Ean O'Shay | When the sun comes up, you'd better be running

-Rappelle-moi ton prénom, demande-t-elle avec un sourire.
Il ne se souvenait pas lui avoir déjà donné. Mais il était trop fatigué, et il était trop tard pour débattre de ce genre d'éléments qui ne leur apporterait rien.
-Ean, déclare-t-il en lui rendant son sourire.
-C'est joli. Ecossais, non ?
-Irlandais, en fait.
Décidément, il n'était pas le seul à être fatigué de sa soirée. L'accent d'Ean n'était pas si prononcé que ça, mais depuis le temps qu'ils parlaient, elle aurait dû le remarquer. Elle-même avait un accent américain, qu'Ean avait reconnu avec une certaine facilité du fait de ses migrations régulières aux Etats-Unis.
-Tu viens d'Irlande ? J'ai de la famille à Dublin.
-J'ai grandi à Belfast.
-C'était comment ?
-Quelconque.
En même temps, qu'allait-il lui dire ? Il ne pouvait pas simplement dire à une pure inconnue dans un bar qu'il ne reverrait sûrement plus en quoi consistait son enfance. S'il avait pu…il ne gardait pas d'excellents souvenirs de son enfance. Tout d'abord, il étaient fragmentés et peu précis, comme si Ean les avait roulés en boule avant de les jeter au fond d'un tiroir. S'il en piochait un, au hasard…il y avait son père. Le brun avait toujours été plus proche de son père que de sa mère, pour des raisons qu'il ne s'expliquait pas. En tout cas, enfant Ean traînait toujours dans les pattes de son père, l'accompagnait partout, lui racontait tout ce qui lui passait par la tête. Le patriarche O'Shay était lui-même plutôt du genre papa poule et était lui aussi très fier et très attaché à son fils unique.
-Enfin, tu vois, j'ai un peu galéré à l'école.
-Je vois, oui.
L'éducation qu'il avait reçue n'avait pas vraiment aidé Ean à s'adapter au système scolaire. Il avait alors l'habitude -et l'avait toujours d'ailleurs- de partir du principe que si une règle lui semblait stupide, elle ne s'appliquait pas à lui. Quoi de mieux pour s'attirer des problèmes ? Rapidement il fut remarqué comme un enfant turbulent, même si il restait tout de même assez intelligent.
-Comment tu t'en es tiré ?
-Je suis entré rapidement dans le monde du travail.
A quinze ans, plus précisément, ce qui n'était pas très légal, mais l'entreprise dans laquelle Ean travaillait depuis n'était pas non plus connue pour faire dans la légalité. Cependant il ne serait pas vu faire autre chose de sa vie ; il occupait le poste que son père et son grand-père avaient occupé avant lui, et pour lui c'était tout autant un grand honneur qu'une évidence.
-Tu fais quoi ?
-J'suis commercial, on va dire.
Elle eut un haussement de sourcils entendu. Peut-être était-elle plus maligne qu'elle ne le laissait entrevoir ? En même temps, plus le temps passait, moins Ean se sentait crédible, même s'il ne mentait pas. Il préférait appeler ça...présenter la vérité sous un autre jour .
Enfin, bosser dans la mafia devrait normalement l'aider à être meilleur menteur, mais Ean ne s'était jamais trouvé dans l'action à proprement parler. Il était dans le pur relationnel, ce qui ne le gênait pas tant non plus. C'était quelqu'un d'assez sociable, comme ses ancêtres -encore quelque chose hérité de son père.
-On en arrive au bout, dit-elle avec un sourire. Tu fiches quoi à Londres ?
-Je suis là pour le travail, comme pas mal de gens ici, j'imagine.
Ean était là pour aider Aiden en recherchant son ex, une évadée de la Real IRA. Avec le 8,539 millions de londoniens, autant chercher une aiguille dans une botte de foin, d'autant plus que l'irlandais n'était pas habitué à ce genre de travaux de terrains. Heureusement qu'il avait les moyens, et une expérience indirecte de ce genre de travaux. Même si ça n'avait pas été le cas, il aurait de toute façon accepté. Les forces de l'ordre à Belfast étaient en train de remonter jusqu'à lui, et prendre des vacances et espérer qu'ils l'oublient était un sage choix selon lui.