"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici We never thought that we would ever go this far (Thomas) 2979874845 We never thought that we would ever go this far (Thomas) 1973890357
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We never thought that we would ever go this far (Thomas)

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() message posté Mar 7 Avr 2015 - 23:55 par Invité
Sortir mon portable de ma poche et appeler Blake, quelle belle idée j’avais là, cette soirée sonnait clairement la fin de quelque chose, de quelqu’un pour ne pas citer son prénom et un renouveau. Alors oui, on ne peut pas noyer ses vieux démons, toutes ces choses qui caractérisent une personne, ces démons nageaient parmi les méandres d’une vie déjà bien tumultueuse, mais je pouvais simplement changer de bassin, de piscine. Enfin bref, j’allais voir si l’herbe n’était pas meilleure ailleurs, parce que clairement elle ne pouvait pas être pire que ce bout de terre séchée qui me servait de vie. Alors j’avais pressé le bouton vert sur mon téléphone mobile et j’allais appeler mon frère, je n’avais pas regardé l’heure. Je voyais juste la lueur de mon appareil me bruler littéralement les pupilles, mais dehors la nuit était tombée depuis bien longtemps et à entendre le bruit dehors -c’est-à-dire pas un seul bruit-, il devait être même trop tard -ou trop tôt- pour festoyer. J’avais quitté l’appartement des frères Abberline depuis bien longtemps, je déambulais dans les ruelles comme déambule une personne sans domicile fixe et puis en parlant de domicile le mien était bien trop loin pour que je puisse m’y rendre à pieds, les transports en communs avaient déjà cessé quelconque fonctionnement, je n’eus pas le temps de me poser trop de question, le répondeur de Blake avait parlé pour lui. Il dormait surement depuis longtemps, pas grave, j’allais lui laisser un message.

Citation :
''Blake j’t’en supplie, viens me chercher demain, j’veux … J’veux rentrer à la maison, s’te plait.''

Alors clairement ça sonnait comme un appel à l’aide, comme un cri au secour, viens m’aider toi mon grand frère que je ne peux blairer, viens donc rentrer le cadavre vivante de ta sœur, enterrer l’heureuse tristesse de celle-ci, le silence bruyant de ses pensées et j’en passe, viens donc sauver ce qu’il reste à sauver. Je savais, je le sentais, il viendrait le faire, il allait venir demain à la première heure, avec sa voiture luxueuse et assez grande pour y entreposer toutes mes affaires, parce que bien qu’il ne me voyait que peu souvent dans l’année et que nos discours se limitaient à des bonjours et au revoir, il savait que je signerais sans concession quoi qu’il puisse me proposer lui et Igor, m’en aller pour mieux recommencer, quelle blague. M’en aller tout court me suffisait amplement à l’heure actuelle, je savais qu’une chambre m’attendais au deuxième étage de la grande demeure du père Powell, descendant d’une lignée majestueuse qui n’a pas d’égal et dont le business brille sur tout le pays. Igor Powell, est-ce vraiment nécessaire de préciser qui est cette homme d’affaire si mystérieux et pourtant connu de toute l’Angleterre ? Mon géniteur se tuait à la tâche, il se fatiguait à souligner constamment qu’il n’avait qu’un seul fils unique et futur héritier de sa fortune, mais avait-il donc oublié qu’une petite bouille blanche aux cheveux blonds à l’époque courrait partout dans la maison, préférant largement les bouquins aux poupées ? Non, bien évidemment, pour lui j’étais le restant de cendre du corps calcinée de Louise, enfermé dans un vieux pot qui était certainement la pièce maîtresse au dessus de la cheminée, splendide.

Je ne savais pas vraiment où le vent me menait, je savais juste que je marchais et puis je me suis assise sur un trottoir, dans la ruelle d’un quartier de Shorditch, j’avais effilé mon bas noir, mes ballerines étaient poussiéreuses, sans parler de cette espèce de jupe noir bouffante, taille haute qui me coupait presque la respiration. J’avais fais l’effort d’être belle, sans prétention, j’étais ravissante ce soir là. J’avais mon t-shirt blanc, laissant apparaître en dessous un soutien-gorge noir, ma jupe taille haute, elle aussi noire, qui était par-dessus le t-shirt. Un petit sac et des cheveux lissés à la perfection, tout ça avec un beau petit maquillage et des lèvres timidement rosées. Je me surpris à sourire, je ne portais jamais de jupe, ça faisait bien des années que je ne l’avais pas fait d’ailleurs, mais ce soir, à croire que j’avais prémédité certains changements, ça allait donc bien avec la situation. De mon sac je sortis une petite boite noire, cette boite carrée et minimaliste tout le monde la connaissait, lorsque je la sortais on savait très bien ce qui se passerait, elle était de toute les parties elle m’accompagnait depuis tant d’années à présent, qu’elle prenait plus d’importance dans ma vie que quiconque. Un sachet dans lequel étaient entassés des dizaines de comprimés s’y trouvait, parmi d’autres substances étranges, d’autres liquides, seringues et j’en passe, son contenu variait de jour en jour, mais jamais au grand jamais cette boite se trouvait vide, c’était une règle que je veillais à toujours respecter, il fallait la nourrir autant qu’elle me nourrissait de son bonheur éphémère et superflu. « Jaune. » Tiens, je ne me rappelais pas avoir ce comprimé sur lequel était dessiné un bonhomme qui avait un sourire tracé jusqu’aux oreilles, ni une ni deux je l’avalais et puis je pensais à Thomas. Il y avait bien une raison pour laquelle je pensais à cet enfoiré, il y avait toujours une bonne raison de penser à quelqu’un, je savais que sa couleur préféré était le jaune, je ne me rappelle plus vraiment comment j’avais réussi à lui soutirer cette information inutile, lui qui préférait toujours arborer des couleurs sombres pour coller au personnage qu’il s’était crée, mais je savais que j’assimilais Thomas à cette couleur et à bien d’autres choses sans importances, comme les allumettes par exemple. C’était quelque chose que tout le monde faisait, assimiler des couleurs, des objets des chiffres, des chansons, des odeurs et d’autres choses, tant bien aux gens qu’aux choses qui les entourent. J’avais finis par me lever, la lumière de ce lampadaire commençait à me faire tourner la tête, autant que le comprimé que je venais de m’envoyer. J’étais soft ce soir, j’aurais pu avaler tous les comprimés de cette boite, j’aurais pu claquer ici comme un chien errant. Mais j’étais encore assez accrochée à la vie pour voir ce qu’elle allait m’offrir et puis Blake n’avait pas répondu à mon message, c’était une bonne raison pour ne pas se foutre en l’air pas vrai ? Et pourtant, dieu sait à quel point il y aurait de bonnes raisons de mettre fin à ses jours, mais ce serait lâche. Parce que Jules et moi c’était vraiment terminé, vous voyez, terminé pour de vrai, le genre de truc officiel, aussi officiel que la partie de jambe en l’air Jules/Solveig. Pendant un instant j’ai essayé d’imaginer la chose, vous savez, c’est aussi horrible que d’imaginer ses parents le faire, mais c’était vrai, c’était un fait, avéré et susceptible de se reproduire, alors sur mon visage une grimace de dégout se dessinait, entre le mascara qui avait coulé et des larmes qui avaient fossilisés sur mes joues, je faisais de la peine à voir et dieu merci il n’y avait personne pour constater ça, enfin pas pour longtemps. « Knickerbadger … » La drogue ça avait quelque chose de magique, non vraiment, si il y a quelques minutes je me lamentais sur mon sort en me disant que la seule chose qui pourrait me faire du bien c’était la prison Powell au deuxième étage. A présent je me retrouvais devant l’immeuble de Thomas, ça s’était fait par automatisme, comme si mes jambes avaient décidées seules de prendre cette direction, une direction pentue, épineuse et brulante qui menait droit en enfer. J’avais juste à rentrer le code de la porte pour accéder à la bâtisse. 1928, peut-être la date de création du bâtiment vu l’état de celui-ci où simplement un chiffre choisi au hasard, mais le hasard n’était pas souvent sélectionné pour un mot de passe où un code d’entrée, alors j’en avais déduis que c’était la date de création de la bâtisse. Thomas ne m’avait pas donné le code, il aurait probablement préféré manger toutes ses allumettes une par une et faire un mélange de mégots de cigarette qu’il aurait mixé pour en faire des pancakes qu’il mangerait au petit déjeuner avec un verre de vodka pur, plutôt que me donner ce foutu code, mais j’avais été assez maligne pour regarder par dessus son épaule. Il m’avait fallu dix bonnes minutes pour accéder au couloir, parce que je m’étais arrêté à des détails bête comme le code d’entrée, j’avais presque tenu un conversation avec ce code dans ma tête ‘’hé, on t’as choisi pourquoi alors ? 1928, il doit bien y avoir une histoire la derrière.’’, c’est fou ce que je pouvais perdre mon temps, alors qu’il était follement compté, le départ d’Angie vers son foyer se comptait presque en minutes.

Dans l’ascenseur qui me menait à l’appartement de Knick, mes jambes tremblaient et je n’avais pas envie de m’y rendre, des gouttes de sueurs froides parcouraient mon front et la colère ne désemplissait pas, plus j’approchais du but plus j’avais l’impression de sentir son odeur et son rire de connard me percer les oreilles. Pourtant je n’avais pas la conscience tranquille, il fallait que je puisse lui dire le fin fond de ma pensée, mais je savais qu’entrer là dedans me mènerait à la perte totale de ma personne. Il était fou, il avait quelque chose que je n’avais pas et justement il m’avait sous son ail, mais il ne faisait pas attention à moi, il préférait se pavaner, criant sur tous les toits que la seule chose qui pouvait le rendre heureux c’était la clope, l’alcool et la baise, il n’avait pas tord, mais désolée de t’annoncer mon beau Thomas que je ne t’ai jamais vu autant sourire que lorsque je t’ai consciemment injecté de l’héroïne dans le bras, même ses yeux me remerciaient, son âme semblait être sortie ce soir là pour chanter ma louange. J’étais face à cette porte, si j’avais eus de l’essence et un briquet, j’aurais pu m’arrêter là, foutre le feu à l’entrée de sa prison, les livres se seraient occupés de bien enflammer le tout et il serait mort dans la souffrance la plus ultime et quelle mort idiote. Mais aurais-je été assez raide pour prendre mes jambes à mon coup ? Je me frottais le visage, ma respiration était saccadant, il pouvait certainement m’entendre respirer, la télé inexistante et les pièces vides rendaient un écho incroyablement bruyant, même une simple respiration était décuplée. Je posais ma main sur la poignée, je savais que la porte était ouverte et c’était bien ça le problème, si seulement il pouvait la clore cette foutue porte. C’était difficile de devoir se battre contre soi-même, rentrer où ne pas renter ?

Finalement et non sans surprise, j’avais pénétré dans cette pièce et la porte semblait avoir disparue, pas d’issue possible. Il était allongé sur son matelas de fortune posé à même le sol, il corrigeait des travaux d’étudiants, avec une bouteille de vodka près de lui et des mégots par milliers écrasés dans le cendrier et sur le parquet pour certains. Sa veste trônait sur le plan de travail de la cuisine. Il avait levé la tête, un sourire malsain se dessinait sur son visage démoniaque. Je n’avais pas émis un seul son, je sentais ma tête tourner et j’avais envie de lui sauter à la gorge pour l’étrangler, il fallait que je trouve un fautif à tout ça et il avait bon dos, il avait toujours eu le dos du mec sur qui on pouvait déverser toute sa haine et il semblait cependant le porter très bien, son âme sale et inconsciente n’avait pas de peine à gérer ça, c’était son pain quotidien. J’étais restée bloquée là un instant et puis les choses sérieuses avaient commencées. Mon corps s’était mis en état de destruction total, la violence c’était le mot qui trônait en maitre dans mon esprit en ce moment. Alors j’me suis approchée de lui, comme la foudre qui approche un arbre et le démoli en deux, deux. Il n’était pas bien difficile de le toiser, lui assit sur ce matelas, de ma hauteur je pouvais le dominer et surtout le dévisager avec un regard haineux. J’avais balancé mon pied sur son buste, le forçant à s’allonger et puis j’y mis tout mon poids dessus, tiens, crèves donc en suffoquant. « A quel moment sa déconne dans ta tête ? Pourquoi tu fais ça ? » Et puis je commençais à pleurer d’énervement, vraiment il m’insupportait et la situation était inconcevable pour moi, si seulement je n’avais pas croisé son chemin, si seulement. Je continuais à mettre tout mon poids sur ma jambe, espérant lui casser une cote au passage. « T’es obligé d’être une connard, un menteur, j’aimerais tellement que tu crèves. » Je ne savais pas si je pensais vraiment ce que je disais, la drogue se mélangeait à mes émotions et la colère m’animait ce soir là, mais en fin de compte s’il mourrait, il ne manquerait pas à grand monde.
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() message posté Mer 8 Avr 2015 - 23:28 par Invité
Putain. Mes doigts se crispèrent sur le rebord du lavabo. Un peu plus, et je me sentais capable de briser la porcelaine blanche par la seule force de mes bras. Ouais, c’est ça. J’allais surtout y casser mes os fragiles. Je regardai le filet de sang couler depuis mes lèvres jusque dans le trou. Je passai ma main sur celles-ci : une trace rouge apparut sur mes phalanges. Je fermai les yeux, me concentrant pour ne pas tousser de nouveau. Demain, direction l’hôpital ? La morgue, plutôt. J’expirai lentement tout l’air encore présent dans mes poumons perforés. J’osai jeter un coup d’œil vers le miroir mais détournai immédiatement le regard. Non, pas encore prêt apparemment. Pas encore prêt à affronter les traits creusés et les iris dénués de vie. Je passai ma main sur ma joue et les os de mon visage me firent horriblement mal. Je n’étais même pas fatigué. Même pas affamé. Rien. Juste rien, une vague douleur dans les dents me donnant l’impression qu’elles allaient exploser une à une, un orage dans mon crâne qui grondait comme une bête sauvage, l’impression que mes yeux allaient sortir de leurs orbites pour rouler sur le sol froid et me rendre vide et aveugle. Je le méritais, hein ? On me voyait et on ne pouvait que secouer la tête, navré par mon déni et mon insouciance. De l’insouciance. Comme si c’était ça, mon problème. Je me tournai, lâchant le lavabo pour me diriger vers la cuisine. J’attrapai un verre et me rinçai la bouche. Je recrachai l’eau : elle était teintée de rouge. Je toussai. Du sang, à nouveau, embaumant mon palais et mes mâchoires, formant des gouttes qui s’écrasèrent au fond de l’évier en me toisant d’un air sombre et moralisateur. Je posai ma main sur ma poitrine dans l’espoir de calmer la toux. L’un de mes organes avait décidé de me lâcher ce soir, mais j’ignorais lequel. Mon cœur battait beaucoup trop vite. Je pouvais sentir mon pouls marteler mon cou et mon poignet. Mes poumons souffraient : ils étaient fatigués, eux, et peinaient à me suivre. Ma main descendit vers mon ventre. Encore une fois je fus surpris en constatant le creux que formait celui-ci. Non, toujours pas faim. Juste une terrible envie de boire. Mon foie ne tiendrait pas longtemps non plus. Je séchai le sang de mes lèvres avec un mouchoir puis hésitai lorsque mes yeux se posèrent sur l’eau restante dans mon verre. Ils glissèrent jusqu’à la vodka, siégeant un peu plus loin sur le plan de travail. J’avais besoin d’être ivre. Non, surtout, j’avais besoin d’une clope. Je saisis la bouteille de vodka et quittai la cuisine en trainant des pieds. J’attrapai le premier paquet de cigarettes sur mon chemin et craquai une allumette. La première bouffée de tabac me brûla la gorge et déchira mes poumons. Bien. Enfin une sensation. Je m’assis sur le bureau pour fumer, remontant les manches de ma chemise pour constater à nouveau ma maigreur. Mes veines étaient bleues, je les voyais nettement, tracées le long de mes avant-bras pâles jusqu’au creux de mes coudes. Je fermai ma main gauche. Cicatrisée. Bordel. C’était parti ça aussi. Même plus besoin de pansement. Même plus de regards interrogateurs lorsque les yeux de mes interlocuteurs se posaient sur la plaie. Un sillon blanchâtre barrait toujours ma paume, mais j’étais le seul à encore le remarquer. A encore aspirer à une sensation à présent morte. C’était tout ce qu’il me restait ? La douleur ? Parce qu’après toutes ces années, je n’étais plus qu’un être organique et vide, n’ayant pour compagnie que le mal physique ? J’approchai mon doigt de l’extrémité de ma cigarette. Les cendres tombèrent sur mes cuisses puis s’écrasèrent sur le sol. Et je me brûlai volontairement, touchant le tabac l’espace d’une courte seconde. Je serrai les dents et fermai les yeux. J’avais mal. Horriblement mal. Partout et nulle part à la fois. Comme si ce mal, incapable d’atteindre mon esprit, avait fini par se rabattre sur mon corps entier, se manifestant partout et me forçant à vivre un Enfer auquel je ne croyais même plus. Mais c’était ça, l’Enfer. Ne rien ressentir à part cette immense souffrance. J’étais empalé sur un pieu, je cuisais sous le soleil du désert et les vautours s’arrachaient ce qui restait de ma chair en plantant leur bec dans mes plaies béantes.
Et pourtant je ne ressentais toujours rien. Pas de remord, pas de tristesse, pas d’envie, pas de rêve inavoué. C’était ça le prix à payer pour devenir immortel.

Je quittai le bureau et chancelai sur le parquet avant de retrouver l’équilibre. Je ressentis une excitation étrange et agaçante. L’insomnie qui guettait à la porte de mon sommeil. Être pris de fourmillements et sentir la chaleur grimper jusqu’à mon cerveau alors que mes membres restaient glacés. Devenir fébrile mais ne pas vouloir rester en place et me reposer. Sentir l’indécision s’emparer de moi : se coucher ? rester debout ? lire ? travailler ? fumer jusqu’à l’aube ? boire ? se remplir l’estomac ? sortir ? fumer ? fumer ? fumer ? Incapable de choisir, je finis par prendre la bouteille et la poser sur le sol, à une distance peu raisonnable de mon matelas – bien trop accessible, donc. Des copies d’élèves étaient dissimulées sous la couverture et je me baissai pour les remettre en ordre, lisant quelques introductions au passage. Je finis par me glisser sur le lit, écrasant mon mégot sur le sol et reprenant immédiatement une nouvelle cigarette. Je sentis quelques gouttes de sueur perler sur mon front à mesure que j’avançais dans ma lecture. Je comprenais pourtant ce que j’avais sous les yeux. Mais tout me semblait de travers aujourd’hui. Je voulais juste poser le paquet sur le bureau, éteindre la clope et m’endormir d’un coup, comme je le faisais si bien auparavant. Quel échec. J’étais à peine capable de fermer les yeux correctement. La fumée m’aveuglait et asséchait ma rétine. Je n’avais même plus assez d’eau dans le corps pour pleurer. Peut-être que mes larmes seraient noires comme le goudron. Aucune idée. Aucune envie de savoir. Cela ne m’intéressait pas. Le silence assourdissant de la pièce n’était brisé que par le doux bruit du tabac qui brûlait. J’entendais aussi les battements de mon cœur, toujours trop rapides mais se calmant à mesure que je me concentrais sur les écrits de mes étudiants. Dieu du ciel, on m’acceptait encore dans cet établissement ? Même avec la gueule que j’avais ? Je me serais viré il y a longtemps pour cinquante motifs différents. Mais apparemment je restais un bon prof. Comme quoi, il y avait des qualités qui surplombaient tout le reste et qui plaçaient sur mes nombreux défauts un voile opaque – il joue un personnage, vous savez. Et les gens n’y voyaient que du feu. Je retins mon souffle. Quelque chose avait changé. Il y avait un nouveau bruit, léger et saccadé, du côté de la porte d’entrée. Une respiration qui n’était pas la mienne. Je levai les yeux et fixai la poignée. Ouvre, bordel. Ose donc tourner les talons et t’en aller. Non tu n’oseras pas, parce que le mystère, c’est mon truc et pas le tien. Je ne cillai pas, attendant tel un chat venant de dresser les oreilles, prêt à se jeter sur la proie qui s’aventurait trop près de lui. Ouvre. Maintenant. Je comptai les secondes dans ma tête, impatient. Une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, h… La poignée se baissa et la porte s’ouvrit soudainement. Je haussai les sourcils. Oh, c’est toi. Un mince sourire étira mes lèvres. Elle avait l’air hagard et perdu. Mais je pouvais lire un sentiment nouveau dans ses yeux bleus : la colère. Une rage monstrueuse qu’elle décidait de déverser sur moi. Je penchai légèrement la tête, perplexe. Quoi, Angie, quoi encore ? Mais bien sûr. J’avais mon idée sur la question. S’avérait-il donc qu’une fois de plus, j’avais eu raison ? Etait-ce donc si simple ? Elle s’approcha de moi sans parler et je la regardai faire, déjà amusé. Je restai immobile et muet. Pas ce soir Angie. Tu ne me tueras pas ce soir.

Elle essaya tout de même en plaquant son pied sur mon torse, me faisant glisser lentement sur mon matelas et je laissai tomber les copies sur le sol avec mollesse. Je m’allongeai donc, ma respiration bloquée par son talon planté dans mon poumon gauche, mais je continuai à la fixer d’un air étrange et attentif. Dis quelque chose princesse. Tu me sembles bien fébrile toi aussi. « A quel moment ça déconne dans ta tête ? Pourquoi tu fais ça ? » Oh, donc oui, j’avais raison. Donc oui, elle l’avait quitté, comme je l’avais prédit, et elle venait me balancer toute la responsabilité sur le dos. J’étais un coupable facile et évident. Elle commença à pleurer et je la trouvai belle. C’était déplacé, je le savais, mais je ne pus m’en empêcher. Elle redoubla d’effort. Etant donné la fragilité de mes os et le duel que mes organes me lançaient un à un, elle réussirait probablement à briser quelque chose, à force d’appuyer. Elle me fit mal. « T’es obligé d’être un connard, un menteur, j’aimerais tellement que tu crèves. » J’attrapai sa cheville d’un coup et la retirai soudainement de mon buste. Son pied glissa sur le matelas et je pus enfin ricaner pour répondre à sa remarque. Elle pleurait, bordel. Je n’étais donc pas capable d’adopter un air faussement sérieux pour respecter cela ? C’était qu’elle avait raison elle aussi. J’étais bel et bien un connard. Je secouai la tête. « Essaie encore. » Sauf qu’elle n’eut pas le temps de tenter une nouvelle attaque. Je me redressai déjà et me mis debout, fumant tranquillement sans la quitter des yeux. « J’lui ai juste dit que t’allais le quitter. » Je haussai les épaules avec détachement. « Où est le mensonge là-dedans ? » Je descendis du matelas, ce qui la força à reculer puis je me baissai pour prendre la bouteille et l’ouvrir. Je bus une gorgée, puis une deuxième, une troisième, une quatrième, et m’arrêtai là. L’alcool griffa l’intérieur de ma bouche et noya mes organes endoloris. Voilà princesse. Tu abandonnes ton camé de copain pour retrouver un type encore pire. Mais tu t’attendais à quoi, bordel ? Elle m’énervait. Sa naïveté m’agaçait et sa beauté m’étourdissait. J’étais bien trop faible et bien trop souffrant pour respecter notre accord tacite ce soir. Et elle venait tout de même d’essayer de me tuer – en vain, elle ne savait pas tuer les immortels, pas encore. « Pourquoi t’es là Angèle ? Je mourrais bien plus vite si t’arrêtais de venir me réveiller. » Je fis un nouveau pas vers elle et passai furtivement un doigt sur sa joue pour venir y cueillir une larme. « Je pensais pas être le type vers qui tu te tournerais pour te faire consoler. » ajoutai-je, feignant l’étonnement. Elle se faisait tant de mal. Mais elle avait tout de même eu l’audace de grimper jusqu’ici. Moi qui n’avais rien ressenti jusqu’alors, voilà qu’un désir terrible enfumait à présent ma poitrine meurtrie et rallumait dans mon regard une lueur perdue. Une de ces lueurs qu’elle n’aurait probablement jamais voulu revoir.
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() message posté Lun 13 Avr 2015 - 23:02 par Invité
La musique qui s’était emparée de l’appartement de Jules et Curtis un peu plus tôt dans la soirée avait aussi siégé dans ma tête, elle continuait à résonner, quelque chose de fort, des paroles dont je ne comprenais pas bien la signification ni même le sens, mais c’était mélodieux. Le petit comprimé jaune avait teinté mes yeux de rouge, tous les vaisseaux avaient fait peur apparition, comme à leur habitude. Je me regardais dans ce miroir fendillé qui décorait l’ascenseur, pas belle, non, je n’étais vraiment pas belle à voir, je ressemblais vaguement à une épave, quelque chose qu’on aurait abonné depuis quelques temps, un truc dont personne ne se soucie. Le petit bruit qui indiquait que j’étais bien arrivée au dernier étage de l’immeuble me fit sortir de mes pensées. J’en sortis doucement, les portes s’étaient presque refermées sur moi, elles me dépêchaient, il fallait que je m’engouffre bien plus rapidement dans la gueule du vieux méchant loup. Le vieux méchant et diabolique Thomas habitait derrière la porte de cet appartement, certainement sur son matelas à défaut d’être contre la fenêtre où sur la table de la cuisine. Son côté décoration manquait cruellement de … Mobilier ! Tout simplement, il n’y avait rien, pareil pour Jules. A croire que tous les garçons de ce monde ne se souciaient pas d’avoir de quoi loger, sauf un lit peut-être pour pouvoir y convier leur compagne du soir.  

J’avais expiré tout l’air contenu dans mes poumons, si fortement que la porte s’était presque ouverte sans qu’il n’y ait besoin de baisser la poignée. La main posée sur celle-ci, je savais que le temps m’était compté et qu’il ne fallait pas que je laisse Thomas prendre possession du jeu. C’était toujours comme ça, soit l’un, soit l’autre, nous avions les cartes en main, à mon plus grand regret il finissait toujours par être le grand gagnant de l’histoire, sans emmètre le moindre effort. Gagnant ou pas, ce soir j’avais l’intention de lui refaire le portrait, de lui casser son nez crochu, lui crever ses yeux noir, lui broyer ses lèvres rosées et dépecer la totalité de son corps. S’il savait à quel point je pouvais être fâchée et quand bien même il le saurait, il s’en foutrait royalement. Thomas n’avait peur de personne, pas même de la mort ou pire, de lui-même. Je m’étais souvent demandé au début s’il prenait ces aires de roi du monde, ces aires de je-sais-tout, ces aires qui en rendent fou plus d’un. Mais j’ai vite appris à cerner un peu sa personnalité particulière. Il était encore un personnage mal décrit dans les comptes pour enfant et il n’était semblable à personne, d’ailleurs on n’apprenait pas à se battre contre ce genre de gens, ceci explique peut-être cela. C’était Thomas Knickerbadger, on ne pouvait pas non plus lui mettre une étiquette avec un seul adjectif sur le front. Il était pleins de mauvaises choses et quelques bonnes tout de même. Alors je le regardais là, assis sur son matelas, l’air presque angélique avec sa mèche rebelle qui trônait toujours en plein milieu de sa figure.

Mon esprit n’arrivait pas à suivre mon corps, ils étaient deux entités différentes ce soir, ils ne marchaient pas ensembles et s’ils avaient l’intention de le faire, je ne présageais rien de bon. Alors je n’étais pas restée plus longtemps sur le pas de la porte, je m’étais approchée de lui, ne lui laissant même pas le temps de me saluer, le large sourire qu’il arborait me suffisait amplement. Il ne s’agissait pas d’un sourire amical, cependant il n’était pas non plus malveillant, il était simplement compréhensif. Sans que je ne dise quoi que ce soit Thomas semblait savoir exactement pourquoi je me présentais donc ce soir devant sa porte.

J’écrasais son poumon et j’y prenais du plaisir, je le piétinais de plus en plus fort, pourtant il n’avait pas lâché sa cigarette et il n’arrêtait pas de me fixer l’air de me demander ‘’c’est bon, t’as terminé ?’’, rien d’inhabituel non plus, non vraiment, il me regardait comme si rien de spécifique ne se passait, se faire piétiner ? Normal. « Essaie encore. » Il vint avec sa main libre retirer mon pied, il avait fait ça avec une telle facilités s’en était vexant. A peine le pied levé j’avais cette envie, cette nécessité quasi vitale de le sentir à nouveau sous mes pieds, j’avais besoin de le piétiner comme lui le faisait si bien avec moi, Jules ou n’importe quel autre humain ayant eut le malheur de croiser son chemin. Il évinçait tout ce qui ne lui procurait plus rien, tout ces gens qui lui semblaient inutile, Jules lui avait été inutile dès le début, il s’est amusé avec ses sentiments, les faisaient frapper d’une porte à l’autre, pour finir par ouvrir la porte du mensonge et de l’incompréhension. Il menait son petit monde à la baguette, dont moi. Je me demandais encore combien de temps j’allais lui être utile. On avait baisé, on s’était drogué, il avait déversé tout ce qu’il pouvait sur moi, il m’avait totalement vidé, que voulait-il te plus ? Ne pouvait-il pas simplement disparaître de la circulation ? Et puis, lorsqu’il se levait enfin, me dominant, me toisant. « J’lui ai juste dit que t’allais le quitter. » Alors je le regardais, je le fixait, tandis que ce soir je comprenais un peu trop tard qu’en fin de compte je me comportais trop mal avec Jules –même si lui n’était pas en reste- ce n’était pas à lui que je devais jeter la pierre, pas à Thomas non plus, mais à moi-même. « Où est le mensonge là-dedans ? » Je savais bien que quelque chose de plus ou moins grave s’était passé entre moi et Jules, je savais qu’il n’y aurait pas de retour en arrière possible, cependant je n’avais pas encore intégré le mot séparation, j’étais bien trop défoncée pour le comprendre après tout. L’alcool qu’il buvait perlait sur le coin de sa bouche, je ne le quittait pas des yeux. « Je … J’lai pas quitté. » A qui essayais-je de faire croire ça sincèrement ? Je ne croyais pas un seul mot de ce que je venais de balancer doucement, baissant la tête, comme si on me punissait. J’avais de la peine à déglutir et ma gorge était sèche. En revanchant mes yeux était bien mouillées et je me sentais de plus en plus fébrile, c’était toujours comme ça avec Thomas, c’était un peu ma kryptonite ce mec, je me battais très mal contre ça et je ne pouvais pas y résister bien longtemps. « Pourquoi t’es là Angèle ? Je mourrais bien plus vite si t’arrêtais de venir me réveiller. Je pensais pas être le type vers qui tu te tournerais pour te faire consoler. » Il vint déposer sa main sur ma joue pour y recueillir une larme, une larme parmi tant d’autres dans l’océan que je formais nuit et jour, je m’y noierais un jour, certainement. Lorsqu’il fit ça je tournais la tête, ne le défiant plus du regard, préférant le repousser lui et sa main qui semblait écorchée. Mais il était toujours très proche de moi, il avait pénétré ma sphère de confort et ça me mettait presque mal à l’aide. Lorsque je relevais les yeux, pour le défier et ne pas lui laisser le pouvoir, j’avais reconnu un regard qui ne me plaisait pas vraiment. J’avais les traits durs et je m’évertuais à éviter ses yeux, je lui pris la bouteille des mains. « J’préfère te voir claquer lentement et douloureusement. » Je buvais quelques gorgés de cette vodka, sans les compter, elles descendaient dans ma gorge très rapidement et avec une facilité déconcertante, ça avait l’aspect de l’eau, mais pas vraiment les mêmes effets. Ma gorge était probablement brûlée au troisième degré, foutu Thomas et ses alcools forts. Je lâchais la bouteille sur le matelas, elle rebondit avant de se déverser sur celui-ci et puis il avait fallut qu’il continuer à parler, qu’il l’ouvre, encore et encore, c’était son truc ça à Platon, parler pour ne rien dire. « Tu crois que je suis venue pour me faire consoler ? » Je rigolais, puis avec la force qu’il me restait, je le plaquais contre le mur, c’était presque trop simple, il semblait même avoir perdu du poids, je sentais ses os contre mon corps, j’étais si proche de lui que je pouvais même compter les battements de son pouls. J’avais ma main enroulée avec force, plaquée autour de son cou. « Par ta faute, il est certain que je l’ai trompé ! T’y crois franchement ? il ne m’a pas fallu longtemps pour savoir qui lui avait mit cette idée en tête. » Ma main était toujours autour de con cou, tandis que je passais mon autre mains sur son poignet, remontant doucement vers le creux de son coude, dans lequel un petit sillon s’était formé, contrairement aux mieux, il était blanc, comme si le sang avait cessé toute activité à ce niveau là. Alors je relevais la tête, sentant d’ailleurs celle-ci tourner, et mon corps me semblait lourd. Je voyais Thomas à double, je secouais la tête. Je mis mon pouce contre le sillon, en gardant un contact visuel avec Knick et souriant méchamment. « J’aurais pu t’injecter le reste et tu serais certainement mort, j’aurais dû même. » Il ne le savait peut-être pas, mais j’avais soigneusement éviter d’injecter le contenu total de ce qu’il restait de l’aiguille, il serait probablement mort à l’heure actuelle. Alors j’enfonçais de plus en plus mon pouce contre son sillon et je pouvais sentir sa douleur, car je savais pour ma part que lorsqu’il m’arrivait de m’injecter une nouvelle fois au même endroit en peu de temps, la douleur était insupportable, un simple frôlement  à cet endroit me paraissait être comme une opération à cœur ouvert. « Tu te réjouis du malheur des autres c’est ça ? J’te croyais pourtant bien plus intelligent. » Je tournais la tête de droite à gauche et j'étais prête à continuer à lui faire de plus en plus mal, mais je lisais dans son regard quelque chose qui n'était pas en accord avec mon humeur, quelque chose qui dépassait tout entendement là tout de suite ... Pauvre con.
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() message posté Jeu 16 Avr 2015 - 22:39 par Invité
« Je … J’l’ai pas quitté. » Je haussai les sourcils, surpris et peu convaincu. Elle-même n’y croyait pas. Ou bien ne s’en rendait pas encore compte. Elle avait les yeux rouges : complètement droguée et surtout immensément triste. Elle n’aurait jamais dû venir ici. C’était une erreur et nous le savions tous les deux. Mais je ne lui dis pas, c’était inutile. Elle n’allait pas partir tant qu’elle ne m’aurait pas un peu amoché. J’étais donc si détestable ? Pour que tout le monde finisse par vouloir me faire subir une douleur simplement physique ? J’avais failli mourir au moins trois fois sous les yeux de Theodore et Angie s’y mettait elle aussi ? Je t’en prie princesse. Essaie. Et son pied sur mes poumons à l’agonie m’avait fait terriblement mal. Je ne devais même pas être beau. Elle non plus, elle n’était pas belle ce soir. Elle n’était qu’une ruine maquillée, mais je savais ce qu’elle valait. N’oubliez pas que je me situais toujours en-dessous de mon interlocuteur sur l’échelle de la dignité – on ne me leurrait pas sur ce point, donc. Et je me surpris à la désirer, encore une fois, alors qu’elle me haïssait et tentait de me tuer. Je me redressai, baissant la tête vers son visage en larmes et soufflai : « Pas sûr que t’aies le droit d’être ici alors. Je haussai les épaules avec détachement. « Mais ça prouve que tu n’obéis pas à tous ses ordres. Je suis fier de toi princesse. » Elle n’avait sûrement pas envie que je l’appelle princesse ce soir. Moi qui m’évertuais à dire qu’elle n’en était pas une, voilà que l’ironie se nouait autour d’elle et l’étouffait sans aucune pitié. En vérité, et ça elle s’en doutait très probablement, je m’en foutais qu’elle l’ait quitté ou non. Ce n’était pas un problème. Parce que je n’accordais que trop peu d’importance à ses mots – tout le contraire en ce qui concernait ses actes. Elle voulait me tuer, ça, ça m’intéressait. Elle repoussa ma main en tournant la tête et je n’insistai pas. J’étais fidèle à moi-même : excessif et provocateur. Elle allait me détester. Encore plus qu’en arrivant sur le seuil de ma porte. Dommage que je sois assez destructeur pour ne pas la virer tout de suite.

Elle ne me regardait pas. Son attitude me faisait rire car elle jouait entre une attaque vaine et une défense poreuse, incapable de clairement définir son rôle dans l’histoire. Comme si elle savait d’avance que j’allais gagner la partie et qu’elle se recroquevillait dans sa coquille tout en cherchant à m’étrangler au passage. Elle attrapa la bouteille sans croiser mes prunelles amusées. « J’préfère te voir claquer lentement et douloureusement. » Je souris. C’est bien Angie, ne te laisse pas faire. Elle but à son tour et je l’observai se vider progressivement de toute la lucidité qui lui restait. Complètement droguée et maintenant simplement ivre, aussi. C’en était presque trop facile. Elle venait elle-même se jeter dans le piège et je ne lisais aucun regret dans ses gestes. Juste une profonde fatalité. C’était son destin de quitter Jules et de se retrouver sous mon regard brûlant. Elle lâcha la bouteille. Celle-ci retomba sur le matelas, ouverte, et je la fixai, se vidant dans les draps. Je poussai les copies de mes élèves sous la table, à l’abri. Qui sait ce qu’Angie me préparait encore. Je ne voulais pas que mes étudiants souffrent eux aussi de ses caprices. « Tu crois que je suis venue pour me faire consoler ? » Elle ricana sèchement et je haussai à nouveau les épaules, prêt à répondre. Mais elle ne me laissa pas le temps de le faire. Elle me plaqua soudainement contre le mur et son regard plongea dans le mien avec une violence inouïe. La rage à l’état pur. Elle aurait pu me tuer, c’était vrai. Je n’étais pas en grande forme. Mais je lui faisais croire que ses efforts étaient vains et elle allait y croire, c’était inévitable. Je sentis mes omoplates me brûler lorsqu’elles rencontrèrent le mur. La vodka faisait son effet avec une rapidité folle. J’étais à jeun et ce depuis trois jours. Pas la peine d’être médecin pour savoir que j’allais tout simplement laisser l’alcool me contrôler toute la soirée. Je n’avais plus que ça de toute façon. L’ivresse dans le sang pour justifier mon absence de regrets. J’étais une sacrée arnaque. Mais voilà qu’Angie se collait à moi et enroulait ses doigts de fée autour de mon cou douloureux. Elle serra. Bien trop fort. Peut-être qu’elle allait y arriver finalement. Je me forçai à garder les yeux ouverts mais ma vue se brouilla vite. « Par ta faute, il est certain que je l’ai trompé ! T’y crois franchement ? Il ne m’a pas fallu longtemps pour savoir qui lui avait mis cette idée en tête. » Je ne pus m’empêcher de ricaner méchamment à l’écoute de ses mots. C’était insolent et j’aurais pu m’en passer, mais revoir le corps desséché de Jules et ses traits crispés, croyant à toutes les conneries que j’aurais pu inventer car la colère l’aveuglait m’amusait terriblement. Je voulus lui dire d’arrêter car elle me faisait beaucoup trop rire, mais le goût du sang embauma ma bouche à nouveau et je me retins. Non putain, pas maintenant. Mon corps avait des limites que mon esprit avait oubliées et je m’en rappelais aujourd’hui, à cet instant critique, prêt à riposter face à cette bête hirsute. Il fallait qu’elle arrête. Je serrai les dents et déglutis tant bien que mal puis posai mes yeux noirs sur elle, presque froidement cette fois-là.

Mais elle n’arrêta pas et je la maudis, quelque part au fond de moi, noyant ma noirceur dans le sang qui recouvrait à présent ma langue. Elle attrapa mon poignet de sa main encore libre et je ne me débattis pas. Elle s’approchait dangereusement : elle allait se perdre elle-même, je n’avais pas besoin de la tirer vers l’abîme tant celui-ci entrait en elle. Ses doigts remontèrent jusqu’au creux de mon coude et je lui adressai un sourire pensif. Elle pensait peut-être gagner une bataille en faisant ça. Mine de rien, c’était vrai qu’elle pouvait le faire. Pour une fois que ce n’était pas moi qui remarquais ses imperfections. Elle baissa la tête vers la marque de l’aiguille mais je ne l’imitai pas. Je m’étais perdu dans le reflet doré de ses cheveux et je n’avais pas la force d’esquisser un tel mouvement. Je tenais ma cigarette tant bien que mal. Si je la lâchais, peut-être que l’appartement prendrait feu et que nous mourrions ainsi, tous les deux, comme deux amants maudits. Je fronçai le nez à cette idée : non, pitié. Je ne voulais pas avoir cette horrible étiquette sur mon front. Je serrai alors les deux doigts de ma main droite pour retenir le filtre. Me concentrant sur ça et non sur elle parce que qu’elle allait en souffrir si j’osais répliquer. La tentation était pourtant bien présente. Surtout lorsqu’Angie s’amusait à faire glisser ses doigts sur ma peau. Surtout dans des moments pareils. Princesse, tue-moi ou quoi, mais fais quelque chose, parce que ça en devient insupportable. Mais non. Tout ce qu’elle fit fut parler. Me susurrer des mots à l’oreille pour attiser les braises fumantes qui me rongeaient les côtes. Elle me faisait mal, putain. « J’aurais pu t’injecter le reste et tu serais certainement mort, j’aurais dû même. » Je fronçai les sourcils, toujours incapable de parler. L’air commençait à me manquer. Mes membres se relâchaient lentement et mes poumons se tordaient dans tous les sens à la recherche d’oxygène. Mais ils ne trouvèrent que du goudron. Je gémis lorsqu’elle enfonça son pouce sur la cicatrice blanchâtre. Arrête, Angie ! ai-je eu envie de lui hurler, mais je n’avais plus de souffle. Peut-être que je la détestais, à cet instant, moi aussi. Elle me réduisait à tout ce qui faisait de moi un être bas et mortel. Seul, je résistais à la maigreur, à la douleur, au sang et à mes plaies béantes. Là voilà devant moi, me pointant du doigt mes blessures, et je ne le supportais pas. « Tu te réjouis du malheur des autres c’est ça ? J’te croyais pourtant bien plus intelligent. » Sa voix me paraissait lointaine. Il fallait que je me libère. Elle n’avait pas la force de me tuer ce soir, c’était ce que je me répétais dans mon crâne fragile. Elle allait finir par me briser les os. Dans ma bouche, le sang bouillonna et je fus pris d’un brusque accès de colère. Mon bras s’élança vers le sien avec une sorte de  désespoir pitoyable. Celui des lâches, probablement. L’extrémité de ma cigarette rencontra sa peau nue et je profitais de la faiblesse passagère qui s’empara de son muscle pour lui saisir le poignet à mon tour. Et je serrai aussi fort que possible, me retranchant derrière les derniers remparts de mon esprit pour y puiser la force nécessaire à une quelconque riposte. Mais à quel prix ? Je m’abandonnais à la simple envie qui germait dans mon corps vide comme une mauvaise herbe envahissant un jardin abandonné. Angie, lâche-moi, ça m’énerve ! Elle le lisait dans mes yeux. Elle pouvait croire à sa victoire – mais je tenais fermement son poignet à présent. Mon autre main vint l’agripper, pendue à son avant-bras, et je plantai sans vergogne mes ongles dans sa peau blanche : puisque nous jouons à des jeux lâches et mesquins, autant le faire jusqu’au bout, Angie. Maintenant lâche-moi. Je tirai sur son bras jusqu’à ce que je sente un filet d’air trouver le chemin jusqu’à mes poumons. Ma respiration fut terriblement rauque et je toussai. Je lâchai sa main droite pour venir couvrir mes lèvres. Je sentis le sang se précipiter sur mes phalanges. Aucune dignité. Elle n’était pas venue ici pour en trouver. Je séchai le sang d’un revers et levai mes yeux vers elle. Ils étaient vides. Complètement éteints et terrifiants. Les yeux d’une bête sauvage à l’agonie, fusillant du regard ceux qui osaient l’observer.

Silence. Je finis par lâcher son autre main et décoller mon dos du mur. Puis, laissant l’ivresse et la faiblesse s’emparer de moi, je tendis mes avant-bras vers elle, brandissant l’unique sillon à l’air libre et sifflai : « Mais vas-y putain, fais-le alors ! » Je m’avançai et elle reculait pour m’éviter. Dommage que la pièce soit si petite, princesse. « Injecte ce que tu voudras, tu viendras pas à bout de ça. » Et par ça, je voulais dire moi, mais j’imaginai une seconde ce qu’elle avait devant les yeux – définitivement quelque chose d’inhumain. « Je meurs déjà lentement et douloureusement, chaque jour. Ta présence n’y changera strictement rien. » Nous nous retrouvâmes à l’autre extrémité de la pièce et je la forçai à se coller à son tour contre la porte d’entrée. « Je ne me réjouis pas. Je me moque. Tu sais très bien que c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour pouvoir sourire. Alors je fais avec. Toi aussi tu fais avec. Tout le monde fait avec. » J’écrasai mon mégot à quelques centimètres de son oreille et le laissai tomber sur le sol. Il rencontra son épaule au passage puis rejoignit le parquet. Je gardai ma main contre la porte. Pourtant Angie n’était pas piégée. Je ne la touchai pas et l’espace était suffisant pour qu’elle puisse se glisser vers le centre de la pièce. Je toquai deux fois contre la porte et chuchotai : « Tu peux toujours partir maintenant. » Je soutins son regard, la forçant à ne pas le détourner et nous restâmes immobiles quelques secondes. Comme une hésitation singulière et inouïe. Je lui montrai du doigt l’issue de secours mais faisais en sorte qu’elle ne tourne pas la tête vers celle-ci. Je lui faisais faire des erreurs de manière à ne pas en être responsable. Le savait-elle ? Sûrement. C’était ce qui faisait de moi un type intelligent. Je fis un pas en arrière en haussant les épaules, la laissant soudainement respirer. Je me tournai pour trouver mon paquet de cigarettes et en glissai une entre mes lèvres ensanglantées. Lui faisant dos, j’écoutai son souffle et m’en délectai quelques secondes. Je souris et déclarai, pensif : « Ou pas. Toi et moi on est nés pour faire de mauvaises choses ensemble. » Je baissai la tête vers mon allumette et la craquai. Geste caractéristique de cette habitude un peu lassante qui me définissait tant. Mais pourtant, le son du bois s’enflammant avait une toute autre signification : celle de l’évidence fatale. Et Angie le savait autant que moi. Qu’elle me saute à la gorge ou me laisse coucher avec elle ce soir n'y changeait rien : elle n’allait jamais avoir le courage de partir d’ici. Pourquoi ? Parce qu’elle pensait que rester et m’affronter était l’acte courageux dans l’histoire. Grave erreur. N’étais-je pas un diable déguisé en professeur, fauchant les âmes des Hommes au détour d’une ruelle ? Me fuir, c’était me résister. Se mesurer à moi, c’était s’abandonner à la haine que l’on éprouvait à mon égard. C’était réaliser mon vœu le plus cher : que les gens se rendent compte à quel point j’étais un être abject. Et Angie, tu sais, c’est tellement plus facile, une fois que tu as compris cette règle d’or. Alors vas-y, je t’en prie : ouvre cette porte et ose t’échapper. Mais si tu le fais, ta vengeance se noiera dans mon sang et dans le noir de mes iris cendrés.
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() message posté Mer 6 Mai 2015 - 21:10 par Invité
Il avait perdu du poids ? C’était la question que je me posais lorsque je regardais son visage et ses pommettes transpercer sa peau fine et grise. La fatigue s’était glissée sous ses yeux, d’une couleur bleue violacée, elle était bien présente. Il pouvait dire ce qu’il voudrait je pouvais devenir qu’il se fatiguait seul, il se détestait autant qu’il pouvait haïr les autres, c’était sa façon à lui d’éviter le suicide, rabaisser les autres et en faire des moins que rien pour se prouver à quel point il était un être indigne, sans valeurs et sa lui plaisait. Alors je scrutais son visage, contemplant toujours avec le même émerveillement ses grains de beautés qui parsemaient son visage avec excellence, ils étaient placés comme un chef d’œuvre au bon endroit. Pendant que mes yeux aimaient ce qu’ils voyaient, ma gorge prenait vraiment feu, l’alcool coulait dans celle-ci avant d’aller se glisser plus tard dans mon sang, mes vaisseaux dilatés, mon âme vendue au diable, tout était très bon ce soir pour créer une situation que j’allais regretter plus tard, que nous regrettions certainement déjà, mais qu’importe je n’avais plus grand chose à perdre après tout. J’avais de la peine à respirer, je le tenais contre le mur, ma main enlaçant son cou avec une force incontrôlée. J’avais de la haine à revendre, une énergie débordante et il fallait bien que quelqu’un puisse en profiter, Thomas, je l’avais donc choisi, car c’était toujours chez lui que je me retrouvais après une dispute avec Jules. Mais on ne pouvait pas se contenter de faire l’amour lamentablement pour noyer mon chagrin dans ses yeux, non, il fallait que ce soit toujours démesuré, aussi démesuré que ce que je vivais avec Abberline. Même si tout prouvait bien le contraire, la princesse Angie était assortie bien plus aisément avec Thomas qu’avec Jules et c’était bien triste. « Mais vas-y putain, fais-le alors ! » Il avait réussi à s’échapper de mon emprise l’espace d’un instant, mais il ne semblait pas vouloir fuir, il me regardait avec rage, me toisant, laissant se vider sa colère, laisser le peu de force qu’il lui restait me gueuler au visage, qu’il n’en avait qu’a faire des mes caprices, alors je regardais Thomas, l’air apeurée, regrettant un instant mon caractère lunatique et l’alcool et la drogue n’aidaient pas, c’était pire. « Je meurs déjà lentement et douloureusement, chaque jour. Ta présence n’y changera strictement rien. » Me faisait-il un aveux ? Après tout je le savais, je savais que ce garçon était torturé, je savais tout ça, pas besoin de me le répéter Thomas. Alors l’espace d’un instant j’eus pitié de lui, regrettant presque tout ce que j’avais pu lui balancer à la gueule un peu plus tôt. Pendant qu’il me parlait je reculais, comme si j’avais peur de lui, c’est vrais qu’il ne m’était jamais donné de voir Thomas aussi autoritaire, il était juste le con du coin, le mec qui avait un sourire mystérieux au coin de la bouche des yeux qui en disaient longs sur ses intentions et ses envies, mais de là à hausser le ton, sans pour autant me faire de mal, c’était nouveau. Je découvrais une nouvelle facette de cet individu chaque jour. Alors j’étais collée au mur, il était proche de moi, cependant il n’y avait aucun contact physique, comme si j’avais la peste. « Arrêtes de te moquer de n’importe qui. » C’était un conseil ? Non, parce qu’on pourrait croire que je lui ordonnais d’arrêter de se foutre continuellement de la gueule de Jules ou même de moi tiens, pour changer un peu … J’avais froncé les sourcils et l’alcool faisait gentiment son effet, avec de la drogue en plus, le cocktail était réussi et mon petit corps frêle semblait s’écarter du sol pour voler dans la pièce. « Tu peux toujours partir maintenant. »

Je le regardait, il me regardait, quelques secondes de blanc, on ne pouvait entendre que le son de nos narines expulsant l’air que nous respirions difficilement, comme si partager la même pièce était devenu impossible. Pas d’émotion sur nos visages, c’était singulier, c’était … Nouveau. Et je me découvrais une passion soudaine pour cet homme, il savait me piéger, comme un vulgaire rat de laboratoire, j’étais sa chose, inutile d’essayer quoi que ce soit contre lui, inutile même de lui résister. Thomas restait un maître qui dirigeait son royaume avec une intelligence incroyable et quiconque passait la porte qui le partageait du reste du monde pénétrait le royaume maudit dans lequel rien de bien sain ne s’y trouvait, alors pourquoi avais-je envie de me retrouver ici ce soir ? Pour lui faire la morale, pour lui gueuler dessus ? C’était la raison que j’avais trouvée, mais elle sonnait faux, aussi faux que la proposition qu’il me faisait. Partir ? Vraiment ? « Ou pas. Toi et moi on est nés pour faire de mauvaises choses ensemble. » La fumée avait envahi la pièce et le tabac allait se faufiler un peu plus profondément dans le bois qui se trouvait au sol, dans les textiles aussi, le tabac froid, une odeur que Thomas portait à merveille. Il s’était retourné, glissant entre ses lèvres une cigarette et s’en suivit le bruit de son allumette, comme d’habitude, il se retourna une nouvelle fois, me faisant face, mais de loin cette fois. « Quelles genre de mauvaises choses ? » J’avais activé une facette de ma personnalité qu’il aimait, et je le savais bien, quel homme n’aimait pas une femme qui le désirait ? L’alcool me rendait instable et Thomas encore plus, je commençais à m’approcher de lui, il ne bougeait pas. Tout en m’approchant de lui, je déboutonnais mon chemisier en soie retirant mon soutien-gorge que je balançais au sol, laissant apparaître ma poitrine nue. Et d’un revers de main, je retirais la cigarette qui se logeait entre ses lèvres pour la jeter au sol et la laisser se consumer seule, nous avions d’autres choses à faire. « Je te facilite le travail. » J’enroulais mes bras autour de lui me collant à son corps, l’embrassant, tout en m’essuyant la bouche sur laquelle s’était posé le sang de Thomas, c’était relativement immonde je vous l’accorde. Alors j’essuyais le sang qui lui restait sur les lèvres pour continuer de l’embrasser et le diriger vers le matelas encore humide et trempée d’alcool. Mon regard se planta dans le sien. « On ne pourra jamais noyer nos vieux démons, ils finiront toujours pas revenir nous hanter. » Faisions nous bien ce que l’on savait faire de mieux ? C’est à dire de mauvaises choses ? Je continuais de l’embrasser, fermant les yeux sans les ouvrir une seule fois, parce que je n’avais pas envie de croiser son regard encore un fois, j’avais juste envie de me prouver que je pouvais coucher avec qui je voulais, maintenant que Jules avait quitté ma vie et j’avais vraiment follement envie de Thomas comme jamais, alors qu’il y a bien deux minutes je priais pour sa mort. Je retirais mes lèvres des siennes, fixant son cou, tout en caressant son visage, sans pour autant le regard. « T’as peur ? » Question à la con, cet homme n’avait peur de rien, mais l’alcool me rendait bien plus bête que je ne l’étais et bien plus folle que je ne l’osais. Je souriais étrangement évitant continuellement son regard, tandis que quelque chose de salé vint se glisser sur mes lèvres, quelque chose d’humide, je pleurais silencieusement, sans raison valable, parce que j’étais folle et que Thomas le savait, peut importe, continuons ce que je venais de commencer mon cher ami et puis je savais qu'il me trouvait toujours bien plus belle lorsque je pleurais que lorsque je lui adressais mon plus beau sourire. La tristesse ça le faisait bander.
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() message posté Sam 9 Mai 2015 - 16:08 par Invité
« Arrête de te moquer de n’importe qui. » Ah oui ? Ah oui. Sûrement. Peut-être. Je m’en fous. Allez vous faire foutre. Elle me faisait presque de la peine, à s’être fait prendre au piège toute seule. Et non, je n’allais pas arrêter de me moquer de n’importe qui. Jamais. Elle ne me changerait jamais. Personne n’en était capable. Cela m’étonnait à chaque fois de remarquer qu’on pouvait encore essayer. Regarde-moi Angie. Et elle me regardait, ouais. Elle semblait même avoir peur. Je comprenais son angoisse. J’étais une menace, dressée en face d’elle, mais elle ne pouvait en détacher ses yeux bleus. Je l’entendis se décoller du mur et s’approcher doucement, presque prudemment. Je restai immobile, pensif. « Quel genre de mauvaises choses ? » Je levai les yeux au ciel et finis par me retourner pour lui faire à nouveau face. Je connaissais cette Angie-là. Je l’attendais, elle me surprenait à peine. Ses prunelles flamboyaient d’un éclat d’une évidence presque trop belle. Pas déjà ! Si, déjà. Je passai ma main dans mes cheveux puis grattai l’arrière de mon crâne, attentif. Quoi, tu veux que je te fasse la liste de toutes les mauvaises choses que l’on va faire ensuite. Je pourrais en compter une dizaine en un battement de cils, vu la situation. Elle s’approchait d’une démarche non pas timide, même outrageusement provocatrice, mais en retrait, décalée, à contretemps. Elle abandonnait. Elle était venue faible et elle perdait ainsi. Mais je ne gagnais rien. Je l’observai se déhancher vers moi, une expression interdite collée au visage, le regard sombre et éteint. J’étais en colère contre elle. J’avais mal. J’étais d’une humeur exécrable. Alors oui, je me moquais de tout, je noircissais tout, j’anéantissais tout. Elle le savait. Elle avait déjà subi cela des millions de fois. Angie se droguait : elle mourrait tous les jours. Mais une fleur repoussait chaque matin de son cadavre et elle renaissait ainsi pour mieux faner le soir. Jusqu’au jour où la terre ne sera plus assez fertile et qu’elle se dessècherait. Poussière, poussière. Je t’écrirai un poème un jour, Angie. Il te fera pleurer.

Elle enleva son haut et son soutien-gorge mais je ne réagis toujours pas. « Je te facilite le travail. » Je haussai les sourcils. C’était si facile, il devait y avoir un piège. On ne pouvait pas faire ça sans que ça nous retombe dessus. Mais alors c’était quoi, le problème ? Je finis par arrêter de réfléchir. Vider ma tête et me concentrer sur Angie et sa poitrine dénudée. Va-t’en Angie, tu t’en sortiras pas de celle-là. Et au fond de moi il y avait cette voix, toujours présente, comme une intruse, celle que je n’écoutais jamais mais qui ne pouvait pas s’empêcher d’intervenir, cette voix qui me disait de l’arrêter, de la rhabiller et de la conduire à la porte. Elle arriva à ma hauteur, se saisit de ma cigarette et la jeta sur le sol sans l’éteindre. Je soufflai la fumée dans son regard défiant. Dis-lui de partir. Je lui avais déjà dit de partir et elle avait refusé. Thomas, espèce de con. Oui, probablement. Mais je la désirai et, une fois n’est pas coutume, vous commenciez à le comprendre, elle me sortait de ma torpeur et de mon ennui, à force de me provoquer. Elle enroula ses bras autour de mon corps maigre et m’embrassa. Je me laissai faire, presque curieux. Elle n’avait pas peur de se salir les lèvres. Elle n’avait pas peur de me toucher, ni de me parler. Elle en avait fini d’avoir mal. « On ne pourra jamais noyer nos vieux démons, ils finiront toujours par revenir nous hanter. » Elle me guida vers le matelas et je la suivis doucement. Chaque pas me semblait étrangement menaçant mais je les fis tout de même, car avant tout elle m’intriguait. Je voulais lui faire croire le contraire, mais je n’avais pas la force de résister. Elle aurait pu bien s’y prendre et réellement tout contrôler. A la place, elle était résignée et s’abandonnait à moi alors que je n’étais pas en mesure de la canaliser. Je tentai de le faire malgré tout. Garder le masque. Sourire. Non, ça je n’y arrivais même plus. Mon expression était froide, presque mécanique. Je la suivais parce que j’avais envie d’elle, rien de plus, rien de moins. J’avais beaucoup trop mal pour chercher quoi que ce soit d’autre. Il n’y avait pas de poésie ce soir, pas de satisfaction, pas d’espoir. Mes chevilles rencontrèrent le bord du matelas et je me stoppai pour la regarder. « C’est moi qui hante mes vieux démons, nuance. » Elle ne voulait pas que mes yeux rencontrent les siens. Elle les évitait et je m’en moquais. De ça aussi, oui. Je ne pensais plus à rien. « T’as peur ? » Sa voix semblait si lointaine. Non je n’avais pas peur. De quoi pouvais-je bien avoir peur ? Pas d’elle, elle avait fini de me faire peur à la minute où j’avais compris comment me jouer d’elle. Nous étions manifestement au plus bas. Et elle pleurait encore. Ses baisers avaient le goût d’une tristesse qu’elle ne dissimulait même plus. Oui, je trouvais cela beau. Je trouvais qu’elle était sûrement l’une des plus belles choses qui existaient en ce monde, car elle était si éphémère. Rien ne durait et Angie en était le si bel exemple. « Non. » Et je me laissai tomber en arrière, l’odeur de vodka et l’humidité s’emparant de mes membres et de mes narines. Je basculai la tête en arrière et fermai les yeux. Je ne sentais plus rien, sauf le corps d’Angie qui me suivit simplement et s’enroula à nouveau autour du mien, ses doigts parcourant ma peau et ses lèvres se nichant dans mon cou comme elle savait si bien le faire. Et, un instant, un court instant, le temps d’une maigre seconde, j’oubliai tout et voulus vivre de nouveau. Je ne voyais pas Angie mais son abandon me faisait renaître. Elle était comme ce fix d’héroïne hasardeux que nous nous étions partagés sous cette pluie battante. Et à nouveau, oui, à nouveau je voulais m’envoler et je voulais être heureux. Ce sentiment de plénitude qui nous envahissait sans que l’on puisse expliquer son origine, voilà ce qu’elle me procurait, durant une maigre seconde. La sérénité n’était agréable qu’éphémère, n’est-ce pas ? Je n’eus plus mal et je ne voulais pas qu’elle parte. Nous sommes nés pour faire de mauvaises choses ensemble. Tu es née pour te détruire et moi pour te regarder faire. Quel genre de mauvaises choses ? Celles qui te tueront, Angie, celles qui te brûleront la peau et tu en ressortiras méconnaissable. Celles que, même toi, tu n’as pas envie de faire, car tu sais qu’elles sont trop sombres. Je l’aidai à retirer mes vêtements, mes doigts maigres et froids glissant avec précaution sur sa peau pâle. Elle évita encore mon regard lorsque j’ouvris les yeux. Elle oubliait aussi, peut-être. Je regardai le plafond et rêvai un instant d’évasion. Angie n’était plus là. L’odeur d’alcool, qui m’envoûtait comme celle de l’essence, non plus. Je n’étais pas dans leur monde. J’étais ailleurs et inaccessible. Heureux peut-être.
Lâche-moi Angie. Sauf qu'elle me tenait fermement et cherchait la rage. La frénésie. Ce qui m’animait d’habitude. Regarde-moi Angie : je ne suis pas comme d’habitude. Mais non. Elle fuyait mes prunelles alors que je ne l’attaquais même plus. Nous étions à égalité elle et moi. Ne le comprenait-elle donc pas ?

Et ces quelques secondes d’euphorie singulière prirent fin. Je pris ses poignets afin de maîtriser ses bras et collai mon front au sien, la forçant à me regarder. Voilà, tu me vois à présent. Puis ma frénésie l’embrassa et je recherchai en elle cet instant de bonheur si fugace, mais il s’était noyé dans l’océan de ses iris et l’odeur de la vodka. Nous n’étions plus rien. Mes mains arpentèrent son dos avec une sorte de douceur brûlante : je ne voulais pas lui faire de mal. Pas plus que je ne lui en avais déjà fait. Elle était là et ne pouvait plus reculer. Mais je ressentais toujours cette menace étrange qui me forçait à rester sur mes gardes. Cela ne servit à rien. Je déchirai tout de même son collant, l’enlaçai tout de même de mon étreinte glaciale et funeste, élus tout de même domicile dans son cou et partout ailleurs, couchai tout de même avec elle parce qu’elle m’en avait donné la permission et que j’avais attendu qu’elle le fasse sans briser l’accord. Pas ma faute Angie, c’est toi qui voulais. Je savais que c’était faux. Mais quand elle y repenserait dans quelques jours, elle s’en voudrait à elle et non à moi. C’est ce qui la faisait toujours revenir.

Je m’enfonçai dans le matelas et fermai à nouveau les yeux, essoufflé. La migraine reviendrait. La faiblesse reviendrait. La douleur reviendrait. Je caressai les cuisses d’Angie, toujours penchée au-dessus de moi et souris discrètement. Je n’avais pas envie d’une cigarette. C’était si simple et si étrange à la fois. Je voulais m’endormir et ne plus jamais me réveiller, n’ayant pour sensation que celle-ci. Comment la contenir ? Comment la recréer ? Ephémère, oui. Mais n’étais-je pas devenu immortel ? Je voulais en profiter jusqu’à la fin des temps. C’était ce qui faisait de moi un homme. Je laissai retomber mes mains sur le drap humide et l’alcool gagna ma peau. La tête me tournait. L’ivresse redevenait désagréable. Je sentis Angie s’allonger à mes côtés et je posai ma tête contre elle, fatigué. Dommage que je ne puisse pas réussir à m’endormir. « Dernière chance de me faire disparaître. » Elle le pouvait et elle le savait. Elle pouvait se lever, attraper mon paquet d’allumettes et griller le matelas. Elle le pouvait et je n’allais pas me défendre. Je ne pouvais plus bouger. J’avais peut-être une côte cassée. Mais j’étais paralysé par ce désir fulgurant de m’envoler. J’avais simplement peur de le perdre en bougeant trop brusquement. De le faire fuir comme un oiseau apeuré glissant vers un horizon lointain que je ne pourrai jamais atteindre.
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