ALESSIO + i'm a classic man

[...] Enfin, c'est avec plaisir que nous annonçons un nouvel héritier pour les Kieran. Edward Kieran, grand homme d'affaire à la tête d'une dizaine d'entreprises (Kieran™), vient de rendre publique la naissance de son deuxième fils, Alessio. Le monde des finances accueille cet événement avec la plus grande allégresse et souhaite le plus grand bonheur au nouveau papa qui a déjà su nous montrer ses talents de parents. La question que tout le monde se pose, qui agite les foules et titille la curiosité des plus grands créanciers reste pour le moment sans réponse. Qui héritera donc des parts du talentueux géniteur une fois l'heure venu pour lui de se retirer ? Les sondages semblaient s'orienter vers l’aîné de la famille, mais Alessio pourrait bien affolé les chiffres et tout remettre en question. Edward Kieran choisira-t-il la méthode courante de laisser les rennes au premier arriver ? Ou pensera-t-il la carrure d'Alessio plus approprié ? C'est une décision que notre équipe attend avec impatience, avec l'espoir que cette délicate situation ne déchirera pas une famille de plus. Mais comme l'a si bien dit Edward Kieran au cours de sa dernière entrevu avec le New York Times, rien ne changera l'amour qu'il porte à ses fils. Pas même les nombreux chiffres défilant sur son compte en banque. Du moins, on l'espère ! Nous savons tous que rien n'est plus problématique que l'argent. […]
Amanda Hamilton, Financial Times, 1990.

Edward Kieran et Rosa Sorieta se sont rencontrés au beau milieu des années soixante, en Italie. Tout les opposés et pourtant, ils ne se sont jamais quitté. Le charisme d'Edward n'était plus à décrire et bien que plus d'une demoiselle ait succombé à son charme, la belle sicilienne fut la seule à trouver une place au fond de son cœur. Personne ne sait ce qui l'a vraiment fait chaviré parce que son coup de foudre débordait de qualité : Prenez une gentillesse impressionnante, une fraîcheur inconnue, un sourire étincelant et voilà, vous obtenez Rosa. Celle-ci est une sicilienne pure et dure, avec le caractère qui accompagne le tout. Ce n'était pas facile tous les jours. Aucun de leur proche n'y croyait vraiment, puisqu'il ne vivait pas dans le même pays, Edward étant reparti à Birmingham dès que ses vacances s'étaient terminés. Ils ont défié le destin, voyageant difficilement entre les deux pays et entretenant une relation passionné à distance. Tout deux très religieux, le couple s'est vite rendu compte qu'ils se devaient d'officialiser leur amour face à dieu après plus de cinq ans de relation. C'est ce qu'ils ont donc fait. Après négociation, Rosa quitta son poste au sein de l’hôtel le plus prestigieux de l'île pour rejoindre son futur mari en Angleterre et ainsi, y poursuivre sa vie. S'ils s'aimaient avant de se marier, les sentiments n'ont fait que se décupler après la célébration. Ayant fait vœux d'abstention jusqu'au mariage, les deux amants découvrirent les plaisirs charnels ensemble lors de leur lune de miel. A leur retour, Rosa finit par retrouver un travail dans l'un des hôtels de Birmingham, non sans l'aide de l'influence de son mari. Ce n'est qu'après plusieurs années que la question des enfants naquit dans leur esprit. Bien que n'utilisant jamais de protection, Rosa n'était jamais tombé enceinte et même si elle remerciait son ange gardien chaque mois, cela la perturbait. Quelque chose ne devait pas être normal, chez elle. C'était tout bonnement impossible. Cela mena l'italienne à faire de nombreux examens et le verdict finit par tomber : il était peu probable qu'elle puisse avoir un jour des enfants. Edward encaissa mal la chose. Lui, à la tête d'une grande fortune, sans héritier ? Autant lui dire que le diable comptait lui rendre visite, cela lui aurait semblé moins douloureux.
C'est donc avec une grande surprise, que Rosa finit par tomber enceinte à la fin des années quatre-vingts. Leur premier enfant. Aussitôt, les médias se saisirent de l'info parce que la puissance du père de famille n'avait cessé de s’accroître au fil des années. Chacun avait ses idées bien précise quant au poste qu'occuperait l'heureux nouveau né. Edward décida d'éduquer son fils à la façon de son père : strict, avec des valeurs qui feraient de lui un homme de confiance. Le géniteur comptait bien faire de son unique fils quelqu'un digne de porter son nom. Vous imaginez donc l'étonnement général lorsque près de deux ans après la naissance de leur premier fils, Rosa annonça à son homme qu'elle était à nouveau enceinte. Si le bonheur d'avoir un nouvel enfant illuminait sa vie, la belle italienne ne pouvait ignorer le nœud qui se formait doucement mais sûrement au creux de son estomac. Elle n'avait pas peur de leur environnement, parce que de toute évidence, ils auraient tout ce qu'ils voulaient... Mais elle était totalement terrorisé à l'idée que les autres, comprenant amis, directeurs d'entreprises, journalistes et étrangers tout simplement, découvrent sa grossesse. Alors que son mari passait ses nuits au travail, Rosa ne pouvait s'empêcher de penser que ses fils allaient être élevé comme des compétiteurs et que malheureusement, leurs pires ennemis seraient eux-même.


Et elle avait raison. Néanmoins, Alessio grandi entouré d'amour. La notion était un peu plus abstrait du côté de son père, mais l'admiration qu'il avait pour lui ne cessait d'augmenter. Dès son plus jeune âge, le garçon apprit à incarner sa classe social, suivant l'exemple de son frère. Il ne savait pas vraiment à quoi servait tous ces meetings auquel il était obligé d'assister le dimanche – enfermé dans un costume-cravate bien trop serré pour ses activités d'enfant – mais il savait que c'était important. Alors il le fit sans rechigner. Comme son frère. Il souriait aux gens qui parlaient de mathématiques toute la journée, même si ça ne ressemblait en rien à ce qu'il apprenait à l'école. Lui, il en était qu'aux additions, mais il trouvait ça déjà trop dur. Son père aimait bien ça, lui. Alors, il fit semblant d'adorer ces chiffres, bien que ça sonnait comme du chinois dans sa tête d'enfant. Deux ans plus tard, peu après ses huit ans, tout ça n'importa plus. Parce que son père ne rentra pas du travail. Ca lui arrivait souvent de s'absenter quelques semaines, mais les larmes étouffés de sa mère au milieu de la nuit lui fit comprendre que son absence durerait plus longtemps.

Pendant plusieurs mois, on ne parla plus de chiffres dans cette maison. Alessio n'était pas idiot, pourtant il ne comprenait pas ce qu'il se passait. C'est son frère, après une dispute, qui lui cracha ce qui ressemblait à de l'acide au visage : « Il est mort, papa. Mort. Il reviendra pas avec une tonne de jouet et du chocolat. On est les garçons de la maison, maintenant ». Pour la première fois, Alessio frappa son frère. Fort. Toute sa force, colère et rancune se concentra au sein de son poing pour venir s'écraser sur la face d'ange de l'aîné. Sa mère l'engueula. Il ne l'avait jamais entendu crier avant. Au fond, c'était largement plus douloureux que la chevalière de son père. Il regrettait presque l'objet de métal.
Encore quelques mois et ils se retrouvèrent à bord d'un avion en direction de la Sicile. Rosa n'était pas prête à assumer ses enfants seuls dans un pays qui lui rappelait constamment son défunt mari. En Italie aussi, Edward était connu, mais personne n'osait l'importuner là-haut. Alessio s'adapta rapidement à la culture, qui n'était pas si différente de la sienne, au final. Sa mère avait toujours veillé à mettre en avant ses origines, alors les deux enfants se sentirent comme des poissons dans l'eau dans ce nouveau pays. Ce fut le cas de l'aîné, en tout cas. Alessio, aussi, s'y sentait bien... Mais l’Angleterre lui manquait. Ses amis. Le soccer. Son accent bien à lui quand il parlait anglais. La pluie. Sa marque de boisson préféré, que même la mondialisation n'avait pas réussi à importer sur l'île. Tout. Son père lui manquait. Il n'y avait pas un cours de mathématiques où il ne pensait pas à lui. Bien sûr, les finances et gérer des entreprises en général, était bien plus que des « maths », mais sans savoir pourquoi, Alessio l'avait toujours assimilé aux chiffres. Il apprit à détester cette matière.

Les années passèrent et la douleur se dissipa. Son frère, comme l'avait prédit les hommes du métier, excellait à l'école. Il disait à tout le monde qu'il voulait reprendre les affaires de son père, qui était sous la direction de son oncle jusqu'à ce qu'il soit majeur. Quand on demandait à Alessio ce qu'il voulait faire, il restait silencieux dans le meilleur des cas. Dans le pire, il disait qu'il voulait changer le monde. Ces hommes, anciens amis de son père qui avait gardé leur mère dans leur cercle bien fermé, se contentait de changer de sujet. Parce qu'il fallait l'avouer, mis à part le physique et l'allure très business qu'il adopta dès le début de son adolescence, Alessio n'avait rien d'un Kieran. Son frère semblait avoir reçu tout le talent de leur géniteur. Ce dernier cumulait stage en entreprise à l'âge de dix-sept ans, alors qu'Alessio, deux ans plus jeune, terminait tout juste le collège. Les deux adolescents avaient tout simplement des caractères opposés. Pour Alessio, parler ne l'intéressait pas, il préférait agir. Il préférait les amis à la débauche. Penser au comportement de son frère lui donnait froid dans le dos. Jamais il ne pourrait imaginer se donner, son corps, à quelqu'un le temps d'une nuit. La mentalité de ses parents semblaient l'avoir suivi et ça semblait un peu vieux jeux, mais il comptait bien attendre le mariage avant de faire quoi que ce soit. Il était le seul de son cercle d'amis à penser de cette façon. Ca ne le gênait pas, parce qu'il partait du principe que chacun faisait ce qu'il désirait. Il aurait pu, lui aussi, céder à la tentation. Des filles qui lui ont plu, y'en a eu quelques unes. Puis quand elles voulaient aller plus loin, il m'était fin à leur idylle avec le plus grand respect.

La fin du lycée s'approcha à grand pas et si l'idée de changer le monde était toujours présent dans un coin de sa tête, il devait avouer que comme vocation, c'était moyen. Alors, il décida de rentrer dans l'armée. Cela faisait déjà plusieurs années qu'il faisait des sports de combats et l'un de ses amis à l’entraînement lui avait glissé qu'il devrait peut-être tenter le coup. Alors c'est ce qu'il a fait. Autant dire que ça lui plaisait vraiment. Son frère côtoyait l'une des plus grandes universités alors que lui-même se préparait au combat. Il lui faudra attendre l'âge de vingt-et-un ans pour partir en mission et même une fois là-haut, il resta en retrait, son équipe ne l'envoyant face au danger qu'en dernier recours. Il en sera toujours reconnaissant. Des amis, Alessio en a vu tomber et il remerciait dieu de ne pas s'être, à son tour, écroulé par terre. Le militaire resta dans ce lieu, qu'il garde secret encore aujourd'hui, près de trois ans. Autant dire que les journées étaient longues. Quand il n'était pas de garde et avait du temps libre, il se retrouvait à écouter de la musique et essayait de rester sociable via les réseaux sociaux. Il se fit plusieurs amis sur l'un de ces sites de correspondance. Dont une demoiselle à laquelle il s'attacha très rapidement. Leurs conversations devinrent quotidienne et bientôt celle-ci connaissait toute la vie d'Alessio, minus le fait qu'il possédait une belle somme d'argent. Ce n'était pas quelque chose dont il aimait se vanter, bien que cela se voyait facilement lorsqu'il portait ses tenues de villes. De toute évidence, cette jeune demoiselle ne savait pas à quoi il ressemblait. Malgré lui, il se vit développer des sentiments pour cette femme virtuelle. Il savait tout d'elle, comme  il ne savait rien. Officiellement, ils étaient amis parce que... Eh bien, ils ne s'étaient jamais vu et tout cela restait via leur ordinateur. Officieusement, c'était plus compliqué. Ils se parlaient comme des amants, sans vraiment s'en rendre compte. Alessio était plus ou moins persuadé qu'il était amoureux d'elle, même sans l'avoir vu. Alors lorsque son contrat vint à sa fin, il décida de quitter l'armée. Il n'en dit rien à cette fameuse amie. Il rentra quelques semaines en Italie pour rendre visite à sa mère, avant de partir pour l'Angleterre, alors âgé de vingt-quatre ans. A Londres, plus exactement. C'était dans cette ville qu'elle vivait après tout, alors le meilleur moyen de la trouver était de se rapprocher d'elle. Sans vraiment savoir pourquoi, Alessio ne trouva pas utile de lui dire qu'il avait quitté l'armée et qu'il essayait de la retrouver. Il savait juste que lorsqu'il serait en face d'elle, il la reconnaîtrait.

Aujourd'hui, cela fait plusieurs mois qu'Alessio a emménagé à Londres. Il a réussi à intégrer les forces de police grâce à son passé dans l'armée et bien sûr, son nom de famille qui reste bien connu au milieu des connaisseurs. En aucun cas il ne regrette avoir quitté l'Italie, parce qu'il se sent comme chez lui en Angleterre. Le jeune homme est toujours à la recherche de cette inconnue qu'il apprécie tant, persuadé qu'il ne pourra que s'entendre avec elle en face à face. Il n'est pas pressé, cependant. Sa vie actuelle lui plaît totalement. Sa relation avec son frère s'est même calmé... Puisqu'ils ne se parlent plus du tout.