, comme toujours et donc, il n'y a pas de raisons, que nous ne soyons pas à l'heure, comme tous les matins. Nous avons notre rituel, petit déjeuner ensemble et ceux tous les jours. Je n'ai pas envie de rater des choses, alors oui, peut-être que je suis un peu trop maman poule, mais on ne peut pas dire que je ne m'occupe pas de lui. Certains diront que je compense, parce que j'ai raté sa première année, à cause de l'alcool et ils n'ont pas totalement tord. Quand j'y repense, je ne comprends pas que j'ai pu me laisser aller à ce point. Avoir raté un an de la vie de son fils, c'est quand même beaucoup et même si je n'en parle pas, je le regrette énormément... Mais je ne peux pas changer le passé, seulement améliorer le présent, notre présent. C'est pourquoi, j'essaie de passer le plus de temps possible avec lui, sans pour autant l'étouffer. Du moins, j'essaie. Il n'a pas l'air de se plaindre, même si je sais aussi qu'il se sent un peu seul et que l'idée d'avoir un petit frère ou une petite soeur ne le dérangerait pas, mais je ne suis pas sûre d'en avoir envie. Et puis de toute façon, ce n'est pas du tout à l'ordre du jour. Ma vie privée est assez compliquée en ce moment, sans que je ne me mette à penser à ce genre de choses. Une chose à la fois, pour le moment on se débrouille très bien tous les deux et je n'ai pas envie de gâcher cela. On verra ce que l'avenir nous réserve...