Elay + Un peu de toi est entré en moi pour toujours et m'a contaminé comme un poison.

On rencontre beaucoup de personnes dans notre vie, certaines de passages d'autres changent notre vie en bien ou en mal, pour être honnête, je ne serais pas où placer celle avec qui je vivais actuellement. Le vent soufflait sur mon visage, assis sûr de la verdure fraîche à cause de la rosée du matin, je buvais mon café au bord de la falaise qui donnait une vue magnifique sur un lac en pleine campagne, j'étais là tranquillement, perdu dans mes pensées du moment, les tracas quotidiens comme faire les courses ou encore essayer de me souvenir que je devais payer en temps et en heure cette maudite facture de téléphone. J'étais étourdi, ça me jouait des tours, je me perdais tout seul, divaguant quand le monde ne faisait pas attention à moi, c'était aussi mon côté rêveur, un peu trop dangereux par moment. "Hey." Une jeune femme arrivait, rousse, les yeux verts, elle avait ce plaid autour des épaules parsemé de poils de lapin. "Salut." Je lui faisais un petit sourire, avant de recoller mes yeux sur le paysage, elle s'installait à mes côtés, les yeux posés sur moi pendant quelques secondes avant de regarder droit devant elle. Le silence s'installait, mais entre nous il n'était pas dérangeant, il était rassurant, nous étions parfois comme ça la présence l'un de l'autre nous suffisait amplement.

Un regard furtif, je regardais les traits de son visage, son petit nez, ses lèvres pulpeuses, son grain de beauté sur le côté droit de sa joue, ses cheveux roux ondulés un peu comme la princesse Disney dont le nom m'échappait tout le temps et pourtant ce n'était pas faute de ne pas l'entendre, Cassidy était une très belle femme, la mienne. Techniquement nous n'étions pas mariés, mais on vivait ensemble depuis 5 ans, on était bien donc rien ne pressait puis je n'avais pas envie de me marier, elle, non plus. "Tu… Tu comptes me parler ou pas?" demanda t-elle en mettant ses jambes contre elle, grelottante sous cette brise. Je secouais les épaules, bu une gorgée avant de me racler la gorge, qu'est-ce qu'elle voulait que je dise, je ne savais pas, pour moi tout allait bien. "Je ne sais pas quoi dire, tout va bien, une mission comme une autre." Lâchais-je en passant ma main dans mes cheveux, un toc que j'avais encore, qui ne servait à rien aussi vu que je m'étais rasé les cheveux très courts il y a un mois, règlement oblige. "Très bien. Je vais à l'intérieur, je vais nourrir nos petits monstres, viens vite." Elle me faisait un bisou en partant, déclenchant un sourire sur mon visage en parlant de nos monstres, car on en avait deux, pas des enfants, mais bien nos deux lapins, Eddie et Coton tige c'était leurs prénoms et aussi les enfants de ma femme. Je me souviens encore du jour où elle m'avait demandée si on pouvait en adopter un, j'aurais préféré un chien, mais je reconnais qu'Eddie était mignon, alors on l'avait pris en animalerie, Coton-tige lui est venu plus tard, par hasard, on l'avait trouvé abandonné proche de la forêt… Je ne sais pas pourquoi je repense à tout ça, je me perds encore, je l'avais bien dit que je rêvais trop seulement je crois que j'avais besoin de moments heureux, de m'en souvenir.

Il y a quelques mois je suis parti en mission, j'étais dans l'armée britannique bien que je sois un écossais pur et dur, les deux pays possède une unité écossaise mélangeant aussi des britanniques pour défendre nos nations. J'ai eu un entraînement militaire depuis l'âge de 18 ans, quand votre père est marine, que votre grand-père l'a été aussi, c'est limite logique que tout ceci se poursuive. Si mes autres frères n'ont pas choisis cette voie, moi j'y étais de bon cœur, j'ai trouvé l'apaisement et les réponses aux questions que je me posais sur moi-même, la loyauté d'une équipe, mais aussi parfois la cruauté  de l'être humain. Cette mission a été celle qui m'a le plus changé, la première fois de ma vie où j'ai tué une femme. Je ne souhaitais pas m'en souvenir cependant les bruits me revenaient encore en tête quand mes paupières se fermaient, les images, le sang qui avait giclé sur mon visage après lui avoir tiré dessus à bout portant, ce n'était pas la première fois que je passais à l'acte sur le front mais je… Je prenais une aspiration, secouant la tête, la légère pluie qui tombait me rappelait que je n'étais pas sur le front en Afghanistan, mais bien ici, chez moi, en sécurité, dans mon pays, en Ecosse.

"Dites-moi tout, raconté moi, commencé par le sujet que vous souhaitez." Un mois après mon retour, je me retrouvais assis sur un fauteuil face à une femme assez austère avec des lunettes, une chevelure noir corbeau, elle mâchouillait son stylo en me regardant attendant que je parle, que je me confie. "J'ai eu une enfance banale, euh… 3 frères et 2 petites sœurs, mon père était militaire, ma mère journaliste. Je ne sais pas trop quoi dire." Je secouais une épaule, voir un psy n'était pas mon idée, mais Cassidy avait lu que parfois les soldats avaient besoin de soutien moral alors elle avait trouvée le moyen de me convaincre d'aller la voir, j'avais rechigné, lutté, seulement mes cauchemars avait suffit à lui donner raison. La séance se déroulait normalement, je crois, c'était la première donc je ne savais pas à quoi m'attendre, on avait beaucoup parlé de la relation entre moi et mes frères, de ma relation amoureuse aussi mais rien sur le front, c'était trop frais dans ma tête, je savais que je me refermerais dès qu'on allait essayer de me parler.

"Comment c'était?" Cassie posait la revue sur la petite table basse de la salle d'attente, je levais les yeux au ciel en la voyant si vive pour me soutirer des infos. "J'ai parlé de toi, elle m'a conseillée de te larguer, que tu es… nocive ! Voilà nocive, c'est le mot ! Je n'ai jamais de massage ou mes petits déj' au lit, finalement je pense que t'a eu une bonne idée de m'envoyer voir cette psy ça m'a ouvert les yeux." Cassidy me filait un coup de coude dans les cotes ce qui déclenchait mon rire ainsi que son regard furieux en sortant de l'immeuble pour marcher sur les pavés de la rue. "Tu as demandé, je te réponds." Riais-je en sortant dehors main dans la main, une main d'ailleurs moite, étrange, elle était ainsi seulement quand elle était stressée. "Qu'est-ce qui a ?" dis-je sans détour, j'étais cache, parfois trop franc, on me reprochait souvent mon manque de tact, fallait que les gens s'y habituent quand on m'entourait. "Allez crache le morceau, qu'on règle tout ça maintenant." Elle fronçait un peu le nez, reprenait sa main en triturant sa bague que je lui avais offerte pour nos trois ans. "Tu vas t'énervé, je le sais mais bon tant pis, je suis enceinte." Déclara-t-elle sans détour en plongeant son regard dans le mien. Mon visage perdait peu à peu toutes colorations, les enfants c'étaient comme le mariage on en voulait pas non plus, on avait décidé ça depuis longtemps alors je ne comprenais pas du tout. "Quoi? Comment c'est arrivé?" En pleine rue on parlait de ce sujet si intime, j'aurais pu aller dans la voiture qui était garée plus loin je vous l'accorde, mais pour être honnête mon corps était en état de choc refusant de bouger et mon esprit bouillonnait à la fois de colère et de panique, car je ne la voyais pas s'alarmer. "Quand tu es revenu, enfin.. je ne prenais pas la pilule pendant ton absence et… je l'ai oublié les premiers jours,  écoute, c'était pas prévu je le sais, mais on peut pas le laisser." Oui c'est bien ça, madame voulait le garder. J'eus un pas en arrière en secouant la tête. "Tu sais bien ce que j'en pense." Puis je suis parti.

Quand on aime, on se donne à l'autre, on accorde notre confiance, notre cœur, j'ai donné le mien à Cassie il y a trois ans, alors j'étais revenu à ses côtés, prêt à avoir cet enfant, je me découvrais sous un autre jour pendant toutes les semaines qui se passaient, prenant soin d'elle, faisant quelques prospections sur l'ordinateur pour voir les lits, les poussettes pendant qu'elle bossait, je me demandais si c'était une fille ou un garçon bien que ma préférence aille pour un petit bonhomme puis il y a eu ce coup de téléphone. Le fameux coup de téléphone qui change une vie, qui nous change aussi au plus profond de nous-mêmes. En décrochant tout ce que j'avais retenu c'était : accident, dépêchez-vous. Cassie était enceinte de 5 mois, une voiture l'avait fauchée, le bébé n'avait pas survécu. J'étais à l'hôpital depuis deux jours, ses parents étaient à ses côtés, moi dans le couloir perdu, meurtri d'avoir perdu celle qu'on aime bien qu'elle ne soit pas morte on voyait qu'au fond d'elle, il n'y avait plus personne, cet enfant lui avait été retiré pendant l'opération, elle ne l'avait pas vu, moi oui je l'avais voulu. Une petite fille, on voulait la surprise du sexe du bébé, mais pas si tôt, pas maintenant.

Les semaines se sont déroulées étrangement, elle était rentrée puis un soir, elle est venue me voir alors que je regardais la télé dans la chambre, ses parents dormaient chez nous, ils voulaient la soutenir avec moi. "Tu viens voir le film avec moi?" demandais-je en tournant pas la tête vers elle, c'était une erreur, une sacré erreur, comment je n'avais pas pu le faire? J'aurais remarqué qu'elle avait mon arme de service dans sa main, j'aurais pu l'arrêter.  Un coup de feu, du sang sur le parquet puis le vide.
Entre le drame et maintenant il y a eu 6 mois, j'ai quitté l'Ecosse pour rejoindre l'Angleterre, Londres plus particulièrement, j'ai démissionné de mon boulot, partant loin d'ici pour me concentrer sur moi, sur ce que j'aimais faire. Si l'ombre de ma défunte femme planait de temps en temps au-dessus de moi, je reprenais goût à la vie grâce à l'écriture, échapper de son passé, rêver d'une autre vie qui n'est pas la sienne et choisir la fin c'était ce qui me plaisait. Cette passion avait commencé grâce à ma mère, journaliste elle a toujours écrit nos comtes d'enfant, elle aimait voir nos yeux s'émerveiller quand chaque soir elle venait nous border avec son nouveau récit. Alors, quand j'ai eu l'âge d'écrire, tout s'est enchaîné pour moi, mes heures perdues, je les passais à rédiger des histoires abracadabrantes jusqu'à ce que l'adolescence me rattrape, passer de la plume au sport, aux filles, il n'y a qu'un pas. Reprendre cette passion a été nécessaire, limite vitale quelques semaines après, j'éprouvais le besoin de mettre à l'écrit les jours qui se déroulaient après la mort de Cassie, je me disais que ça me ferait du bien puis je me suis un peu renfermé dans l'alcool, la cigarette, tout ce qui ne fallait pas, jusqu'à ce que mes frères viennent me tirer de l'escalier qui me menait directement en enfer. Je suis resté chez le plus grand de la fratrie pendant des mois, c'est en voyant mes neveux, mes nièces, que j'ai repris le chemin de l'écriture, que l'imagination surtout l'envie arrivait et mon premier roman post-apocalyptique fut publié. Un roman à succès, je ne l'aurais jamais cru déjà que c'était un miracle d'avoir trouvé une maison d'édition à Londres alors le voir dans le top 10 des ventes et surtout en première position faisait naître en moi un sentiment de fierté, de joie dans mon esprit bien noir depuis des semaines.  Londres m'inspirait, une nouvelle vie, une nouvelle façon de penser, j'entamais la suite de mon deuxième roman avec sérénité, fermant le passage de ma vie pour ouvrir un nouveau chapitre à 34 ans.