sofia ▬ on n'a pas le temps pour pleurer mais toute la vie pour sourire.

Tout commence une nuit de janvier. Entre le 9 et le 10. On ne sait pas trop si je suis née le 9 ou le 10 par ailleurs car il était minuit tout pile. Les infirmières se sont disputées pour choisir et on fait une pierre, papier, ciseau pour déterminer le jour de ma naissance. Dans le fond, on s’en fiche un peu de savoir ce détail mais tous les minuits en janvier, je souffle ma bougie sur un petit gâteau. C’est devenu mon petit rituel. Enfin revenons à mon passé. Non d’une pipe car si nous parlons trop, je vais rapidement devoir partir en salle d’opération. Mes parents étaient comme les autres. Rien en particulier. Ils n’ont pas vraiment de double vie, de métier à risque ou je ne sais quoi. Ils sont heureux, je suis heureuse et tout se passait bien. Enfin c’était jusqu’à la grossesse de maman. Un petit garçon avait-elle criée. Non. Je me sentais presque… comme trahie. Je ne voulais pas de petits frères. Je n’avais beau avoir que bientôt 3 ans quand je l’ai découvert… Je n’aimais déjà pas les garçons à la crèche. Non. Ils étaient méchants et idiots et ne parlons pas des filles qui m’arrachaient souvent les yeux. J’avais boudée, envoyée une poupée sur le mur et surtout j’étais partie en pleurant me cacher dans mon lit. Caprice de petites filles. J’étais bien toute seule. Je n’étais pas une enfant capricieuse mais j’étais une solitaire. Au jardin d’enfants, je restais souvent seule. Ils ne m’aimaient pas vraiment et c’était réciproque. Je n’arrivais pas vraiment à me mêler aux autres. On ne savait pas trop pourquoi et j’entendais souvent mes parents en parler avec la gardienne mais bon. Jake a fini par naitre à mon grand malheur mais au final, ça va. J’ai commencé à l’aimer. Enfin ses couches ça puait quand maman le changeait. Punaise, il faisait des cacas odorants et de la même couleur que mes crayons que je n’utilisais jamais car ce n’était pas joli. Ce n’était pas rose bonbon ou mauve. Non c’était de la couleur brune pas belle. Non. C’était BERK. Je devais avouer que c’était son seul défaut. Ah non. Les pleurs. Oh oui, les pleurs. Bon dieu mais il pleurait autant qu’il faisait caca. Il ne s’en souvient peut-être pas mais ça m’avait traumatisée. Pourtant à côté de ça, j’aimais bien m’en occuper et lui donner à manger. Il me faisait de beaux sourires et maman me disait souvent que c’était car j’étais son rayon de soleil. Comique, maman. Je ne suis pas un soleil. Roh combien de fois j’ai dû le dire. J’étais une petite fille. Non de dieu. Oh oui, on ne jure pas le seigneur. Mais non, je ne suis pas croyante, j’étais crayonte. Ahah, tout le monde rit. Ou pas. Je dessinais partout même sur les murs. Une vraie peste. Jake grandissait et moi aussi. Je commençais petit à petit à me faire des amis. Vraiment doucement mais sûrement. Disons que j’étais sélective mais Anyléis était vraiment une perle avec moi. Je la surnommais Anna car ses parents ne devaient pas l’aimer pour lui donner un prénom aussi compliqué et je la surnomme encore Anna. Et quelques années après, et oui… ce fut le tour d’une petite fille dans le ventre de maman. Oh non, ça allait encore pisser mais heureusement que les filles n’ont pas des tuyaux comme les garçons et qu’elles s’amusent moins à faire arrosoir. Je craignais moins les couches et tout ce qui puent et mouillent. Il fallait avouer que malgré ça, j’étais une grande sœur très dévouée et je disais toujours à maman que je voulais aussi un bébé. C’était trop tôt disait-elle alors moi, je demandais tous les jours quand je pourrais. Bientôt finissait-elle par dire mais bientôt quand ? Roh quand même, hein. Et bon, retrouvons un peu de maturité. Je grandissais donc entourée de Jake et Victoria. Grande sœur parfaite un peu trop protectrice par moment mais qui se tenait à l’écart pour ne pas montrer justement qu’elle pouvait grogner comme une lionne si on les embêtait. J’étais un peu comme ça. Une tigresse prête à bondir mais je le faisais dans mon coin. Je ne voulais pas être surprotectrice et les étouffer. Ma scolarité se passait bien. Trop bien comme le disait mon professeur de science. J’étais bien trop douée et malheureusement cela rendait jaloux les élèves de la classe qui se demandait quand j’allais arrêter d’obtenir des A mais je passais tellement plus de temps à réviser qu’à me peinturer les ongles. Bon, j’étais coquette et une vraie fille mais je devais avouer que je pensais surtout à mon avenir avant de penser au reste.

Les A obtenus, j’étais presque l’une des favorites des professeurs. J’étais calme, trop calme. Je laissais mes amis et même Ana parler en classe sans les écouter, parfois les tuant du regard quand ils me dérangeaient mais ce passé devenait une sorte d’ouverture vers l’avenir. J’obtenais mon admission pour l’université (UCL). Rien que ça. J’étais pressée, tellement. Je voulais devenir docteur et peut-être plus mais je n’y réfléchissais pas encore enfin… disons que je savais ce que je voulais devenir mais pas encore les détails tout comme… si j’allais juste être docteur ou aller plus loin. Toutes des questions dans ma petite tête. Tout se passait bien. A la rentrée, j’étais admisse dans le campus enfin c’était surtout un appartement d’étudiante. Ma bourse aidait mais je ne vivais pas seule. J’avais deux colocataires (un mec et une fille). J’étais peut-être un mystère pour eux. Je refusais toujours les fêtes, je m’enfermais dans mes cours comme si ma vie en dépendait. C’était un peu le cas après tout. Je ne cherchais pas vraiment à m’en rapprocher. Je connaissais leur prénom et je trouvais Lee très mignon mais non. Je n’avais pas le temps pour ça. J’étais là pour réviser et des mauvaises notes étaient faciles à obtenir. Ce n’était pas comme au lycée, j’en avais rapidement prise conscience. Les choses changeaient en 2003. Tout allait bien enfin mes études se passaient bien et suivaient son cours mais quelques jours avant noël. Je l’ai vu. Lui. Mon père. L’homme que j’avais bien souvent tenté d’égaler car il était pour moi un saint. Oui, lui. Il était celui qui avait aidé à ma conception même si je refusais de penser à mes parents faisant… boum boum boum comme dirait Mika. Je refusais. Je l’avais vu en allant rendre visite à son boulot enfin je l’avais vue cette femme dessous lui dans le canapé… A moitié nue. Bon heureusement lui était plus couvert car ça suffisait pour totalement… anéantir mes pensées. Je m’étais planquée derrière un mur à son regard vers moi. Trop tard, j’étais remarquée. « Ne dis rien ! », c’est ce qu’il m’avait courtoisement proposé. Non. Je n’allais rien dire… je ne lui avais effectivement pas répondu. J’étais partie. Je savais qu’il ne me disait pas de ne rien dire à ce moment-là mais de garder le secret. J’étais dégoutée. Comment osait-il ? Dans le fond, il avait peur. Je pouvais le comprendre. Il avait raison d’avoir peur. Les semaines passaient. Les cours devenaient comme la dernière de mes priorités. Je passais mes journées entre quelques chips et surtout… une impression que ça ne servait plus à rien. Non. Cela ne servait plus à rien de tenter d’être parfaite. Non. J’échouais enfin je commençais. Une mauvaise appréciation, deux… trois et je savais que la quatrième serait celle qui me ferait perdre non seulement mon année mais possiblement ma bourse. Effrayée. Je commençais à l’être. Mais la personne parfaite me fila un coup de main. Lee. Après tout, cela se voyait que j’étais totalement paumée. Son aide fut comme celle d’un ange tombé du ciel. Il faisait bien plus que m’aider à réussir la suite de mon année. Non bien plus. Il me redonnait motivation. Je me souviens encore avoir pleurée et lui avoir confiée que je m’étais promis qu’on ne me verrait jamais pleurer depuis la mort de ma grenouille en classe de science au lycée. Je l’avais éventrée, la pauvre. Peut-être simplement par ce que j’avais quelqu’un à qui parler. Je lui confiais mes maux. Ma mère voyait de plus en plus que ça clochait. Je voulais tellement lui dire. Je voulais le faire oui. Je commençais d’abord par en parler à mon père. Je voulais lui dire du faire mais rien. Non. Rien. Je finissais par lui dire enfin à la concernée. Moi, sa fille qui lui cachait depuis plusieurs mois maintenant. Tout s’enchainait comme la chute d’un domino. Les autres tombaient. On tombait. Il tombait. Ma mère tombait. J’étais là pour elle et Lee m’aidait pour mes études à côté. Je reprenais les choses en main enfin lentement mais sûrement. Il n’y a que lui qui savait que mes études avaient été en danger. Je ne voulais pas inquiéter ou… montrer mes faiblesses. Je ne parlais plus à mon père tout comme Jake. Vicky était beaucoup plus jeune, je pense que c’était différent pour elle à cause de ça et après tout, elle a le droit de faire ses propres choix. Il quittait la ville, refusait sa vie, élevait d’autres enfants. Après il fallait avouer que rien n’allait plus aussi bien. Vicky grandissait. Elle devenait étrange, rebelle. Je ne connaissais pas vraiment cet état de rébellion pour avoir été la petite stable qui n’a jamais fait le mur. Non. Je ne connaissais pas ça. La voir partir était pour moi comme un déchirement. Oui, j’aime ma petite sœur et j’aime mon petit frère. Je les aime, oui. Gros comme l’univers et en voir un des deux s’éloigner… c’était… très effrayant comme si ma vie prenait une direction que je ne voulais pas au niveau de la famille. Je m’inquiétais pour elle. Je tentais de le voir, m’en rapprocher mais impossible. Elle disparait presque de la circulation comme un fantôme de nos vies. Quelques mois avant le début de mon état d’interne à l’hôpital quand maman allait mieux, je profitais d’une année de pause pour aller en Afrique pendant 5 mois pour un stage dans un hôpital humanitaire. Ce fut les 5 mois… de ma vie. Mais… Je tombais amoureuse de Lee. Oui, je tombais amoureuse sans pour autant bouger le petit doigt comme s’il était intouchable à mes yeux. Après tout, je me sentais comme toute petite face à lui. Il me semblait tellement plus… tellement de choses. Je ne saurais dire pourquoi, on avait les mêmes notes mais je me sentais plus petite quand je le voyais en Afrique s’occuper des patients avec tellement plus de tact. J’ai rallongée mon séjour de 7 mois. Je ne voulais pas partir et une année me semblait bien mieux pour avoir l’impression de faire la différence. En rentrant, j’étais heureuse mais à la fois triste. J’avais laissée des enfants derrière moi. Après une année, je me sentais prête pour devenir interne. Ils m’attendaient toujours avec le badge presque déjà imprimé. St Thomas' Hospital à Westminster enfin très proche. C’était comme un rêve. Lee et moi ? Je ne lui avais jamais rien avoué pourtant on se retrouvait encore colocataire et encore ensemble dans nos études enfin collègue maintenant. Après 6 ans, nous étions partis pour encore 5 ans ensemble. Peu à peu, j’avais la sensation de me rapprocher de notre chef enfin de notre résident tandis que je ne voyais Lee ailleurs enfin pas disponible. J’avais déjà depuis longtemps perdue espoir en silence et je commençais à passer à autre chose. Jason. Oui, Jason Beaufort. Notre supérieur qui derrière des ordres avait un grand cœur quand il le laissait voir. Au début, nous cachions tout mais au fil des mois, on arrêtait de se cacher. On se tenait la main dans les couloirs comme des adolescents. Les regards étaient là. Cela ne plaisait pas à grand monde. Je le voyais. Je me mettais à dos les résidents mais aussi mon meilleur ami. Pourquoi devais-je être jugée pour enfin avoir l’amour en retour ? Quelques mois après, on se mariait. Ma sœur était toujours loin. Jake pas vraiment mais nous étions sur la même longueur d’ondes, on ne voulait toujours rien savoir de notre père. Lui tout comme moi recevait des lettres sauf que les miennes ? Je n’en parlais pas vraiment. Je recevais aussi les cartes postales de ma petite sœur que j’affichais sur mon frigo et un mur au fil des années. J’avais beau lui en vouloir de nous laisser derrière, je ne voulais pas vraiment l’oublier. Loin des yeux, près du cœur. Je finissais mon internat. Mariée mais après tout je commençais à retrouver quelques amis dans l’hôpital enfin je veux dire les choses se calmaient. Nous commencions à penser avenir, enfant. Nous essayons. Je décide en parallèle de me spécialiser en pédiatrie, je réussis presque avec brio. Les tentatives qui échouent pour tomber enceinte me rendaient assez nauséeuse par moment. Et si seulement c’était ça. Tout se passait bien. Je passais chirurgienne pédiatre et même résidente. On peut dire que je m’en sortais bien. Le retour de Victoria me faisait du bien derrière mon stress de peut-être être stérile. Enfin non le docteur me disait que je l’étais sans l’être. J’avais moins de chance. Je ne suis pas stupide, je l’étais en somme. Je proposais l’adoption à mon mari. Non. Il ne voulait pas tout comme une maman porteuse. Le couple avait quelques tensions. On se chamaillait plus qu’autre chose à ce propos mais je n’aurais jamais pu imaginer ce qu’il avait fait dans mon dos. Pas seulement une fois… mais plusieurs fois. Je n’aurais pas pu imaginer, non. Et c’est là le début de ma descente aux enfers. Il m’avait prévenu que j’allais souffrir après tout, Lee m’avait prévenu. Mais je n’avais pas voulue l’écouter.