No worries, mate ♦ Les quatre as et leurs +1

Samedi 23 juillet 2016 - Australie

Il y a des années où j'ai juste pas pu partir du tout. Quitter Londres et faire des frais pour aller voir du pays, vu mes finances, c'était pas possible. Et même si Rox proposait de me payer le voyage - ce dont je ne doute pas qu'il ait les moyens - j'avais clairement du mal à l'idée de me faire entretenir, en quelque sorte. Et puis il y a eu Lucy, les expositions, la vente de plusieurs toiles, et voilà que je vois, réellement, littéralement, du pays. Le Japon l'an dernier, l'Australie cette année. Les quatre as en goguette, c'est quelque chose, quand même. L'année passée, on était partis entre nous, entre mecs, mais au vu du temps qu'ont passé les gars avec leurs copines au téléphone, et comme à présent, on a tous quelqu'un dans notre vie - oui, même Tyler, à mon plus grand plaisir, et c'est pas peu dire - cette fois, on est partis tous les huit. Ty' et Nate, Akim et sa petit-amie, Elijah et sa copine... comment dire, un peu chiante, je dois avouer, et Lucy et moi. Et non, j'avoue, je suis pas super fan de la petite-amie d'Eli, mais j'ai pas vraiment mon mot à dire, c'est lui qui vit avec elle après tout. Je sais juste que son côté je sais tout et pourtant très superficiel me conviendrait absolument pas. Je crois que je l'ai entendue parler que de shopping ou presque, des souvenirs qu'elle allait ramener à ses copines, et du soleil qui dore sa peau.

En revanche, Lucy est plutôt très silencieuse, et ça m'inquiète un peu. Certes, elle connaît mal la copine d'Eli, un peu Akim et la sienne pour avoir dîné ensemble quelques fois, mais elle connaît davantage Nate et Rox, et même si mon best n'est pas forcément toujours facile à suivre, d'ordinaire, elle a plus de facilité à converser avec eux. Je mettrais ma main à couper qu'il y a quelque chose dont elle ne me parle pas, mais chaque fois que je tente d'aborder le sujet, elle affirme que tout va bien, avec un sourire qu'elle espère sans doute crédible, mais dont je doute de plus en plus.

Ca n'empêche que visiter l'Australie, c'est le pied, au demeurant. Je découvre plein de choses, je passe autant de temps à prendre des photos qu'à gribouiller les paysages ou monuments qui me marquent le plus, j'ai un million d'idées de toiles qui se bousculent les unes après les autres, et je suis avec les personnes, hors famille, qui comptent le plus à mes yeux, que demander de plus, n'est-ce pas ?

Pourtant, une autre ombre se dresse au tableau, et quand j'ai vu la tronche que tirait Nate ce matin, quand je l'ai croisé comme il quittait la table du petit-déj' où se trouvait la blonde d'Eli, j'ai tenté de m'enquérir de ce qui le mettait manifestement hors de lui.

- Laisse, c'est rien, ça va passer...

Autrement dit, j'ai pas envie d'en parler, et j'ai pas insisté, mais on sait tous les deux que, manifestement, ce n'est pas rien. Si bien que quand, ce soir au dîner, comme on est tous attablés à une grande table ronde et que j'écoute Tyler déconner à ma gauche, les couverts du journaliste claquent sur son assiette, signe manifeste de sa colère, je tourne vivement la tête, délaissant mon best pour porter mon attention sur lui, comme nous tous, sans doute...

Samedi 23 juillet 2016 - Quelque part en Australie

J'en croyais pas mes oreilles, le jour où il m'a demandé si je les accompagnerais, tous, pendant les vacances d'été. L'an dernier, la question s'était juste pas posée, il partait avec ses potes, point, et il n'était pas question que je m'impose - il ne l'aurait sans doute pas bien pris, de toute façon, et puis ça ne se fait pas de s'incruster comme ça. Pas que j'aurais pas aimé me joindre à eux, évidemment, mais c'était comme ça, le deal, c'était que je partageais son lit, rien de plus. Et bon Dieu qu'il m'a manqué pendant ces longues semaines loin de lui ! Ca n'a pas forcément été simple à son retour non plus, pourtant ça n'a fait que... nous rapprocher ? Je crois que je peux dire ça... Enfin peut-être pas trop devant lui, ça risquerait plus de lui faire peur qu'autre chose, mais tout de même.

Pour ce qui me concerne, la question ne se pose même pas, à vrai dire. Plus le temps passe, et plus je suis attaché à lui, et je mentirais si je disais que ça ne m'effraie pas. Jusqu'à quand ? Jusqu'à quand acceptera-t-il ma présence ? Ou plutôt... à quel moment ça lui fera trop peur et il me laissera dehors ? Parce qu'au fond, c'est ce qui m'inquiète le plus. Il a pas besoin de le dire, je sais bien qu'il tient à moi. J'aurais pas la clé de chez lui, je serais pas tout le temps là si c'était pas le cas. Mais je sais aussi pertinemment que c'est une situation qui le rend pas serein, et je peux pas m'empêcher de flipper à l'idée qu'il puisse préférer s'éloigner plutôt que de risquer d'être blessé, un jour. Quand je lui ai dit que je l'aimais - un peu malgré moi, je dois avouer - c'est ce que je redoutais le plus : qu'il prenne la fuite, et me demande de vider les lieux. Ca n'est pas arrivé, heureusement pour moi, mais je ne peux pas dire que je n'y pense pas, par moments, au jour où il préférera cette option.

Alors quand une crétine que je connais à peine se la joue donneuse de leçons je sais tout mieux que personne et me répète chaque jour, et même plusieurs fois par jour qu'il n'en a rien à faire de ma gueule et que je ferais mieux de le plaquer pour mon propre bien, ça me met légèrement hors de moi. Clairement, la copine d'Elijah ne porte pas Tyler dans son coeur. Bon, comme beaucoup de gens, il faut avouer, et à vrai dire, je m'en cogne un peu. Tant pis pour elle après tout. Qu'elle me donne son avis une première fois, soit. Ca la regarde pas, ce que je lui ai gentiment expliqué, mais soit.

- Ecoute... Visiblement, que Tyler et toi vous entendiez pas, c'est votre problème, mais mélange pas tout. Ma relation avec lui, et la tienne, ce sont deux choses différentes. Et jusqu'à preuve du contraire, ça ne concerne que nous... C'est gentil de t'inquiéter, mais je suis un grand garçon et je peux prendre mes propres décisions tout seul. Alors s'il te plaît, te mêle pas de ça, merci.

Je suis pas sûr d'avoir été super sympa sur le coup, mais j'ai quand même tenté d'y mettre un minimum de formes. Elle a pincé les lèvres, rajouté un truc du genre que je m'en mordrais les doigts, et j'ai cru - quelle erreur ! - qu'on en resterait là... Sauf que non. Le soir-même, elle revenait à la charge. Le lendemain, à nouveau. Le surlendemain, rebelote. Chaque fois, je lui explique, de moins en moins calmement que c'est pas ses oignons et que je me passe de ses conseils, chaque fois, elle revient comme une fleur me donner, à nouveau, son point de vue. Et ce matin, comme tous les jours, elle s'est approchée de moi, et dès qu'elle est entrée dans mon champ de vision, j'ai soupiré, agacé. Evidemment, elle fait toujours ça quand il se trouve que les autres sont un peu plus loin ou occupés. Evidemment, je tente de gérer ça comme un grand, et de pas faire le misogyne de base en allant la ramener auprès de son mec. Mais ça commence sérieusement à me saouler. D'ailleurs, j'ai fait l'impasse sur le petit déj' et je me suis barré, la laissant au milieu de sa phrase. J'ai croisé Rika sur la route, qui remarque sans le moindre doute ma gueule vu qu'il me demande si ça va et je secoue légèrement la tête.

- Laisse, c'est rien, ça va passer...

Il est pas convaincu, mais c'est tout ce qu'il aura pour l'heure. J'ai pas envie de faire un drame de ces conneries devant toute la clique, et particulièrement, j'ai pas vraiment envie que ça pète à la gueule de Tyler. Mais ça, la miss a pas l'air de le comprendre non plus, puisque le soir-même, c'est reparti pour un tour. Et là j'en ai vraiment plus que ras-le-bol. Je suis pas venu en vacances avec eux pour subir ça en permanence. Mes couverts claquent sur mon assiette comme je cesse de dîner, excédé par ses remarques répétées, et je plante mes yeux clairs dans les siens.

- Putain mais c'est quoi que tu comprends pas dans lâche-moi la grappe et mêle-toi de tes affaires ?

Coup d'éclat que je regrette presque aussitôt, mais c'est trop tard. De toute façon, je suis beaucoup trop parti en live, là, pour m'arrêter en si bon chemin.

- Visiblement quand on essaie de te parler comme à une personne sensée et adulte, ça imprime pas. Je suppose que c'est à cause de cas dans ton genre qu'on attribue un QI passablement bas aux blondes en général, dommage pour les autres...

Désolée Maelle, par exemple, je te mets pas dans le lot des blondasses écervelées, promis. Je me suis tourné aussitôt vers Elijah, refusant cependant de croiser les regards à ma gauche de Rika, Lucy et Tyler, à qui je n'ai donc rien révélé de tout ça.

- C'est pas dans mes habitudes de prendre le rôle du misogyne de base, mais désolé, Elijah, ta meuf commence sérieusement à me sortir par les yeux, et vu qu'elle n'enregistre manifestement pas ce que je me tue à lui répéter depuis qu'on a quitté Londres, je te transmets le message, peut-être que t'arriveras à parler son langage, manifestement c'est pas mon cas. Mais ça serait vraiment cool que t'arrives à lui faire comprendre qu'elle a pas à se mêler de ma vie privée et que ses conseils sur comment je devrais mener ma relation - ou plutôt y mettre un terme - j'en veux pas, alors qu'elle les garde pour elle, je commence sérieusement à en avoir ma claque de les entendre en permanence.

Et donc ouais, sérieusement, calme ta meuf, mec, vraiment parce que ça va mal finir à un moment... Je suis pas un mec violent, je vais pas lui faire du mal physiquement, mais si elle veut vraiment que ça soit la guerre, je vous jure que je trouverai bien un moyen de lui pourrir la vie. Demain, la semaine prochaine, ou à notre retour à Londres, qu'importe. J'ai pas pour habitude de nuire aux potes de mes proches, mais je peux tout à fait me débrouiller pour déterrer tout ce qu'elle voudrait très certainement pas voir étalé en place publique, et si elle continue à me chercher, elle va me trouver, clairement. Bon, sauf que ça me fait chier que Tyler soit témoin de cette scène, et je vide mon verre d'un trait, pas vraiment pressé de voir sa réaction à présent...