"Fermeture" de London Calling
Après cinq années sur la toile, London Calling ferme ses portes. Toutes les infos par ici Turn back and soon I'll believe it+ Lou 2979874845 Turn back and soon I'll believe it+ Lou 1973890357
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Turn back and soon I'll believe it+ Lou

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() message posté Ven 4 Mar 2016 - 16:53 par Invité

“Our memory is a more perfect world than the universe: it gives back life to those who no longer exist.” Je m'avançais entre les rayons de la librairie. Mes doigts glissaient sur le rebord, effleurant les reliures de ces livres hantés de vérités différentes, d'images et de désillusions. J'avais grandi comme ça. Entre les pages d'un dictionnaire poussiéreux. J'avais appris à chanter les psaumes de cet univers intellectuel en adoptant les théologies des lumières et de l'obscurité. J'avais mélangé toutes les notions. Ma mère disait que j'étais l'homme des métamorphoses, celui qui prônaient les valeurs et leurs contraires. Elle m'avait enseigné les analogies et je m'étais amusé à inverser les lettres. Éternité. Étreinte. Un sourire maussade se traça sur mon visage alors que je marchais dans le couloir. Mon souffle s'embrasait dans ma gorge, avide de fumées grises et de saveurs mentholées. Je n'avais pas fumé depuis des heures. Mes poumons se lassaient vite de la fraîcheur de l'oxygène. Ils avaient besoin de poisons pour combler le vide interstitiel. J'avais besoin de poison pour exister. J'agitai le bras en glissant ma main dans la poche de ma veste. Mon paquet de cigarettes s'écrasait contre mes phalanges fiévreuses comme une promesse incertaine. Lorsque je sortirais du bâtiment, je serais libre de respirer le goudron. Je pourrais avaler le venin qui perlait au bout de ma langue et me redresser au milieu des passants. Je hochai la tête en me dirigeant vers l'aile des romans contemporains. Mon livre était placé sur une étagère avec une inscription best seller. Ce n'était pas un succès fulgurant conséquent à la publication d'un chef d’œuvre post-moderne. Il y avait plusieurs facteurs à prendre en considération. Outre mes talents en tant qu'auteur, ma notoriété avait profité du lancement de mon journal indépendant, de la polémique autour de la mafia irlandaise et de la publicité inhérente aux commentaires d'une jeune actrice de soap. Max Monroe m'avait porté préjudice. Elle avait étouffé l'essence de mon histoire derrière une horde de fanatiques hystériques. Je ne m'en plaignais pas. Je vendais. Mon éditeur était ravi. Mais j’espérais que ma réussite soit moins biaisée par celle des autres. Un soupir m'échappa alors que je me dirigeais vers la sortie. Mon regard croisa les contours d'une silhouette familière, un visage saillant, une bouche incurvée, concentrée sur le prologue d'un exemplaire d'amour et préjugés. Je suspendis mes gestes un instant. Je la reconnaissais. Je me souvenais de son allure espiègle, de sa frange lisse et de son expression sereine. Cela dit, je ne parvenais pas à replacer son identité. Elle avait un prénom mélodieux. Elle habitait dans un ancien quartier délabré, tout près de ma maison. Je fronçai les sourcils en me rapprochant. Je la fixais avec étrangeté, intrigué par son identité. Je me concentrais sur son attitude, sur la passion qu'elle mettait dans ses gestes lorsqu'elle retournait la couverture de son bouquin. Lewis. Lewis Kipling. Mais tout le monde l'appelait Lou pour une raison que j'ignorais. Je le retrouvais souvent à la bibliothèque municipale. Nous restions assis à la même table, la tête basse, la respiration haletante, mais elle ne me parlait pas. Ce n'était pas mon amie. Pourtant, on se moquait de nos rendez-vous galants. J'étais son amoureux secret. Tous les gosses s'amusaient à emmêler nos prénoms. C'était ridicule. Je n'avais pas de sentiments pour elle, simplement parce que je savais lire et que j'appréciais la quiétude de nos rencontres. Je haussai les épaules en la saluant d'un air solennel. « Ne me dis pas que tu revois tes classiques, Lou Kipling. » Je lui adressai un sourire taquin. Je penchai la tête avant de m'adosser au rebord. Je voulais toujours fumer, mais l'absolution pouvait attendre quelques secondes de plus. Le temps de célébrer mes retrouvailles avec mon "premier amour".
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() message posté Ven 4 Mar 2016 - 18:57 par Invité
Elle aimait l'odeur des anciens livres et l'odeur de la bibliothèque. Elle aimait croire que les livres avaient, eux aussi leur propre aventure. Ils se promenaient de maison en maison, s'échangeaient entre les mains des lecteurs avant d'être reposés sur une étagère avec leurs pairs. Lou prenait toujours le choix de se rendre à la bibliothèque municipale pour son ambiance et le prix de la carte d'inscription qui rentrait dans son budget. C'était là, son seul plaisir ; renouveler sa carte de la bibliothèque le Premier Janvier de chaque nouvelle année. Leo aimait souffler, dans la fumée de sa cigarette, avec sa nonchalance habituelle et ses doigts qui jouait contre le filtre, qu'elle devrait profiter de la vie. Maintenant que Swann n'était plus là, profiter de la vie avait perdu de son sens. Mais elle avait promis d'essayer. Alors, elle avait choisi de pousser la porte de la librairie, trois pâtés de maisons plus loin de son immeuble. Ici, un livre l'aiderait peut-être à résoudre son problème. Elle retirait l'écharpe autour de son cou pour la glisser dans son sac et saluait d'un signe de tête la petite libraire à la chevelure grisonnante. Lou commençait à la connaître, mais jamais aussi bien que la bibliothécaire. Elle se promena le long des rayonnages pour se laisser captiver par les bouquins qui parlaient de relaxation. Ça ne l'aiderait pas à profiter de la vie, mais ça l'intéressait malgré tout. Elle reposa un premier ouvrage pour rejoindre l'autre côté de la petite librairie. A vrai dire, Lou ignorait totalement ce qu'elle cherchait. La table au milieu de son salon était déjà recouvert d'une trentaine de livres et elle n'en avait ouvert que cinq. C'était inutile d'en rajouter. Elle pensait simplement s'en aller, remettre son écharpe et retourner jusqu'à son appartement. Mais son regard s'arrêta sur une étagère. Elle balaya les titres mais c'est le nom d'un auteur qui attira toute son attention. Parce qu'elle le connaissait. Il y avait deux exemplaires. Elle décida d'en prendre un pour le coincer entre ses bras comme un cadeau précieux. Tout en le feuilletant, amusée de découvrir le nom de Julian Fitzgerald imprimé sur un roman, elle reprit le sens inverse pour retourner vers l'entrée de la librairie. Dans un carton, elle s'agaçait de voir un livre de Jane Austen devenir copain avec Edward Cullen et s'en empara pour les séparer. Et aussi pour feuilleter délicatement le premier. Elle s'était presque attendue à voir la libraire, les mains contre les hanches, le regard sévère, la sermonner de bousculer son rangement. Mais c'est une voix chaude et un accent venu du Pays de Galles qui venait l'interrompre. Elle arrêta sa lecture, et relevait les yeux. Inconsciemment, elle s'attendait à revoir le visage du garçon qui l'attendait, des années plus tôt, tout le temps, à la bibliothèque. Ses traits avaient vieilli, mais elle le reconnaissait toujours. Julian. « Ne me dis pas que tu revois tes classiques, Lou Kipling. » D'un petit geste, elle relevait les épaules et affichait une moue timide. « Ne t'inquiète pas, Julian Fitzgerald, je le connais par cœur. Mais il n'est toujours pas dans ma bibliothèque. Toi, tu es venu pour Twilight ? Ce n'est pas un classique, après tout. » Le roman sur les vampires était mélangé aux autres ouvrages exposés devant ses yeux mais ce n'était pas celui-ci qui avait attiré son attention. Et puis, en vérité, elle n'avait jamais lu cette saga. Elle tenait toujours entre ses mains le roman de Julian et celui de Jane Austen. Elle releva le premier pour montrer la couverture. « Regarde, je pensais m'acheter ce livre. Tu l'as lu ? » Évidemment, c'était le sien. C'était son roman, à lui. Le petit garçon de la bibliothèque avait écrit un livre. Elle lui adressait un sourire amusé tout en tournant le roman entre ses doigts. Comme s'il s'agissait du plus bel objet au monde. Elle se demandait si Julian savait défendre son roman. « Il paraît que c'est le premier roman de cet auteur. Tu sais que je le connais ? Il me suivait partout à la bibliothèque quand on était enfant. »
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() message posté Sam 5 Mar 2016 - 1:52 par Invité

“Our memory is a more perfect world than the universe: it gives back life to those who no longer exist.” Le cœur était un miroir obscur. Toutes nos émotions se transformaient en étoiles, seulement, elle ne brillaient pas aussi fort que ces constellations qui existaient déjà. Je souris en contournant la silhouette de la jeune femme qui se tenait fièrement entre les rayonnages de la librairie. Elle n'avait pas changé. Ses yeux avaient gardé la même étincelle de gentillesse. Lou était aussi douce et délicate que les souvenirs d'une enfance biaisée. Notre première rencontre remontait au décès d'Aïda, pourtant j'assimilais sa présence à une époque encore plus lointaine. Nous avions été amis à travers les livres. Nous avions existé dans les aventures loquaces de nos héros préférés, plusieurs décennies avant leur création. C'était étrange. Je me sentais nostalgique d'une relation complètement platonique. Mon expression se figea alors que je me laissais bercer par son aura bienveillante. Je n'arrivais pas à l'associer à un événement particulier. Je ne l'avais jamais touché. Je n'avais pas effleuré sa main, ni même l'espace qui orbitait autour de son visage lumineux. Tout ce temps, je n'avais fait que lire. Encore et encore. Je lui avais caché les marques sur mes bras et les violences de mon père. Mais elle avait certainement entendu parler de mon histoire. Les rumeurs se propageaient si vite dans les bas quartiers de Londres. J'étais un paria. L'orphelin aux chemises usées, celui qui parlait avec un accent snob et éloquent. Personne ne voulait partager ses jeux avec moi. Personne ne s'inquiétait de savoir si j'avais mangé à ma faim, ou si j'avais fait mes devoirs. Je penchai la tête en laissant échapper un soupir de lassitude. Ce n'était jamais drôle d'être différent. Alors, je passais mes vacances entre les murs délabrées de la bibliothèque. Je respirais l'humidité et les poussières sur les étagères. Je me hissais sur mon tabouret afin d'atteindre les sommets et je raclais la pointe de mon crayon contre la surface blanche d'une feuille de papier en espérant que les mots seraient à la hauteur des espérances. J'avais vécu de cette manière. Dans l'incertitude. En rêvant d'un lendemain qui ne semblait jamais venir. On me parlait d'amour et de sentiments. On disait que j'étais stupide et inintéressant. Que j'étais obsédé par Lou. C'était peut-être le cas. J'avais fini par l'intégrer à mes routines d'écolier. Elle était là tous les jours. Elle s'asseyait au même endroit et parfois, elle oubliait volontairement une barre de céréales ou un morceau de pain sur la table. « Ne t'inquiète pas, Julian Fitzgerald, je le connais par cœur. Mais il n'est toujours pas dans ma bibliothèque. Toi, tu es venu pour Twilight ? Ce n'est pas un classique, après tout. » Je me redressai avec nonchalance. Elle savait articuler mon nom au complet sans se tromper de connotation. Je croyais qu'elle m'avait relégué au rang des anonymes, mais elle n'avait fait que jouer aux jeux des mystérieux. Je lui souris avec incandescence. Bien sûr, que je ne lisais pas cette daube pour adolescents. J'avais un goût prononcé par la poésie. Un vampire qui fantasmait sur les menstruations de sa petite amie. Trop peu pour moi ! « J'ai regardé le film vite fait, je l'avoue. Je suis comme toute le monde, j'ai craqué pour Robert Pattinson dans le rôle de sa vie. Mais je n'ai pas osé m'aventurer plus loin dans le fanatisme. Déçue ? » Déclarai-je d'un air solennel. Je croisai les bras en détaillant sa posture. Elle avait une autre livre sous le bras. Un roman dont la couverture me semblait étrangement familière. « Regarde, je pensais m'acheter ce livre. Tu l'as lu ? » Je me raidis en reconnaissant un exemplaire de Leaving Berenice, le récit spirituel d'un homme en quête de l'amour absolu. « Il paraît que c'est le premier roman de cet auteur. Tu sais que je le connais ? Il me suivait partout à la bibliothèque quand on était enfant. » J'arquai un sourcil, amusé par sa manière de présenter la situation. Je n'avais même pas dix ans. Je n'étais pas conscient que lire était un crime contre l'humanité. Je m'avançais légèrement, réduisant la distance entre nous. Je pouvais mieux la regarder. Les lueurs du soleil se reflétaient sur son expression nuageuse. La lumière rehaussait la teinte empourprée de ses pommettes saillantes. « Je l'ai feuilleté. Un peu trop pompeux à mon goût, mais je respecte l'effort et le talent. Tu connais l'auteur? A ce point ? » Je secouai les épaules avec une once de désinvolture. « Peut-être qu'il avait un faible pour toi. » Où peut-être qu'il se sentait seul et qu'il avait simplement besoin de compagnie.
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() message posté Lun 7 Mar 2016 - 13:14 par Invité
Elle suivait les mouvement de ses lèvres qui s'allongeaient dans un sourire, de son corps qui avançait entre les rayonnages pour la rejoindre devant une pile de boîtes en carton. Elle comparait automatiquement l'homme qui se tenait là avec le souvenir du garçon de la bibliothèque. Il était plus imposant, plus grand aussi et elle dû relever la tête pour mieux le voir. Il n'avait plus rien de l'enfant chétif aux chemises froissées qui s'asseyait à sa table et n'osait pas lui parler ou la regarder. Lou n'était pas certaine de comprendre pourquoi son cœur se remplissait de joie de le revoir. Peut-être parce qu'elle assimilait Julian à une époque où sa vie était belle. Une époque où sa mère se souvenait de son prénom, de ses petits frères et sœurs et où son père était encore là, sa guitare calée contre son torse. Une époque où elle se privait de desserts pour les offrir, en secret, à son ami de la bibliothèque. Une époque où son seul plaisir était d'ouvrir un livre et s'imaginer en être l'héroïne. Elle ne s'inquiétait pas de voir un jour son père s'en aller car cette idée lui paraissait impossible. Julian Fitzgerald appartenait à cet autre vie. Il appartenait aux souvenirs joyeux de son adolescence. « Edward Cullen, c'est le rôle de sa vie ? Je suis désolée pour lui. Mais ce n'est pas mon acteur favori. » En y réfléchissant, Lou n'était pas certaine d'avoir un acteur préféré. Peut-être un film, oui. Mais pas d'acteur, ni d'actrice. Elle avait seulement des auteurs favoris et une collection interminables de livres qu'elle aimait. Alors, elle préférait parler de son roman, à lui, à Julian, plus que de débattre sur la carrière de Robert Pattinson dont elle n'était, finalement, pas particulièrement fan. « Je l'ai feuilleté. Un peu trop pompeux à mon goût, mais je respecte l'effort et le talent. Tu connais l'auteur? A ce point ? » L'observant, elle sourit de le voir rentrer dans son jeu. Il ne vante pas les mérites de son livre et elle ignore si ça l'amuse ou l'embête. Elle ne voulait pas commencer à en lire le résumé devant lui, mais sa curiosité la poussait secrètement à vouloir savoir. Peut-être parce que ça lui semblait toujours un peu intime de découvrir un nouveau roman, elle garda le livre contre sa poitrine et s'efforça de ne pas paraître intriguée. Lou crevait d'envie de connaitre l'histoire que Julian avait su écrire pendant que la vie lui avait enlevé la mémoire de sa mère. En quelques secondes, elle aurait aimé tout connaître. De lui. De sa vie à la bibliothèque municipale, jusqu'à celle d'écrivain célèbre. Il avait réussi alors qu'elle n'avait rien fait d'incroyable pendant les quinze dernières années. Reporter pour une chaîne télévisée importante mais cataloguée aux reportages qui n'intéressent personne. Et toujours amoureuse de son ex petit-ami. « Peut-être qu'il avait un faible pour toi. » Elle affiche une moue songeuse, incertaine, un peu gênée aussi. « Tu crois ? Que des rumeurs, je pense. » Ses frères l'avaient souvent taquiné sur ce sujet, sur ces rumeurs que les enfants se chuchotaient à l'oreille, persuadés que leur ainée avait un admirateur secret. Julian n'avait été ni un ami, ni amoureux. Il était simplement le garçon qui s'installait toujours sur la même chaise, devant la même table. « En fait, je ne lui ai pas reparlé depuis des années. Il ne doit même pas ce souvenir de mon prénom. Mais peut-être qu'il a une page wikipédia maintenant, je pourrais savoir ce qu'il devient. » Maintenant qu'il était célèbre. Elle reposa le livre de Jane Austen parmi les autres, ne pouvant pas se permettre d'acheter deux romans et garda celui de Julian entre ses mains. Elle le contempla un peu avant de relever son regard vers Julian. « Je vais acheter ce livre et si tu veux, je te dirai si il est vraiment pompeux. Peut-être que l'auteur pourra me faire une dédicace si je finis par le revoir. » Elle avance d'un pas pour payer son livre mais se retourne juste avant. « On sort ? Ou tu es là pour une séance de dédicaces ? »
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() message posté Mer 9 Mar 2016 - 17:10 par Invité

“Our memory is a more perfect world than the universe: it gives back life to those who no longer exist.” Je me redressai avec nonchalance au milieu des livres. Mon regard traversait les parois du bâtiment. Mon âme sondait l'espace avant de se mêler aux soupirs du vent. L'ambiance était nostalgique. L'esprit puisait ses démonstrations dans les souvenirs. Le cœur, quant à lui, possédait une force orgueilleuse. Il était libre et intrépide. Ses ordres provenaient d'une entité supérieure. Ses battements ne s'expliquaient pas. Ma passion pour Eugenia était innée, tout comme mon attachement sentimental à l'égard de Lou. Je ne l'avais pas revu depuis des années mais je n'avais pas oublié pas. J'avais mémorisé ses regards furtifs au coin de la table, sa manière de tourner attentivement les pages de ses romans préférés et sa démarche gracieuse dans les couloirs tortueux de la bibliothèque. Je pinçai les lèvres en esquissant un sourire attendri. Je n'osais toujours pas lui avouer toutes ces choses. C'était stupide et inapproprié. Je haussai les épaules avant de m'adosser contre un meuble. Nous étions seuls dans ce rayon. Les autres clients, dans leur majorité, étaient attroupés devant les étagères fantasques de l'univers des comics. C'était étrange, comme un retour en arrière pendant une poignée de secondes. J'étais à nouveau l'orphelin, et elle se tenait devant moi, avec l'allure de la petite fille espiègle. Je plissai les yeux. Qu'aurions-nous pu nous dire à l'époque ? ''Mon genou me fait mal, Lou.'' J'arquai un sourcil en détaillant l'expression de son visage. ''Ce n'est pas grave, Julian. J'ai mal partout et je ne sais pas pourquoi.'' Nos échanges auraient été aussi transparents que les vitres de la grande salle de lecture. Je n'avais jamais ressenti le besoin d'en dire plus. Elle n'avait pas essayé de tenir la conversation. Je suppose que notre entente était tacite, variable en fonction des saisons, mais immuable dans nos cœurs. Je me sentais en confiance. Lou était l'une de dernières reliques de mon passé. Je ne la blâmais pas pour ma différence. Je ne jugeais pas ses absences. Elle ne m'avait pas abandonné. Nous avions simplement cessé d'exister au même endroit. Mon père m'avait emmené et elle était restée dans les bas quartiers de Londres, perpétuant les mêmes gestes quotidiens encore et encore. Chaque jour, je l'imaginais assise sur notre banc. Chaque jour, elle déposait son goûter mais il n'y avait plus personne pour le manger. «Edward Cullen, c'est le rôle de sa vie ? Je suis désolée pour lui. Mais ce n'est pas mon acteur favori.» Je laissai échapper un rire amusé. Si je devais désigner un acteur préféré ce serait Leonardo Di Caprio : cliché, talentueux, maudit et efficace. Le choix de la facilité. Je mimais une grimace enfantine avant de lever les bras. « Ses mots, pas les miens. Parce qu'en plus, je suis déjà tombé sur une interview et je n'ai pas zappé. Disons que c'est une déformation professionnelle. Je suis tenu de respecter la presse. Tous les genre de presse. » Annonçai-je avec éloquence. J'essayais de justifier mes connaissances sur ce thème loin d'être intellectuel, mais en réalité, ce n'était qu'un moyen de maintenir le contact. Notre lien était semblable à des filaments de lumière. Il était fragile, facile à rompre quand l'obscurité se dessinait dans le ciel. Je crispai mes doigts sur les pans de ma veste. Elle tenait encore mon roman. J'étais satisfait du résultat. Les ventes semblaient à la hauteur des attentes de mon éditeur. Cependant, je ressentais un pincement dans ma poitrine. Ma gorge se serra douloureusement, traversée par des spasmes brûlants. Lou pouvait juger mon talent et son jugement était important. J'ignorais les raisons, ou l'origine de mon appréhension, mais je savais que son avis était personnel. J'avais cité la bibliothèque municipale dans un passage. Je m'étais perdu entre la réalité et la fiction en écrivant. Toutes mes histoires étaient inspirées de l'émotion réelle. Tout était vrai. Je me tournai vers elle en souriant. «Tu crois ? Que des rumeurs, je pense. » J’acquiesçai d'un geste fébrile. Elle avait raison. Ce n'était que des rumeurs mais notre amitié n'était pas platonique. Le silence n'avait jamais ébranlé mon attachement parce que l'odeur du papier qui se froissait sous les mains de Lou Kipling était mon seul repère. «En fait, je ne lui ai pas reparlé depuis des années. Il ne doit même pas ce souvenir de mon prénom. Mais peut-être qu'il a une page wikipédia maintenant, je pourrais savoir ce qu'il devient.» Mon expression était désinvolte, cernée par une lueur condescendante et taquine. Je m'avançai de quelques pas avant de rire avec allégresse. Je n'étais pas sûr d'avoir une page dédiée à mon parcours. Il y avait une description dans quelques blogs, sur le site du Times ou encore du Midnight, mais je n'avais pas assez de notoriété pour une référence sur wikipédia. «Je vais acheter ce livre et si tu veux, je te dirai si il est vraiment pompeux. Peut-être que l'auteur pourra me faire une dédicace si je finis par le revoir. On sort ? Ou tu es là pour une séance de dédicaces ? » Je la suivais presque machinalement. Je tendis les bras afin de la débarrasser du livre, puis je me dirigeais vers la caisse d'un pas enjoué. Je m'arrêtai devant le comptoir et sorti un stylo de ma poche. J'inscrivis ma dédicace ; To the silent cookie girl. Thanks for saying nothing. Your almost imaginary lover. Julian Fitzgerald. Je sortis mon porte-feuille afin de payer l'exemplaire. Je ne lui laissais pas le temps de réagir. Elle était libre de se sentir vexée par mon geste, mais je considérais ce cadeau comme un remboursement pour toutes ses barres de céréales. « Tu n'as pas le droit de lire ma dédicace. Il faudra attendre qu'on se revoit. » M'amusai-je en désignant la sortie. «Il faut qu'on se revoit hein ? » M'enquis-je d'une petite voix. Il fallait que je sache ce qu'elle était devenue, ce qu'elle faisait de ses longues journées et la nuit, lorsque les ombres emprisonnaient nos rêves d'enfants.
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() message posté Dim 3 Avr 2016 - 17:32 par Invité
Lou s'était souvent posée la question de savoir où Julian était parti. Dans quel endroit. Pour combien de temps. Pourquoi. Elle avait été curieuse de connaître des réponses que personne ne souhaitait lui donner. Personne ne voulait lui dire, parce que tout le monde disait ne pas savoir. Lou se souvient l'avoir cherché. D'abord quelques coups d'œil discrets entre les étagères et autour des autres tables. Lou avait pensé qu'il voulait s'assoir ailleurs, avec un groupe d'amis peut-être, ou une autre fille, tout simplement. Mais elle ne l'avait pas trouvé. Tous les jours, elle était retournée s'assoir à sa table, sur la même chaise, en imaginant que Julian était peut-être malade, fiévreux au fond de son lit. Mais elle avait dû se rendre à l'évidence, après plusieurs semaines, qu'il avait disparu. Il n'était plus revenu. Jamais, pas une seule fois. Sa chaise était restée inoccupée pendant si longtemps, qu'elle avait fini par oublier la sensation de voir quelqu'un s'y assoir dessus. Elle n'aurait jamais su expliquer pourquoi sa compagnie lui avait parut si importante, à l'époque. Leur amitié avait été imaginaire, un simple jeu entre leurs regards d'enfants. Une amitié qui n'évoluait qu'entre les murs de la bibliothèque municipale, au milieu des ouvrages qui y étaient regroupés. Qu'ils se retrouvent, une quinzaine d'années plus tard, au nord de Londres, dans une ridicule petite librairie, lui paraissait presque surréaliste. « Tu travailles dans la presse ? » Elle n'avait pas souvenir avoir lu son nom sous un article dans un journal en particulier, mais peut-être que c'était récent, elle n'en savait rien. « Tu sais, tu peux respecter la presse et avoir ton avis personnel sur Robert Pattinson. Pourtant je suis tenue de respecter le pouvoir des journalistes, moi aussi. » A vrai dire, c'était le seul film qu'elle avait vu de cet acteur alors, elle haussait les épaules. Julian lui déroba son roman et elle releva les sourcils sous l'incompréhension. Sans le vouloir, un sourire s'était dessiné sur ses lèvres en le voyant se saisir d'un stylo caché dans sa poche. Elle essayait de lire, par-dessus son épaule, la dédicace qu'il inscrivait en première page mais il referma le roman sous ses yeux. Comme pour la narguer. Comme pour la mettre au défi de lui reprendre le livre. Elle en profita pour fouiller dans son sac et retrouver quelques billets qui régleraient son achat. Ne voulant pas se ridiculiser si elle n'avait pas la somme nécessaire, elle avait rangé dans une poche de son sac, avant de quitter son appartement, assez d'argent pour acheter un livre. Le seul cadeau qu'elle pourrait s'offrir avant de longs mois, de longues années peut-être. La voix de la libraire parvenait lentement jusqu'à Lou alors qu'elle avait toujours la tête plongée dans son sac, au milieu de ses affaires. Pensant qu'un autre client en avait profité pour passer à sa place, elle fronça les sourcils, prête à lui faire savoir que c'était impoli de ne pas savoir attendre. Ouvrant la bouche, comme si elle assistait à une scène terriblement choquante, elle fut étonnée de voir Julian payer son roman. « Tu n'as pas le droit de lire ma dédicace. Il faudra attendre qu'on se revoit. » Elle secouait la tête, plus pour remettre ses idées à leur place que pour répondre à sa question. Elle ne comprenait pas. Elle reconnaissait le garçon de son enfance derrière ses traits d'adulte. Mais il avait changé. Il évoluait dans une désinvolture qu'elle ne lui avait jamais connu, un sourire taquin sur les lèvres, comme si il s'amusait, un peu trop, de n'en faire qu'à sa tête. Comme si, sous leurs regards amusés, les vestiges de leur enfance se confrontaient à leur vie d'adulte. Comme si, il pouvait se satisfaire de la réaction qu'il allait provoquer chez Lou. « Il faut qu'on se revoit hein ? » La main sur la poignée, elle acquiesça lentement et salua poliment la libraire. Elle se penchait légèrement pour ranger, avec une délicatesse presque surréaliste, le roman à l'intérieur de son sac, auquel elle remonta la lanière contre son épaule. Elle regardait Julian discrètement avant de reposer son attention sur la rue. Par réflexe, elle chercha son vélo qui était toujours accroché dans le hall de son immeuble. « C'est évident. » Elle souriait, sans vraiment connaître la raison qui la poussait à se réjouir. « Si tu n'as aucune obligation ou si personne ne t'attend maintenant, je pourrais t'offrir un café. Et j'ai des barres de céréales dans mon sac. » Elle lui adressait un coup d'œil complice avant de se saisir habillement d'un crayon rouge qui trainait dans une petite poche de son sac et d'un calepin pour griffonner son numéro de téléphone dessus. Elle arrachait le papier chiffonné pour le donner à Julian. « Sinon, tiens, on numéro, si tu veux absolument qu'on se revoit. T'as pas peur que je sois devenue une stalkeuse ou une psychopathe au moins ? » Elle ricane, prête à lui tourner le dos pour rejoindre son appartement alors qu'elle se rappelle ne pas l'avoir remercié pour le cadeau. « Merci. Pour le livre. » Un large sourire vient étirer ses lèvres. Il refuserait mais Lou se promettait de le rembourser. « D'ailleurs, tu vas me dire pour quel magazines tu travailles ? Peut-être que je penserais à l'acheter. »
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() message posté Lun 4 Avr 2016 - 1:35 par Invité

“Our memory is a more perfect world than the universe: it gives back life to those who no longer exist.” Nous restions assis dans la bibliothèque municipale, silencieux, indiciblement heureux. J'étais serein aux côtés de Lou. Je ne me souvenais pas exactement de notre dernière rencontre. Toutes les portes se fermaient de la même manière ; dans un claquement strident, violent et surprenant. J'étais parti comme ça. Happé par le vent. Emporté par les lubies de mon père. Lou m'avait manqué. Je ne m'attendais pas à devenir son ami. Je n'espérais rien de ses goûters. Mais pendant des années, le crissement du papier sous ses doigts était la seule mélodie que je parvenais à écouter sans vaciller vers le rebord. Pendant des années, notre utopie amoureuse avait été mon plus bel accomplissement. Mon père était alcoolique. Ma mère n'existait pas. Elle était aussi imaginaire que ma relation avec Lou. Je la ressentais dans mes entrailles, au fond de ma gorge et dans mon cœur. Mais elle n'était pas visible. Elle n'était pas vivante dans ma réalité. J'étais désolé d'avoir disparu. J'étais navré parce que notre histoire méritait un dénouement poétique. Je plissai les yeux en lui souriant avec nostalgie. Pouvait-elle se souvenir, avec moi, de tous ces instants impossibles, de nos mains entrelacées dans la vide, tâtonnant sur la table afin de s'accrocher aux entités matérielles qui nous entourait? L'enfance était belle. Mais l'enfance était amère, comme le bourgeon d'une fleur fermée. «Tu travailles dans la presse ? » Je me redressai avec nonchalance. J'arborais une expression fière et arrogante, dévoilant l'éclat étincelant de mes dents blanches. Je travaillais dans la presse parce que ma mère était journaliste. Je m'étais spécialisé en finance parce que mon père était banquier. C'était un homme respectable avant de plonger dans son univers. Celui des endeuillés. Celui des âmes grises et perdues. «Tu sais, tu peux respecter la presse et avoir ton avis personnel sur Robert Pattinson. Pourtant je suis tenue de respecter le pouvoir des journalistes, moi aussi.» Je la regardais avec amusement. Pourquoi cet intérêt soudain pour mon avis personnel ? Elle tenait un recueil de mes pensées entre les mains. Elle pouvait me façonner selon ses attentes, puisque j'étais un écrivain et que mon inspiration était volatile. Je souris. Elle sous entendais peut-être, qu'elle était journaliste aussi. Quelle jolie coïncidence. «J'aime bien Robert Pattinson, il a met du baume à lèvres et il brille sous le soleil. Ça a du mérite. Et ça demande du courage. » Raillai-je en m'avançant vers le comptoir. Je croisai les bras en attendant qu'elle me rejoigne. Puis, avant qu'elle ne sorte son porte-feuille, je pris les devants. Je ne voulais pas qu'elle paye pour lire un pavé que je lui aurais certainement demandé d'analyser, si nous avions gardé contact. Elle se redressa alors que nous cheminions vers la sortie. Mon bras se tendit vers la poignée. C'était étrange de retrouver une complicité qui n'avait jamais réellement existé. Je prenais mes aises avec elle. Je me sentais libre de prononcer les mots avec la pointe d'ironie nécessaire et le rythme enjoué. «C'est évident. Si tu n'as aucune obligation ou si personne ne t'attend maintenant, je pourrais t'offrir un café. Et j'ai des barres de céréales dans mon sac.  » Elle m'adressa un clin d’œil taquin. Mon regard était presque émouvant, je la fixais avec étrangeté avant de laisser échapper un rire cristallin. Elle n'avait pas oublié. Cette pensée me remplissait d'une sensation inexplicable, à mi-chemin entre l'euphorie et la mélancolie. «Sinon, tiens, mon numéro, si tu veux absolument qu'on se revoit. T'as pas peur que je sois devenue une stalkeuse ou une psychopathe au moins ?» Elle ne me laissait pas le loisir de rétorquer. Elle tourna le dos après m'avoir donné son numéro. Je me précipitai à sa suite, faisant racler mes talons contre la chaussée pour la retenir. « Attend. » Elle se retourna afin de me remercier pour le livre. Je haussai les épaules en lui barrant le passage. Elle ne pouvait pas partir aussi vite. Je n'avais jamais eu l'occasion de lui dire au revoir, avant. Et maintenant, je ne voulais pas qu'elle me quitte. «C'est moi le stalkeur. Tu as promis un café et tu t'en vas. C'est quoi cette logique ? J'ai soif. » Je me postai à ses côtés, un sourire espiègle tatoué sur les lèvres. Puis je l'entraînai vers un petit bistrot au coin de la rue. Un endroit simple et rustique qui correspondait mieux à notre passé commun. «J'écris à mon compte. J'ai quitté le Times UK pour me lancer dans l'indépendant. Je suis journaliste financier, c'est barbant. Et toi ? Tu écris aussi ? » Je l'invitai à s'installer en terrasse, tirant sur une chaise pour qu'elle puisse s’asseoir confortablement. Le serveur s'approcha de notre table et je levai le bras afin de récupérer les menus. Elle avait promis un café mais, soyons fous, je pouvais bien boire un whisky à 11h du matin.
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() message posté Sam 21 Mai 2016 - 10:25 par Invité
C'était presque un miracle de retrouver Julian Fitzgerald dans cette petite librairie du nord de Londres après tout ce temps sans le voir. Elle s'arrêta un instant pour l'interroger du regard, pour comprendre, pour deviner le fond de ses pensées. Mais Lou n'en possédait pas le pouvoir. Elle avait pensé qu'il voulait retourner à sa vie, tout simplement, que leur échange s'arrêterait devant la librairie. Comme si leur relation ne pouvait pas s'étendre au-delà de ces murs recouverts de livres. Enfants, leur amitié fictive avait été enfermée entre les murs de la bibliothèque municipale et elle pensa que l'histoire se répéterait encore aujourd'hui, qu'ils ne pouvaient pas se parler dehors. « C'est moi le stalkeur. Tu as promis un café et tu t'en vas. C'est quoi cette logique ? J'ai soif. » Elle lui sourit, amusée par la façon qu'il avait d'insister, comme si elle venait volontairement de le rejeter. « Tu aurais pu être attendu quelque part. » se justifia-t-elle simplement, remontant sur son épaule, la lanière de son sac qui retombait toujours jusqu'à son coude. Elle se laissa guider par Julian qui marchait vers un petit bistrot qu'elle connaissait très bien. Un endroit chaleureux, petit, qui donnait l'impression de rentrer à la maison après un long périple. Les prix n'y étaient pas très élevés, ils rentraient presque tous dans son budget et elle pouvait venir déjeuner souvent ici sans avoir peur de finir le mois avec les poches vides. Ça aurait été embêtant si Julian avait choisi un autre endroit et elle n'aurait pas su lui expliquer si elle avait dû refuser. Si elle avait dû lui expliquer la pauvreté dans laquelle elle vivait du matin au soir, du premier jusqu'à la fin de chaque mois. « J'écris à mon compte. J'ai quitté le Times UK pour me lancer dans l'indépendant. Je suis journaliste financier, c'est barbant. Et toi ? Tu écris aussi ? » Il tira une chaise avec galanterie pour l'inviter à s'assoir et elle se mit à sourire, étonnée de la facilité qu'ils avaient à parler l'un avec l'autre, comme deux amis l'auraient fait après des années sans se voir. Il avait été longtemps son ami imaginaire, celui qui était là mais à qui elle ne parlait pas. Et aujourd'hui enfin, ils discutaient et s'intéressaient l'un à l'autre pour apprendre à se connaitre. Le monde de la finance ne l'attirait pas particulièrement et elle songea, que si Julian n'aimait pas, ça avait été idiot de se tourner vers cette spécialité. « Journaliste financier, écrivain et stalkeur, quelle belle réussite. Pourquoi avoir choisi la finance si c'est barbant ? » Elle lui adressa un sourire complice avant de détailler la carte que Julian venait de récupérer. La question était peut-être indiscrète, après tout, choisir sa voie ressemblait à un choix un peu intime, privé, qui ne se partageait pas forcément avec le reste du monde. Mal à l'aise, Lou tourna une page au menu, cherchant un moyen de lancer une nouvelle conversation, n'importe quoi. « Vu l'heure, on pourrait déjeuner non ? Je commence à avoir un peu faim. » Inutile de préciser qu'elle n'avait pas pu prendre de petit-déjeuner avant de partir parce que ses placards étaient vides. Elle baissa aussitôt la tête pour ne pas avoir à croiser son regard, se cachant derrière sa carte à la recherche d'un plat végétarien qu'elle n'aurait pas encore goûté. « Je travaille pour Channel 5, dans la section des faits divers. Tu m'as sûrement jamais vu, je couvre des sujets un peu inutiles qui n'intéressent personne généralement. » Ce n'était pas totalement faux. Si ses frères regardaient, ils en profitaient surtout pour se moquer. Les autres s'excusaient toujours ne pas l'avoir déjà vu à la télé. « Sinon je fais de la musique mais j'écris pas. Ce n'est pas l'envie qui manque pourtant. D'ailleurs, tu penses écrire un second livre toi ? Je suis étonnée qu'on se soit pas revus plus tôt, tu vis toujours à Londres ? » Après tout, il ne pourrait être que de passage en ville.
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() message posté Dim 5 Juin 2016 - 20:40 par Invité

“Our memory is a more perfect world than the universe: it gives back life to those who no longer exist.” Il n’y avait aucune promesse de lendemain. Je regardais Lou Kipling en souriant. J’avais passé de longues journées à guetter sa silhouette de l’autre côté de la table. Son visage s’illuminait entre les rangées de livres. Je me souvenais de ses doigts qui effleuraient les rebords poussiéreux et de son mouchoir en papier. Je ne l’avais jamais aimé. Je ne lui avais pas parlé. Je m’étais complètement imprégné dans son univers. J’avais fermé les yeux et j’avais plongé dans son charme mystérieux. Je lui avais inventé un million d’histoire, et dans chaque revers, je la rencontrais au bout de l’allée. Elle me tendait une barre de chocolat. Elle se décalait de mon étreinte, puis elle disparaissait pendant des années. Comment était-il possible de se lier à une inconnue ? Je souris en me redressant dans la rue. Le vent sifflait dans mes oreilles ; il chantait les psaumes de nos retrouvailles fortuites. J’observais la démarche de Lou. Je la suivais à travers les remparts de la ville, comme subjugué par sa démarche nostalgique. Je ne ressentais jamais la mélancolie de mon enfance. Ma mère était morte. Mon père était alcoolique. Tous mes souvenirs étaient ternis par la désillusion, mais cette sensation de quiétude était étrangement agréable. J’insistais pour prolonger notre conversation. Cela me semblait presque naturel. « Tu aurais pu être attendu quelque part.» Je hochai la tête d’un air malicieux. Mon regard glissait sur les pavés grisonnants de la ville alors que nous prenions la direction du bistrot. Je n’étais pas attendu. Et même, j’aurais probablement annulé. Il n’y avait pas d’urgence au journal. Nous avions enfin réussi à trouver un équilibre. « Journaliste financier, écrivain et stalkeur, quelle belle réussite. Pourquoi avoir choisi la finance si c'est barbant ?» J’esquissai un sourire désinvolte. En réalité, ma spécialité état trop pompeuse. Les gens étaient facilement impressionnés par les termes complexes et les concepts de la bourse. Il y avait des oscillations dans les politiques, des fraudes et des tentatives de manipulation de l’opinion publique. J’étais passionné par les jeux de l’esprit. «Mon père était banquier et ma mère journaliste. Je me suis retrouvé dans la finance. C’est juste du hasard. Mon psy pense que je cherche une sorte de reconnaissance. Et que ça explique mon obsession pour la réussite. » Raillai-je en sortant mon paquet de cigarettes. C’était une fausse interprétation. J’avais des rêves. J’avais des objectifs. Voilà tout. Je fis tourner les pages du menu entre mes doigts. Il y avait un large choix de boissons, je me demandais s’il était inapproprié de commander un whisky mais la voix de Lou me tira de ma torpeur. « Vu l'heure, on pourrait déjeuner non ? Je commence à avoir un peu faim.» Je souris en faisant l’inventaire des plats proposés. Je n’étais pas friand de nourriture. J’avais pris l’habitude de manger le soir. Je pinçai les lèvres en choisissant une salade de crudités. « Je travaille pour Channel 5, dans la section des faits divers. Tu m'as sûrement jamais vu, je couvre des sujets un peu inutiles qui n'intéressent personne généralement.» J’étais attentif à son discours. Je passais sur les chaînes mais je ne m’étais jamais retrouvé devant son émission. Peut-être par manque de temps. Un serveur s’approcha de notre table. Je relevai mon visage afin de passer ma commande, puis j’attendis que Lou en fasse de même. « Sinon je fais de la musique mais j'écris pas. Ce n'est pas l'envie qui manque pourtant. D'ailleurs, tu penses écrire un second livre toi ? Je suis étonnée qu'on se soit pas revus plus tôt, tu vis toujours à Londres ? » Je n’étais pas étonné qu’elle ait un penchant artistique. Elle avait une éloquence particulière. Je l’imaginais avec une harpe, un violon ou un piano. Un instrument gracieux qui ceignait parfaitement ses traits délicats. Je fis la moue en me penchant vers le centre de la table. «Je joue de la cornemuse. Mais c’est un secret. Il n’y a que deux personnes qui le savent. Toi et ma femme. » Couinai-je sur un ton conspirateur. Je pouffai de rire en retrouvant le dossier de ma chaise. «J’écris toujours quelque chose. Mon éditeur pense que ce serait bien que je lance le deuxième volet de leaving Berenice mais je préfère le garder pour moi. Il est trop personnel. Je ne veux pas me vendre à ce point. » J’avalai une gorgée d’eau en la regardant. Je ne savais pas si elle serait capable de comprendre ce choix. Elle était peut-être familière avec le résumé de mon livre. Je parlais de mon histoire. De l’handicap de ma compagne. Après mon bref succès, ma gloire était biaisée. J’avais l’impression d’en avoir trop dit. D’afficher nos faiblesses et notre intimité. «Oui. Je suis revenu il y a presque deux ans. Tu n’as pas bougé ? » M’enquis-je avec douceur.

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() message posté Sam 18 Juin 2016 - 8:44 par Invité
En moins d'une heure, elle en apprenait plus sur Julian qu'au court de leur enfance, à se regarder dans les yeux, chacun assis sur une chaine de la bibliothèque municipale. Elle pouvait poser des mots sur lui après l'avoir longtemps considéré comme un ami imaginaire, le fruit de son imagination, le rêve de la petite fille qui souhaitait avoir un ami. Son père était banquier, sa mère journaliste et lui aussi, spécialisé dans la finance. Et apparemment, il consultait un psychologue. Il avait une voix plus grave que dans ses souvenirs et il était nettement plus grand qu'elle. De vingt bon centimètres probablement. Assis devant une table, Lou n'avait plus à relever la tête pour le regarder, comme elle avait toujours dû faire avec Swann ou ses frères. « Je joue de la cornemuse. Mais c’est un secret. Il n’y a que deux personnes qui le savent. Toi et ma femme. » Le serveur déposa leurs boissons sur la table alors que son regard s'illumina tout à coup, heureuse pour Julian. Instantanément elle pensa à Swann, se demandant où il pouvait être, avec qui et si il avait encore joué au poker toute la nuit. Elle aurait aimé parler de lui comme Julian avouait librement être marié. « Tu es marié ? Félicitations. » Elle se rapprocha aussi du centre de la table pour chuchoter comme il faisait. « Promis, je le répéterai à personne pour la cornemuse. Si tu me promets d'en jouer un jour. » Elle pouffa de rire en l'imaginant en jouer ou si elle avait l'idée de le présenter à ses frères et sœurs en avouant trouver un nouveau membre pour leur groupe. Elle pouvait déjà voir la tête blasée de Leo qui tournoierait autour de Julian avant de clamer avec nonchalance que la cornemuse n'est probablement pas un instrument. Elle avait presque oublié ce qu'était d'être en compagnie de Julian. Mais finalement, elle ne l'avait jamais vraiment su. Il apportait un nouveau souffle dans sa vie et après tous ces mois particulièrement difficiles, elle appréciait d'autant plus sa présence. « J’écris toujours quelque chose. Mon éditeur pense que ce serait bien que je lance le deuxième volet de leaving Berenice mais je préfère le garder pour moi. Il est trop personnel. Je ne veux pas me vendre à ce point. » Avec ses manières un peu pompeuses et pourtant désinvoltes, Julian avait une dégaine qui lui était propre. Et Lou le regardait, un sourire étirant ses lèvres, amusée de retrouver ce vieil ami de son enfance. Elle avait hâte de retourner à son appartement pour lire le livre de Julian, elle avait hâte de tourner les pages, de sentir l'odeur typique des livres neufs et de se plonger dans le récit qui peuplait les pages. Elle ne voulait pas montrer son enthousiasme alors que le roman semblait personnel, loin de là l'envie d'être trop curieuse, trop déplacée. Elle avait juste eu le temps de lire le résumé dans la librairie mais elle comprenait le choix de vouloir garder sa vie intime privée. « Oui. Je suis revenu il y a presque deux ans. Tu n’as pas bougé ? » Elle sourit, tirant au même moment une mèche qui lui retombait devant les yeux. Elle retira ses coudes de la table lorsque le serveur revenait avec leurs assiettes et elle déposa délicatement une serviette sur ses genoux. « J'étais à Dorking la semaine dernière pour un reportage. Un pâtissier voulait battre le record du monde du plus grand cookie. Donc non, j'ai jamais vraiment bougé d'ici. » Pas l'occasion. Pas les moyens. Elle était curieuse de savoir où Julian avait pu voyager mais elle supposa que c'était trop indiscret. A vrai dire, elle n'en savait rien. Levant machinalement sa main pour s'emparer de sa fourchette, elle commença tout doucement à manger son plat végétarien. « Pour ton livre, je comprends que tu veuilles garder la suite pour toi. Tu pourras toujours écrire autre chose. J'ai déjà hâte de lire le premier. » Elle avait beau ne pas encore avoir lu le premier roman de Julian, elle savait que dans chaque livre, l'auteur y mettait sa touche personnelle. Écrire un livre, c'était une forme d'intimité pour un écrivain. Mettre la lumière sur un sujet qui touche en plein dans le cœur. Son éditeur aurait dû comprendre ça. « Mais sinon, dis-moi tout, tu es marié depuis quand ? C'est fou, la dernière qu'on s'est vu t'étais encore un bébé. » Pas réellement, mais il était encore un enfant, à peine un ado. Il récupérait ses barres de céréales et aucun, ni lui ni Lou, n'aurait pu placer des mots sur le sujet des cœurs brisés.
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