(F) AU CHOIX, she was a hurricane.

(2013) darwin, australia -- « Parle-moi de ta famille. » Soupir. Encore ? Elle n'en avait pas marre d'en entendre parler ? À tous les soirs, la même histoire ; elles s'installaient à l'extérieur avec la brise fraîche du vent où elles pouvaient entendre les vagues se fracasser contre les roches sur cette vieille balançoire. Balançoire dans laquelle Lisa s'installait sur les cuisses de Wilhemina puis elle lui demandait de parler de sa famille. Rien qu'une fois, Wilhemina avait osé lui demander pourquoi Lisa ne lui parlait pas de sa famille à elle. Sa réponse avait brisé le cœur de Mina alors maintenant elle se contentait de soupirer une fois, d'inspirer et de réciter les mêmes mots de la veille. Comme une vieille chanson qui passe à la radio. « J’ai deux grands-frères ; Edgar et Lincoln. Je suis la seule fille de la famille et mes deux parents sont toujours mariés. Je crois qu’ils s’aiment, ils ne le montrent pas, mais aux dernières nouvelles ils s’aimaient toujours. J’ai appris à m’endurcir avec mes deux frères, la faiblesse n’était pas un mot qu’ils connaissaient. Edgar jouait au rugby tandis que Lincoln au football, ils étaient deux durs. » Et deux petits cons aussi, mais ça, Wilhemina, elle le dit mentalement. Puis, Lisa doit bien se douter que ses deux frères étaient deux vrais cons. « Je me débrouillais bien en sport, moins qu’eux parce que je m’intéressais plus à la science et aux maths. Ça les dérangeait alors ils m’emmerdaient, mais moi j’en avais rien à foutre ; j’étais plus brillante qu’eux. » C’est à ce moment-là que Wilhemina commençait à caresser les cheveux de Lisa et Lisa fermait les yeux. « Mais ils arrivaient toujours à faire ne sorte que les parents soient plus fiers d’eux que de moi. Mes parents sont des supporteurs de tous les sports… Tu sais qu’ils se sont rencontrés dans un pub ? » Un rire sarcastique sortait de la bouche de Wilhemina. Au début, elle avait cru à une blague lorsque ses parents lui avaient racontés la manière dont ils s’étaient rencontrés. Dans un pub lors d’une partie de football, chacun avec une bière dans les mains et une cigarette dans l’autre à encourager l’équipe de football. Wilhemina pensait entendre un récit digne d’un conte de fées sauf qu’elle avait rapidement désenchanté. « Ta famille devient quoi ? » Était la seule question que Lisa lui posait. La seule qui importait, apparemment. La première fois, une longue pause s’était installée entre elles tandis que Wilhemina réfléchissait à la question. Elle ignorait la réponse, la dernière fois qu’elle avait pris des nouvelles d’eux remontait à jamais. C’était elle qui donnait des nouvelles à ses parents via une carte postale d’où elle était avec trois petits mots écrits sur celle-ci : Je vais bien. Rien de plus, rien de moins. Toujours les mêmes petits mots gribouillés sur la carte de postale de sa main et elle postait la carte puis disparaissait dans un autre pays. Aujourd’hui, c’était différent, Wilhemina avait connaissance des vies de sa famille ; ses parents travaillaient toujours et ils étaient toujours mariés. Sa mère en tant qu’infirmière et son père en tant qu’avocat. Edgar était devenu professeur d’histoire tandis que Lincoln jouait pour Chelsea FC. « Je ne sais pas. » C’était un mensonge, mais pour des raisons inconnues, elle ne voulait pas faire part de ses découvertes à Lisa. Elle ne voulait pas changer la manière dont l’histoire se déroulait. Dont le moment se déroulait. Dire à Lisa que les vies de sa famille n’étaient plus inconnus relevait à vouloir tout changer. Après ça, elles rentraient et elles allaient se coucher.

Wilhemina,
Je suis partie; merci pour absolument tout. Ce mois en ta compagnie est et restera à jamais gravé dans mes souvenirs les plus chérissables de ma vie. Je ne vais pas t’oublier, je te l’assure. Comment puis-je oublier la seule femme que j’ai jamais aimée de toute ma vie ? Parce que je t’ai aimé comme tu m’as aimé. Prends soin de toi, okay ? J’espère qu’un jour, nos routes vont se recroiser et si ce n’est pas le cas, je veux que tu saches que j’aurais toujours une pensée pour toi lorsque mon regard se lèvera pour regarder les étoiles. Parce que toi, Wilhemina Merlyn, est l’Evangeline de mon Ray. Mon étoile du berger, ma Vénus.

Lisa.

« Tu l’aimais ? » — « Je l’aime. »

rio de janeiro, brazil -- « Tu penses encore à elle ? » Son regard se releva rapidement tandis qu'elle fit un effort pour dissimuler la lettre d'entre ses mains. « Arrête, okay ? Me prends pas pour le dernier des cons, je sais que ça doit être la troisième fois aujourd'hui que tu l'as relis. » Les mots sonnent comme une accusation et comme si elle était coupable de quelque chose, Wilhemina baissa le regard. « Ce n'est pas pour ce que tu penses. Elle ne me manque pas, mais parfois, je suis nostalgique. C'est par petit moment qu'elle me manque et lorsque c'est le cas, je me remémore Lisa en lisant sa lettre. » Wes s'approcha du lit en traînant les pieds avant de finalement s'asseoir près d'elle. Puis, il lui prit la main et serra celle-ci dans la sienne. « Ne m'en veux pas, okay ? Je sais que je t'ai promis de ne plus parler d'elle, mais... » — « Chuuut ! Je sais. » Il savait, elle se taisait. « Tu penses encore à elle ? » Il reposait sa question, ce qui voulait dire que Wes désirait une réponse à celle-ci. Une réponse que Wilhemina n'était pas certaine de vouloir lui donner. Elle adorait Wes, elle l'aimait d'une certaine manière, mais pas assez pour qu'il apprenne qu'elle pensait à Lisa à tous les moments de sa vie. Par exemple, elle pouvait apercevoir une petite blonde plus loin et une image de Lisa allait apparaître dans sa tête; restée toute la journée voir même toute la nuit. Parfois, elle pensait à Lisa lorsque Wes ronflait près d'elle. Elle se rappelait que Lisa ne ronflait pas, que le silence régnait la nuit avant Wes. Parfois, il lui arrivait de manquer les lèvres et la douceur de Lisa lorsque et Wes faisaient l'amour. Elle lui disait par moment, mais c'était tout le temps. Lisa lui manquait alors qu'elle avait le cœur brisé par sa faute. « Oui, je pense toujours à elle. » Comment faire autrement ? Alors qu'elle n'avait pas voulu lui dire la vérité, Wilhemina lui avoua celle-ci. Elle ne voulait pas mentir à Wes, il ne méritait pas qu'une fille lui raconte un mensonge. C'était un homme bien, Wes. Un homme avec des préjugés et une certaine violence, mais c'était un homme bien. « Tu comptes faire quoi ? » Wilhemina soupira. Son regard dévia jusqu'aux mots écrits sur le papier et machinalement, elle serra la lettre contre elle. « Je ne sais pas, Wes. Rien, probablement. Elle est partie en ne laissant rien derrière elle, elle veut être seule. » Pourquoi est-ce qu'elle avait été honnête avec Wes, déjà ? Pourquoi est-ce qu'elle lui avait raconté son problème Lisa ? « Mina, t'es la seule à avoir été capable de rentrer dans la bulle Lisa. » Ça, elle le savait. Les autres n'avaient jamais été capables de comprendre comment elle fonctionnait. Mina, oui. « Je sais. Écoute, je n'ai pas envie d'en parler. » D'un geste presque violent, elle retira sa main de celle de Wes, se leva du lit et s'approcha de la bouteille où elle chiffonna la lettre en petite boule avant de jeter celle-ci. Elle allait partir lorsque Wes l'a rattrapa par le poignet. « Min... » Elle ne lui laissa pas le temps de terminer de dire la dernière lettre de son surnom que ses lèvres se retrouvaient sur celles de Wes. « Arrête de parler. » Même si ce n'était pas le bon moment, Wes se laissa aller. Il savait qu'argumenter avec Wilhemina ne servait à rien. Si elle ne voulait pas parler de quelque chose, elle n'en parlait pas. Alors, il profitait du fait que ses lèvres soient sur les siennes, que son corps se colle au sien et qu'il l'avait pour lui. Qu'il n'avait plus à regarder Mina tomber amoureuse de Lisa et Lisa tomber amoureuse de Wilhemina. Il n'avait plus à être jaloux maintenant qu'elle était sienne. Le départ de Lisa avait un des plus beaux cadeaux de 2013. Pas autant que lorsque Wilhemina lui avait demandé de l'accompagner à Rio. Rien que tous les deux. Ils agissaient comme un couple aux yeux de tous même les leurs. Il l'avait pour une dernière fois. Le lendemain, elle avait disparue de cette petite caravane et s'était envolée pour une autre destination sans oublier d'avoir envoyé la carte postale. Elle allait bien.