salomea ▹ wasting my young years.

« Moi ? Moi, je n'ai aucun souvenir de cette journée parce que je n'étais pas encore au monde. Je suis un bébé prématuré de quelques semaines. Y a des jours où je me dis que ma mère a donné sa vie pour la mienne et y a d'autres jours où je me dis qu'elle aurait dû prendre la mienne. Pourquoi ? Je n'avais même pas encore poussé mon premier cri, mes premiers pleurs et je n'avais pas vu la mocheté du monde. Je n'étais pas encore un être humain, je ne vivais pas. Ma mère, elle a vécue et parfois je donnerais tout pour pouvoir connaître cette femme SI merveilleuse que mes grands-parents décrivent avec émotions. » Le 14 septembre 1993, il pleuvait. La pluie tombait du ciel et ce n'était pas une pluie fine, mais une pluie meurtrière. Elle l'était. Cette journée-là, elle l'était. C'était une meurtrière qui attendait avec l'ange de la mort la voiture de mes parents pour nous accueillir. Sauf qu'elle a seulement accueillit sa mère dans ces bras reposants.

✻ ✻ ✻
La main féminine s'agitait rapidement sur la feuille de papier qu'elle tenait fermement sur ces genoux. « Salomea. Qu'est-ce que tu penses de Salomea ? » Demanda-t-elle d'une voix enthousiaste tout en pivotant sa tête de quelques degrés pour regarder l'homme près d'elle. Le père de son enfant. L'homme qu'elle aimait. L'homme qui a brisé sa promesse de s'occuper de sa propre progéniture, de son propre sang. « Salomea, hein ? C'est joli, ça me plaît. » Lâchant le volant d'une main, il alla trouver celle de la jeune femme pour porter celle-ci à sa bouche et l'embrasser. Darcy rit aux éclats, heureuse. Elle était heureuse. « Je savais que ça te plairait. » La femme écrivit rapidement le prénom sur la feuille de papier tout en ajoutant une étoile près de celui-ci. « Tu sais ce que j'ai envie de manger ? Un énorme cheeseburger et je crois que Salomea en a envie aussi. » Elle caressa son ventre rebondi avec un sourire pour ensuite regarder son copain. Il lui fit un sourire. Ils étaient heureux. Deux adultes heureux qui allaient bientôt accueillirent le fruit de leur boulot. « On ira en chercher un pour vous deux, les deux femmes de ma vie. » À nouveau, il embrassa la main de sa copine, lâcha celle-ci pour caresser à son tour le ventre Darcy. Il ne quitta la route des yeux que durant quelques secondes. « ATTENTIIIIIION !! » La voix stridente et apeurée de Darcy fit sursauter son copain qui donna un coup de violent en voyant la voiture qui arrivait devant eux de l'autre voie. La chaussée était mouillée à cause de la pluie. L'instant d'après, leur voiture volait dans les airs pour ensuite devenir le noir total. - - - Le regard du père va de sa montre à sa fille. Sa fille qui n'a toujours pas de prénom, qui n'existe pas encore à ces yeux. Pour le moment, il s'inquiète de la femme de sa vie qui est entre la vie et la mort, se battant pour sa survie. Une main chaleureuse va se déposer sur son épaule ce qui le fait sursauter avant de constater que cette main appartient à sa belle-mère. Personne qu'il s'empressa de prendre dans ces bras pour la réconforter. « C'est elle ? Comment s'appelle-t-elle ? » Dans les deux questions, il y en qu'une à laquelle il peut répondre. « Oui, c'est elle. Je l'ignore encore pour le moment comme Darcy et moi n'avions pas encore pris de décision. » Le mot mensonge fait surface. Salomea. Voilà le prénom qu'elle devrait porter. Pas sans nom ou encore elle. Sauf que la vieille femme ne pose pas plus de questions se contentant d'hocher la tête avec un mince sourire. Puis, le temps s'écoula. Une heure, deux heures, trois heures ? C'est le brouillard. Ils s'inquiétaient tous pour la femme qui devait survivre pour le bien-être de ces parents, de son copain et surtout de sa fille. De l'enfant qu'elle a mis au monde. Sauf que cela se déroula autrement. Quelques heures après l'accident, le médecin sorti enfin de la salle d'opération pour s'approcher de la famille avec cet air triste et désolé que les médecins affichent lorsque le patient est décédé. 19:15. C'était l'heure que toutes les horloges affichaient dans l'hôpital. L'homme comprit rapidement que Darcy ne respirait plus, qu'elle était morte alors il regarda les parents de celle-ci. Il ne pouvait pas. Il ne pouvait tout simplement pas s'occuper de cet enfant pour lequel la femme qu'il aimait est décédée. Alors, il s'évapora dans la nuit. Abandonnant son enfant.

Le 14 septembre 1993 à 19 heures et quinze minutes, Darcy Margaery Elizabeth Cahill est décédée quelques heures après avoir mise au monde sa fille Salomea Darcy Olive Cahill-Peters de complications suite à l'accident dans laquelle elle fut impliquée. Que son âme repose en paix.

✻ ✻ ✻
« Je n'ai pas besoin d'en parler. Je sais ce qui est arrivé et c'est assez simple, selon mon avis... Mon père m'a abandonné parce que j'allais être celle qui lui rappellerait la mort de la femme qu'il aimait. Vous savez que je porte, malgré ça, son patronyme ? Vous savez à quel point c'est tordu. Enfin bref, je sais que j'aurais été un fardeau. Pourquoi ? Mes grands-parents n'arrêtent pas de me répéter que je suis le portrait de leur fille. S'il était resté, il n'aurait jamais été dans la capacité de me regarder dans les yeux parce que je lui aurais rappelé Darcy. Darcy est ma mère, mais vous êtes déjà au courant de ce détail. Je suis un mauvais souvenir et je le vis plutôt bien. Voilà pourquoi je n'ai pas besoin d'en parler parce que c'est déjà une évidence pour moi. » Salomea croisa les bras sous sa poitrine tout en relevant son regard vers la psychologue assise en face d'elle. Elle n'aimait pas les visites régulières entre elles pour la simple et bonne raison que Salomea ne ressentait jamais le besoin de se confier à propos de quelque chose. Cependant, sa grand-mère le lui avait demandé alors elle y allait et sortait des faits que la psychologue connaissait déjà. « Cela ne vous dérange pas d'être perçu comme un mauvais souvenir ? » La jeune adolescente de quinze ans secoua la tête avec un gloussement. Elle décroisa ensuite les bras pour s'avancer au bout du canapé. « J'ai l'air de m'en plaindre ? Non. À sa place, j'aurais probablement fait pareil. » Mensonge. Salomea n'aurait jamais été dans la capacité d'abandonner son enfant derrière. Elle n'aurait jamais les couilles pour ça. Elle tenait bien trop aux gens pour les abandonner. Et elle savait à quoi ça ressemblait de se faire abandonner par son propre père. « Vous auriez été capable de laisser votre enfant derrière ? » NON ! Bien sûr que non, mais Salomea n'avait pas envie d'en parler parce que si elle disait que oui cela la dérangeait d'être perçu comme un mauvais souvenir, elle devrait en parler or elle n'en avait aucunement envie. Alors, Salomea enfilait le costume de la sans-cœur et ne laissait pas entrevoir la moindre émotion. « Oui. » Répondit-elle d'un ton détaché tout en retrouvant le fond du canapé et recroisant ses bras sous sa poitrine. La psychologue hocha la tête, concentra son attention sur le carnet ouvert sur ces genoux et écrivit quelque chose sur la feuille de papier anciennement blanche. Salomea était observatrice et elle savait que la psychologue écrivait énormément lorsqu'elle était en séance avec Salomea. « Pour des raisons personnelles, je crois que vous mentez lorsque vous prétendez être en mesure d'abandonner un être que vous aimez derrière mademoiselle Cahill-Peters. » Elle releva le regard vers elle tout en l'écoutant parler. Au fond, elle n'avait pas tort parce qu'elle mentait bien. Elle prétendait être en mesure, mais c'était tout le contraire. Salomea n'avait pas la force mentale pour abandonner un être cher derrière elle sans un regard. Même sous la contrainte, elle n'aurait jamais la force. « C'est seulement Cahill. Et vous vous trompez sur mon compte. Vous ignorez tout de moi alors comment faites-vous pour savoir si je mens ou non ? Hein ? Quoi, vous avez un accès privé à mon esprit ? Vous savez quoi ? Mettez-vous en ligne comme tout le monde. » Déclara-t-elle d'une voix tremblante et Salomea reprit son souffle après cela. Répondre aux propos de la psychologue d'une traite sans prendre de respirations entre deux ou trois mots étaient comme ne pas respirer pendant cinq minutes. C'était tout bonnement impossible à moins d'être entraîné pour ça. « Je n'ai pas besoin d'un accès, Salomea. Vous venez de le confirmer pour moi. » Salomea était en colère. Lorsqu'elle était en colère, elle ressentait le besoin d'hurler. À cet instant, elle en ressentait le besoin. Alors, elle quitta la séance abandonnant la psychologue au milieu de celle-ci, elle quitta l'immeuble et elle se mit à courir le plus rapidement possible afin de s'éloigner le plus vite possible de l'immeuble. À un moment, elle s'arrêta et reprit son souffle. Ensuite, elle poussa un hurlement. Long et très fort.

✻ ✻ ✻
Ses doigts pianotaient sur les touches du piano puis elle accompagna cette mélodie d'une voix suave et mélodieuse. Sa voix. Malgré l'harmonie entre la mélodie et sa voix, Salomea n'était pas satisfaite du tout alors elle cessa de pianoter et ferma sa bouche mettant ainsi la pièce dans un silence lourd. « Comment ça se passe, chérie ? » La voix de son grand-père fit sursauter Salomea qui se retourna pour suivre du regard celui-ci pendant qu'il s'asseyait sur le divan présent dans la pièce. Gerald Francis Joseph Cahill était son modèle, l'homme qui l'avait initié au piano. « Tu veux la vérité ? Tout va mal. Rien ne fonctionne et je commence sérieusement à désespérer. » Répondit-elle avec un haussement d'épaules tout en croissant ses doigts dans un même ensemble. Le rire de Gerald emplit la pièce et Salomea n'arriva pas à s'empêcher d'esquisser un maigre sourire. « Tu me fais écouter ? » Salomea était réticente à cette idée. Elle ne voulait pas avoir des critiques pour un truc qui était à peine commencé et qui ne ressemblait à rien. « Je-je ne sais pas si tu veux entendre ça, grand-papa. C'est mauvais. » Sauf que Gerald regarda Salomea de son légendaire regard et avec un soupir elle se remit en place pour recommencer à pianoter sur les touches du piano pour ensuite accompagner celle-ci de sa voix. Lorsqu'elle eut terminé, Salomea s'arrêta et ferma les yeux. « Qu'est-ce qu'il y a de mauvais ? Dis-le moi. » Elle rouvrit les yeux. Ce qu'il y avait de mauvais ? Absolument tout. « Tout. Absolument tout. Je n'aime pas l'agencement des notes avec ma voix. Je n'aime pas ça et rien ne me vient en tête pour améliorer cela. » Lâcha-t-elle en se retournant pour faire face à son grand-père. Salomea était furieuse contre elle-même. Salomea regarda Gerald quitter le fauteuil pour s'approcher d'elle et du piano et prendre place près d'elle. Des doigts il effleura les touches du piano comme s'il se demandait s'il était toujours autorisé à toucher les touches d'un piano. « Il faut que tu joues et chantes avec ton coeur. Je sais que tu fais cela pour une compagnie quelconque de musique, mais si tu ne chantes pas et ne joues pas avec ton coeur tu ne seras jamais satisfaite du résultat. » En lâchant ces mots, Gerald commença à faire glisser ces doigts sur le clavier. Salomea remarqua qu'il avait fermé les yeux et malgré ce détail, il connaissait l'emplacement de chaque notes et elle en fut estomaquée. Elle connaissait le talent de son grand-père, mais elle ignorait qu'il était en mesure de jouer du piano les yeux fermés. Après tout, il avait joué de cet instrument durant plusieurs années avant de tomber dans l'oubli et ce détail, Salomea l'oubliait régulièrement. Alors, elle ferma les yeux à son tour se laissant emporter par cette mélodie. Cette mélodie que son grand-père jouait avec son coeur. « C'était superbe, grand-père. » Lui dit-elle en lui souriant. C'était la vérité. « Tu vois la différence entre jouer avec son coeur et jouer pour plaire à un réalisateur ? » Demanda-t-il à sa petite-fille. « Oui, je vois. » Répondit-elle avec un sourire et il l'embrassa sur la tempe. « Maintenant concentre-toi sur ça et tu y arriveras. » Elle hocha la tête, heureuse. Gerald se releva du fauteuil, s'apprêtant à quitter la pièce pendant que Salomea se concentra de nouveau sur les feuilles présentes en face d'elle. « Salomea ? » En entendant son prénom, la jeune femme pivota la tête pour regarder son grand-père. Elle haussa les sourcils dans l'attente qu'il lui dit ce qu'il avait à dire. « Je suis fier de toi. Et ta mère le serait aussi. » En guise de réponse, elle lui sourit pendant que son regard semblait ce voiler. Gerald lui sourit tristement pour ensuite disparaître.
Elle l'espérait vraiment que sa mère soit fière d'elle d'où elle était.