In another world, we could have been so much more (sam).

ÉCOSSE — Aujourd’hui est l’anniversaire de son père, ou plutôt devrait être l’anniversaire de son père. Tous les ans à cette période, Sam est triste, de mauvaise humeur, et en colère. Elle en veut à sa mère d’avoir tué son père, d’avoir détruit leur famille, de l’avoir privé d’une vraie vie. Elle est souvent en colère, encore maintenant, mais le psychologue que sa tante lui envoie voir ne semble rien trouver d’anormale à cela. Ça ne fait que deux ans après tout. Deux ans depuis la mort de son père, deux ans depuis que sa mère a tiré sur son père. Elle n’était pas là au moment du drame, mais chez une amie. Elle n’a rien pu faire pour changer les choses, elle n’a pas pu dire au revoir à son père. Aujourd’hui, elle ne se souvient même plus des derniers mots qu’il lui a dit. Alors oui, elle est en colère. Elle refuse d’aller voir sa mère en prison, elle qui lui écrit des lettres tous les mois. Elle ne les lit pas, les jette directement. Elle ne veut rien avoir à faire avec elle, plus jamais. Sur les photos sa mère est coupée, ne reste que son père et elle.
Elle souffle la bougie sur le gâteau qu’elle a préparé pour lui, non sans verser une larme. C’est une nouvelle année sans lui qui recommence.

C’est officiel, Samantha ne porte plus le nom de Lucas. Elle a besoin de se changement, plus que n’importe quoi. Elle ne supporte plus de porter le même nom que sa mère. Elle ne supporte plus que les gens puissent l’associer à toute cette histoire. Même si cela remonte à plus de trois ans désormais, une histoire aussi peu banale les gens s’en souviennent. Et ceux malgré son déménagement. Personne n’a oublié l’histoire de cette mère de famille qui a tiré sur son mari à de nombreuses reprises sans que l’on sache toujours pourquoi. Sam ne comprend pas. Elle ne veut pas essayer de comprendre, tout cela lui semble encore fou, complètement illogique. Sa mère qui a toujours été des plus douces et calmes avec elle. Rien à voir avec la meurtrière qui a fait la une des journées pendant des semaines. Elle refuse toujours tout contact avec elle, et ce changement de nom est l’occasion pour elle d’aller de l’avant. Elle l’espère pour une vie plus calme.

Sans trop de surprise, elle a loupé son année. Elle s’y attendait, mais cela reste quand même difficile à avaler. Elle qui est le genre première de la classe d’habitude, va devoir recommencer son année pour pouvoir aller jusqu’au bout. Elle jette les livres par terre en colère, avant de s’effondrer sur son lit. Bien sûr, elle sait pourquoi elle a raté son année. Ses derniers mois ont été difficiles, à cause de son avortement. Sam reste persuadée qu’elle a pris la bonne décision, mais cela n’en reste pas moins difficile. Pleurer pour quelque-chose dont elle ne voulait même pas, c’est complètement ridicule. Et pourtant… La rupture qui s’en est suivi entre eux deux, a été une épreuve supplémentaire, la laissant complètement seule, triste, et déprimée. Elle ne pensait pas tout perdre aussi rapidement, elle ne pensait pas qu’une peine de cœur serait si dur. Ils ne sont même pas restés ensemble longtemps, cinq mois précisément, mais il lui manque. Tous les jours. Normalement aujourd’hui, elle aurait dû fêter la validation de sa première année avec lui, avec sa tante, et être heureuse. À la place de cela, elle est seule dans sa chambre, à pleurer d’avoir perdu un an, et de devoir tout recommencer.


LONDRES — Les heures s’enchainent à une vitesse impressionnante, elle n’a pas le temps de les voir passer. Elle n’a pas le temps de s’ennuyer, ni même de se reposer. Il semblerait qu’aujourd’hui tout le monde se soit donné rendez-vous à l’hôpital, laissant le personnel débordé. Ou bien c’est simplement elle. Elle n’a pas le temps de demander confirmation à quelqu’un, puisqu’elle n’a tout simplement pas une minute à elle. Impossible de savoir depuis combien de temps elle est là, depuis combien de temps elle travaille. Ce n’est pas la première fois qu’elle subit une journée de la sorte, et ce n’est certainement pas la dernière. De toute façon, Sam préfère être occupée, ça a toujours été. Elle n’aime pas ne rien faire, avoir trop de temps libre. Quand elle ne travaille pas, elle sort avec ses amis, ou fait du bénévolat. Mais son travail reste sa priorité, celui qui occupe le plus clair de son temps. Elle n’a même pas encore eu le temps d’appeler sa tante pour lui donner des nouvelles, de toute la semaine. Heureusement sa tante est médecin, alors elle ne comprend que trop bien. C’est grâce à elle que Sam est ici. Sa tante lui a donné envie de s’occuper des autres, peut-être parce qu’elle-même n’a pas pu sauver son père. Elle y pense encore, chaque jour. Et même si cela fait plusieurs années maintenant, elle n’oublie pas, elle reste en colère contre sa mère. Elle chasse cette pensée de son esprit, avant d’entrer dans la chambre ou se tient sa patiente.

Métro, boulot, dodo. Voici ce qui résume plus que bien la vie de Sam ces dernières années. Une situation confortable à l’hôpital, une vie sociable qu’elle essaie tant que possible de garder, du bénévolat quand elle le peut. Tout est parfaitement orchestré. Sa petite routine lui convient plus que bien, et elle ne voit pas de changer à lui apporter. Ses proches ont du mal à comprendre, essayant de la caser dès qu’ils en ont l’occasion. Personne ne semble la croire quand elle leur répète que sa vie lui convient ainsi, qu’elle n’a pas besoin d’un homme dans sa vie. Elle n’a pas envie d’une relation, ses quelques histoires courtes lui suffisent largement. Elle aime être indépendante, et n’avoir de compte à donner à personne. Elle a deux chats qui lui suffissent à ne pas se sen tir seule. Et puis de toute façon, elle passe bien moins de temps chez elle que n’en passe au travail.