you ran into the night, you can't be found. but this is your heart, can you feel it? pumps through your veins, can you feel it? ✻✻✻ « Sérieusement, tu crois que j’ai une voix de spot publicitaire, toi ? » J’entendis Iron rire à l’autre bout du fil, tandis que je me pressai dans les rues de Londres. Je ne pus m’empêcher d’esquisser un sourire à mon tour, amusée par sa réaction ; il était si enfantin qu’il réussissait à m’arracher des éclats de bonne humeur même dans les pires situations. Il était si enfantin qu’il était comme un rayon de soleil. Mon rayon de soleil. « Ça dépend, quand tu ne parles pas je trouve que ça va. » Je levai les yeux au ciel. « Très drôle. » Il se mit à rire de nouveau, son mélodieux qui venait chatouiller mes tympans tandis que je me battais presque avec la population anglaise décidée à se mettre en travers de mon chemin. Une fois n’était pas coutume, j’étais en retard. Si en retard que j’en venais même à me dire que je pourrais déclarer, en guise d’excuses, que je vivais sur le fuseau horaire brésilien pour la coupe du monde. Je déglutis, poussant un léger soupir, continuant de trottiner à moitié. « Je te laisse, ma mère est en train de me hurler dessus parce que j’étais censé venir l’aider il y a une demi-heure… » me déclara-t-il, tandis que j’évitais de peu une collision avec un touriste. « Sale morveux. » Je l’entendis presque lever les yeux au ciel à ma réplique. Je me mordis la lèvre avec amusement, gardant mon sérieux tant bien que mal. « Toi-même. » Et il raccrocha. Je regardai mon portable durant quelques secondes avant de finalement le glisser dans ma poche.
Il ne me fallut qu’une poignée de secondes avant de revenir à la réalité et baisser la tête pour presser le pas.
J’étais incapable de me souvenir comment les évènements s’étaient enchainés. Tout me semblait flou ; les bribes de ma mémoire s’entremêlaient. Je me rappelais simplement de mon patron, à la radio, me demandant si j’étais prête à accepter une mission spéciale pour une agence de publicité ; je me rappelais, également, qu’il avait évoqué que ma voix était connue sur les ondes et que c’était pour cela que l’on avait pensé à moi. Puis, après cela, rien ne me revenait. Je savais simplement que je devais me rendre dans les bâtiments de l’agence. Je savais simplement que cela serait un petit plus sur mon salaire du mois. Je savais simplement que c’était une expérience, rien de plus, et qu’il ne risquait pas de m’arriver quelque chose. Mais comment pouvais-je en être aussi sûre ? N’étais-je pas bien placée pour savoir que le destin se jouait des âmes perdues ? Que le destin s’appliquait à se moquer des âmes qu’il a lui-même brisé ? Si. Non. Peut-être. Je ne parvenais pas à y penser. Y réfléchir. Je ne parvenais pas à voir les sombres côtés de certaines choses – je me perdais bien souvent dans mes belles interprétations. Je me perdais souvent dans mon optimisme sans faille. En m’avançant parmi la foule, j’avais oublié que le destin pouvait m’attendre à chaque coin de rue. J’avais oublié qu’il pouvait me tomber dessus sans prévenir.
Je finis par arriver à l’agence de publicité. Je pénétrai à l’intérieur ; je m’annonçai à la réceptionniste, et celle-ci me conduisit jusqu’au studio où l’on m’attendait. Je m’excusai pour mon retard. Je serrai des mains, un sourire aux lèvres. Au fil des mois, j’avais fini par adhérer à ces coutumes, à m’y faire, tout simplement. Je m’étais adaptée dans ce monde que je n’avais pas encore connu jusque-là. On me rappela en quoi consistait ma tâche : le spot publicitaire pour radio concernait la coupe du monde. Il durerait moins d’une minute. Je n’aurai qu’à lire le script d’une voix enjouée. Une autre personne sera avec moi. J’acquiesçai à chacune de leurs paroles. Ils voulaient utiliser mon nom pour accrocher l’attention des auditeurs. Salut, c’est Julia de la BBC One. Cela me paraissait terriblement vieux jeu, mais je ne dis rien. Absolument rien. Après tout, j’avais accepté de faire cela sans condition particulière. Ils n’avaient pas besoin de mon avis. Je pris une profonde inspiration.
Puis, le temps qu’ils préparent le studio d’enregistrement, ils me firent patienter dans une salle adjacente, une feuille avec mon texte dans les mains. Je me mordis l’intérieur de la joue, ignorant ce qui pouvait bien m’entourer ; ce fût simplement après quelques minutes que je me rendis compte que je n’étais pas seule. Alors, d’un pas assuré, je me dirigeai vers la personne assise ; je lui tendis la main pour qu’elle puisse la serrer. « Je suppose que vous êtes la deuxième personne pour le spot publicitaire ? Enchantée, je suis J… » Je levai les yeux pour observer le visage de la personne, et je m’arrêtai dans mon élan. Mon cœur commença à doucement s’affoler. Je la connaissais, oui. Peut-être trop bien. Mais au fond, pouvions-nous trop bien connaître une personne ? Non. Ce n’était pas possible. Elles finissaient toujours par nous surprendre, en bien comme en mal. « … Julia. » terminai-je en déglutissant. Ma main tomba platement le long de mon corps. Mes yeux ne purent s’empêcher de détailler de haut en bas Eliott. Les années étaient passées, mais elle ressemblait toujours à cette adolescente que j’avais rencontrée au bout de ma rue. Les années étaient passées, mais elles ne semblaient pas l’avoir touché, elle. « Mais je pense que tu le sais déjà. » Ma voix était bloquée au fond de ma gorge. Je me surpris à mordiller l’intérieur de ma joue.
Effectivement, le destin se jouait des âmes qu’il avait lui-même brisé. Effectivement, le destin finissait toujours pas se réveiller. Et nous réveiller aussi.