wicked stone (miles)

Each day we stood almost shoulder to shoulder, occupying the same space, breathing the same air, but we remained strangers. — La journée avait bien démarré, j'étais parti travailler au zoo et je n'avais pas à travailler au restaurant vu que ce n'était pas mon tour. Aucun animal ne m'avait mordu, je n'étais toujours pas tombé et il ne pleuvait pas. Au contraire, il fait beau, le soleil brille et j'ai cette petite voix dans ma tête qui me dit que ça ne va pas durer. D'ailleurs, j'ai raison, mon téléphone sonne alors qu'il n'est que onze heures et ma journée tombe en lambeaux. Juliet. Juliet qui est paniqué. Juliet qui me demande de la remplacer parce qu'elle a oublié qu'elle a un contrôle aujourd'hui et elle a oublié. Donc logiquement, j'ai moins de deux heures pour trouver une excuse afin de partir au restaurant, tout en essayant de ne pas me faire virer, parce que c'est la troisième fois que je fais ce coup-là ce mois-ci. Par je ne sais quel miracle, mon patron est de bonne humeur et me laisse partir sans faire d'histoires. Comme quoi, le beau temps ça rend les gens heureux. N'empêche que je pars rapidement avant qu'il se mette à pleuvoir et qu'il change d'avis. Direction le restaurant et ce n'est pas avec le sourire que j'y vais. Quand je pousse les portes du restaurant, il est tout juste midi et le service a déjà commencé. Quelle merde. Je dépose mes affaires avant de commencer à prendre les commandes. Alors que je me retourne pour repartir en courant vers les cuisines, je bouscule un jeune homme sur le passage. « Désolé, désolé, désolé. » Dis-je avant de tourner la tête vers la personne que je venais de bousculer. Je me souviens de lui. Il vient régulièrement. Je m'apprête à lui souhaiter la bienvenue quand une autre serveuse arrive pour prendre le relais. Bizarrement, j'étais un peu déçu de ne pas pouvoir m'en occuper moi-même, mais je me contente de chasser cette pensée avant de continuer mon travail. Le coup de feu dure une trentaine de minutes avant d'enfin se calmer. J'avais jamais eu aussi chaud. Avant de repartir en salle, je me tourne pour me regarder dans le miroir dans la salle des employés. J'avais une tête horrible. Malgré le fait que j'ai attaché mes cheveux, ils étaient en bataille. Mes vêtements sentaient l'huile et la friture. J'avais même une goutte de sueur sur le front. Par moment, je me demande pourquoi il a fallu qu'on ouvre ce restaurant. Certes, c'est une bonne source de revenus, mais qu'est-ce que c'est chiant. C'est en soupirant que je retourne en salle. Je jette un coup d’œil pour voir si quelqu'un a besoin d'aide ou si un client veut demander quelque chose. Je remarque alors rapidement le jeune homme de tout à l'heure. Il semble vouloir demander quelque chose sans oser. Généralement, j'aurais juste tourné les talons en attendant que la personne se décide à demander ce qu'elle veut, mais cette fois, j'étais curieuse. En plus, il fait beau, donc même si ma tête n'est pas terrible à voir, je suis plutôt de bonne humeur et prête à aider mon prochain. Je me rapproche de lui en affichant un sourire discret sur mon visage. Même avec une tête de déterrer, je sais comment on s'occupe des clients et le sourire et une bonne arme. Je me pose devant la table où il est et j'attrape mon calepin si jamais j'ai besoin de noter quelque chose. « Je peux vous aider ? » Demandais-je avant de replacer une mèche de cheveux, qui semblait vouloir se faire la malle, derrière mon oreille. Je regarde le jeune homme avant de reposer rapidement mon regard sur mon calepin. Pas de doute, c'est bien lui qui vient régulièrement ces derniers temps. J'ai une bonne mémoire et je me souviens de beaucoup de choses dont la tête des gens. Surtout s'ils sont agréables à regarder. Enfin ça, je ne vais pas lui dire, j'aurais l'air drôlement con si je faisais ça. Je me contente de suivre le mouvement de la société qui est d'être comme tout le monde. En plus, il fait beau aujourd'hui donc c'est pas le même d'être bizarre.

Posté à l’entrée de la piscine municipale, cigarette au bec, Miles recracha habilement la fumée dans l’air. Après avoir passé une matinée à surveiller les bassins, il pouvait enfin s’accorder sa pause déjeuner et s’éloigner quelques heures de la désagréable du chlore de la piscine. Son job était tranquille, c’était correctement payé pour ce que c’était mais honnêtement, il l’ennuyait, surtout en semaine où les bassins étaient plutôt calmes. Finissant sa cigarette, le jeune homme l’écrasa par terre et se dirigea vers un restaurant à quelques mètres  de là. Le brouhaha qui parvint à ses oreilles au moment où il entra dans l’établissement eut le don de le faire hausser les sourcils. D’accord, il était midi mais pour être déjà venu ici plusieurs fois, c’était la première fois qu’il arrivait à un moment où il y avait autant de monde. S’il avait su, il aurait choisi un autre endroit. A l’instant où il s’apprêtait d’ailleurs à rebrousser chemin, il fut bousculé par quelqu’un de visiblement pressé. Miles leva la tête, croisant alors le regard d’une blonde qu’il reconnut aussitôt, mais il n’eut pas le temps de prononcer un mot qu’une autre jeune femme s’interposa, lui demandant où il voulait être placé. Il lui fallut cinq bonnes secondes avant de reprendre ses esprits et finalement, il répondit à la serveuse, s’avançant à la table où elle le guidait. Il ne savait même pas pourquoi il était resté. Sûrement parce qu’il avait vu cette blonde. En réalité, il l’avait déjà remarquée depuis quelques temps. La première fois qu’il était venu ici avec ses potes, ils n’avaient cessé de le chambrer car sans même s’en rendre compte, il l’avait regardée du coin de l’œil pendant toute la soirée. Elle était jolie. Vraiment jolie. Si Andy avait été là, elle lui aurait naïvement dit d’aller lui parler. Mais il ne l’avait encore jamais fait, se contentant de venir au restaurant occasionnellement. Quelques instants plus tard, quand il finit de déjeuner, Miles resta quelques minutes sans rien faire, tournant la tête pour voir si la jeune femme était dans le coin. Il mourrait d’envie de lui parler mais d’un autre côté, il se braquait. Parce qu’il était amoureux d’Andy et que c’était malhonnête de se diriger vers quelqu’un d’autre, même si sa meilleure amie elle-même lui aurait conseillé de se lancer. Hésitant, il fut pris au dépourvu quand la serveuse apparut tout à coup devant lui. « Euh— l’addition, s’il vous plaît? » répondit-il machinalement, véritablement confus. Il n’avait pas du tout réfléchi à ce qu’il voulait dire et ce fut la première chose qui lui vint à l’esprit. Bon sang, quel idiot, il avait envie de se frapper fort la tête contre la table. Avant qu’elle ne tourne les talons pour lui apporter l’addition, il la retint, soudainement décidé à ne pas se dégonfler. « Et aussi, je voulais vous dire que, hum, j’ai l’impression de vous avoir déjà vue. Vous— enfin tu n’as pas été à l’université de Greenwich, par hasard? » Miles mentait impunément. Il était certain de ne l’avoir jamais vue autre part qu’ici, mais le brun n’était pas sûr qu’y aller directement en lui disant qu’elle lui plaisait était la meilleure solution. Il valait mieux commencer doucement et voir comment ça se déroulait. Et puis, si ça se trouve, il se fatiguait pour rien, peut-être qu’elle avait un copain? Peut-être même qu’elle était infecte et qu’ils ne s’entendraient pas. « Désolé, un peu kamikaze comme façon d’aborder une fille, hein. » tenta-t-il, un rire nerveux s’échappant de ses lèvres. C’était la première fois qu’il accostait une inconnue comme ça, encore plus sur un lieu de travail; il croisait intérieurement les doigts pour qu’elle soit sympathique. Jetant un rapide coup d’œil autour de lui pour s’assurer qu’il puisse lui parler sans être dérangé par des clients pressés, il fut soulagé de voir que le restaurant s’était un peu vidé. « Jade, c’est ça? » lança-t-il avant d’ajouter, face à sa mine surprise : « C’est écrit sur ton badge. » Il lui sourit, montrant d’un mouvement de tête le badge épinglé sur son buste.

Each day we stood almost shoulder to shoulder, occupying the same space, breathing the same air, but we remained strangers. — Je ne comprends pas pourquoi, quand il y a du monde, c'est toujours sur moi que ça tombe.J'ai peut-être l'air de quelqu'un d'actif, mais honnêtement, j'aimerais bien pouvoir me poser au bord d'une piscine un verre à la main et les doigts de pieds en éventail. En plus, j'ai largement les moyens de faire ça, mais non, il fallait que je choisisse le chemin le plus chiant et fatiguant au lieu de prendre la facilité. Il y a des jours comme ça, on a envie de se plaindre toute la journée en mangeant de la glace devant une vieille série télé. Aujourd'hui, c'est un jour comme ça. Mise à part le soleil qui brille, il n'y a pas grand chose qui me remonte le moral. Du moins, c'est ce que je pensais. Une fois le coup de feu terminé, je m'approche d'une table où un jeune homme est installé. Il semble avoir besoin d'aide, donc me voilà. Jade à la rescousse. Je lui demande s'il a besoin de quoique ce soit en affichant un petit sourire. « Euh— l’addition, s’il vous plaît? » Je me contente de hocher la tête avant de commencer à tourner les talons pour aller lui chercher la fameuse addition. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis un peu déçu qu'il me la demande. Ça veut dire qu'il va partir. Qu'importe. Après tout, je ne m'attendais à rien alors je n'ai aucune raison d'être déçu. Je suis bien décidé à aller chercher l'addition et continuer ma misérable journée quand le jeune homme reprend la parole. Sans m'y attendre, je me retourne, légèrement surprise. « Et aussi, je voulais vous dire que, hum, j’ai l’impression de vous avoir déjà vue. Vous— enfin tu n’as pas été à l’université de Greenwich, par hasard? » Je reste sans voix, la bouche entrouverte. Je ne suis pas débile. J'ai compris que c'était une tentative de drague, mais il disait ça tellement naïvement et avec tellement d’innocence. C'est mignon, un peu bizarre et en plus, ça tombe comme un poil de cul dans la soupe, mais l'intention est louable. « Effectivement, j'ai passé mon diplôme là-bas. » Dis-je calmement en reprenant mes esprits. Je lui lance de nouveau un sourire, un vrai, cette fois. « Désolé, un peu kamikaze comme façon d’aborder une fille, hein. » Je rigole légèrement avant de finalement baisser un ma garde. Il a l'air sympathique. J'espère juste que c'est pas un poulet. J'ai pas envie de me faire prendre aussi facilement. « Il faut bien un début à tout, n'est-ce pas ? » C'est muni de ma confiance en moi que je passe une main dans mes cheveux pour essayer de les replacer correctement. Peine perdue. « Jade, c’est ça ? C’est écrit sur ton badge. » Un peu surprise au début, je me rappelle rapidement que mon nom est écrit sur ma tenue de travail. Je peux d'ailleurs suivre son regard se poser sur le badge et sur une partie qu'il n'est pas censé regarder aussi longtemps. Je me racle la gorge en posant ma main sur mon épaule. On ne peut pas dire que je sois gêné. Non, il m'en faut un peu plus. C'est alors que je décide de m’asseoir en face de lui après avoir vérifié que personne n'avait besoin de moi. Je suis propriétaire de ce restaurant, j'ai donc le droit. « J'espère que ça ne te dérange pas, mais je me suis dit que je pouvais t'aider à améliorer ta technique en rendant les choses plus simples. » Je n'irais pas dire que je suis une experte dans ce domaine, mais j'avais étudié pleins de livres à ce sujet et j'avais déjà mis les pieds dans assez de soirées mondaines pour savoir comment ça marche. C'est plus simple pour détourner l'attention des gens. Plus simple et plus propre que d’assommer un garde pour qu'il regarde ailleurs. « Et donc tu t'appelles comment ? » Demandais-je en regardant vaguement les serveuses s'activer. Je devrais sans doute leur donner un coup de main, mais j'ai la flemme. Puis, elles se débrouillent très bien sans moi. Secouant la tête, je reporte mon attention sur le jeune homme en lui souriant. Je lui fais alors signe d'attendre avant de me lever pour prendre deux cafés derrière le comptoir. Je donne un des deux à Miles avant de me rasseoir. « Offert par la maison. » Ajoutais-je en posant mes mains autour de ma tasse. Il va sans doute se demander pourquoi j'agis comme-ci j'étais chez moi. Le restaurant m'appartient, mais je n'ai pas envie de lui dire. Ma fortune faisait toujours fuir les garçons, donc j'avais appris à ne rien dire. Encore une chose que j'ai lue dans un bouquin. « Et donc, tu viens souvent dans le coin ? » Il me semblait l'avoir vu venir plusieurs fois au restaurant. Sans que je ne m'en aperçoive, j'avais mémorisé son visage. Il m'était presque devenu familier. Sur ces mots un peu taquins, je prends une gorgée de mon café que j'ai complètement oublié de sucrer et qui me fait faire une grimace. « J'oublie toujours de rajouter du sucre. » Dis-je plus pour moi qu'autre chose. Parfois, je me parle à moi-même, il faudrait juste que je ne le fasse pas trop devant lui ou il va finir par fuir en pensant que je suis cinglé. Remarque, il n'aurait pas vraiment tort.

Miles n’avait jamais abordé quelqu’un de cette façon. Il n’était pas particulièrement timide ou maladroit avec les filles, mais accoster une personne qu’il ne connaissait absolument pas et à qui il n’avait à priori aucune raison de parler, c’était la première fois. Son initiative était d’ailleurs peut-être un peu trop culottée, pendant une fraction de secondes, il s’inquiéta en voyant la mine étonnée - et encore, le mot n’était sûrement pas assez fort - de la serveuse qui lui faisait face.  « Effectivement, j'ai passé mon diplôme là-bas. » Elle lui sourit, et Miles se détendit légèrement. Peut-être que finalement, ce n’était pas si mal que cela. Au moins, même si tout cela partait d’un mensonge, il pouvait encore jouer la comédie et prétendre l’avoir déjà vue à l’université. Hochant la tête, il esquissa un sourire, faisant mine d’être satisfait de sa réponse. « Il faut bien un début à tout, n'est-ce pas ? » Et pour un début, Miles était plutôt fier de lui. Il ne savait pas si c’était de la chance, mais pour quelqu’un qui avait mis des jours à se décider à lui parler, qu’elle se montre aussi agréable avec lui était une bonne surprise. Pas qu’elle n’ait l’air méchante, mais si on y réfléchissait un peu plus, elle avait toutes les raisons de l’envoyer bouler. Ils étaient quand même sur son lieu de travail. « Qui te dit que c’est la première fois? C’est peut-être dans mes habitudes de taper la discut’ avec toutes les serveuses du coin, qui sait. » répondit-il d’un air énigmatique, son sourire traduisant cependant sa mascarade. Miles n’était pas un séducteur. Il n’était pas du genre à draguer tout ce qui bouge ou à enchaîner les conquêtes, il préférait la stabilité, sans pour autant forcément chercher à se caser dans l’immédiat. En ce qui concernait Jade, il n’avait pas la prétention de se projeter dans quoique ce soit avec elle, ils étaient encore des étrangers l’un pour l’autre. Même si elle lui plaisait physiquement, le jeune homme était plutôt dans la logique d’apprendre à la connaître. Dans tous les cas, il ne perdait rien, non? Il fut réellement surpris quand elle finit par s’asseoir en face de lui et tourna la tête par réflexe, comme pour s’assurer que les autres employées ne commençaient pas à leur jeter des regards suspicieux. Qu’elle se fasse virer de son job à cause de lui était la dernière chose qu’il souhaitait. « J'espère que ça ne te dérange pas, mais je me suis dit que je pouvais t'aider à améliorer ta technique en rendant les choses plus simples. » Il lâcha un rire, accusant le coup. Et dire qu’il avait pensé être subtil… C’était raté. Décidément, cette Jade était pleine de surprises, ce qui n’était pas pour lui déplaire, bien au contraire. Maline en plus d’être mignonne, c’était tout à son honneur. Miles s’appuya à l’aide de ses coudes sur la table et fronça le nez, feignant exagérément l’incompréhension. « Ma technique? Quelle technique? Naaan, je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler. Je t’ai juste dit que tu me rappelais quelqu’un. » Maintenant qu’il s’était fait griller, autant en rire qu’en faire tout un plat, n’est-ce-pas. « Non sérieusement, je te drague pas. Enfin peut-être que si, mais j’ai pas envie que tu penses ça de moi. » insista-t-il en plaisantant, ne pouvant gommer ce sourire au coin de ses lèvres. Il espérait tout de même qu’elle ne le prendrait pas pour un de ces blaireaux qui ont pour habitude de faire du rentre-dedans à des filles dans la rue, sans délicatesse. Quelque chose lui disait que si Jade restait en sa compagnie, c’est qu’elle n’était pas dérangée par le fait d’avoir subi une approche un peu désastreuse, mais toutefois, le brun préférait encore rester sur ses gardes. « Miles. Miles Peterson. » se présenta-t-il enfin, lui tendant spontanément sa main pour une poignée amicale. Il lui lança un regard interloqué quand elle revint avec deux tasses de café. Offert par la maison? Il ne se plaignait pas, mais la confiance de Jade par rapport à sa liberté dans ce restaurant le laissait dubitatif. « Ton patron ne risque pas de te faire des histoires? Je suis convaincu que ma tentative d’approche complètement foirée a fini par te séduite, mais je me sentirais aussi mal de te faire perdre ton job. » Miles disait cela sur un ton léger mais en réalité, il avait vraiment peur qu’elle ait des problèmes par sa faute. Pour avoir déjà écumé pleins de petits boulots depuis quelques années, il savait à quel point il était facile de se faire virer pour la moindre erreur. Malheureusement, à Londres, on vous embauchait aussi facilement que l’on vous éjectait. En parlant de boulot, il jeta un rapide coup d’œil à son portable, vérifiant qu’il lui restait encore un peu de temps avant de devoir repartir. Si Jade semblait prête à encourir des risques, lui, il n’avait pas vraiment envie de se faire remonter les bretelles par son supérieur. « Oui, en fait je bosse dans le quartier depuis pas longtemps, je travaille à la piscine, à quelques rues plus loin. Les repas réservés aux employés sont absolument immangeables, je préfère venir ici. » Miles aimait bien ce petit restaurant. Sans forcément parler de Jade, il appréciait l’atmosphère des lieux, c’était modeste et convivial. Le genre d’établissement avec une ambiance familiale qui donnait envie de revenir, même pour simplement prendre un café. Alors s’il pouvait avoir des cafés gratos et en plus faire connaissance avec la jolie serveuse, c’était le jackpot. Le brun pouffa de rire en voyant la tête de Jade et lui tendit d’un œil moqueur sa propre tasse, qu’il n’avait pas fini de remuer. « Petite nature, va. Tiens, prends le mien, je l’ai pas encore touché. » Il n’était pas sûr d’avoir besoin de caféine par ailleurs, la compagnie de Jade suffisait amplement à le garder en éveil. « Tu travailles ici depuis longtemps? »

Each day we stood almost shoulder to shoulder, occupying the same space, breathing the same air, but we remained strangers. — Je ne m'attendais pas à voir ma journée s'éclaircir aussi radicalement. Certes, il faisait encore jour et le soleil brillait, mais j'avais devant moi un vent de fraîcheur. Comme quand le printemps arrive alors qu'on l'a attendu désespérément. J'étais loin d'être gêné ou dérangé par le jeune homme et son approche. Au contraire, j'étais amusé. J'ai tellement l'habitude de tout contrôler dans ma vie alors voir qu'un jeune homme charmant s'approche de moi et tente d'engager une conversation, ça me fait plaisir. D'habitude, c'est toujours parce qu'ils veulent quelque chose, mais j'avais le sentiment qu'il était vraiment sincère et voulait juste me connaître. Je dois surement être médium. « Qui te dit que c’est la première fois? C’est peut-être dans mes habitudes de taper la discut’ avec toutes les serveuses du coin, qui sait. » Je le regarde mentir comme un arracheur de dents. Il n'est pas très doué pour le mensonge et il ne sait pas qu'il a une experte dans ce domaine en face de lui. « Toutes ? Ça fait beaucoup de prénoms à retenir, heureusement que c'est marqué sur nos uniformes. » Dis-je en haussant les épaules comme-ci j'étais totalement indifférente face à ses activités. En vrai, si je n'étais pas sûr que ce n'était pas le cas, je l'aurais massacré sur place. Je ne suis pas un bout de viande. Enfin, techniquement, si, un peu. Du moins, un cannibale dirait que j'en suis un. D'ailleurs, je me demande ce que les extra-terrestres diraient à ce sujet. Surement que je suis un être organique fait de carbone, d'oxygène et tout le reste. Ils ont l'air tellement intelligent ces aliens. Pour en revenir à l'être organique en face de moi, son air innocent et presque insouciant est charmant. S'il savait les activités que j'ai la nuit, il me balancerait sans doute aux flics. Il a l'air d'un type bien. Trop bien pour quelqu'un dans mon genre. Je finis néanmoins par m'asseoir en face de lui. Peut-être que je ne devrais pas, mais en ce moment, j'avais besoin de quelqu'un de bien à qui parler. Parce que je me sens un peu comme un sims ayant reçu comme inspiration, fromage fondu. « Ma technique? Quelle technique? Naaan, je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler. Je t’ai juste dit que tu me rappelais quelqu’un. » Rigole mon grand, rigole. Sa technique est loin d'être au point, mais c'est ça qui est amusant. Après tout, tout le monde n'est pas un don juan de première et c'est pas plus mal. Un bon point pour lui. « Non sérieusement, je te drague pas. Enfin peut-être que si, mais j’ai pas envie que tu penses ça de moi. » Je penche la tête faisant mine de réfléchir. « Et tu voudrais que je pense quoi alors ? » Autant lui demander. Il avait peut-être une idée sur laquelle il voulait qu'on se fixe, ou pas, mais dans le doute, je préfère demander. « Miles. Miles Peterson. » Je lui lançais un sourire avant de lui serrer la main qu'il me tendait. Miles. C'est peut-être pas marqué sur ses vêtements, mais je suis certaine de retenir son nom. Sur ce, je partis chercher deux tasses de café avant de me rasseoir, toujours en face de lui et avec mon éternel sourire au bord des lèvres. « Ton patron ne risque pas de te faire des histoires? Je suis convaincu que ma tentative d’approche complètement foirée a fini par te séduite, mais je me sentirais aussi mal de te faire perdre ton job. » En plus, il s'inquiète pour moi. Décidément, il a pleins de qualités. J'espère juste que ses défauts ne les couvrent pas. Enfin, ça pour le moment, je ne peux pas le dire, même si je suis un médium. « Non, ça ne risque pas vu que ... » Je marque une pause. Non, il n'a pas besoin de savoir que je suis la propriétaire. C'est mieux qu'il ne sache rien pour le moment. Parce que c'est le genre de chose qui fait fuir les types ayant un peu trop d'ego. Je ne vais pas prendre le risque. « ... Je connais les propriétaires. » Ce n'est qu'un demi-mensonge vu que mes sœurs sont aussi propriétaires et aux dernières nouvelles, je les connais. Je change rapidement le sujet avant qu'il ait l'idée de me demander plus de précision. Il me faut un peu de temps pour que j'améliore mon demi-mensonge. « Oui, en fait je bosse dans le quartier depuis pas longtemps, je travaille à la piscine, à quelques rues plus loin. Les repas réservés aux employés sont absolument immangeables, je préfère venir ici. » Voilà pourquoi je ne l'avais jamais croisé. Je ne vais jamais à la piscine, mais peut-être qu'il faudrait que je passe y faire un tour. Surtout s'il est là, ça sera beaucoup plus sympa. « Un maître nageur alors ? Ça doit être sympa de passer la journée au bord de la piscine. » Peut-être un peu moins quand c'est pour le travail. « Pour ce qui est du repas, je suis ravie d'entendre qu'il te plaît. Notre chef est un vrai Picasso de la cuisine ou du moins de l'omelette bacon. » Après que moi et mes sœurs ayons mis nos tripes dans le Cherry Tree, ça fait toujours plaisir d'entendre ça. Surtout si ça vient de Miles. Je sais que c'est sincère. Cependant, j'ai peut-être l'air un peu trop heureuse qu'il pense ça du restaurant, ça va paraitre un peu louche ou alors je me pose trop de questions. De toute manière, le sujet change bien rapidement quand je remarque avoir oublié le sucre dans mon café. « Petite nature, va. Tiens, prends le mien, je l’ai pas encore touché. » De nouveau, je lui lance un sourire. Il est aussi charmant que bienveillant. Trois bon points pour lui. Il va finir par faire exploser le compteur du mec bien. « Merci, c'est gentil. J'ai tendance à être un peu tête en l'air et oublier les choses, mais parfois, j'ai une bonne mémoire aussi. » Dis-je en faisant référence au fait que je ne vais pas oublier ce qu'il me dit et me dira. Il ne faut pas qu'il se mette la pression, malgré tout. J'attrape sa tasse en me grattant le bout du nez comme je le faisais à chaque fois que j'étais gêné. Après tout, je lui apporte un café et au final, il me donne le sien parce que j'avais trop la tête ailleurs pour penser à mettre du sucre dans le mien. « Tu travailles ici depuis longtemps? » Je relève rapidement la tête vers Miles. Me reprenant bien rapidement, je goûte au café sucré avant de lui répondre. « Depuis son ouverture. » J'avais répondu machinalement sans penser que ça fait une dizaine d'années qu'il est ouvert et que je serais quand même une employée vachement fidèle si j'avais bossé autant de temps dans le coin. « Enfin, vu que je connais les propriétaires, je leur donnais un coup de main l'été, mais ça fait six ans que je suis là à mi temps. » J'accompagnais mon discours en gesticulant mes bras, histoire de donner plus d'assurance à mon discours. « Je travaille au zoo comme soigneuse animalière le reste du temps. » Ajoutais-je en posant mes deux mains sur la tasse de café. Finalement, être en compagnie de Miles me rendait moins méfiante qu'à mon habitude. Il a sans aucun doute une aura apaisante. Je sais de quoi je parle vu que je suis médium. Changeant de nouveau le sujet, je pose une nouvelle question à Miles. « Et toi dis moi, tu as déjà sauvé la vie de quelqu'un depuis que tu es maître nageur ? » J'avoue que ça serait vachement cool si c'était le cas. Il serait le héros de la piscine et un héros ça reste un héros. « Et tu as toujours vécu à Londres ? » Ajoutais-je, curieuse d'en savoir plus sur lui.

« Toutes ? Ça fait beaucoup de prénoms à retenir, heureusement que c'est marqué sur nos uniformes. » Il se rapprocha légèrement, s’appuyant sur ses avant-bras posés sur la table. « C’est vrai que c’est pas toujours facile. C’est quoi d’ailleurs ton prénom, déjà?  Judy, Julie? » renchérit-il, fronçant le nez en une moue taquine en prétendant ne plus se rappeler. En ce qui concernait  Jade, il était quasiment certain de ne pas l’oublier. Le jeune homme était habitué à fréquenter les mêmes personnes alors un peu de fraîcheur ne pouvait que lui faire du bien. Il appréciait la légèreté de leur conversation, la simplicité d’une nouvelle rencontre. « Et tu voudrais que je pense quoi alors ? » Bonne question. Il ne s’était pas attendu à ce qu’elle rebondisse dessus, alors il fronça les sourcils un instant, un peu pris au dépourvu. Miles n’était pas stupide, il se doutait bien que Jade en profitait pour lui demander d’une façon subliminale ses intentions vis-à-vis d’elle. La vérité était que le brun ne savait pas vraiment. Il refusait de d’ores et déjà définir leur échange comme un flirt, mais en même temps, on ne pouvait pas dire qu’il lui avait adressé la parole dans le simple but de devenir un nouveau pote. Indéniablement, elle lui plaisait. Du moins, pour l’instant physiquement. « Je sais pas trop, » commença-t-il en détournant le regard, cherchant quoi répondre. « Disons que si tu penses que je suis un gars assez cool pour avoir ton numéro au moment où je partirai, alors ce sera déjà un bon début. » Bon, peut-être que finalement, on pouvait dire qu’il flirtait un peu avec elle. Et puis zut, c’était réellement compliqué de mettre des mots sur ce genre de situation, hein? Il n’avait pas envie que Jade le pense déjà emballé sur quoique ce soit, mais d’un autre côté, il ne souhaitait pas non plus qu’elle le cantonne directement à la friendzone et pense s’être fait un nouveau meilleur ami. Il avait assez donné, hors de question de refaire les mêmes erreurs, surtout lorsqu’il y avait déjà un si bon feeling entre eux. Il ne commenta pas lorsqu’elle lui déclara connaître les propriétaires, ne relevant pas la moindre ambigüité. Lui n’aurait pas été aussi à l’aise sur son lieu de travail, sauf si les propriétaires étaient ses parents, mais Jade devait sûrement être assez proches d’eux pour pouvoir se permettre ce genre de choses. Dans tous les cas, c’était plutôt plaisant, il s’était imaginé échanger pas plus de deux mots avec elle et finalement, il se retrouvait à la même table que la blonde, autour d’un café qui plus est. « Un maître nageur alors ? Ça doit être sympa de passer la journée au bord de la piscine. » Miles hocha la tête pour confirmer, enchaînant avec un léger rire. Parfois, les gens semblaient se faire une fausse idée de ce job. Ils ne se doutaient pas que l’odeur du chlore finissait par lui irriter les narines, qu’il s’ennuyait le plus souvent à mourir en surveillant les nageurs et qu’il lui était arrivé plus d’une fois de sortir son portable pour tuer le temps en cherchant des Pokémons comme cinquante pourcent de la population en ce moment. En somme, maître nageur, c’était tranquille oui, mais parfois beaucoup trop. « Sûrement moins sympa qu’être serveuse pour  squatter la table des clients. » répondit-il, un air malicieux sur le visage. C’était une petite pique, taquine mais pas le moindre du monde méchante ; au contraire, il appréciait la compagnie de Jade. « Merci, c'est gentil. J'ai tendance à être un peu tête en l'air et oublier les choses, mais parfois, j'ai une bonne mémoire aussi. » En temps normal, son air étourdi aurait pu l’agacer mais là, Miles trouvait ça plutôt mignon. Elle était spontanée, semblait ne pas calculer grand-chose et c’était cette authenticité qu’il aimait bien. « J’espère bien, je serais vexé que tu ne te souviennes plus de moi si je reviens ici. » Sous-entendu, je ne suis pas sûr de repasser bien qu’entre nous, maintenant qu’il connaissait un tout petit plus Jade, le jeune homme était quasiment certain qu’il s’arrêterait la prochaine fois qu’il flânerait autour du restaurant. De toute façon, même si son boulot à la piscine ne lui plaisait que moyennement, c’était correctement rémunéré et tant qu’il ne trouverait pas mieux, il resterait dans le quartier alors bon, autant en profiter, n’est-ce pas? Pour être honnête, il n’avait même jamais été aussi enthousiaste à l’idée d’être dans ce quartier de Londres qui d’ordinaire, n’avait pas grand intérêt à ses yeux. La jolie blonde était incontestablement la meilleure distraction qu’il n’ait jamais eue depuis qu’il bossait dans le coin. Acquiesçant la tête pour lui montrer qu’il l’écoutait, Miles réprima un sourire en coin en remarquant les grands gestes qu’elle faisait pour s’exprimer. Décidément, Jade paraissait vraiment être une fille spéciale. « Enfin, vu que je connais les propriétaires, je leur donnais un coup de main l'été, mais ça fait six ans que je suis là à mi temps. Je travaille au zoo comme soigneuse animalière le reste du temps. » Ses yeux s’écarquillèrent et il arqua les sourcils en une mine étonnée et à la fois impressionnée. Soigneuse animalière, la classe. Il tentait de l’imaginer dans un autre uniforme que son tablier de serveuse et bizarrement, l’idée de l’imaginer dans celui du zoo collait parfaitement. Dans le Myers Briggs Type Indicator, elle devrait probablement être dans la catégorie des personnes artistes, dans leur monde à elle, peut-être idéaliste? Ou pas du tout, justement. Pas réellement physionomiste, Miles n’était pas forcément doué pour analyser les gens, mais il ne pouvait s’empêcher de s’y essayer. « Non, sérieux? Ca a l’air génial, je pense que j’aurais aimé aussi travailler au zoo, quand j’étais petit. Enfin j’avais peur des serpents donc ça n’aurait pas été très pratique, ceci dit. » Il en avait toujours peur, mais chut. Il avait toujours été admiratif des personnes qui exerçaient le job qui les passionnaient et nul doute que Jade aimait ce qu’elle faisait. La carrière professionnelle était un sujet qu’il évitait toujours d’aborder, encore frustré de ne pas avoir pu poursuivre sa vocation dans l’informatique, Miles détestait évoquer ses études, les petits boulots qu’il enchaînait par ci par là. « Et toi dis moi, tu as déjà sauvé la vie de quelqu'un depuis que tu es maître nageur ? » Il grimaça, se décidant à rétablir la vérité à propos des maîtres nageurs. « Tu dois probablement en sauver plus que moi, à part quelques gosses qui glissent sur le rebord des bassins, je t’avoue qu’il n’y a pas grand-monde à sauver. C’est loin d’être Alerte à Malibu dans les piscines de Londres. » En même temps, il n’allait pas s’en plaindre, mieux vaut cela que de devoir sauver des dizaines de vies par minute. En tout cas, à part les formations qu’il avait eues avant de décrocher ce travail, Miles n’avait encore jamais été confronté à un réel cas de sauvetage. Le bouche à bouche, les massages cardiaques, il n’avait pas encore testé et c’était tant mieux.  « Ouep. Mes deux parents viennent de Londres, leurs grands parents aussi, tous les Peterson ont toujours vécu ici. J’ai un appart vers Shoreditch et mes deux frères habitent aussi ici. Et toi? » Plus il parlait avec elle, moins Miles regrettait d’avoir fait le premier pas. Elle était sympathique, sans parler de son charme, elle dégageait quelque chose qui le poussait à vouloir en savoir plus. « Hum, il me reste seulement quinze minutes de pause. » ajouta-t-il en jetant un coup d’œil à l’heure de son portable, tirant une moue dépitée à l’idée de devoir retourner à la piscine dans quelques temps.

Spoiler:

Each day we stood almost shoulder to shoulder, occupying the same space, breathing the same air, but we remained strangers. — « C’est vrai que c’est pas toujours facile. C’est quoi d’ailleurs ton prénom, déjà?  Judy, Julie? » Ce culot. Je sais très bien qu'il n'a pas oublié mon prénom. J'ai envie de m'offusquer, mais je reste calme, comme toujours. Après tout, si je m'énerve devant autant de monde, qu'est-ce qu'on va penser de moi ? On me prendrait pour une folle furieuse. « C'est Jade, j'pensais pas que tu aurais déjà oublié, Milo. » Et tac, c'est comme ça qu'on fait. Toujours avec classe. Bien sûr que je sais qu'il s'appelle Miles. Puis après tout, c'est lui qui a commencé ce petit jeu. Je ne fais que continué parce que je trouve ça amusant. Par la peine, j'enchaine sur une question, qu'il n'a sans doute pas vu venir. « Je sais pas trop, » Je continue de le fixer en le regardant droit dans les yeux. Il va me falloir une réponse plus complète. Je sais très bien que je peux me montrer oppressante et j'espère ne pas l'étouffer avec cette question qui lui tombe dessus comme une enclume. Je ne sais même pas ce que j'attends comme réponse, mais je l'attends quand même. « Disons que si tu penses que je suis un gars assez cool pour avoir ton numéro au moment où je partirai, alors ce sera déjà un bon début. » Je lui lance un sourire amusé avant de détourner le regard vers la fenêtre. Pour quelqu'un qui ne drague pas beaucoup, il semble savoir s'y prendre. Peut-être que je ne suis pas la première. Peut-être fait-il ça à chaque fois. Peut-être ou peut-être pas. Au fond de moi, je veux croire qu'il est sincère. « Et bien disons que tu es sur le bon chemin pour l'avoir. » Dis-je simplement en lui souriant. Je n'ai aucune idée d'où ça nous mènera ou même si ça mènera quelque part, mais ça ne m'empêche pas de lui donner mon numéro. Il ne m'a pas l'air d'être un dangereux criminel, ni un pervers, ni un gros naze donc pas de quoi s'inquiéter. Je ne signe pas un contrat de mariage, je lui donne juste un ensemble de nombres censé nous rapprocher. Comme le monde est bizarre. Une poignée de chiffres, c'est tout ce qu'il faut. Le jeune homme me révèle alors travailler à la piscine et immédiatement, je me mets à rêver de ce métier qui envoie du pâté quand on y pense. « Sûrement moins sympa qu’être serveuse pour squatter la table des clients. » Je regarde son air taquin du coin de l’œil avant d'afficher à mon tour un sourire en coin. « On peut toujours arranger ça, une perruque blonde, un peu de fond de teint et ils n'y verront que du feu. » Rien qu'à l'idée de l'imaginer avec un tel attirail, je peux vous dire que ça serait assez comique. Bien entendu, ils verront directement qu'il n'est pas moi, mais quand même. Moi, je dis que ça ce tente. Puis avec tout ça, je me retrouve un peu déstabilise et me voilà qui oublie des trucs, comme un morceau de sucre. C'est idiot, ce n'est pas la première fois que je flirte. J'imagine que parfois les choses ne s'expliquent pas. Je tiens quand même à préciser que je ne vais pas oublier ce charmant jeune homme qui a passé les portes du restaurant. Je parle de lui, pour préciser, mais je crois qu'il a compris. « J’espère bien, je serais vexé que tu ne te souviennes plus de moi si je reviens ici. » Je lui réponds simplement d'un regard et d'un hochement de tête. Aucun risque, je ne vais pas l'oublier. Certaines personnes nous marquent. Les gens vont et viennent, certains reste et au fond de moi, j'espère que Miles ferra parti de ceux qui reste. Je lui explique alors rapidement que je ne travaille pas qu'ici, que j'ai un autre emploi au zoo. En gros, je suis quelqu'un d'occuper, mais ce sont de très bonnes occupations, selon moi. « Non, sérieux? Ca a l’air génial, je pense que j’aurais aimé aussi travailler au zoo, quand j’étais petit. Enfin, j’avais peur des serpents donc ça n’aurait pas été très pratique, ceci dit. » Je rigole de bon cœur en l'entendant dire ça. Honnêtement, ça fait du bien de pouvoir être spontané avec quelqu'un sans passer par la case, super gênant. Avec Miles, c'est simple de parler, on n'a pas à se prendre la tête. « Et tu en as toujours peur ? » On a tous nos phobies et je comprendrais totalement que Miles soit encore effrayé par les serpents. C'est sûr qu'ils peuvent faire peur, même si personnellement, ils ne me dérangent pas. En quelques minutes, j'en avais appris des choses sur lui. Je pourrais rester assise comme ça à lui parler pendant des heures sans me lasser. Je lui demande alors s'il a déjà sauvé la vie de quelqu'un. « Tu dois probablement en sauver plus que moi, à part quelques gosses qui glissent sur le rebord des bassins, je t’avoue qu’il n’y a pas grand-monde à sauver. C’est loin d’être Alerte à Malibu dans les piscines de Londres. » Je fais une petite moue en fixant la table avant de reposer mon regard sur le jeune homme. Miles était honnête. N'importe qui aurait pu inventer un faux sauvetage, mais pas lui. Il sentait la fraicheur et la simplicité. Quelque chose qui manque cruellement dans ma vie. « Quoi ? Pas de bikini rouge ? Pas de course au ralenti ? » M'offusquais-je en rigolant. Je l'aurais bien imaginé. Miles courant pour sauver une demoiselle en détresse, comme dans la série. Ça serait spectaculaire. Une nouvelle question s'échappe alors de mes lèvres. « Ouep. Mes deux parents viennent de Londres, leurs grands parents aussi, tous les Peterson ont toujours vécu ici. J’ai un appart vers Shoreditch et mes deux frères habitent aussi ici. Et toi? » Deux frères, finalement, on a des points en communs. Enfin, plus au moins. Je sais qu'on vient de deux mondes différents, mais ça ne veut pas dire que je dois m'enfermer dans le miens et le rejeter. Je n'avais pas envie de perdre une perle comme Miles. « En fait, je viens de Dublin. J'ai emménagé ici avec mes deux sœurs il y a une dizaine d'années. Ma grande sœur nous a pris en charge à la mort de notre mère, pour éviter qu'on se retrouve toutes séparés dans des foyers différents. » J'évite soigneusement de lui dire que j'habite à Kensington. Pour le moment, je préfère détourner son attention en parlant de quelque chose d'important comme la mort de ma mère. En fait, ça fait un peu dramatique. Il va croire que je rame comme une dingue pour m'en sortir ce qui n'est pas réellement vrai. « Enfin, c'était il y a longtemps. Je suis heureuse d'être arrivé à Londres en plus on croise des gens vraiment intéressants dans le coin. » Dis-je en affichant un petit sourire sincère. Je parle de lui, il a dû le comprendre. Je me montrais rarement aussi spontané avec un étranger, mais Miles, il est différent. Il me donne envie de me confier, de tout lui raconter. « Hum, il me reste seulement quinze minutes de pause. » Je sors alors rapidement de mes pensées. Oui, il fallait qu'il reparte et rien ne me disait qu'il allait revenir. Du moins, je ne pouvais pas en être certaine. À quoi je m'attendais ? J'avais cette petite voix dans ma tête qui me disait de m'en tenir à mes extra-terrestres et ne pas chercher plus loin. Sauf que j'écoute rarement cette petite voix. Les aliens, c'est cool, mais Miles l'est tout autant. Venant de moi, c'est un compliment. Avant qu'il ne parte, je me lève pour attraper un bout de papier afin d'y noter mon numéro. « Tiens. » Dis-je avant de me rasseoir. « Tu pourrais revenir ... ou je pourrais aussi passer te voir. » Nous sommes dans un monde moderne, les garçons ne sont pas les seuls à devoir faire le premier pas. Je peux aussi bouger mes fesses et prendre les choses en mains. « Il faut que je trouve une place dans mon emploi du temps surchargé, mais ça peut se faire. » Ajoutais-je pour garder une part de mystère. Alors que je sais très bien que j'irais le voir s'il met trop de temps à revenir. « Il nous reste quelques minutes. Alors, dis moi, ils s'appellent comment tes frères ? Tu as un animal de compagnie ? Tu fais quoi de ton temps libre ? Tu crois aux aliens ? » Je fais défiler les questions, même si j'aurais pu m'abstenir pour la dernière. Il reste peu de temps et je n'ai pas envie de le laisser partir, sauf que je n'ai pas le choix. Alors, je veux tout savoir avant qu'il ne parte.

Spoiler:

Miles devait l’admettre, plus il parlait avec Jade et plus il avait envie de la connaître. Pour ne pas mentir, lorsqu’il l’avait repérée du coin de l’œil en entrant pour la première fois dans ce petit restaurant, il ne s’attendait pas vraiment à ce qu’elle soit aussi agréable. C’était cliché, mais une blonde plutôt pulpeuse aux jambes interminables, on la mettait dans la catégorie ‘nanas insaisissables et potentiellement imbuvables’, hein? Combien y avait-il de chances à ce qu’elle s’intéresse à lui, le type le plus ordinaire au monde? Peut-être qu’elle s’ennuyait d’ailleurs, qu’elle avait juste besoin d’un peu de compagnie et qu’il faisait office de bouche trou. « C'est Jade, j'pensais pas que tu aurais déjà oublié, Milo. » Pas mal, pas mal. Elle avait de la répartie et une vivacité d’esprit qui ne se refusaient pas, jusqu’ici, le brun était sous le charme. Pas qu’il appréciait se faire remballer le caquet mais il avait toujours préféré les filles qui ne se laissaient pas faire, sans pour autant paraître inaccessibles. Les divas en revanche, très peu pour lui. Heureusement, Jade avait l’air totalement à l’opposé de ce genre de filles. « Désolé Judy, mémoire défaillante, tu sais. » fit-il mine d’un ton théâtral, en se tapotant le front du bout des doigts. C’était plaisant d’avoir une conversation aussi fluide avec quelqu’un que l’on connaissait à peine. Ca changeait des discussions à peu près redondantes qu’il avait avec le reste de son entourage, à savoir si sa situation financière  s’était améliorée, s’il comptait changer de boulot. Il faisait peut-être une fixette, mais il avait toujours eu l’impression d’être jugé sur sa vie professionnelle, en particulier par les gens dont il était censé être le plus proche. Jade  n’avait pas ce regard. Normal tout compte fait, elle ne savait encore rien de lui. Du moins, peu de choses, même si maintenant, elle se doutait probablement qu’elle lui plaisait. « Et bien disons que tu es sur le bon chemin pour l'avoir. » Aussi, il ne put s’empêcher d’esquisser un sourire en coin, presque étonné qu’elle se montre si réceptive. Bon, au fond, un numéro, ce n’était pas si terrible que cela. Aux yeux de Miles, ce n’était même pas forcément quelque chose de lié à la drague même si évidemment, il espérait qu’elle voie quand même où il voulait en venir. Enfin, un peu, quoi. Lui lançant un regard faussement charmeur et en réalité plus mutin qu’autre chose, il s’enfonça dans sa chaise, les mains derrière la tête. « Ca va, je m’en sors pas trop mal finalement, je vais pouvoir songer à appliquer ma technique dans d’autres restos, t’en penses quoi? » répondit-il, faisant allusion à la pitoyable tentative d’approche qu’il avait essayée pour lui parler, il y a encore environ un quart d’heure. C’était quand même rassurant et satisfaisant de voir que tout comme lui, Jade avait l’air d’apprécier sa compagnie. Ou alors, elle jouait drôlement bien la comédie parce qu’offrir un café (pas vraiment puisque c’était elle qui avait fini par le lui prendre) de l’établissement à un type inconnu, ce n’était pas très commun. « On peut toujours arranger ça, une perruque blonde, un peu de fond de teint et ils n'y verront que du feu. » Kézako? Le jeune homme fit une moue perplexe, s’imaginant non sans horreur avec une allure de travesti blond déambulant dans le restaurant. « C’est quoi du fond de teint? » fronça-t-il les sourcils, en réalité pas vraiment intéressé par la question. Sans paraître calculateur, Miles faisait attention à ne pas la brusquer car après tout, lui-même prenait juste son temps à la découvrir mais parfois, il ne pouvait s’empêcher de se montrer un peu plus entreprenant. S’il y avait bien une chose qu’il avait compris avec les filles, c’était que si on se montrait trop amical avec elles, la relation finissait au point mort. Un peu comme avec sa meilleure amie, même si à force, il avait fini par abandonner l’idée d’un jour être plus qu’un ami pour elle. En y repensant, il s’en voulait un peu de flirter avec Jade tout en étant conscient d’être entiché d’une autre mais rapidement, le sourire de la blonde le ramenait à la raison. Il avait le droit de rencontrer d’autres personnes. Andy elle-même l’encourageait. Et puis, le courant passait bien entre eux, pourquoi s’empêcher? « Et tu en as toujours peur ? » Il grimaça à la simple pensée de ces reptiles. « Disons que je passe volontiers mon tour s’il faut en approcher un. » Sans rire, c’était la faute de Kaa dans Le Livre de la Jungle qui l’avait traumatisé quand il était petit. Quand il voyait des gens toucher des serpents, il les imaginait s’enrouler autour de leur cou avant de… Brr, ces bêtes lui faisaient froid dans le dos. Il admirait Jade pour exercer ce job et la voyait d’ailleurs très bien dans le rôle. C’était probablement con dit comme cela, mais elle avait définitivement la tête de quelqu’un qui aimait les animaux. « Quoi ? Pas de bikini rouge ? Pas de course au ralenti ? » Miles rit à son tour, haussant les épaules dans une moue désolée. C’était vrai que parfois, il n’était pas contre l’idée d’avoir quelqu’un à sauver, un peu d’action dans son quotidien morose et ennuyeux à mourir ne serait pas de refus. « C’est possible de me voir en short rouge flash très moche, mais en bikini, il y a peu de chances en effet. » plaisanta-t-il, se disant que ce serait d’ailleurs une bonne idée que les maîtresses nageuses portent ce genre de maillot de bain… Histoire d’avoir au moins une seule distraction, quoi. Rapidement, la discussion vira sur des détails un peu plus personnels et Miles se pinça les lèvres lorsque Jade parla de sa mère. Elle n’avait pas l’air plus attristée que cela mais c’était toujours compliqué de réagir correctement face à ce genre de déclarations. « Enfin, c'était il y a longtemps. Je suis heureuse d'être arrivé à Londres en plus on croise des gens vraiment intéressants dans le coin. » Si elle ne l’avait pas regardé, il n’aurait pas forcément compris qu’elle parlait de lui. Le brun tourna la tête, un peu embarrassé bien que flatté. On lui reprochait parfois d’être trop modeste et pour preuve, il n’avait jamais su bien accueillir les compliments. « Oh arrête, je vais rougir! » tenta-t-il sur un ton léger. Le pire était que ses joues s’étaient en fin de compte très légèrement teintées. Il était comme ça, Miles, il rougissait pour rien du tout. Il rougissait quand on lui faisait un compliment, quand il était en colère, quand il avait froid, quand il avait chaud. Là, il espérait juste que Jade n’ait rien remarqué. Il saisit le bout de papier qu’elle lui tendit avec son numéro et la remercia d’un regard, gardant le papier au creux de sa main. « Tu me tiendras au courant quand t’auras une pause alors, madame la ministre. » la taquina-t-elle, persuadé qu’elle n’était pas si occupée que cela. Autrement, elle n’aurait pas passé autant de temps assise ici, pas vrai? L’idée de la voir à la piscine le tentait, mais il savait que son patron n’était pas aussi souple que le sien. Il n’était pas sûr de pouvoir s’absenter de la même façon qu’elle l’avait fait. « Il nous reste quelques minutes. Alors, dis moi, ils s'appellent comment tes frères ? Tu as un animal de compagnie ? Tu fais quoi de ton temps libre ? Tu crois aux aliens ? » Wow, wow, wow. Minute, papillon. Il laissa échapper un rire sonore, surpris de la vague de questions qu’elle lui assénait d’un coup. Elle était drôle, cette Jade. Imprévisible aussi, et au fond, c’était ce qui lui plaisait. « Je vais essayer de te répondre dans l’ordre mais faut pas m’en vouloir si j’oublie quelque chose, je te l’ai dit, j’ai une mémoire défaillante. » commença-t-il, hilare. « Le plus grand s’appelle Joshua et le dernier Nathan, je suis le cadet, celui dont on s’en fout. J’ai pas d’animal de compagnie mais j’ai toujours eu envie d’avoir un chien, genre un grand chien comme un berger allemand. Et oui, bien sûr que je crois aux aliens, c’est impossible qu’on soit seuls dans l’univers! » finit-il d’un air enjoué avant de se gratter l’arrière de la nuque. « J’ai zappé un truc, non? » Il était intimement persuadé qu’il avait oublié de répondre à une question, mais laquelle, impossible de mettre le doigt dessus… Jade avait eu un débit de parole trop rapide. Finalement, il leva la tête vers elle, croisant ses mains sur la table en la fixant. « Et toi alors, tu crois aux aliens? T’as quel âge? Plutôt Harry Potter ou Lord of the Rings? Et c’est bien Dublin? » Elle avait eu droit à ses réponses, maintenant, c’était à lui d’avoir les siennes.

Each day we stood almost shoulder to shoulder, occupying the same space, breathing the same air, but we remained strangers. — « Désolé Judy, mémoire défaillante, tu sais. » S'il veut jouer à ce jeu-là, on va être deux. Jamais je ne me laisse mal mené, même si c'est gentiment. Heureusement, il a de la chance d'être adorablement attachant. Dans le cas contraire, je ne serais sans doute jamais resté aussi longtemps à lui parler. En réalité, je préfère me montrer distante. Après tout, mieux vaut être seule que mal accompagné. Un adage dont j'avais visiblement fait mon mode de vie. « Vieux avant l'âge. » Dis-je en soupirant moi aussi dramatiquement. Je sais qu'il le fait exprès, mais autant jouer le jeu. Miles est vraiment spécial ou du moins, il a quelque chose de spécial. J'ai envie de lui parler, de discuter pendant des heures de tout et de rien. Je ne pensais pas un jour, pouvoir me montrer aussi amicale devant un inconnu. Je suis même prête à lui donner mon numéro. Il n'y a rien de mal à ça. Au moins, mes sœurs arrêteront de me présenter cinquante garçons par mois si elles voient que je fais un effort. « Ca va, je m’en sors pas trop mal finalement, je vais pouvoir songer à appliquer ma technique dans d’autres restos, t’en penses quoi? » Je pose mon regard le plus oppressant sur lui, comme pour lui faire croire que je le jugeais fortement. Puis je me mis à rire discrètement. Je suis plutôt douée pour jouer la comédie, mais devant lui, j'avais un peu de mal à garder mon sérieux et le masque de fille intouchable que je porte tous les jours. « Tu pourrais faire ça oui, mais il faudrait que tu fasses vite avant que je les prévienne toutes au sujet de ta technique. » Je relève la tête vers lui en affichant un petit sourire en coin. Certes, j'en serais largement capable même si je ne le ferrais pas. Comme je sais qu'il n'irait pas draguer toutes les serveuses du coin. Je n'ai aucun certitude, mais quelque chose me dit qu'il n'est pas le genre de personne à faire ça. Je rigole mentalement tout en gardant mon petit sourire qui me suivra sans doute pour le reste de la journée. « C’est quoi du fond de teint? » Je fais mine de réfléchir. Je ne sais pas si Miles le fait exprès ou s'il ne connaît vraiment pas ce que c'est. C'est presque trop mignon de le savoir aussi ignorant à ce sujet. Du coup, je me demande si je vais lui dire ce que c'est. Il pense peut-être que ma peau est parfaite naturellement. « C'est un produit qui me donne un petit coup de pouce tout les matins. » Finis-je par dire tout en fixant ma tasse. On va jouer la carte du mystère, il aura bien le temps de découvrir ce que c'est. On en vient alors rapidement au sujet des animaux. Une de mes passions. Ils sont tellement plus faciles à comprendre. « Disons que je passe volontiers mon tour s’il faut en approcher un. » Je passe une main dans mes cheveux tout en imaginant Miles avoir peur d'un serpent. Pourtant, il est souvent dans l'eau. Certes, pas en mer, mais il y a des serpents qui vivent dans l'eau. Je ne sais pas si je devrais lui dire. « J'espère qui tu n'en croiseras pas alors. J'ai déjà vu certain serpent vivre dans l'eau. Il remonte à la surface pendant une heure tous les jours pour se nourrir. C'est assez impressionnant. J'en ai même vu un gros comme ça une fois. » Dis-je en montrant la taille du serpent avec mes mains. J'avais pas pu m'en empêcher, je devais partager avec lui cette histoire. Je me rends alors compte que j'en ai peut-être un peu trop dit. « Enfin, dans une piscine, tu n'en croiseras pas, je pense. » Ajoutais-je en haussant les épaules comme-ci de rien n'était. D'ailleurs, j'avais toujours eu une vision très différente de la réalité en ce qui concerne les maîtres nageurs. Alors, ils ne portent pas de bikini rouge. « C’est possible de me voir en short rouge flash très moche, mais en bikini, il y a peu de chances en effet. » Je rigole en l'écoutant. Effectivement, on va oublier le bikini. Je ne suis déjà pas certaine de pouvoir rester calme si je le voyais en maillot de bain. Même avec un couche de fond de teint, je finirais au rouge écrevisse. J'ai jamais été une fan des lieux publics ou les gens se mettent à moitié nu. C'est trop gênant. La conversation changea de nouveau. Sur la famille. Bien que mes parents ne soient plus là, j'ai encore mes sœurs et il faut bien faire son deuil un jour. Je n'ai donc aucun problème à lui répondre, tout en lui faisant un petit compliment au passage. « Oh arrête, je vais rougir! » Effectivement, il est en train de rougir et j'en serais presque gênée moi aussi. Je me contente donc de lui sourire tout en ignorant le fait que j'ai réussi à le gêner en une seule petite phrase. Quand on pense que c'est lui qui est venu me draguer en premier. Je finis par lui donner mon numéro que j'écris sur un bout de papier. À lui de ne pas le perdre. J'espère qu'il ne le perdra pas. Je devrais peut-être l'écrire sur une dizaine de bouts de papier. Juste pour être sûr. « Tu me tiendras au courant quand t’auras une pause alors, madame la ministre. » J’acquiesce tout en le regardant tenir les papiers entre ses mains. « Tu seras le premier au courant. » Dis-je en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille. Malgré qu'il ne reste que quelques minutes, je veux en savoir plus. J'en ai besoin. Alors je lui lance une avalanche de questions avant que l'heure ne tourne et qu'il ne disparaisse dans les rues de Londres. « Je vais essayer de te répondre dans l’ordre mais faut pas m’en vouloir si j’oublie quelque chose, je te l’ai dit, j’ai une mémoire défaillante. » Je fais une petite moue en me disant que j'avais peut-être abusé avec mes questions. Sauf que je le vois rire et ça me rassure. En fait, j'ai l'impression de pouvoir être moi-même avec lui et ça c'est quelque chose que j'apprécie. « Le plus grand s’appelle Joshua et le dernier Nathan, je suis le cadet, celui dont on s’en fout. J’ai pas d’animal de compagnie mais j’ai toujours eu envie d’avoir un chien, genre un grand chien comme un berger allemand. Et oui, bien sûr que je crois aux aliens, c’est impossible qu’on soit seuls dans l’univers! » Je reste sans voix devant sa réponse. Pas que ses frères s'appellent Joshua et Nathan, ni le fait qu'il veuille adopter un chien même si c'est plutôt cool. Non, il croit aux aliens et c'est le truc le plus génial qu'il pouvait me dire. Décidément, il est vraiment parfait. J'ai presque envie de pleurer. « J’ai zappé un truc, non? » Je sors de mon état de choc en me demandant ce qu'il avait bien pu oublier, mais je suis encore trop abasourdie parce qu'il vient de me révéler pour me souvenir. « Non ... euh ... je crois pas. » Dis-je rapidement, sans vraiment réfléchir plus longtemps. « Et toi alors, tu crois aux aliens? T’as quel âge? Plutôt Harry Potter ou Lord of the Rings? Et c’est bien Dublin? » Je relève la tête vers lui tout en reprenant enfin mes esprits. Les aliens vont attendre. C'est à mon tour de répondre aux questions. « Oui, un peu, ça serait bizarre qu'on soit les seules être vivant dans la galaxie. » Je marque une pause. Oui, ma réponse est parfaite. Je ne vais pas tout de suite lui parler des autres systèmes solaires potentiels et du fait qu'il existe plusieurs preuves de leur présence. Et je ne vais pas non plus lui dire que je possède un alien géant dans ma chambre en guise de décoration. Restons simple. « J'ai vingt-quatre ans et je préfère harry potter étant donné que c'est toute mon enfance. Pour ce qui est de Dublin, c'est pas mal oui, il faut juste se méfier des nains habillés en vert, ils ont tendance à aimé faire des farces, mais si tu les ignores tout ira bien. » Je parle bien entendu du leprechaun. J'ai toujours trouvé cette légende intéressante. Je regarde l'heure sur ma montre. Plus que cinq minutes. Le temps passe beaucoup trop vite. « C'est bientôt l'heure ... tu ... » Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'une des employées vient me voir. « Jade, mon fils a un souci, il faut que j'aille le chercher, ça ne pose pas de problème ? Je récupérerais mes heures ce week-end, si tu veux. » Je reste un instant sans rien dire. C'est franchement pas le moment. « J'imagine que oui, mais il faudra que tu en parles à la patronne. » Dis-je en la fixant du regard tout en espérant qu'elle comprenne qu'il faut qu'elle se taise. Dieu merci, on avait l'habitude d'appeler Joyce "la patronne" vu que c'est elle qui s'occupe de tout dans le coin. Elle comprit alors très vite que j'étais en compagnie de quelqu'un. Elle lui jeta un regard avant de se retourner vers moi avec un sourire en coin. « Je vois, d'accords. » Se contenta-t-elle de dire avant d'enfin partir. Je me retourne alors vers Miles avec les joues devenues un peu trop rouge à mon goût. Je n'avais vraiment pas prévu ça. Un autre coup d’œil à ma montre m'indique que l'heure est arrivée. Un soupir s'échappe de mes lèvres. J'étais déçu d'avoir laissé passer ces cinq précieuses minutes. « Je ... J'imagine que tu vas y aller. » Dis-je en prenant ma tasse avant de l'emmener sur le comptoir, limite en boudant. Une fois au comptoir, je me retourne vers le jeune homme en croisant les bras. « Si tu veux repasser ou m'appeler, n'hésite pas. » Ajoutais-je en détournant mon regard vers un client qui vient d'entrer. Je peux également voir mon employée par la fenêtre qui me fait de grands signes comme encouragement. La honte. Elle va raconter ça à tout le monde demain et j'ai vraiment pas besoin d'être encore plus gêné. Surtout que mes sœurs vont vouloir connaitre les moindres détail. Je souris timidement à Miles avant de porter mon attention sur le bout de mes pieds.