(F) GEMMA ARTERTON, curiosité.

« Monsieur Sullivan n’est pas là, repassez plus tard ou prenez un rendez-vous. » C’était exactement le genre de phrase qui attisait la curiosité de Wells, il arqua un sourcil de son bureau, tendant l’oreille. « Et comment est-ce qu’on est sensés prendre rendez-vous si, à chaque fois qu’on appelle, on nous dit qu’il n’est pas là, hein ? » Il plissa les yeux en entendant une voix féminine, voix certes très agacée, mais féminine. Les femmes se ne bousculaient pas, les mains pleines de plans et de projets, aux portes de l’entreprise. Au grand damne de Wells qui répondaient à ceux qui affirmaient qu’elles n’avaient pas d’idées, que c’était car les hommes les décourageaient avant même qu’elles n’aient la chance d’essayer. D’ailleurs, il était certain que bon nombres des inventions qui avaient changé la vie de ce siècle avait été imaginées par des femmes et volées par des hommes. D’un geste vif et visiblement répété, il réajusta sa cravate avant de sortir de son bureau. « Oh, Monsieur Sullivan, je ne savais pas que vous… » Il ne prêta aucune attention à Murphy qui semblait fondre dans son costume mal taillé, mais se focalisa sur la personne qui avait fait intrusion dans le hall de l’entreprise. Elle avait les cheveux bruns relevés vers le haut dans un chignon lâche, le nez rougi par le froid Londonien et les lèvres rougies par Yves Saint Laurent. Sur son visage, il y avait des constellations de tâches de rousseurs. Il n’attendait véritablement pas à ça mais elle était sublime. Dans ses bras, il distinguait plusieurs dossiers, ainsi qu’un rouleau qui cachait, s’il ne faisait pas fausse route, des plans. Cela attisa encore plus sa curiosité. « Wells Sullivan, ravi de vous rencontrer. Vous êtes ? » fit-il, tendant la main. Etape une, mettre en confiance avec un possible client. Il saisit la sienne, qui était étonnement douce et délicate. « Rowena. »   ajouta t-elle simplement, sans sentir le besoin de préciser son nom de famille où de faire usage de quelconque forme de politesse. Il arqua un sourcil, croisa les bras et reporta son regard sur ce qu’elle tenait dans ses bras. « Très bien, Rowena, vous avez exactement quatre minutes pour me convaincre de vous gardez plus longtemps. » « Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il se passe après quatre minutes ? Le bâtiment explose ? » plaisanta t-elle ironiquement, son regard alternant entre Wells et Murphy. « Non, je m’ennuie. » En vérité, c’était totalement faux, Wells pouvait passer des heures à étudier un projet s’il y trouvait du potentiel pourtant, et sans savoir l’expliquer, voir son visage devenir pâle l’amusait. « Eh bien, euh… » Wells soupira en la voyant étaler ses plans et ses dossiers partout sur le bureau de McLaggen qui n’apprécierait sûrement pas cela s’il était présent. Il l’observa en silence, jeta un coup d’oeil au plan déroulé. De nos jours et depuis l’aire technologique, rares étaient les personnes qui utilisaient encore des plans dessinés à la main. Thomas Eddison utilisera probablement photoshop ou powerpoint pour ses ampoules, cela l’intéressait aussi. Il l’écouta parler, sans l’interrompre un seule fois, alors qu’il pouvait apercevoir Murphy dans son champ de vision qui lui lançait des appels du coin des yeux. Son projet était un peu décousu mais dans l’ensemble, elle semblait savoir où elle allait. Plus que cela, il reflétait ce pourquoi il avait fondé cette entreprise, un produit qui servirait au quotidien et à tous les monde, pas seulement aux patrons de Shoreditch. De toutes évidences, Rowena l’avait bien compris. Lorsqu’elle eu fini, il resta silencieux quelques instants. Elle scruta son visage avec ses yeux grands yeux, comme si elle cherchait à savoir ce qu’il pensait. « Comment est-ce qu’un produit aussi cher pourrait supporter le marché actuel ? Qu’est-ce qu’il a de plus que tous les autres aspirateurs sur le marché ? Vous n’appartenez pas à une marque, ni à un label, qu’est-ce qui vous fait pensez qu’un consommateur se tournera vers votre produit, qui n’a pas d’avis de consommateurs, est plus onéreux que la moyenne des supermarchés et semble compliqué d’utilisation, plutôt que vers une marque qui le rassure, comme Dyson par exemple ? » Les lèvres s’entrouvrirent mais avant qu’elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, Wells jeta un coup d’oeil à sa montre. « Vos quatre minutes se sont écoulées. Merci de votre temps. » Il acquiesça pour terminer la fin de la discussion et fit demi tour. « Et comment est-ce que je pourrais obtenir quatre minutes supplémentaires ? » Il s’arrêta en chemin et se retourna. « Un diner, vendredi soir ? » La jeune femme regarda ses plans, l’ensemble du bureau puis reporta son regard sur Wells, qu’elle dévisagea. « Non merci, je verrais avec votre secrétaire plutôt. »   Un petit rire se distinguait dans le silence absolu du bureau. « Vous êtes peut-être le roi de Wall Street, mais vous êtes loin d’être le roi de coeur. » Il se retourna vers son associé, le regard noir et rempli de mépris. « Murphy, je suggère à vous et votre poésie, d’aller cordialement vous faire foutre. »