Coquilles Saint-Jacques et bœuf bourguignon au dîner, le soir. Le regard vide et las, mangeant silencieusement.
Ils nous contrôlent fut sa pensée pour le reste du souper. Une voix, comme sortie de nulle part, alors qu'elle se trouvait être en face d'elle. « Ana, are you alright ? » Se mettre à nu et parler de ce qu’elle éprouvait n’était pas vraiment dans les attributs de la jeune femme. Depuis son adolescence, elle avait appris à ne rien laisser transparaître sur son visage de poupée de porcelaine. Alors la brunette avait façonné ce masque presque glacial pour se protéger, qu’elle avait amélioré au fil du temps. En tout amour paternel, Anastasia et son père ne formaient plus qu'un après la mort de sa mère, quelques secondes d'inattention causant un accident de la route. En tout état de cause, ça devait être l'absence d'une femme dans son cœur qui l'avait poussé à devenir ce petit bout de tristesse. Car, bien même si ses grands-mères et sa tante étaient présentes, il était naturel que ce fut un amour distant et non rapproché ! Ce n'était pas de l'amour maternel ou du moins, une des branches de cet amour. Mais il est clair qu'Anastasia se fichait de savoir de quel amour était-il constitué : cela l'importait peu. Ce qui comptait pour elle, c'était sa mère et c'est tout.
Née un beau jour du mois de mars, l'accouchement ne se passa pas avec trop de mal. Un beau bébé venait de faire son apparition dans le monde des merveilles. Les sages-femmes disaient avec bonheur qu'elle était un chef d'œuvre de la nature.
L'enfance, passée à l'école avec quelques moments de solitude voulus et à la maison, se passa ni bien ni mal : ce fut une enfance normale, comme celle des enfants qui provenaient de gens de la classe moyenne. Initiée très tôt au jeu d'échecs, ce fut un de ses loisirs principaux avec le dessin, traits artistiques et compétence de la logique qu'elle gardera longtemps. Qualifiant cela de comblement de ses journées vides, Anastasia en gardera de bons souvenirs, que ces séances de relaxation se soient passées avec son père et sa mère ou non. Quelques rires passaient par là lorsqu'elle se retrouvait avec ses vrais amis : Jesse, Amy et Joshua. Le quatuor se retrouvait souvent à la maison des uns et des autres pour jouer ensemble à la balançoire ou à cache-cache. Ayant également pour loisir le fait d'écouter sur des cassettes les contes, la jeune femme put ainsi avoir le plaisir de rêver lors de quelconques journées ayant été fatigantes. Et pour ne citer plus que cela, la Bible s'intégra rapidement dans sa vie d'enfant : elle fut élevée dans l'amour de Dieu par sa mère, ne jurant souvent que par cela à présent dans sa vie.
L'adolescence, pour la jeune femme, n'était pas une période très pénible de sa vie, mais elle ne fut pas très joyeuse non plus. Les changements physiques lui apportaient questionnements divers et le fait de se poser beaucoup de questions dans sa tête n'arrangeait rien : son esprit s'embrouillait rapidement. Bonne élève, sérieuse en cours et ne bavardant que très peu, ses parents furent fiers d'elle. L'adolescence fut une période où la jeune femme admira beaucoup ses parents, en quête d'idoles. À un festival de son école, elle gagna le prix de la meilleure histoire ce qui lui permit de rendre, grâce à cela, sa vie un peu plus joyeuse.
Le jour arriva. Apparemment, d'après certaines sources, la mère d'Anastasia, Gwendolyne Shields, eut un accident de voiture avec un camion sur la route qui la menait chez elle. Le conducteur de l'autre véhicule, Charles Wayne, conduisait en état d'ébriété. La mère de la jeune femme, elle, avait eu quelques secondes d'inattention. Une erreur fatale pour eux deux puisqu'ils furent tués sur le coup. Un bout d'Ana disparut ; elle fit une profonde dépression à cause de cela et fut obligé d'aller à l'hôpital puis d'arrêter d'aller à l'école pour un certain temps. L'amour pour Dieu ne fit que grandir de jour en jour, Anastasia lui suppliant, lors de ses prières, de ramener sa mère. Pour arriver à tout payer, que ce soit le loyer ou même les passages à l'hôpital, le père de la brunette, James Shields, dût travailler un peu plus ; néanmoins, la famille aida financièrement pas mal de choses. Il, James bien évidemment, les remercia pour ces actes chaleureux dont sa fille et lui bénéficiaient. Afin de pouvoir aller dans une bonne école et d'aider son père, la jeune femme fit du baby-sitting ou tout autre sorte de choses comme promener les animaux, laver la voiture des gens ou livrer le journal. Anastasia Shields ne fut pas la seule à être meurtrie de cette mort soudaine ; James Shields fut, dirait-on, plus touché. Les deux jeunes gens se réconfortaient mutuellement quand cela n'allait pas et la jeune femme montra beaucoup de disponibilité auprès de son père.
Anastasia Shields est désormais une grande fille et bientôt une adulte, pourrons-nous peut-être dire, mais nous ne pouvons annoncer que peu de choses à propos de cette période, ou de ce passage. Désormais étudiante en botanique, elle reste des heures dans des parcs ou dans une forêt pour observer les plantes qui s'y trouvent. Également, elle déménagea avec son père de l'Allemagne il y'a quelques mois pour Londres, la raison étant de vouloir s'éloigner des problèmes rencontrés et de renaître afin d'avoir une vie plus joyeuse.
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Geste semblant ralentir le temps, craquement d'os et bruit de silence en fond, Anastasia regarda son père dans les yeux. Cappuccino à présent, la mousse représentant le flot de larmes qu'elle retenait en elle. Tout était si grand et si malheureux. Alors, tout doucement, le père de la jeune femme se leva, fit la même chose pour sa fille et la prit dans ses bras.
Quelle place tenait-elle sur cet échiquier ? Celle du pauvre cavalier tombant au combat.