JOYCE ✻ mad world

« Milooooo ?! » La voix d'une enfant de cinq ans se fait entendre. Elle hurle à la mort le nom de son frère jumeau, son meilleur ami, plus vieux qu'elle de seulement deux minutes. Elle a peur, elle est effrayée, tout comme l'est l'autre enfant. D'ailleurs, Milo s'est caché sous les couettes, frissonnant comme jamais. Joyce ne tarde pas à le trouver et à le rejoindre pour le serrer contre elle. « Avec mes super-pouvoirs, on est en sécurité ! » Milo acquiesce, collant son corps un peu plus à elle. Elle ne sait pas ce qui l'effraie le plus : l'orage qui gronde comme une bête affamée ou les hurlements de colère qui ne cessent depuis plus d'une demi-heure entre ses parents. Dans les deux cas, elle n'aime ni l'un, ni l'autre. Malheureusement, elle est incapable de pouvoir régler un problème climatique et encore moins une discorde familiale à son âge. « On peut inviter Olivia à la maison ... ? » olivia, c'est la voisine un tout petit peu plus jeune. Elle est belle, Olivia. Elle est forte aussi et intelligente. Le garçon est persuadé qu'elle est capable de stopper l'orage en un claquement de doigt. Puis Olivia, c'est aussi son amoureuse, sa princesse. « On a pas le droit de sortir. » Milo fait la moue puis crie de peur la seconde suivante à cause d'un éclair. Le bruit du tonnerre se fait entendre dans la foulée. Il allait finir par faire une crise cardiaque. En ce moment, les orages s’enchaînaient à une vitesse folle et Milo avait toujours du mal à calmer son coeur durant ces temps sombres. Tout comme Joyce.« Reste là. Je vais aller la chercher en passant par la porte arrière ! » Joyce avait toujours été la plus courageuse du trio. Elle aimait le danger et avait peur de presque rien. Cette idée, elle la tenait de Miles, le grand frère de dix ans de Milo. Ce dernier avait réussi à partir en douce pour retrouver son « amoureuse », bien qu'il affirme le contraire. Mais Joyce n'était pas dupe, elle les avait vu s'embrasser sur la balançoire des voisins. Tout du mois, cet événement s'était passé hier. Peu importait finalement. Milo attends plusieurs minutes tout seul. Il fredonne une chanson , Don't speak de No doubt, qui passe en boucle à la radio. Un air simple et entraînant qui permet de lui faire oublier la dispute en bas des escaliers mais aussi le grondement toujours aussi féroce de l'orage. Il a presque fini avec le dernier refrain qu'il sent les couettes bouger. La chevelure d’Olivia apparaît. Elle affiche un sourire narquois sur ses lèvres auquel Milo répond par la même chose. « Liv ! » Ni une, ni deux, le jeune homme lui saute au cou et dépose un baiser sur sa joue. « Milo. » Le brun s'installe correctement dans le lit tandis que Joyce arrive, ayant pris le temps de prévenir les parents de la venue de Liv dans la maison. « Vous viendrez jouer dehors après ? » La connaissant, il faudra qu'ils enfilent des bottes pour ne pas être trempé de la tête aux pieds. Milo se ferait une joie de sauter dans les immenses flaques d'eau et de salir la magnifique robe bleu clair et blanche de son amie et la salopette en jean de Joyce. « Miles a un match cette après-midi, on doit aller l'encourager. Je pourrais pas ... » Joyce acquiesce. Ils ont toujours eu pour habitude d’aller voir les match du plus grand et de hurler le plus fort possible pour que ce dernier se sente supporter, ce qui était plus que le cas. « Ouais ! On a qu’a faire une affiche en attendant. » Et c'est ce que firent les trois enfants pendant plus d’une heure, non sans faire une bataille de peinture. Papa et Maman Blackthorn s’étant calmé en même temps que le tonnerre, les enfants ne se firent pas réprimander. Bien au contraire, le paternel semblait fière de l’initiative des trois amis. La mère, quant à elle, ne fit aucune remarque si ce n’est que lever les yeux au ciel et partir, exaspérée par tout ce bazar. Ils arrivèrent juste à temps pour le début du match. Milo et Joyce n’ont pas arrêté d’encourager Miles, qui, par chance, avait gagner son match. C’est donc heureux comme jamais qu’ils retournèrent à la maison des Blackthorn. Joyce allait pouvoir rester manger et sûrement dormir. Il faut dire qu’elle est presque adoptée par la petite famille. Et c’est tant mieux. Milo n’en demandait pas plus. Un à un, les habitants de la maison s’endorme. Milo et Joyce sont les derniers éveillés. C’était le moment idéal. Le jeune garçon saute du lit, court jusqu’à sa penderie et en sort une bague faite grâce à de la paille. Son papa lui avait dit que c’était l’intention qui comptait, pas le prix du « bijoux ». Tenant fièrement la bague dans sa main, il la donne à Joyce, non sans avoir les pommettes cramoisies. « Merci. » Elle est polie, même si elle ne comprend pas ce que tente de lui dire Milo. « C’est pour la promesse. » La petite esquisse un sourire, comprenant enfin le raisonnement. « Il faut que tu la gardes précieusement. Un jour, je t’en achèterais une magnifique mais pour l’instant je peux pas. Papa a dit qu’il fallait que je travaille. » Cette remarque la fait rire légèrement et semble réveiller la chambre voisine. Les deux arrêtent de bouger pendant quelques secondes puis reprennent leur discussion. « On se quittera jamais et on s’aimera toute notre vie. Et rien n’y personne ne pourra le changer. » Joyce dépose un baiser tendre sur sa joue, le rendant fière de tout ce petit jeu. « Personne. Promis. » La jeune fille de cinq ans se couche sur le lit, baillant un peu. « Je t’aime Milo. » Le garçon fait de même, replaçant une mèche de cheveux de sa « soeur ». « Je t’aime Joy'. »

Les années ont passés, la promesse s’est faite oublier. Enfin, en partie. Joyce a toujours gardé la bague scellant, désormais, leur amitié hors du commun. Le jeune homme est en couple avec Casey depuis un an et demi et tout se passe bien pour lui. Il est heureux, plus qu’heureux même. Dans la vie de la jeune femme, il ne sait rien passé de grave. Mise à part les disputes quotidiennes de ses parents, leur divorce et son emménagement à Londres, pour ses études. Joyce a l’impression que le destin ne sait pas se montrer cruel avec elle. Quoi que ... A bien y repenser, il l’est tout de même un peu. elle a beau avoir cette bague de fiançailles dans les mains, elle n’a jamais trouvé le courage de demander à Milo ce qu'il en était, de leur pacte. Est-ce qu’elle a peur ? Carrément ! Elle a presque les jambes qui flageolent à cause du stress que peut provoquer tout ceci. Et puis, ce qui l’obsède autant, c’est surtout ses sentiments. Oui, elle aime Milo. De tout son cœur. De tout son corps. Mais ... Elle ne sait pas si c’est la bonne décision. Elle est perdue. C’est donc dans cet état qu’elle appelle Liv. Elle, au moins, elle la connait, elle sait ce qui est bien pour elle. Elle ne reprends son service que dans quatre. Ça lui laisse le temps d’expliquer la situation à sa meilleure amie et d’écouter ses conseils. « Okay ... » Joyce souffle avant d’ouvrir un bout de papier froissé comme jamais. « Tu as écrit ce que tu voulais lui dire ? » Liv semble choquée par tout ceci et la jeune femme relève la tête pour faire face à la webcam. « Faut pas ? » Elle avait passé plusieurs nuits à écrire ce torchon, Liv ne pouvait pas lui dire qu’il fallait marcher au feeling, elle pouvait tout faire, sauf ça. « Ehrm. Comment dire ? ... Vas-y, lit moi ça et on verra bien. » En gros,ellel s’y prenait mal. Message reçu. Mais tant pis, fallait bien que ça serve à quelque chose ce qu’elle avait fait, elle allait le lire juste pour le plaisir de vivre. « Mhm. Donc, j’ai écris que je prenais sa main, que je la regardais dans les ... » La voix de Liv le coupe. « Abrége Albert ! » Maiiiiiiiis ! Il fallait qu’elle se mette dans les conditions, non ? « Laisse-moi me concentrer, veux-tu. » Là, tout ce qu’elle arrivait à faire, c’était l’inverse. Le stress montait en elle comme jamais et ce n’était même pas Milo devant elle. Bon dieu, elle est incapable de lui aouer ce qu'elle ressent. « Respire, ferme les yeux et ... Laisse les mots sortir d’eux-même. » Liv la guide et elle suit ses conseils. Elle inspire une grande bouffée d’air et laisse ses pensées la guider. Le visage de Milo apparaît dans son esprit. Elle a l’impression de recevoir un coup de fouet en plein sur le coeur quand elle le voit avec Casey. Ça fait mal. Mais elle passe au-dessus de tout ça, commençant son discours. « Je tiens énormément à toi et ... » Et elle voudrait que Milo soit avec elle. Joyce est juste pour le moment incapable de le dire. Pour la peine elle rouvre les yeux et plonge son regard dans celui d’Olivia. Le visage bientôt collé à l'écran, Joyce n'a qu'une seule envie : pleurer. « Putain, Liv ... » Comment peut-elle continuer à vivre ainsi ? Milo est fichtrement incapable de l'aimer ou de ressentir autre chose que de l'amitié pour elle. « Ca va aller, Joy' ... T'en est capable. » Non. Elle n'en est pas capable. Elle ne peux pas briser son meilleur ami de la sorte. Elle ne peux pas briser son couple non plus.  Et Casey dans cette histoire ? Elle n’a pas le temps de soulever ce sujet que son portable se met à sonner. « J'dois prendre. C'est lui ... Je te rappelle ce soir ! » Elle coupe le skype en cours et accepte l'appel. Elle n'a pas la tête à entendre sa voix suave. Elle n'a pas la tête non plus à se prendre une deuxième claque dans la journée en l'entendant parler  de Casey. Mais ce n'est pas lui au bout du fil. C'est sa petite-amie. « Casey ? Qu'est-ce qu'il se passe ? » Elle se mord la lèvre inférieure, elle ne comprends pas ce qu'elle tente de dire la jeune femme tant elle va vite. « Je comprends rien à ce que tu me dis Casey ... » Et c'est pas faute d'essayer. « Comment ça, à l'hôpital ? » Joyce commence à capter des bribes d'informations. Milo. Casey. Hôpital. Cancer. Il va mourir ! « J'arrive ! » La dernière phrase qu'elle entendra de la part de la petite amie de son meilleur ami aura été : « Prends soin de lui, s'il-te-plait. » Quand Joyce est arrivé à l'hôpital, elle découvrit un Milo décomposé. Le coeur de Casey venait de faire son dernier battement. Elle n'en avait parlé à personne, mais une tumeur au cerveau lui bousillait la vie depuis quelques temps. Elle était condamné. « Milo ... Je suis désolée ... » Elle avait beau ne pas aimer la jeune femme, elle ne pouvait pas nier qu'elle avait rendu le brun heureux. Et Joyce, en serrant Milo dans ses bras, se fit la promesse de prendre soin de lui, comme elle le lui avait demandé, comme était sa volonté. Elle prendrait soin de lui, même si elle devait abandonner l'idée d'être un jour heureuse avec lui.