"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici but everyone knows what's broken can be mended. (river) 2979874845 but everyone knows what's broken can be mended. (river) 1973890357
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() message posté Ven 5 Fév 2016 - 22:24 par Invité
Elle avait enfilé sa plus jolie robe et ses collants à rayures préférés. Pour une nouvelle journée, elle marchait dans les couloirs de cet hôpital, tenant dans le creux de ses mains des fleurs colorées qui rejoindraient le petit vase installé, trois mois plus tôt, sur le rebord de la seule fenêtre qu'offrait la chambre. Une nouvelle fois, elle saluait les infirmières du deuxième étage qu'elle commençait à bien connaître et s'offrait un thé à la myrtille à la machine au bout du couloir. Une nouvelle fois, elle retirait son manteau rouge, le déposait contre le dossier d'une chaise en plastique et remplaçait les anciennes fleurs par le nouveau bouquet. Encore une fois elle déposa un baiser sur la joue glacée de sa mère et une nouvelle fois, elle lui confia ses secrets sans obtenir de réaction. Elle gardait l'espoir que le visage de sa maman s'illumine en la reconnaissant. Mais il n'y avait aucun changement, aucun signe d'amélioration. Elle conservait l'espoir de voir un jour son père arriver près de la porte, avec sa guitare dans la main ou celui de ne plus avoir mal au cœur quand elle pensait à Swann. C'était comme ça, que sa vie fonctionnait maintenant. Une succession d'étapes qu'elle connaissait, qui ne la surprenait plus mais qu'elle n'osait pas changer. Le matin, elle était retournée à la bibliothèque, dans ce rayonnage intitulé « Leçons de vie. » et s'était emparée d'une série de livres qui l'aiderait probablement. Elle avait déjà dévoré un premier ouvrage sur les chagrins amoureux et entamait le second qu'elle lisait aujourd'hui à sa mère. Comment se remettre d'une rupture amoureuse. Les douze étapes. Le titre lui donnait l'impression d'être désespérée et elle partageait cette note d'humour avec sa mère qui restait impassible, muette et plongée dans son nouveau monde. Elle baissa le visage pour observer son livre, les post-it qui recouvraient la couverture et une goutte de son thé qui s'écrasait dessus pour faire baver l'encre. Son regard se posa sur sa montre. Déjà trente-sept minutes qu'elle était arrivée ici et c'est le bruit de la porte qui l'extirpa de son livre, de ses pensées, faisant apparaître la silhouette de son plus jeune frère. Elle croisait son regard et lui adressait un sourire. Ils s'était déjà parlés le matin au téléphone, elle qui voulait s'assurer que tout se passait bien à la maison et l'invitait à la rejoindre à l'hôpital. Apparemment, la maison Kipling tenait toujours debout. Et Lou pourrait dormir un peu mieux ce soir si ses frères et sœurs allaient bien. « Je t'avais pris un chocolat, mais il doit être froid. » Elle aurait dû prévoir. Distraitement, elle cherchait la présence de la jumelle dans le dos de son frère, mais River était venu seul. Elle rangeait déjà ses affaires, posa son livre à côté de son sac sur la table alors qu'elle passait près de la poubelle pour y jeter son gobelet vide. « Tu veux que j'aille t'en chercher un autre ? Je vous laisse tous les deux, je reviens. » Elle relevait les yeux pour voir sa mère qui ne bougeait pas et elle s'éloigna vers la porte afin de rejoindre le couloir. C'est sa manière d'offrir à River un moment seul avec leur mère. Elle recroisait la même infirmière qui l'avait salué à son entrée dans l'hôpital et elles échangèrent un simple sourire avant qu'elle ne sorte la monnaie de sa poche. Le chemin jusqu'à la machine lui prenait neuf minutes. Un peu plus de dix quand elle trainait des pieds dans le seul but que River ait plus de temps avec leur mère. Elle reprenait alors le même chemin pour le retour, retrouvait les mêmes personnes sur sa route et toqua tout doucement contre le bois de la porte. Ses yeux croisèrent ceux de son frère alors qu'elle levait le gobelet comme une offrande. Elle venait s'assoir sur la chaise installée à côté de la sienne et lui donnait le chocolat. « Tu vas bien toi ? » Lou s'inquiétait toujours de la réponse. « Comment ça se passe à la maison ? Et à ton nouveau travail ? » Il fallait qu'elle s'assure de la sécurité et du bonheur de ses frères et sœurs. Si elle sentait que quelque chose n'allait pas, elle interviendrait. A vrai dire, elle voulait savoir si Leo ne l'avait pas à nouveau entrainer dans ses magouilles. Elle n'abordait plus le sujet du test de dépistage et préférait profiter d'être avec son frère sans toucher à cette ombre qui planait au-dessus de leur tête. Elle la sentait partout, et chaque fois que l'une de ses sœurs se plaignait de perdre ses clés, elle paniquait. Ça commençait avec des clés. Ça semblait être un oublie anodin. Mais pas pour elle. Pas pour eux. Elle fixait River, leur mère et à nouveau River. « Tu veux pas que je coupe tes cheveux ? Ils sont presque aussi longs que les miens. » Elle riait tout en passant sa main dans la tignasse blonde de River avant de se souvenir d'un détail. De son sac, elle sortait un flyer qui avait été mis dans sa boîte aux lettres. Celui-ci parlait de l'ouverture d'un casino prochainement et d'une soirée blind date pour la Saint Valentin. « Tu l'as reçu toi aussi ? Tu penses inviter quelqu'un pour y aller ? La chaine ne m'a même pas proposé de faire un reportage sur l'évènement. »
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() message posté Jeu 11 Fév 2016 - 9:14 par Invité
Je n’étais pas en retard. Nous ne l’étions jamais car dans cette situation précise, on finissait par croire que l’heure d’arrivée, de rendez-vous, était fictive. Que c’était déjà bien difficile et que, de toute façon, c’était la seule chose que nous nous autorisions à véritablement oublier lorsque l’on s’envoyait des messages en apparence succincts et neutres, mais qui cachaient en vérité un vide plus grand encore. On parlait par euphémisme : je vais à l’hôpital ou bien j’irai changer l’eau des fleurs, puisque nous étions les seuls à encore vouloir, à encore pouvoir le faire. Mais je savais que lorsque l’on prononçait les mots j’irai voir Maman, quelque chose en chacun des membres de la famille se brisait car nous savions que, d’une certaine manière, il nous était impossible de la voir. Son visage ne ressemblait plus vraiment à celui de la photographie qui ornait encore la porte du réfrigérateur. Ni à celui de la jeune femme que mes souvenirs adoraient et que mes pensées actuelles pleuraient. C’était difficile, de faire le deuil d’une femme dont les cils battaient encore, même s’ils étaient probablement plus rapides que son propre cœur. Nous avions chacun notre façon de le faire, en silence et en sourire cadencés par un quotidien que nous ne pouvions nous empêcher de trouver monotone, parfois. Mais nous le faisions tout de même avec cette bonne volonté lassée d’avance, tenant toujours face à ces obstacles qui se dressaient dans nos existences car nous étions unis. Sans père, sans mère, nous restions une famille, comme une meute de loups sauvages et inaltérables qui préféraient s’élancer en avant sans oser regarder en arrière, puisque nous craignions de ne pas nous souvenir des échos que nous aurions pu apercevoir sur la fresque du passé : ma frayeur était d’oublier le nom des étoiles. Je les apprenais depuis plusieurs semaines car je trouvais leurs appellations à la fois originales, poétiques et pleines d’histoires. Je devinais les formes des constellations pour leur associer des accords. Février m’évoquait la mélancolie de l’hiver et j’avais regardé le Verseau dans les yeux afin de composer mon nouveau morceau. Il faisait jour à présent : à chaque crépuscule, j’avais peur de ne plus savoir où se trouvait chaque astre. J’avais peur de ne devenir qu’un souvenir paré de cette même mélancolie froide que le début d’année nous accordait avec austérité.

Je traînai nonchalamment des pieds à travers l’établissement, longeant les murs blancs en cherchant d’une main distraite mon portable, sans vraiment me dire que j’allais prévenir Lou de ma présence. J’avais pris l’habitude d’attendre Alexandra mais je savais qu’elle n’était pas là. Je devais voir cet instant comme un moment privilégié avec ma sœur : après tout, nous la voyions moins qu’avant et elle me manquait beaucoup. Leo n’avait pas la même notion de l’autorité : il en avait soit trop, soit pas assez, brisant parfois un peu l’équilibre qui régnait dans le foyer par l’ingérence qui régissait sa propre vie de renégat. Mes doigts coururent sur la paroi froide du couloir avant de rencontrer la poignée de la porte, la même à chaque fois, celle de la chambre de ma mère. Je pris quelques secondes, me préparant à entrer dans une autre dimension, un espace figé dans le temps, tant il ne changeait pas, restant toujours aussi décalé de la réalité et insaisissable. J’y pénétrai finalement, remarquant en premier ce qui était vivant, à savoir la silhouette de Lou qui tressaillit en m’entendant. Elle m’adressa un mince sourire auquel je répondis chaleureusement, mais tout cela en silence, comme si nous ne voulions pas nous faire remarquer. Enfin, je me tournai vers ma mère et ses yeux posés sur le vide, sur la surface ou les contours d’une forme invisible. J’espérais au plus profond de moi-même qu’elle voyait des choses que nous étions incapables de voir. Je préférais qu’elle soit folle, comme moi, plutôt qu’éteinte, voire grillée comme une ampoule. Les médecins pouvaient trouver cela naïfs compte-tenu de ces yeux vitreux qui ornaient son visage pâle, tels deux billes transparentes qui n’avaient plus la force de refléter la moindre lumière, mais je ne perdais jamais espoir car c’était en égarant celui-ci que l’on pouvait dire adieu à l’avenir, nous retrouvant donc confrontés à un passé que nous ne voulions toujours pas combattre. « Je t’avais pris un chocolat, mais il doit être froid. » Je secouai tranquillement la tête pour lui signifier que ce n’était pas grave et vins m’installer dans le fauteuil à côté d’elle tandis qu’elle s’extirpait du sien : « Tu veux que j’aille t’en chercher un autre ? Je vous laisse tous les deux, je reviens. » J’acquiesçai avec un nouveau sourire. « C’est gentil, merci. » Elle s’éclipsa, comme à son habitude, de cette démarche amusante brodée d’insouciance qu’elle avait depuis toujours et qui me plaisait à chaque fois que je la remarquais. Je levai les yeux vers ma mère, mes lèvres doucement étirées par une sérénité dont je doutais de l’origine : « Ca me changera de la bière qu’ils me servent au bar, tu crois pas ? » Oui, elle croyait. Non, elle ne croyait pas. J’imaginai un hochement de tête avant de soupirer et de m’enfoncer dans le dossier peu confortable du fauteuil. Mon regard glissa jusqu’à la fenêtre : les rideaux étaient toujours à moitié fermés, ce qui donnait à l’endroit un aspect inachevé. Elle ne finissait pas ses repas non plus. Mes paupières papillonnèrent alors que je reprenais mes esprits égarés dans le décor, puis je commençai à lui raconter ma journée, ma semaine, comme si j’étais certain qu’elle m’entendait, comme si je croyais à mon tour qu’au fond d’elle, elle était encore véritablement capable de me répondre. Voilà ce que les étoiles devenaient lorsqu’on les oubliait : des astres noirs au parfum de cendre, souffrant de maux qu’ils ne pouvaient exprimer car ils ne se souvenaient plus comment faire pour sourire, pour aimer.

Lou revint finalement et je poussai un soupir de satisfaction mêlé d’ironie lorsqu’elle me tendit le gobelet chaud entre ses paumes. Je m’en saisis mais y réfléchis à deux fois avant de le porter à mes lèvres, car j’avais l’incorrigible manie de me les brûler dans ma hâte, l’hiver. Je la remerciai tout de même avec malice et l’observai reprendre sa place à nos côtés. « Tu vas bien toi ? » Elle avait la voix de notre mère lorsqu’elle s’inquiétait et cela me faisait toujours sourire, ce qui ne manqua pas cette fois encore. « Comment ça se passe à la maison ? Et à ton nouveau travail ? » Je haussai les épaules avec désinvolture avant de lui répondre, mimant une intonation un peu snob pour la faire rire : « Oh, tu sais, on vit de nos rentes. C’est tranquille. » C’était drôle, à quel point nous pouvions nous moquer de nos problèmes financiers en sachant pertinemment qu’il ne fallait pas les prendre à la légère. Mais j’imaginai quelques secondes l’instant où nous aurions pu avoir la moindre rente et cela m’amusa assez pour que je sente l’atmosphère se détendre autour de moi. Je dus à nouveau imaginer que ma mère  riait de la plaisanterie, mais finalement, elle en aurait ri dans mon souvenir et c’était presque tout comme. « Leo est fidèle à lui-même mais il ne prend pas le rôle de chef de famille comme tu avais l’habitude de le faire. Enfin, ça ne m’étonne pas vraiment, après tout. » ajoutai-je avec malice en décidant finalement de boire une gorgée de chocolat. « Et puis, il faut que tu viennes au resto, je te ferai ton gâteau préféré, je m’améliore vraiment ! » J’avais hâte que l’un de mes frères ou de mes sœurs viennent me voir, mais nous étions tous trop occupés à essayer de vivre. C’était un travail à temps complet. « Tu veux pas que je coupe tes cheveux ? Ils sont presque aussi longs que les miens. » Je secouai la tête en adoptant un air narquois pour l’embêter. « C’est l’hiver, ça m’évite de racheter une écharpe. » marmonnai-je en enroulant tant bien que mal mes mèches autour de mon cou, accompagnant mon geste d’un rire amusé. Puis Lou tira quelque chose de son sac et me le tendit d’un geste distrait : il s’agissait d’une invitation une soirée pour la Saint-Valentin organisée par l’un des casinos de la ville. « Tu l’as reçu toi aussi ? Tu penses inviter quelqu’un pour y aller ? La chaîne ne m’a même pas proposé de faire un reportage sur l’évènement. » Je lui adressai un sourire mutin avant de répliquer : « Tant mieux, je veux pas que tu supportes ce genre de fêtes commerciales. » Puis je retrouvai un peu de sérieux pour poursuivre : « Je l’ai reçu aussi, je demanderai à Lexie, elle aura peut-être le temps d’y aller. On va pas se mentir, je vais m’ennuyer si j’y vais seul, j’ai pas d’argent pour me payer le moindre jeton. Je crois que j’ai même pas de costard, Leo a déchiré mon dernier en voulant l’enfiler parce qu’il avait perdu le sien, sauf qu’évidemment, on fait pas la même taille. » Mais c’était Leo et on lui pardonnait. Tout cela n’était qu’une drôle d’histoire de famille.
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() message posté Jeu 11 Fév 2016 - 20:04 par Invité
En quittant son appartement au milieu de la journée, elle avait su qu'elle partait rejoindre sa troisième maison. L'hôpital était devenu un endroit familier pour des mauvaises raisons. Un nouveau foyer qui s'était imposé dans sa vie et contre lequel elle ne pouvait pas lutter. C'était le résultat de jours, de mois et d'années à marcher dans ces longs couloirs blancs qui menaient au deuxième étage, devant une porte en bois repeint d'un bleu pâle qui portait le nombre 225. Elle apportait, à chacune de ses visites, un bouquet de fleurs que sa fleuriste favorite dénichait dans sa boutique et Lou se félicitait de réussir à toujours trouver plus beau que le précédent. Elle se débarrassait des fleurs vieilles de plusieurs jours et les remplaçait par des nouvelles qui donnaient un côté plus chaleureux à la pièce. Aucun Kipling ne jugeait la décoration qu'elle imposait dans la chambre et elle aimait croire qu'ils la remerciaient, dans leur silence, de prendre le temps pour le faire. Plus personne n'était surpris de voir Lou se tourner vers le visage fermé de sa mère pour lui demander son avis, chaque fois qu'elle modifiait un objet de place. Elle l'imaginait lui répondre, rire lorsque sa fille lui proposait des idées de décorations assez moches et lui montrer comment marier deux couleurs pour rendre un endroit plus beau. C'était facile, maintenant, de se rappeler ou de tenter d'imaginer les réactions de sa mère. Elle revoyait son sourire chaleureux, ses fossettes qui se creusaient lorsqu'elle riait, ses dictons aussi vieux que le monde et sa voix un peu douce et mélodieuse que les filles Kipling avaient hérité. River, lui, avait les mêmes fossettes et des yeux identiques à ceux de leur mère. Et cet air un peu snob que leur père avait souvent pris pour taquiner les gens. Lou voyait tout ça, mais elle ne dirait pas ça à River. Le comparer à un homme qui les avait abandonné en pleine nuit aurait été méchant. « Oh, tu sais, on vit de nos rentes. C’est tranquille. » Elle essayait de les imaginer avoir des rentes mais l'idée était plus amusante que réaliste. « Leo est fidèle à lui-même mais il ne prend pas le rôle de chef de famille comme tu avais l’habitude de le faire. Enfin, ça ne m’étonne pas vraiment, après tout. » Elle se redressait sur sa chaise pour poser un regard à la fois amusé et maternelle sur son petit frère. Il n'ajouta rien et elle n'aurait su dire si c'était un bon ou un mauvais signe. Un air inquiet parcourra ses traits parce que Leo était capable du bien comme du pire. Lou ne pouvait s'empêcher de douter et s'inquiéter pour ses frères et sœurs. C'était plus fort qu'elle. C'était un sentiment contre lequel elle ne pouvait pas se battre. Elle avait besoin de les savoir en sécurité et protégé. Si Leo ne la remplaçait pas, alors qui aurait pu le faire. Son regard alternait entre River et leur mère. Puis encore sur River. Il buvait son chocolat et semblait heureux. « Et puis, il faut que tu viennes au resto, je te ferai ton gâteau préféré, je m’améliore vraiment ! » Il annonçait ses réussites culinaires comme un exploit, son regard s'illuminait à chaque fois qu'il en parlait. Le voir heureux, c'était son objectif quotidien, à Lou. Si River était heureux, alors elle pouvait l'être aussi. « Si tu me prends pas les sentiments... » Elle haussait les épaules dans un geste décontracté, un sourire enthousiaste peint sur ses lèvres. « Je viendrai. J'ai toujours du temps libre pour toi et pour les gâteaux. Surtout pour eux. » Et elle avait promis, déjà, à Noël, de venir voir ce restaurant où il travaillait. Cet endroit que son frère semblait tellement aimer. En le voyant ainsi, si libre, si détaché, si fier, Lou ne pouvait se dire qu'une maladie le dévorait. Elle ne pouvait pas imaginer son petit frère avoir le gène de l'Alzheimer. Elle ne supporterait pas de le voir s'effacer et s'éteindre sous ses yeux, en oubliant tout. Pas lui, pas River. Pas eux. Pas ses frères, pas ses sœurs. Ils méritaient mieux. « C’est l’hiver, ça m’évite de racheter une écharpe. » Il attirait à nouveau toute son attention et elle lui souriait en retour. Elle riait de sa bêtise, laissant sa main retomber tout doucement sur ses genoux pendant que son frère essayait de s'étrangler avec ses cheveux. Elle notait dans un coin de lui racheter une écharpe la prochaine fois qu'elle irait faire des achats ou peut-être la ferait-elle avec le reste de la laine qui lui avait un jour servi à tricoter des gants. « Fais pas l'idiot, je peux en tricoter une. » Aucun Kipling n'aimait ce que Lou tricotait, mais elle s'en fichait. « Tant mieux, je veux pas que tu supportes ce genre de fêtes commerciales. » Elle leva les yeux au ciel malgré la moue amusée qui tirait ses traits. Après tout, le 14 Février appartenait à son top 3 des fêtes les plus belles. Précédée par Noël et la Saint Patrick. Elle aimait l'ambiance de cette journée et chez les Kipling, elle semblait la seule. Peut-être le résultat de ses trois ans de relation avec Swann. « Je l’ai reçu aussi, je demanderai à Lexie, elle aura peut-être le temps d’y aller. On va pas se mentir, je vais m’ennuyer si j’y vais seul, j’ai pas d’argent pour me payer le moindre jeton. Je crois que j’ai même pas de costard, Leo a déchiré mon dernier en voulant l’enfiler parce qu’il avait perdu le sien, sauf qu’évidemment, on fait pas la même taille. » Dans un geste, elle reprenait l'invitation et songea que s'y rendre, seule ou accompagnée, l'aiderait probablement à oublier Swann. Elle y pensa une minute. Pas une seconde de plus ou de moins. Soixante secondes qui s'effacèrent lentement. A vrai dire, l'endroit lui rappellerait Swann et la raison pour laquelle elle avait choisi – malgré tous ses sentiments pour lui – de le quitter. Cela serait déplacé de célébrer la fête des amoureux sans l'homme qu'elle aimait et dans un casino. Temple des machines à sous, des tables de poker et du Blackjack. « C'est presque un miracle que le toit tienne toujours avec Leo dans la maison. Au moins, il fait l'effort de ne pas être en prison. La police ne m'a pas appelé depuis trois semaines. On devrait mettre une croix dans le calendrier. » Elle arborait un sourire léger, parce que seul River pouvait comprendre. Trois semaines, dans le monde de Leonard, c'était beaucoup. « Et Lexie sera chanceuse de t'avoir comme cavalier. Comment va-t-elle ? Tu penses lui offrir quelque chose ? C'est pas parce que je ne suis plus à la maison que tu dois arrêter de tout me dire. » Elle lui adressait un coup d'œil taquin. A nouveau son regard revenait sur la silhouette de sa mère qui ne bougeait pas et paraissait indifférente par l'échange qui se déroulait juste à côté de son lit. « Si tu veux, on pourra faire les boutiques après. Je peux t'offrir un nouveau costume, j'ai de l'argent de côté. » Si Lou allait passer sa Saint Valentin toute seule, elle pouvait au moins s'arranger pour que River ait le droit à une jolie soirée. Elle espérait simplement que Leo ne touche plus aux vêtements de leur petit frère. Clairement, ils n'avaient pas la même taille. « Tu sais si les autres ont reçu l'invitation ou prévoient de sortir ? Je pensais passer la soirée à la maison. Je suis certaine qu'ils meurent d'envie de passer leur Saint Valentin avec leur sœur ainée de toute façon. »
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() message posté Ven 26 Fév 2016 - 11:30 par Invité
Mon regard s’égara un instant sur les fleurs, posées dans des vases de fortune sur le chevet de notre mère. Lou s’arrangeait toujours pour les changer régulièrement, pour ne pas que des pétales fanés ornent le sol de la chambre. C’était sa façon à elle de gérer le problème que nous avions tous : faire semblant. Croire que Silvia était toujours là et qu’elle appréciait nos gestes à leur juste valeur. Gloria et moi le faisions par nos hymnes et nos voix réconfortantes. Janis lui souriait sans relâche. J’avais toujours apprécié sa douceur entre ces quatre murs. Parfois, elle prenait la main de sa mère et lisait les lignes incrustées dans ses paumes avec tendresse, car elle croyait encore qu’il y avait un avenir à toute cette histoire. Richie, c’était différent, à nouveau. Il s’était éloigné si longtemps que j’avais dû l’accompagner la première fois qu’il était allé la voir à son retour du Canada. Ses yeux avaient pétillé, mais j’ignorais encore aujourd’hui si cela avait été dû à son bonheur ou à sa tristesse. Peut-être les deux à la fois. Il possédait cette gravité ténébreuse gravé en lui comme un nom sur une stèle, mais c’était avec une fierté espiègle qu’il avait mis Silvia au courant : son sevrage était réel, cette fois. Elle n’avait pas eu le temps de vraiment vivre les maux de son fils lorsque celui-ci était dépendant à la drogue, mais il n’avait pas hésité à lui dire qu’il allait mieux. On entrait ici et on voulait que tout brille, que tout resplendisse pour que le regard de notre mère puisse refléter autre chose que la pâle lumière du jour. Enfin, Leonard se montrait le plus détaché et, d’une certaine manière, le plus réaliste. Il ne se laissait pas abattre par des illusions qu’il jugeait puériles et vaines. Il évitait d’ailleurs de venir – mais nous soupçonnions un malaise qu’il dissimulait à l’orée de son cœur. Il n’avait jamais accepté de montrer la moindre faiblesse et la maladie de sa mère en était forcément une. Leo ne pleurait pas. Il n’écoutait pas non plus. Il n’avait pas mal : il était protégé car muni d’une force que nous peinions tous à avoir. Mais je remarquai ces instants d’absence où il semblait plongé dans des souvenirs qu’il voulait oublier. Sa force ne faisait pas tout face à l’existence qu’il menait, et elle était capable de se faner, comme chacun de nous, pour n’être plus qu’une tulipe épuisée, courbée au-dessus du vide, sur le rebord du chevet d’une malade. Aucun de nous n’était prêt. Ni pour les tests, ni pour l’avenir. J’entendais les secondes marteler ma poitrine lorsque je songeais à cette vérité que nous occultions tous : l’un de nous au moins possédait le gène car, sur six enfants, les chances se multipliaient à vue d’œil. Mais nous préférions le silence, cette fois, car aucune musique ne correspondait à la douleur qui malmenait nos cœurs.

« Si tu me prends par les sentiments … » ironisa Lou dans un haussement d’épaules décontracté. Je souris. Ça ne m’étonnait pas d’elle. « Je viendrai. J’ai toujours du temps libre pour toi et pour les gâteaux. Surtout pour eux. » J’arquais un sourcil furtivement vexé par sa remarque, mais c’était une fois de plus simplement pour rire. Nous avions vécu vingt ans les uns aux côtés des autres : nous nous connaissions presque trop bien. J’aurais peut-être même pu deviner ses mots taquins si je n’avais pas été aussi fatigué et consterné par l’instant présent. Je laissai mon regard vagabonder jusqu’à Silvia qui, elle, fixait un point sur le mur dans lequel j’espérais qu’elle voyait un monde nouveau, invisible à l’œil nu de ses enfants. « Attention, pas de boutade. Je peux toujours rater les pâtisseries volontairement pour me venger. » répondis-je alors sur un ton malicieux et rieur. « Mais, entre nous, ma tarte au citron meringuée déchire tout. C’est presque difficile pour moi de me louper. » J’adressai un clin d’œil amusé à Lou avant qu’un éclat nostalgique se peigne sur mon visage, subreptice et éphémère. C’était le dessert préféré de notre mère et nous avions regardé ces tartes à travers les vitrines des pâtisseries pendant des années, n’ayant jamais l’argent pour en acheter d’assez grande pour nourrir ne serait-ce que l’ensemble de la famille le temps d’un seul dîner. On ne se l’offrait qu’une fois par an, le jour de l’anniversaire de notre mère, même depuis qu’elle n’était plus avec nous pour le manger. Cette tradition était devenue une habitude, une de celles dont on oubliait presque l’origine jusqu’au moment de manger la fameuse tarte et de se souvenir de ces goûts qu’elle nous avait transmis à tous. Et, à nouveau, nous soupirions tous d’une manière différente pour apprécier singulièrement l’évènement. « Fais pas l’idiot, je peux en tricoter une. » Je lui décochai un regard mêlant la moquerie et la prétention mimée. « Genre je vais porter ça. Le tricot, ça te réussit pas Loulou. » Elle était habituée à nos remarques et mon surnom affectueux adoucissait le ton mutin que j’avais adopté. Elle ne s’en priverait pas, de toute évidence. Rendre service à ses frères et sœurs, même lorsqu’ils ne le demandaient pas, c’était quelque chose que l’on avait vite acquis dans la famille. Surtout lorsqu’on décidait de le faire de manière personnelle – et, généralement, critiquable par le reste de la fratrie.

« C’est presque un miracle que le toit tienne toujours avec Leo dans la maison. Au moins, il fait l’effort de ne pas être en prison. La police ne m’a pas appelée depuis trois semaines. On devrait mettre une crois dans le calendrier. » Je ponctuai ses mots d’un rire cristallin et approbateur. Elle avait parfaitement raison et je notai cette idée dans mon esprit pour la mettre à exécution en rentrant à la maison. Leo était le premier à se plaindre que l’on achetait n’importe quoi, même s’il n’était pas le mieux placé pour faire cette réflexion – et le calendrier accroché au réfrigérateur faisait partie de ce qu’il méprisait dans les grandes largeurs. « Je crois que la prison, ça commence à l’emmerder un peu. Il est trop habitué et ce n’est plus un challenge pour lui d’en sortir, tu vois l’idée ? » Mon ton était ironique mais je soupçonnais Leo de chercher à se trouver de nouvelles occupations. Et peut-être qu’il avait envie de voir Sam dans un autre contexte que celui du commissariat. Malgré tout, il restait le même insurgé incessamment fourré dans des coups improbables, et ce n’était pas rare de le voir arriver à la maison, les cheveux ébouriffés par sa course, essoufflé comme si on venait de lui retirer un poumon. J’ai semé les flics pour être votre baby-sitter ce soir alors pas de commentaire. C’était globalement ce qu’il disait à chaque fois, en brodant un peu plus lorsqu’il était de meilleure humeur. « Et Lexie sera chanceuse de t’avoir comme cavalier. Comment va-t-elle ? Tu penses lui offrir quelque chose ? C’est pas parce que je ne suis plus à la maison que tu dois arrêter de tout me dire. » Je lui rendis son regard taquin avant de soupirer. « Elle va bien. » Mensonge. Mais Lou n’était pas en mesure de le comprendre, ni personne d’autre d’ailleurs. J’étais simplement capable de sentir qu’Alexandra souffrait d’un mal inexprimable, sans que je ne trouve les mots pour lui redonner un sourire qu’elle affichait déjà en ma présence. Je me contentais de ces semblants avec elle car elle subissait mon mensonge à longueur de temps : je suis fou, Lexie, c’est médicalement prouvé. Ce n’était pas mes douleurs et mes égarements qui l’aideraient à embrasser la vie de manière plus chaleureuse. « Je dois lui offrir un cadeau ? » Je pris une voix faussement surprise. « Je sais pas ce qu’elle aime. C’est bizarre, les goûts des filles. Vous avez besoin de tout un tas de trucs alors que moi, à Noël, je me limite juste à un nouveau déodorant. » Je plaisantai, évidemment. Je connaissais les goûts de Lexie comme s’ils avaient été l’inspiration-même de l’un de mes morceaux les plus passionnés. Mais elle ignorait mes sentiments à son égard et je ne voulais pas risquer un faux pas. J’étais partisan de la justesse et de l’équilibre, car si je nouais une familiarité étrange et mélodieuse avec la première, le second glissait trop souvent de mes mains tremblantes pour venir se casser en mille morceaux sur le sol d’un autre monde, fatalement irréparable. « Si tu veux, on pourra faire les boutiques après. Je peux t’offrir un nouveau costume, j’ai de l’argent de côté. » J’affichai une moue impressionnée. « Les fameuses rentes des Kipling, je n’y croyais plus. » J’inclinai finalement la tête en lui souriant avec cette candeur d’enfant qu’elle avait toujours aimé voir apparaître sur mon visage. La différence d’âge n’était qu’une poussière dans cette famille, et nous étions tous un peu maniaque de ce côté-là. « Mon anniv c’est en août, sis’. Mais si tu insistes, je vais pas refuser. Pas sûr qu’ils me laissent entrer dans un casino si je suis sapé comme ça. » Elle avait le regard de notre mère : la même façon de plisser les yeux et de faire pétiller ses prunelles, les mêmes mouvements de cils et de paupières, la même joie malicieuse. On se nourrissait de souvenirs en tentant tant bien que mal de s’exposer à l’avenir. C’était à double tranchant. « Tu sais si les autres ont reçu l’invitation ou prévoient de sortir ? Je pensais passer la soirée à la maison. Je suis certaine qu’ils meurent d’envie de passer leur Saint Valentin avec leur sœur aînée de toute façon. » Je hochai la tête avec tendresse. « Tout le monde l’a reçue mais tu nous connais, on est pas super à l’aise au casino. La chance ne nous sourit pas tous les jours, on va dire ça comme ça. » Je passai une main sur mes lèvres avant de reprendre, sur un ton moins taquin. « Cela dit, tu es la bienvenue pour squatter. Les filles seront ravies, elles se plaignent de toute cette testostérone. L’équilibre du Yin et du Yang est rompu, les garçons ont pris le pouvoir. » Un haussement d’épaules navré ponctua mes mots mais je lui souris d’un air moqueur. Histoire de l’inquiéter un peu, juste pour rire, comme si son absence avait laissé derrière elle un parfum d’apocalypse familial. Néanmoins, elle nous manquait tout de même, à tous. Sans exception.
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() message posté Mar 8 Mar 2016 - 16:00 par Invité
Un Kipling ne pouvait pas se sentir seul. Parce que, peu importe le lieu où il se trouvait dans le monde, peu importe le temps, le jour, la saison, la pluie, le soleil, le jour, la nuit, quelque part un autre Kipling pensait à lui. Lou avait toujours aimé croire qu'ils étaient tous liés d'une façon trop complexe pour qu'aucune définition ne soit donnée à leur relation. Dans sa tête, un Kipling ne pouvait pas fonctionner sans les autres. Elle avait besoin de ses frères et sœurs pour que l'équilibre de son monde reste stable. Alors, ils étaient devenus son centre de gravité sans qu'elle ne le contrôle. Elle pouvait entendre Gloria chanter ou voir River avec son skate sous son bras pour que tout lui paraisse soudainement plus beau. « Attention, pas de boutade. Je peux toujours rater les pâtisseries volontairement pour me venger. » Il utilisait la même malice que Leo aurait pu prendre et, tout à coup, la ressemblance entre ses deux frères ne lui sembla jamais autant évidente. « Mais, entre nous, ma tarte au citron meringuée déchire tout. C’est presque difficile pour moi de me louper. » Elle souriait sous son clin d'œil, laissant une lueur nostalgique se poser, là, au fond de ses prunelles. La lueur s'installait toujours ici, comme si les yeux marrons de Lou était son foyer. La tarte au citron lui rappelait sa mère. Ça lui rappelait, à chaque fois, que sa mère n'était plus tout à fait là. Son corps était là, mais son esprit et ses souvenirs avaient disparu pour un monde dont elle ne trouvait pas l'entrée. « Tu pourrais, oui. Mais tu n'aimerais pas que je fasse de la mauvaise publicité au restaurant parce que tu m'as servi une tarte ratée. » Elle laissait un sentiment de fierté naitre au creux de son ventre à mesure qu'elle détaillait son frère et glissait sa main dans la sienne. Il avait sans doute encore beaucoup à apprendre, mais Lou s'en fichait. A ses yeux, River avait déjà tout réussi. Elle avait l'impression de devoir lui offrir tout ça, sa fierté, son étreinte maternelle et sa présence pour rappeler que ses ainés veillés toujours sur lui. Leo aimait jouer au petit patron quand Lou s'efforçait d'être une maman pour tous ses frères et sœurs. Sa seule victoire étaient de les voir heureux. « Genre je vais porter ça. Le tricot, ça te réussit pas Loulou. » Il arborait une expression détachée et moqueuse qu'elle retrouvait, encore une fois, chez tous ses frères. Elle était habituée à leur manque d'intérêt pour les vêtements tricotés par ses mains. Mais elle continuait, persuadée qu'ils étaient tous beaucoup trop fiers pour reconnaître que ses cadeaux étaient beaux. Elle nota simplement qu'il évitait de l'appeler Lewis. Contrairement à Leo dont c'était un plaisir qui ne le lassait jamais. « Je crois que la prison, ça commence à l’emmerder un peu. Il est trop habitué et ce n’est plus un challenge pour lui d’en sortir, tu vois l’idée ? » Oui, elle voyait l'idée. Elle en comprenait le sens et l'intérêt. Parce que Leonard avait toujours reproduit ce schéma. Parce qu'elle était proche de lui et captait les idées qui tourbillonnait dans son esprit de vagabond. Il aimait être ce type qui allait contre les règles et Lou n'avait jamais essayé de l'en empêcher. Avec le temps, tous les Kipling avait fini par comprendre ça. Alors, elle tentait de limiter les dégâts, de le sauver des endroits où il atterrissait, mais elle ne l'en empêchait pas. « Je vois. Ce n'est pas si mal, ils commencent à trop nous connaître au post de police. Ils me proposeraient presque un thé à chaque fois que je viens les voir. » Signe évident qu'ils avait fini par assimiler que Lou ne buvait que du thé. Pas de café. Elle tournait le visage vers River et osait rire en imaginant Leo en cellule. C'était facile de rire de lui, finalement. Et River ne semblait jamais manquer de ressources lorsqu'il s'agissait de décrire avec talent, le comportement de leur frère. Son rire s'éteignait tout doucement alors qu'elle fixait la poitrine de sa mère se soulever et s'abaisser dans un rythme parfait. Elle l'imaginait se retourner, froncer ses légers sourcils et les réprimander pour leur manière de rire de Leo. Elle compta jusqu'à cinquante-cinq avant que la voix de River ne la sorte de ses pensées. « Je dois lui offrir un cadeau ? » Son air faussement étonné ne trompait personne. « Je sais pas ce qu’elle aime. C’est bizarre, les goûts des filles. Vous avez besoin de tout un tas de trucs alors que moi, à Noël, je me limite juste à un nouveau déodorant. » Il plaisantait et Lou riait encore face à cette comparaison entre les hommes et les femmes qu'elle aurait pu facilement retrouver dans un magazine. Elle pensait qu'il mentait et qu'il connaissait les goûts, les passions, les préférences de Lexie aussi bien qu'il aurait pu connaître une chanson que Gloria aurait écrit. Mais tant que River ne disait rien, Lou restait dans son ignorance, dans des pensées qui n'étaient ni tout à fait vraies, ni tout à fait fausses. Il lui souriait comme un enfant, il lui souriait comme un adolescent qui découvrait la vie, les sentiments amoureux et les filles. Un sourire traversa son visage et elle retourna contempler la silhouette fine de leur maman. C'était son rôle maintenant. « Tout le monde l’a reçue mais tu nous connais, on est pas super à l’aise au casino. La chance ne nous sourit pas tous les jours, on va dire ça comme ça. » Elle approuvait d'un signe de tête. « Cela dit, tu es la bienvenue pour squatter. Les filles seront ravies, elles se plaignent de toute cette testostérone. L’équilibre du Yin et du Yang est rompu, les garçons ont pris le pouvoir. » Elle posa sur son petit frère un regard peint par l'inquiétude. Son aveu l'embêtait et il devait le savoir. Ses sœurs venaient souvent passer des soirées à l'appartement, pour retrouver ce cocon qu'elles formaient toutes les trois. Ce petit trio qui sentait bon les parfums sucrés, la douceur et les secrets que les garçons ne pourraient jamais comprendre. Elle culpabilisait souvent de s'en être éloignée et la vague de regrets qui secoua ses muscles lui donna soudainement une nausée terrible. « Tu devrais prendre la défense des filles, ta jumelle est de notre côté, ne l'oublie pas. » C'était de la triche de lui rappeler que Gloria se retrouvait sans défense face à Richie et Leo, mais après tout, l'équilibre avait été rompu et il fallait le rétablir. Et malgré tout, elle avait hâte de revenir dans le petit terrier que les Kipling avaient fabriqué. Cette maison dans Camden qui finissait toujours par tous les rassembler. Elle reviendrait et elle irait embêter ses frères, comme à chaque fois. « Je m'ennuie sans vous de toute façon, l'équilibre sera vite remis en place. Et mon appartement est trop grand et trop silencieux. Ça me donne le tournis. Mais tu devrais passer, je refais toute la décoration. Tu pourras peindre ce que tu veux. » River comprendrait que ce n'est pas l'appartement qui la rendait malade, mais l'absence de Swann. Mais elle refusait de prononcer son prénom. Il devenait un sujet tabou jusqu'à ce qu'elle n'ait plus mal. « C'est bientôt l'anniversaire de Janis. Tu penses que tu pourrais préparer la tarte au citron cette année ? Et je t'aiderai à trouver un cadeau pour Lexie si tu veux. Sauf si tu penses pouvoir trouver tout seul. Comme ça serait idiot d'attendre le mois d'août pour t'offrir un nouveau costume. » Ses yeux marrons continuaient de balayer la petite chambre d'hôpital. Les cadres à photos qui étaient posés sur la petite table de chevet, et à nouveau le visage de sa mère. Elle aimait lui jouer quelques morceaux de musique au violon et apporter un ancien album de Lou Reed qui remplissait la pièce. Parce que Lou aimait croire que c'était leur truc. Un truc qui se partage pas, un truc de mère et de fille. « Surtout que je pensais te tricoter un pull avec ton initiale dessus, ça serait bête de louper un tel cadeau. » Elle levait les yeux au ciel mais elle se moquait à son tour.
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() message posté Sam 26 Mar 2016 - 20:13 par Invité
« Tu pourrais, oui. Mais tu n’aimerais pas que je fasse de la mauvaise publicité au restaurant parce que tu m’as servi une tarte ratée. » Je lui décochai un regard vexé, un de ceux dont j’avais le secret. Elle avait le don de savoir minauder et je retrouvais toujours un peu de Janis, un peu de Gloria sur les traits de son visage. L’air de famille était là, indéniable, et tout convergeait vers notre mère, dont la silhouette m’évoquait les douces courbes de Lou, l’éclat des yeux de Leo, la nonchalance de Richie, le parfum si fleuri de Janis et, enfin, l’harmonie que Gloria et moi cousions ensemble  comme les deux lutins jumeaux que nous étions. Mais nos frères et sœur déroulaient le fil d’or pour que nous ourlions l’existence de poussière d’étoile. Un sourire malicieux glissa sur mes lèvres. Lou n’allait jamais me faire de la mauvaise publicité. Les farces ne restaient que des farces : elles naissaient en bonheur et mourraient en rire. Si elle venait me voir sur mon lieu de travail, c’était avec un plaisir immense que j’allais lui préparer quelque chose à grignoter. J’aimais tout particulièrement cuisiner et monter des pièces, mais il suffisait qu’un membre de la fratrie se dresse devant moi le ventre vide pour que je m’applique d’autant plus, pour que le glaçage du gâteau devienne immédiatement la chose la plus importante au monde, ex aequo avec la pâtisserie elle-même. Je ne rêvais que d’une chose : que ma mère passe les portes un jour et s’assoit au comptoir pour me demander un bout de la fameuse tarte au citron. Elle aurait ce sourire, ce même sourire mutin que Lou affichait parfois, relevant des yeux pétillants vers moi pour me signifier d’un seul regard qu’elle savourait chaque bouchée. Mais ses prunelles restaient vides et moroses. Elle pouvait bien croquer dans une part, l’émerveillement ne serait que l’écho accidenté de ses souvenirs et elle oublierait les saveurs une fois qu’elle aurait avalé. Je ne voulais pas que l’art que m’enseignait Graham tombe dans l’oubli – car lorsqu’il s’agissait d’une mère, les sentiments se décuplaient, qu’il s’agisse de joie ou bien de désespoir.  

« Je vois. Ce n’est pas si mal, ils commencent à trop nous connaître au poste de police. Ils me proposeraient presque un thé à chaque fois que je viens les voir. » Je ris, secouant la tête en laissant quelques mèches s’écarter du droit chemin et caresser mes joues anguleuses. J’avais moi-même mes petites habitudes lorsque j’échouais dans le hall du commissariat pour retrouver Leo, ou bien simplement parler à son corps maigre et menotté à travers le plexiglass. Je roulais toujours ma cigarette dehors, saluant courtoisement les policiers, discutant même parfois avec eux car ils savaient que je n’étais pas du même tempérament que mon frère, même si nous partagions le même sang. A l’exception d’une fois, peut-être. La fois où notre planque pour les combats de rue avaient été cernée et que j’étais tombé aux mains des policiers, le visage déjà en sang. Ils m’avaient conduit à l’hôpital sans pouvoir véritablement départager mon identité de celle de Leo. Puis les combats avaient cessés, trop surveillés, et je m’étais rangé. Il suffisait donc de trouver un travail simple et digne pour que leur regard change. A présent, j’étais le frère de ce bon vieux Leonard. Il restait le roi entre les barreaux, malgré tout. « Arrête, ça me fait peur parce que je commence à appeler les flics par leur prénom. » Ce n’était pas le cas, mais c’était amusant de s’imaginer la scène. Cependant, seule Sam restait celle avec qui j’avais le plus d’affinités, et ce pour le plus grand malheur de Leo – il n’assumait donc toujours rien – pourtant j’évitais généralement d’être trop familière avec elle. Je ne me le permettais vraiment qu’en présence de Lexie, et celle-ci passait ses nuits à son cabinet ou coincée entre d’énormes dossiers qui ornaient son bureau. Elle me manquait beaucoup. Elle me manquait un peu plus, tout le temps.

« Tu devrais prendre la défense des filles, ta jumelle est de notre côté, ne l’oublie pas. » Je haussai les épaules, un éclair malicieux traversant mon regard azuré. C’était presque me prendre en traître que de mentionner Gloria, pourtant cela m’amusait plus qu’autre chose, tout comme le faisait cet air inquiet qui apparût sur le visage de mon aînée lorsque je lui révélais cette fameuse vérité qu’elle craignait tant. « Ça compense pour toutes les années durant lesquelles Richie était au Canada. » répliquai-je, moqueur. J’imaginai ma mère hocher la tête, amusée à son tour par la querelle, mais elle resta de marbre, comme à chaque fois. « Je m’ennuie sans vous de toute façon, l’équilibre sera vite remis en place. Et mon appartement est trop grand et trop silencieux. Ça me donne le tournis. Mais tu devrais passer, je refais toute la décoration. Tu pourras peindre ce que tu veux. » Mon expression s’adoucit d’autant plus et mes dents blanches apparurent sous mes lèvres, brillantes d’enthousiasme. « Ça, c’est cool. J’ai pas encore testé la peinture, je suis sûr que j’ai la fibre artistique pour ça aussi. » Je jouais au prétentieux mais elle savait pertinemment que j’étais un garçon humble, se passant simplement d’être modeste car l’orgueil donnait des buts, des paliers à atteindre, des limites à franchir. « Et je crois qu’on emmerde trop les voisins quand on répète à la maison. Ton appart va devenir le nouveau studio d’enregistrement. » Car nous étions peut-être bruyamment adorable, mais on ne se faisait pas prier pour envahir des espaces qui nous étaient offerts. Mais je ne pouvais pas ignorer la soudaine mélancolie qui s’était emparée de sa voix : elle vivait seule à présent. Elle n’était pas partie seule du domicile familial, mais ce serait ainsi qu’elle y reviendrait si elle décidait d’abandonner son indépendance pour nous retrouver. « C’est bientôt l’anniversaire de Janis. Tu penses que tu pourrais préparer la tarte au citron cette année ? Et je t’aiderai à trouver un cadeau pour Lexie si tu veux. Sauf si tu penses pouvoir trouver tout seul. Comme ça serait idiot d’attendre le mois d’août pour t’offrir un nouveau costume. » Je soupirai, déjà ennuyé par l’idée de devoir acheter le fameux costume. Je n’aimais pas les vêtements trop chics. J’avais l’impression d’être habillé d’une robe de verre et de cristal. « Surtout que je pensais te tricoter un pull avec ton initiale dessus, ça serait bête de louper un tel cadeau. » Je secouai la tête et levai les yeux au ciel. « Je le filerai à Richie ton pull, tout le monde n’y verra que du feu. » Je joignis finalement le pouce et l’index pour souligner l’assurance de mes propos : « La tarte, c’est comme si c’était fait. » Je la notai au coin de ma tête. J’allais la préparer sur mon temps libre au restaurant, ça restait un bon entraînement. « Et d’accord, faudra que tu m’aides pour Lexie. J’avais pensé à … » Mon doigt dessina un petit rectangle dans l’air, représentant mon idée, et je tournai vers Lou un regard à la fois profondément sérieux mais véritablement rieur, si l'on savait où observer : « … une mixtape de lover. » J’affichai une moue approbatrice en hochant la tête, comme pour tenter de la convaincre que c’était le meilleur cadeau que l’on pouvait faire à une femme le jour de la Saint Valentin. « Comme celles que tous les lycéens paumés des teen movies des années 90 offrent à la fille dont ils sont amoureux en secret. C’est ça que le mot romantique veut dire. » Mais, finalement, après quelques secondes de silence, mes yeux se plissèrent et mon sérieux s’évapora au profit de mon espièglerie. Retour à la case départ, je n’avais aucune idée. Lou pouvait toujours tricoter un pull avec l'initiale de Lexie dessus. Au pire, cette dernière la donnerait à Leo, pour éviter le retour vexant à l'expéditeur.
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() message posté Dim 3 Avr 2016 - 17:24 par Invité
« Arrête, ça me fait peur parce que je commence à appeler les flics par leur prénom. » Elle lui adressa l'aube d'un sourire, partageant une complicité qui était propre à leur fratrie. Une complicité si étroite, si céleste, que personne ne comprenait vraiment si elle pouvait être le fruit de la réalité. Ou seulement le bruit de leurs cœurs qui se réveillaient en présence des autres. Il suffisait que Lou soit loin d'eux pour ressentir un manque inexplicable et perde de sa lumière. Mais il suffisait autant que le poste de police l'appelle pour qu'elle retrouve de son éclat en découvrant le visage familier de Leonard derrière les barreaux de sa cellule. Elle prenait toujours une minute pour le sermonner, lui et sa dégaine de chef de gang mais au fond, tout au fond de son esprit, le revoir lui paraissait toujours plus important que ses erreurs. « Ça compense pour toutes les années durant lesquelles Richie était au Canada. » Elle ne pouvait pas être plus d'accord. Malgré le voile, presque imperceptible de tristesse, qui traversa ses yeux marrons en songeant aux années qui les avaient tous privé de Richie. Il était le phénix de la famille, celui qui était tombé pour revenir plus fort. Le frère qu'elle n'avait jamais su garder près d'elle, finalement. Alors Lou se promettait toujours secrètement de protéger River et Gloria, de leur donner un avenir plus beau, plus brillant, quitte à s'épuiser et vendre toute sa force pour y parvenir. Elle ne pouvait pas changer ce qu'elle était, cette sœur beaucoup trop présente qui voulait les surprotéger et tout leur offrir. Elle n'était jamais réellement certaine d'y parvenir, après avoir compris depuis longtemps que River et Gloria marchaient à l'unisson, comme une danse, comme l'écho d'une même note de musique. Parfois, ils paraissaient avoir seulement besoin de l'autre pour mieux vivre. Lou leur donnait alors, la seule chose que ni ses frères, ni Janis ne pourraient jamais leur offrir ; une présence maternelle. « Ça, c’est cool. J’ai pas encore testé la peinture, je suis sûr que j’ai la fibre artistique pour ça aussi. » Elle se tournait vers son frère avec un regard malicieux et un air aussi prétentieux que le sien. Ça ne leur ressemblait pas, mais ils savaient en plaisanter. River était un artiste. Un électron qui s'était détaché pour vivre librement. Il était imprévisible, spontané, grandiose et ne souciait, finalement, pas de grand chose. Peut-être de la température des tartes, de Gloria, de sa famille et de posséder un bon papier pour y écrire des chansons. Son petit frère était bourré d'une multitude de talents, qui sommeillaient en lui, encore inertes, mais qui finiraient pas voir le jour. Comme son talent pour la musique ou celui pour la pâtisserie. C'était l'image que Lou décrivait à leur mère quand celui-ci n'était pas présent dans la chambre. « Et je crois qu’on emmerde trop les voisins quand on répète à la maison. Ton appart va devenir le nouveau studio d’enregistrement. » Elle se mit à rire avec lui, bougeant délicatement sur sa chaise. Elle était assise ici depuis deux longues heures, la posture devenait vite désagréable. « Je suis d'accord. Transmets le message aux autres. Comme ça Richie et Leo n'auront plus d'excuses pour éviter de m'aider à déplacer les meubles de ma chambre. » Leo venait souvent mais Richie beaucoup moins, alors, avec un manque de subtilité qui rayonnait à des milliers de kilomètres, elle cherche à ramener ses sœurs, ses frères, à ses côtés. Là où ils devraient toujours être. « Je le filerai à Richie ton pull, tout le monde n’y verra que du feu. » Cela aurait pu la vexée, mais elle songea que River n'était pas assez fourbe pour faire ça. Elle prévoyait de tricoter un pull pour ses autres frères ce qui empêchait son frère de faire cet échange. « Alors j'espère que Richie saura l'apprécié. Je l'ai toujours su qu'il partageait mes goûts en matière de mode. » Elle pouffait tout doucement de rire en imaginant la tête de leur frère si River osait réellement lui donner le pull. « La tarte, c’est comme si c’était fait. » Et elle ne doutait pas, il n'oublierait pas et Janis aurait, pour son anniversaire, le plus beau gâteau. « Et d’accord, faudra que tu m’aides pour Lexie. J’avais pensé à … » Son index dessinait des dessins imaginaires dans l'air que Lou tentait d'attraper au vol, plissant légèrement les paupières, comme pour en deviner le sens. « … une mixtape de lover. » Il devait penser que son idée était divinement géniale et sa moue un peu fière la dissuadait de le contredire. Elle se demandait, finalement, si elle devait lui suggérer d'autres idées. Probablement. « Comme celles que tous les lycéens paumés des teen movies des années 90 offrent à la fille dont ils sont amoureux en secret. C’est ça que le mot romantique veut dire. » Ses paroles raisonnaient dans l'immensité de la chambre jusqu'à ce que l'écho disparaisse dans la peinture des murs. Et elle éclata de rire. Avec une spontanéité qu'elle croyait avoir perdu après sa rupture avec Swann. « Tu sais, je crois avoir gardé mon Walkman à cassettes. Il doit être dans un carton. Je peux le restaurer et toi tu fais ta compile de lover sur une cassette. Tu enveloppes ça dans une boîte avec un beau ruban et ça sera un bon cadeau. Tellement romantique, Lexie va adorer. » La même moue satisfaite étirait les traits de son visage, comme pour prendre son frère à son propre jeu. Elle pensa qu'il pouvait toujours lui écrire une chanson mais elle était presque certaine qu'il en avait déjà écris plusieurs sans jamais les montrer à Lexie. Mais c'était, selon Lou, le plus beau cadeau qui aurait pu être créé. Le cadeau le plus intime, pour un musicien. Parce qu'il partagerait alors, un fragment de son art, avec la personne qui comptait le plus à ses yeux. C'est ce qu'elle avait fait, pour Swann, un jour où elle s'était emparée de son violon pour composer une mélodie. Leur musique. Celle qui lui avait été guidée par les sentiments qui naissaient dans son cœur quand elle pensait à lui. « T'as écris des nouvelles chansons sinon ? » C'était sa manière de faire naître chez son frère, l'idée qu'il compose. Elle étira ses jambes engourdies devant elle, puis ses bras. « Si tu te découvres un talent pour la peinture, peut-être que tu pourrais la dessiner. Gloria t'a suggéré des idées ou pas ? D'ailleurs, ça se passe bien à la chorale pour elle ? » Elle avait déjà questionné sa sœur sur le sujet, mais elle était curieuse de connaître l'avis du frère.
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Anonymous
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() message posté Mer 22 Juin 2016 - 13:24 par Invité
« Je suis d’accord. Transmets le message aux autres. Comme ça Richie et Leo n’auront plus d’excuses pour éviter de m’aider à déplacer les meubles dans ma chambre. » Un sourire étira mes lèvres et l’écho d’un souvenir parvint jusqu’à mon esprit : je revis les visages de mes frères, si différents et pourtant animés de la même émotion, un profond agacement que Lou leur avait inspiré en leur parlant de déménagement. J’échappai généralement à ces calvaires car j’étais le plus petit et le plus menu des garçons de la famille. Richie restait le plus imposant, notamment car son regard inexpressif et la masse de cheveux noirs qui encadrait ses joues soulignaient les ombres qui planaient sur ses pommettes. On ajoutait à cela son flegme permanent et la distance qu’il plaçait entre tous ses interlocuteurs : parfois, il s’effaçait et prenait un chemin autonome. La dernière fois, son périple loin de nous avait duré six ans et je n’étais pas certain que tout le monde s’en soit parfaitement remis. Leo, quant à lui, n’était pas le type le plus baraqué du quartier mais sa fierté l’amenait à défier quiconque de lui dire. Confronté à son propre frère, il ne pouvait s’empêcher de montrer une quelconque supériorité qui laissait Richie parfaitement indifférent – comme à peu près tout, à vrai dire – et qui avait le don de m’amuser car je ne prenais pas part à son sempiternel débat. Je voyais ma grandeur autre part, sans oublier de la broder de modestie. « Ça marche. J’espère que tu ne vas pas regretter de tous nous voir débarquer chez toi pour y foutre le bordel. » répondis-je finalement avec ironie. Elle pouvait bien solliciter l’aide de mes deux aînés pour ranger ensuite, de toute façon.

« Alors j’espère que Richie saura l’apprécier. Je l’ai toujours sur qu’il partageait mes goûts en matière de mode. » Je levai discrètement les yeux au ciel avec malice, conscient qu’elle y croyait à peine car c’était bien trop subtil de véritablement comprendre quels étaient les goûts de Richie – concernant la mode ou le reste. J’avais vu quelques-uns de ses projets cinématographiques, des bribes de son univers consumé et extatique, ce qu’il avait bien voulu nous montrer lorsque l’on s’était acharné à le convaincre de le faire. Il ne fallait pas le forcer, nous le savions très bien. Nous avions chacun une manière singulière d’aborder notre frère, bravant la difficulté car elle était réelle : il devait quelque part se sentir étranger dans une famille aussi soudée que la nôtre, autant durant son adolescence ravagée par la drogue qu’à son retour du Canada, sevré mais subissant toujours l’impact de son manque à travers ses veines meurtries. « L’important c’est d’y croire. » conclus-je finalement avec ironie, tentant en vain de dissimuler le sourire mutin qui étira mes lèvres pour accompagner mes mots. Elle y croyait, et ce fermement, puisque même nos piques et nos railleries ne l’avaient jamais empêchée de continuer ce passe-temps si particulier. Et à chaque fois que j’enfilais l’un de ses pulls, même à contrecœur, je sentais le parfum de son application et de ses doigts fins autour desquels les fils s’étaient enroulés avec amour pour simplement nous faire plaisir. Rien que pour cette sensation de plénitude, je ne voulais pas qu’elle arrête. Elle éclata finalement de rire après ma proposition de cadeau et cela me rassura, comme s’il s’agissait de l’écho d’un souvenir : nous étions encore capables d’être heureux. « Tu sais, je crois avoir gardé mon Walkman à cassettes. Il doit être dans un carton. Je peux le restaurer et toi tu fais ta compile de lover sur une cassette. Tu enveloppes ça dans une boîte avec un beau ruban et ça sera un bon cadeau. Tellement romantique, Lexie va adorer. » J’affichai une moue approbatrice mais Lou dut percevoir le scintillement serein et convaincu qui s’empara de mes prunelles, comme si cette idée, aussi clichée soit-elle, était la réponse à toutes mes interrogations. Bien entendu, j’allais passer pour le personnage attachant mais désespéré dans l’histoire, néanmoins je savais que même si Lexie ne comprendrait probablement pas la sincérité qui émanerait de ce cadeau, la voir sourire me rendrait heureux, malgré tout. « On fait comme ça alors. C’est vintage donc c’est génial. » m’enquis-je en hochant la tête avec détermination.

« T’as écrit des nouvelles chansons sinon ? » Mon regard se posa sur la silhouette de notre mère, ses yeux perdus dans le vide ne m’inspirant qu’un passé lointain et inaccessible que je revoyais parfois en rêve. Je soupirai tranquillement et haussai les épaules presque machinalement. Oui, j’écrivais toujours. Je ne voulais pas égarer des secondes à m’ennuyer dans ce monde. Néanmoins, j’ouvrais parfois mes carnets pour y retrouver des mots altérés par ma santé, des mots que j’avais écrit lors de crises car je me connaissais assez pour savoir que même l’autre moi ne laissait pas le temps filer et se jetait sur des feuillets vierges pour griffonner des poèmes à la dérobée, entre deux instants de folie. Je relisais ces strophes avec appréhension, à chaque fois, tentant d’y retrouver un semblant de justesse alors que même l’écriture torturée m’évoquait un chemin rocailleux et accidenté au milieu d’une forêt ténébreuse. Pourtant, ce sentier menait bien quelque part. « J’écris toujours de nouvelles chansons. Tu me connais. » Parce que la voix de Gloria m’extirpait de la brume et que je retrouvais la raison et la volonté de maintenir l’ordre. Les médicaments étaient impuissants. Puisqu’on était dans le cliché, je voulais bien croire que l’amour réalisait la majorité du travail, dans mon cas. L’amour que je donnais comme celui que l’on m’adressait. « Il faudrait vraiment qu’on songe à trouver un bon producteur. » On avait déjà de la chance d’être programmés en juin pour l’un des plus grands festivals du monde – même si nous allions probablement être sur une scène minuscule à une horaire détestable et que la météo ne serait pas de notre côté, mais nous étions heureux malgré tout car l’important était de jouer. « Si tu te découvres un talent pour la peinture, peut-être que tu pourrais la dessiner. Gloria t’a suggéré des idées ou pas ? D’ailleurs, ça se passe bien à la chorale pour elle ? » Je fronçai les sourcils pour stimuler ma réflexion et changeai de position sur ma chaise afin de libérer mes muscles bloqués. « Elle ne m’a rien proposé mais c’est pas idiot. Faudrait juste que je devienne un roi du dessin en une dizaine de jours, sinon tout va bien. » Voilà probablement pourquoi on n’aimait plus fêter la Saint-Valentin. On avait la flemme. « Ça se passe bien, oui. Elle stresse un peu pour savoir si elle aura le solo, et j’espère franchement que ce sera le cas. Mais j’essaye de la rassurer en lui disant que ça n’a pas vraiment d’importance. » Bien sûr que ça en avait tout de même. Gloria était dans son monde, pourtant elle prenait bien souvent en compte les remarques des autres, surtout en ce qui concernait sa passion. Nous étions tous ainsi les uns les autres, les uns envers les autres. « J’aimerais bien écrire une chanson sur Maman. » repris-je finalement en reportant mon attention sur Silvia. Je n’en avais jamais été capable. L’oubli me terrifiait trop pour que je trouve les mots adéquats pour le décrire.
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