lauren ∆ i'm a woman, i can be as contrary as I choose.

Once, there was a gorgeous man in my life.

3 mars 1998.

« J’ai à peine dix ans, je suis assise en face de la fenêtre du salon, les pieds dans le vide. Les mains bien à plat sur la table, les yeux dans le vague, je me demande pourquoi les femmes aiment les hommes, les hommes aiment les femmes, ce genre de questions que tout le monde se pose au moins une fois dans sa vie, même si ce n’est que l’espace d’une seconde pour certains. Ils passent à autre chose en haussant les épaules.

Moi je me demande déjà pourquoi le monde a été organisé comme ça. Pourquoi les femmes ne peuvent pas aimer les femmes, les hommes aimer les hommes… ? C’est peut-être une question stupide, mais elle trotte souvent dans ma tête…

Je m’appelle Lauren, un prénom anglais banal, que j’ai pourtant toujours aimé. L’élégance conjuguée à la banalité. Si ma mère était là, elle dirait que mon prénom me va à ravir. Je suis plutôt petite, les yeux marrons et les cheveux châtains, pas très grande mais « ça va venir », toujours d’après ma mère.

Je me pose trop de questions, sur tout et n’importe quoi. Sur cette femme qui marche dans la rue, sur cet homme qui lui embrasse la joue d’un air amoureux. Sur ces enfants qui rient en chahutant, sur ma sœur qui débarque dans le salon en criant comme une folle, sur mes parents qui ne réagissent presque pas. Sur cet homme que ma mère voit tous les mardis et qu’elle embrasse, elle aussi sur la joue, avant de refermer tout doucement la porte, avant que mon père ne rentre. Sur ce monde qui ne tourne pas rond… »



15 avril 2002.

« J’ai à peine quatorze ans, mais je sens qu’il me manque quelque chose pour être considérée comme « normale » aux yeux des gens. Je peux vous paraître complètement banale, la fille ordinaire qu’on ne remarque qu’à peine au détour d’une cour de récré – si si, je vous assure. Je suis la bonne copine, la nana sympa…La petite amie inexistante. J’ai bientôt quatorze ans, et à l’âge où tout le monde commence déjà à coucher à droite à gauche, moi j’ai l’impression d’être invisible… »



But then, he morphed into a woman. To my great surprise.



9 mai 2004.

« Envie de tout envoyer balancer, cette vie me déprime…J’ai seize ans dans quelques mois, et j’ai l’impression que tout cloche ! Lauren-la-petite-amie n’existera jamais pour les garçons, j’en ai la certitude maintenant…Mais comment ça se fait que je ne m’en suis pas rendue compte plus tôt ? Je suis sortie avec Gary, on s’est embrassés, câlinés et ça n’a jamais été plus loin uniquement à cause de moi…Je suis dégoûtée par cet aspect-là de la relation amoureuse. Ca ne m’attire pas, et Dieu sait combien de temps j’ai mis à comprendre pourquoi…J’ai été vraiment conne, ou aveugle. Je me déteste, mais je dois bien le reconnaître : je suis attirée par les filles. Je l’ai toujours été, et pourtant Gary est juste…Magnifique. Il est tout ce que je voulais chez un mec : patient, charismatique (oh combien…), attentionné, drôle, gentleman…Mais non. Ca ne fonctionne pas. J’ai envie de pleurer. Je vais refermer ce journal que je tiens plus qu’aléatoirement depuis mes dix ans, et je vais aller me coucher en espérant être redevenue hétéro demain matin…Tant qu’il y a de la vie, y’a de l’espoir. »



1er avril 2015.


« Putain…C’est fini avec Thea. On a vécu des mois et des mois ensemble, on avait même prévu d’acheter une maison ensemble, d’emménager, de s’installer, de faire des bébés dans un pays où on a le droit, bref…Tout était organisé, presque à la minute près parce que Thea est comme ça, c’est une stressée de la vie ! Je l’aimais, mais alors…Tellement. Et puis plus rien. Il suffit de trois fois rien, d’une blondasse qui passe dans la rue, d’un regard qui se tourne vers elle, d’une envie d’autre chose et la voilà devant moi, en larmes, l’air coupable…Et ces mots qui font tellement mal. La trahison. Je lui en ai collé une. Ca ne sert à rien, mais ça fait du bien. Comme ça, mes potes pourront arrêter de me vanner. « Thea et Lauren, deux jolis prénoms comme ça, ça ne peut que fonctionner pour la vie ça ! » Si seulement ils avaient eu raison… »



2 mai 2015.

« Qu’est-ce que tu… » Sarah vient de rentrer dans ma chambre. Sarah, ma confidente de toujours, mon amie d’enfance. Elle s’est arrêtée au beau milieu de sa phrase quand elle a vu l’état de mon boudoir personnel, empli de cartons et de sacs, de valises, de tout ce fatras qui compose désormais l’étendue de ma vie.
Elle a les larmes aux yeux en me regardant, comme si elle avait déjà deviné ce que je suis sur le point de lui expliquer.
J’enjambe toutes mes affaires jusqu’à elle, je lui prends les mains et la supplie silencieusement de ne pas m’en vouloir.
« Je pars », je chuchote doucement, comme si le fait de ne pas le dire à voix haute rendait les choses moins réelles. Devant moi, Sarah a les larmes aux yeux, et son menton tremble, de cette façon particulière qui indique qu’elle va bientôt pleurer ouvertement. Je caresse doucement sa joue et finis par la prendre dans mes bras. Après deux ou trois minutes à tapoter son dos tandis qu’elle déverse son chagrin, elle hoquette entre deux sanglots « Mais tu peux pas quitter Edimbourg ! Et en plus, ils font de la danse, à Londres ? Tu vas trouver du boulot, là-bas ? Et…Est-ce que j’aurai le droit de venir te voir… ? »
Je la regarde dans les yeux et l’embrasse doucement sur ses deux joues humides. « La réponse à ces trois questions est la même : bien sûr que oui ! »